24 - Le jeu
Point de vue de Hazar
Après l'incident de la bataille, la semaine passe avec une monotonie déchirante. J'enchaine les entraînements de l'armée, mes entraînements personnels et mes visites quotidiennes aux salles de torture comme un robot habitué à sa routine, les sentiments faisant partie de la benne à ordure.
Il passe chez Dimitri chaque jour, l'entend se défendre, puis le frappe jusqu'à le décorer de nouveaux bleus et repartir comme il est entré. Kayden le frappe fort et violemment, il ne sort pas sa haine envers Dimitri, mais sa haine envers lui-même, envers ce qui s'est passé, envers la douleur de Crystal qui, elle, commence à comprendre que Dimitri l'a déserté pour un cauchemar qu'elle a vécu de force, et cela ne fait qu'aggraver sa douleur.
Je monte les escaliers menant au bureau de mon leader. Après quelques jours, il me demande enfin de le retrouver dans cette salle. Le battement effrayé de mon cœur me met en position d'urgence. Mon instinct est aussi sincère envers moi qu'un enfant envers sa peluche, il ne me ment jamais et je sens que cette visite soudaine cache quelque chose de gros sous le masque de Kayden.
La porte du bureau est enfin visible devant moi, elle pivote sur ses gonds en laissant paraître une silhouette de plus dans ce couloir presque désert.
- Ah, bonjour, sourit mon interlocutrice d'une voix accueillante en venant me serrer professionnellement la main.
Sa main bronzée contraste avec la mienne, presque pâle et décorée de veines gonflées de l'effort à l'épée. Mais ce contraste reste une douce petite différence comparé à la discordance phénoménale qui entoure nos deux silhouettes posées face à face. Ma tignasse blonde relâchée librement et sa chevelure noire relevée en queue de cheval. Sa robe serrée accentuant son anatomie mince et ma tenue accentuant le fait que je viens de sortir d'un entraînement intensif qui n'a rien de sexy.
- Kayden t'attend dans son bureau, reprend Jade en remarquant mon mutisme.
- Oui, répondé-je enfin en passant mes deux mains à plat sur mon pantalon pour le dépoussiérer tant que possible. Il m'a demandé il y a un instant.
- Exacte, affirme-t-elle. Mais, un conseil : Fait attention.
Mes sourcils s'unissent quand j'entends cette prévention. Jade se contente d'humecter ses lèvres roses en guettant ma réaction tel un chien de chasse, et cachant cela comme un renard enfui derrière les buissons de l'innocence. L'attention m'accompagne comme un chien fidèle depuis que j'ai fait un pas de plus vers le sommet de la montagne hiérarchique de Bravery.
- Attention à quoi ? Lui demandé-je en reprenant mon regard moqueur et désintéressé.
- Tu connais Kayden, reprend-elle d'une voix amicale. C'est un iceberg pourvu d'un volcan en éruption. Il ne le montre pas, mais quand il est énervé, moi, je le sais. Son volcan est sur le point d'exploser, et la banquise ne peut rien contre un volcan en éruption.
- C'est au sujet de la défaite et du piège de Moord ? Hasardé-je.
- Oui... Encore. Il y a aussi le fait que quelqu'un a mouchardé notre tactique de guerre à l'ennemi. Et il ne laissera pas l'eau de cette rivière couler au calme.
Cette dernière phrase désintègre tout ce qui est solide en moi. Mes os ne me retiennent plus, mes muscles ne m'aident plus à bouger, mes poumons n'acceptent plus l'air que je fais entrer en moi. Tout mon organisme se révolte de la trop grande quantité de surprises que je reçois ces derniers jours. Il se relâche complètement, accrochant une pancarte « CLOSED » sur mon front.
- Qu'est-ce que tu veux dire par là ? Sifflé-je en reliant les pièces du puzzle dans ma tête.
- Ta position est critique. Je ne fais que te prévenir, Kayden ne laissera pas ça passer.
Elle disparaît dans le couloir pour se faufiler je ne sais où. Elle me prévient ? Je vois ça comme une menace. Le fait que Kayden pose ma photo en plein milieu des suspects lui fait plaisir.
Je me retourne et lève mon majeur dans la direction que celle-ci a pris pour disparaitre. Elle ne voit peut-être pas le doigt d'honneur qui lui est destiné, mais elle le mérite sûrement cette fois.
Je prends mon courage à deux mains, obligeant mon corps à se relever pour la énième fois, et toque trois fois sur la porte fermée. Un « Entre Hazar » rauque et sec comme son propriétaire résonne à travers le mur qui nous sépare. Quelques mouvements plats et rapides tel que ouvrir la porte et marcher à l'aide de pas pesés et lents suffisent pour que je me retrouve assise sur un des fauteuils devant Kayden. Il lit silencieusement des papiers posés sur son bureau qui semblent plus importants que moi.
Dans cette position, sa mâchoire paraît encore plus carrée que d'habitude. Si la virilité était un condiment salé, cette barbe de trois jours ajoute une grande cuillérée de sel dans une soupe principalement composée de cet or blanc.
- On va rester silencieux pendant longtemps ? Soufflé-je.
J'ai conscience que mon insolence va accélérer la date d'explosion du volcan, mais on va dire que je n'en ai rien à foutre. Attendre sagement que le chef de Bravery ouvre le sujet de la trahison ne me fait pas plaisir. Soit j'ai à fuir ce sujet et enlever les soupçons collés à moi comme des mouches sur une merde, soit je dois rapidement en finir de cet interrogatoire surprise et m'en aller rapidement.
Il ne me regarde toujours pas et continue à lire tranquillement ses documents. Je comprends alors qu'il a l'intention de finir sa lecture tranquillement avant de me parler.
La petite chaleur qui brûle dans mon cœur - ou plutôt dans mon bas ventre - ne m'a toujours pas quitté. Même le voir dans son costume noir me fait toujours ce petit effet. J'essaye d'ignorer ce petit détail qui s'agrandi au fur et à mesure que le temps passe sans qu'il me calcule, qu'il expire bruyamment quand il lit quelque chose qui ne lui plaît pas, qu'il passe sa langue sur le bout de son doigt pour tourner la page...
Mais merde il est doué pour me brûler !
Ce n'est qu'un stupide désir. Mais un désir qui va finir par me rendre folle s'il continue. Peut-être qu'une partie de jambes en l'air avec quelqu'un de la base me fera oublier ça...
- Excuse-moi, je devais terminer ça, commence-t-il d'une voix posée en rangeant ses papiers.
- Aucun problème, menté-je en le voyant relever la tête vers moi.
Il sourit en coin et arrange le col de sa chemise sombre.
- En fait si... il y a un problème.
Sa mâchoire se contracte et se relâche rapidement. Il semble mâcher un chewing-gum imaginaire et le crache en expirant bruyamment.
- Tu sais de quoi je suis venu te parler, je me trompe ?
- Non, répliqué-je en croisant mes jambes. Je serais conne pour ne pas savoir que notre « discussion », si je peux l'appeler comme ça vu que c'est juste toi qui va parler et moi écouter, porte sur un certain traître.
Il grimace en hochant la tête, faussement impressionné. Je sais que son jeu commence quand il pose ses deux mains à plat sur son bureau. Son regard bleu indécis cherche mon âme un instant pour la trouver enfuie dans mes iris. Il pose ses yeux sur ceux-ci et ne les quitte pas d'une seconde. Ce regard est le feu supplémentaire qui fait bouillonner mon bas ventre.
Son jeu de vérité débute. Le but est simple : Avoir la vérité à travers moi. Les règles le sont encore plus : Il n'y en a pas. Il a le droit de me torturer, mentalement et physiquement, me brutaliser, me menacer... tout pour avoir la vérité, mon aveu. Quant aux démarches qu'il choisit, elles sont beaucoup plus complexes : Il laisse la violence de côté et se concentre sur une arme encore plus puissante : La psychologie. Jouer soigneusement avec les fils de mes nerfs jusqu'à me contrôler comme une marionnette avec ceux-ci.
Dans ce jeu, il est le maître incontesté...
Je ne suis que plateau et l'enjeu en même temps. Les cartes... mais aussi le gain.
Ses yeux, azur clair à un moment et bleu puissant à un autre, commencent leurs rondes en se faufilant délicatement entre mes pupilles qui le scrutent de même.
Je ne le laisserai pas me faire flancher...
- Tu as une idée de qui pourrait faire ça ? M'interroge-t-il d'une voix sérieuse.
Je laisse un rire moqueur sortir de ma gorge quand je me penche pour appuyer mon avant-bras sur son bureau en bois sombre.
- Non, mais je pense que vous avez votre idée qui est bien claire sur qui aurait pu faire ça.
Je n'évite pas ses attaques. Au contraire, j'attaque avant qu'il ne puisse le faire. Je lui arrache son épée des mains avant qu'il ne me transperce. Toutes mes cartes sont devant lui, je reprends le contrôle de la situation.
Je deviens maitresse du jeu.
Il fronce ses sourcils, entrouvrant ses lèvres que je ne peux m'empêcher de scruter pour quelques secondes que, j'espère, n'ont pas été assez pour qu'il le remarque.
- Je suis votre première et seule suspecte, accusé-je en renversant notre plateau de jeu.
Plus de cartes, plus de gain.
Un silence installe son rythme lent dans la conversation qui s'éteint brutalement. Kayden se lève de toute sa hauteur. Sa taille imposante me fait lever la tête jusqu'à m'en tordre le cou. Il cache ses deux mains dans les poches de son costume et montre ses dents parfaitement alignées, aux canines légèrement trop pointues.
- Pas du tout.
Alors que mon corps bouillonnait à feu doux, un seau d'eau froide me frappe en pleine face. Il redevient froid et sans expression quand il voit mon expression indéfinissable, jetant les derniers dés sur la table.
Il reste le maître du jeu, du moins jusqu'à la prochaine partie.
Je secoue vaguement la tête sans le quitter des yeux quand il fait quelques pas dans son bureau. Ma tête suit son mouvement comme un spectateur suivant la balle de tennis des yeux durant un match serré.
- Vous voulez rire ? Reprené-je.
- Pas du tout, dit-il en se retournant pour me refaire face. Tu n'es pas la personne que je cherche, pour moi c'est clair.
Il me regarde sérieusement, ses sourcils légèrement froncés et ses mains toujours dans ses poches. Je me résigne à abandonner la bataille et me tait comme une gamine. Il reprend son discours en faisant quelques petits pas en cercle dans son bureau, revenant toujours vers moi.
- Ne t'inquiète pas, je sais que tu n'es pas le Judas. Mais, tu pourras m'aider à le retrouver, explique-t-il. Tu vas surveiller de près le chef des attaques, de très près même. Le moindre pas que tu juges suspect devra m'arriver, c'est compris ?
Toujours sonnée par la tournure surprenante des évènements, je hoche la tête passivement. Le bruit de ses chaussures qui frottent le sol quand il arrête sa ronde et sort du cercle imaginaire qu'avait dessiné sa trajectoire pour s'approcher d'avantage de moi.
- Mais, me surprend-il en me demandant de me lever d'un mouvement de bras.
Je me lève d'un mouvement automatique, m'étonnant moi-même d'une telle docilité. Son regard joueur revient croiser mes prunelles. Mais cette fois, ce n'est pas le regard attaquant et agressif qu'il me jetait, mais un regard de confiance et de confidence.
- Quoi ? Lancé-je impatiemment en serrant ma mâchoire, sentant le feu de mon épiderme revenir à la vie, ainsi que la peur que le sujet de la trahison, duquel j'ai échappé avec justesse, revient sur la table.
- Tu sais autant que moi que tout est contre toi. Tes origines, tes comportements...
- Où veux-tu en venir Kayden ? Craché-je en essayant tant que possible de ne pas transformer notre discussion calme en un défi de puissance.
- Pour pouvoir défendre ton innocence, j'ai besoin de me débarrasser des obstacles, répond-il en lançant une énigme devant mes yeux.
Ses yeux quittent les miens pour se balader le long de mon corps. Son regard se relève après quelques secondes, qui m'ont laissé le temps d'analyser ses propos.
- Montre-moi ton ventre, souffle-t-il.
Je me crispe en fermant les yeux quand la chose que j'attendais se dessine bien clairement. Kayden n'a pas laissé passer l'incident de l'attaque dans la grotte d'il y a longtemps... le refus que je lui ai lancé quand il m'a proposé de soigner ma blessure est resté enfoui dans sa mémoire. Et c'est maintenant qu'il refait irruption Il attend calmement ma réponse, maintenant à quelques centimètres de moi.
- Il n'y a rien je te dis ! M'énervé-je. C'est juste...
- Hazar, siffle-t-il tel un parent autoritaire. Qu'est-ce que tu caches ?!
- Rien !
- Alors relève ton t-shirt, ordonne-t-il doucement.
Je lui souffle en pleine face, puis finis par capituler en faisant tomber mes bras de part et d'autre de mon corps.
Une décharge électrique traverse mon corps quand ses mains touchent ma taille à travers mon t-shirt, qu'elles relèvent lentement...
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Hey hey hey !!!
Finalement j'ai pu publier plus rapidement que prévu !!!
J'essaye tant que possible de garder mon rythme d'un chapitre par semaine (plus si possible). Du coup désolée si je vous ai fait attendre 🙏🙏🙏.
Aujourd'hui, j'ai fini d'étudier chez moi, et je me suis dit que je voulais écrire quelques lignes.
J'avais écris 1500 mots, je suis directement passée aux 2200 mots tellement j'étais inspirée !!
J'espère que ce chapitre vous a plu !!
On retrouve un petit jeu entre nos deux héros chauds bouillants ! 😍.
Du point de vue d'Hazar. Remarquez:
On ne sait toujours pas si c'est elle la traître ou pas ! J'aime bien vous faire languir, mais j'ai quand même glisser quelques indices entre les lignes 😉😉.
Donnez-moi vos hypothèses !!
Allez, peace !
~M.F~
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