12 - Cristal des fontaines
Un homme grand et brun me regarde en avançant un sourire diplomatique étincelant. Ses mains se logent dans les poches de son costume clair. Il est assez svelte et maigrelet, mais ce qui m'attire l'attention directement est son regard clair et perçant, ainsi que ses pommettes saillantes qui rendent son visage légèrement creusé.
- Vous êtes mademoiselle Leroy ? Demande-t-il d'une voix grave au ton aristocratique.
- C'est ce qu'on dit en effet, et tu es ?
- Yves Hunter, se présente-t-il en me tendant sa main.
Je la lui serre volontiers. Il sourit, remontant encore plus ses pommettes. Il lâche enfin ma main, je commence à penser qu'il n'a pas vraiment quelque chose à me dire jusqu'à l'instant où ses lèvres lippues s'ouvrent rapidement.
- Jonigan vous demande dans son bureau, il m'a dit que c'est assez urgent, vous devriez faire vite.
Jonigan me demande rarement dans son bureau. Quand il le fait c'est souvent pour des récompenses que reçoivent plusieurs combattants qui ont excellé dans une attaque. Mais maintenant, j'ai un nouveau poste, de nouvelles responsabilités, et cette demande soudaine ne me laisse pas de marbre. J'espère que ce n'est rien de grave. Je hoche ma tête passivement devant l'homme qui se tient toujours devant moi.
- D'accord... En fait, lancé-je après avoir tourné les talons. Je ne vous ai pas vu avant aujourd'hui...
- C'est normal. Je sors rarement de la base, mon travail est plutôt centré dans les relations entre les différentes parties de la base. Vous êtes combattante, votre place est plutôt éloignée de la mienne, sourit-il gentiment.
Je me contente d'approuver avant de me retourner une autre fois pour monter dans les grands escaliers menant au bureau de Jonigan.
***
- Le suivre partout ?! Mais pourquoi ?
- Tu devrais apprendre à baisser d'un ton Hazar, jauge Jonigan d'une voix cordiale et enjouée. Ca ne me pose aucun problème à moi mais...
- Mais ça ne plaît pas à monsieur Blakemore, me moqué-je en grimaçant.
Il ricane en plissant ses yeux. Cet homme est aussi large que mon armoire, aussi musclé qu'un héros de manga en plein entraînement, mais je l'aime bien. Peut-être qu'il pourrait me tordre le cou rien qu'en soufflant dessus, mais le jour où il voudra le faire n'arrivera jamais. Il est bien trop sympa pour ça.
- Il ne m'en a jamais fait part en tout cas. Je ne pense pas que ça le dérange, tu te fais de fausses idées on dirait.
Son rire grave remplie la pièce d'une atmosphère réconfortante.
- Bref, lui sourié-je. Pourquoi je devrais suivre monsieur Kayden ?
Il passe sa grosse main sur sa nuque en grimaçant. Ses sourcils se froncent quand il pose ses deux coudes sur son bureau. Après l'épisode de la grotte, je n'ai toujours pas adressé la parole au leader et je n'en suis pas déçue. La moindre parole entre nous sera sûrement aussi bizarre que déroutante.
- Nous avons reçu plusieurs menaces des territoires ennemis, notamment Moord, prévient-il en faisant craquer son cou. Quelques hommes seront postés à une certaine distance de Kayden pour le protéger, et ceci vingt quatre heures sur vingt quatre, mais nous avons aussi besoin de quelqu'un pour rester avec lui, quatre yeux valent mieux que deux. Et vu que tu es son assistante, c'est plus ou moins ton travail.
Assister un des membres de la famille Blakemore est un des postes les plus hauts de la base pour quelqu'un qui n'appartient pas à la famille dirigeante, et le seul qui ne requiert pas des années d'étude ou d'expérience. J'ai de la chance d'avoir été repérée et d'avoir obtenu ce poste alors que je ne faisais que me battre en tant que simple combattante parmi des milliers d'Hommes qui manient habilement les armes.
- Bien, approuvé-je. Et maintenant il est où ?
- L'étage des tortures.
***
/!\ Attention: Ce passage contiendra quelques scènes violentes, mais aussi quelques vulgarités, vous l'avez sûrement compris puisqu'il s'agit d'une salle de torture. Ce n'est pas vraiment "traumatisant" vu les atrocités qu'on voit tous les jours, mais je préfère prévenir ;) Bonne lecture ! (Pour ceux qui souhaitent passer ce passage sans le lire (je ne vous le conseille pas mais bon vous pouvez faire ça) le passage violent se terminera quand vous verrez ce symbole : /!\ )
Alors que je pénètre dans le plus sombre étage de la base, des cris de douleur peuvent être entendus. Je ne peux les comprendre que trop bien. Être envoyé dans cette salle hostile n'est pas bon signe... Elle a tout pour donner envie de prendre ses jambes à son cou.
J'entre dans une des chambres de l'étage. La simple vue de l'intérieur de cette lugubre pièce ferait s'enfuir le soldat le plus endurci. Cordes, lames tranchantes, fouets, torches prêtes à consumer lentement la peau des prisonniers trouvent leur place un peu partout... Des chaînes ayant déjà servi de nombreuses fois pendent disgracieusement du plafond, et les pierres autrefois grises ont pris la couleur du sang séché. Le bruit des hurlements et l'odeur du vomis, du sang et de l'urine donneraient la nausée à n'importe quelle personne un peu trop sensible.
Parmi ce tas d'os, de liquides douteux et de cadavres se noyant dans leur propre sang trône gracieusement une silhouette droite et propre. Kayden est de dos, et les cris d'horreur de l'homme à ses genoux ne le touchent pas.
Je tousse lentement pour attirer l'attention du leader, qui se retourne en s'essuyant les mains. Il avait retroussé les manches de sa chemise tachée de sang, et relève la tête en m'observant d'un regard imposant.
- Tu tombes très bien Hazar, entame-t-il. Approche s'il te plaît.
Sa voix était mélodieuse alors qu'il recule de quelques pas, m'offrant une vue imprenable sur l'homme à genoux. Il ne porte qu'un pantalon déchiré mais, bizarrement, son corps est intacte, aucune blessure, aucune mutilation. Je fronce les sourcils en observant les mains de Kayden qui, elles, sont pleines de sang.
Soudain, l'homme gémis en toussant violemment, faisant gicler du sang dans toutes les directions. Sa bouche pleine de sang reste entrouverte après cette toux dégoûtante alors qu'il essaye pitoyablement de reprendre son souffle.
- Qu'est-ce que tu lui as fait ? Demandé-je en me tournant rapidement vers le tortionnaire.
- Secret professionnel, lance-t-il en affichant un sourire sadique au prisonnier. À toi de continuer.
Il recule davantage et m'invite à me placer devant l'homme. Celui-ci me transperce de son regard noir rempli de colère. Croiser ses iris quelques secondes suffiraient à faire fondre mon âme. Mais, malheureusement pour lui, mon âme a été forgée à l'aide de ces regards là, ils ne m'influencent plus du tout.
- Mes hommes ont retrouvé ce traître en train de fouiller dans le bureau du général d'attaque. Je te laisses l'honneur de le punir, finit-il en me regardant.
- On va bientôt venir me libérer ! Gueule l'homme en crachant sur Kayden.
N'importe quel autre homme l'aurait rapidement écrasé sous sa semelle. Mais Kayden se débarrasse calmement de la salive collée à sa chemise en regardant le traître.
- Tu es plus paumé qu'un fils de pute le jour de la fête des pères, crois-moi tu ne sortiras pas d'ici.
Il le dit si sereinement qu'on se croirait dans une réunion diplomatique. Le traître encaisse le coup en ravalant difficilement sa salive, toujours à genoux, les poignets attachés derrière le dos. Le leader me regarde et me donne le feu vert d'un hochement de tête.
- J'ai déjà eu les informations que je voulais. Il est tout à toi, annonce-t-il en s'appuyant sur le mur juste derrière moi.
J'approche de l'homme à genoux, et le regarde quelques longues et pénibles secondes avant d'enfoncer mon poing le plus violemment possible dans sa mâchoire. Le sang qui s'échappait de sa bouche quand il toussait coule de nouveau dans un mélange de bave et de liquide vital. Je le frappe encore quelques coups histoire d'augmenter l'adrénaline dans mon corps, et la terreur dans le sien. Sa machoire craque sous ses doigts. Je sens le regard de Kayden dans mon dos quand je marche quelques pas pour attraper une lame accrochée au mur.
- Salope ! Je t'assure que tu vas le regretter !!
Cette lame pourrait lui traverser l'abdomen en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, mais ce n'est pas assez. Il mérite plus, beaucoup plus. Je passe la lame à travers une flamme, chauffant son métal devenu brûlant. Un coup sec me permet d'arracher la main de cet agent de l'ennemi qui hurle de douleur jusqu'à s'en déchirer les cordes vocales, l'os de son poignet devenu visible. Le sang gicle abondamment sur tout son corps alors qu'il regarde son poignet vide avec horreur. Hélas pour lui, ce n'est que le commencement. J'insère la lame violemment dans sa cuisse jusqu'à l'os, et ferme les yeux violemment en entendant les bruits infernaux qui sortent de sa bouche. Un morceau de chair vole alors que je sors brutalement la lame. Il est plus pâle qu'un malade, j'en déduis qu'il a perdu beaucoup de sang après avoir subi le début de torture de Kayden, que je ne connais toujours pas. Je continue le supplice pendant une heure, tranchant mains, cuisses, torse et oreilles, son corps devenant aussi troué qu'un gruyère presque entièrement dépourvu de son liquide vital.
/!\
La douleur l'a fait tomber dans les pommes plus d'une fois. Kayden se chargeait calmement de lui jeter un seau d'eau, parfois glacé et parfois brûlant en pleine tête, me lançant de temps à autre des regards observateurs.
Les tortures ont toujours été un mystère pour moi. Devoir torturer une personne m'offre un défoulement inouï et me permet de me débarrasser de tout le stress qui accapare mon corps à chaque seconde. Mais tuer une personne en y éprouvant du plaisir me rappelle les quatre milliards de personnes mortes durant les guerres de l'ancien temps, innocentes victimes des bombes atomiques et des guerres mondiales. Qu'est-ce qui diffère ? La mort est la même. La souffrance est la même. Nous détestons cette ère qui a détruit l'humanité et essayons tant que possible de s'en éloigner, mais torturer une personne jusqu'à la mort n'est-il pas similaire ?
J'oublie rapidement les pensées noires qui prennent un peu trop de place dans mon esprit et lâche la lame pour attraper un fouet électrique. Un coup violent et précis sur sa gorge, et son dernier cri d'agonie remplie la pièce.
Le dernier souffle d'une victime est toujours le moment le plus effrayant de toute la torture. On aurait dit que ce souffle porte l'âme du mort qui s'emporte, laissant une carcasse vide et sans vie. Le corps sans vie du traître s'écroule au sol en un bruit sec, baignant dans son propre sang. Je me retourne par réflexe vers Kayden, qui regarde un instant le mort avant d'ouvrir violemment la porte grinçante de la cellule. Il me lance un dernier regard rapide avant de disparaître dans le couloir de cette salle sombre, m'invitant à le suivre.
***
Il marche en silence depuis maintenant plus de vingt minutes. Les jardins de la base me paraissent soudainement beaucoup plus intéressants, et surtout beaucoup moins embarrassants que de devoir regarder quelqu'un qui marche depuis un bon bout de temps, faisant comme si je n'existais pas. Sa marche est droite et monotone, et c'est le même cas pour son regard qui fixe un point au loin que je n'arrive pas à discerner.
- Jonigan m'a demandé de rester avec toi pendant un bon bout de temps, entamé-je.
- Je sais.
Il approche d'un coin plus éloigné pour se pencher près d'une petite fontaine à eau. Cette petite construction en marbre offre au lieu une ambiance classique et antique. Ses mains rencontrent le filet d'eau doucement. On dirait qu'il caresse le liquide froid avant de le laisser doucement tomber sur le marbre. Ses mouvements deviennent plus brutaux, il frotte ses mains pleines de sang pour les décrasser alors que l'eau gagne une couleur rougeâtre.
Je le regarde faire alors qu'il approche son visage pour lentement passer ses deux mains mouillées sur celui-ci. Il répète ce manège plusieurs fois, passant l'eau de la fontaine sur son visage et ses cheveux, massant doucement sa nuque en soufflant doucement. Ses traits se détendent et s'apaisent. Ses yeux se ferment doucement quand l'eau de la fontaine ruisselle doucement sur son visage et ses cheveux. Je n'ai jamais été autant hypnotisée par quelqu'un qui se lave le visage. Peut-être est-ce le fait qu'il arrive à attirer le regard de tous même dans une action aussi insignifiante que celle-là.
Il se relève enfin, me réveillant de cet instant bizarrement hypnotisant. Je reste interdite un bon moment en fixant la fontaine. Je relève ma tête pour voir qu'il m'attend. Un bon moment passe avant que je comprenne qu'il attende que je fasse la même chose que lui. Je jette un regard rapide à mes mains pour les trouver dans le même état qu'étaient celles de Kayden.
- En fait, la torture n'a rien à voir avec ce que nos ancêtres ont vécu, explique-t-il soudainement d'un ton pénétrant. Tuer des centaines de personnes innocentes, des civils, des mères et des enfants en un seul bouton... ça diffère du fait de tuer un homme ou une femme coupable afin d'éviter que sa merde ne se propage davantage. Si tu veux mon avis, tuer ces mauvaises herbes maintenant permet d'éviter que le désastre des années 2000 ne se répète, tu ne trouves pas ?
Ma bouche s'entrouvre machinalement. Je n'ai pas pensé ça à voix haute je suis trop jeune pour perdre la tête maintenant ! Il remarque mon trouble et accompagne ses mots d'un sourire en coin presque invisible.
- Ne me regarde pas comme ça, j'ai une spécialisation en psychologie. Je peux lire en toi comme dans un livre ouvert. Durant la torture, tu as hésité un bon moment, et je pense que la raison est claire.
Je bafouille un truc incompréhensible et inaudible avant de me pencher vers l'eau. En un instant, des spasmes envahissent tout mon corps. Je recule rapidement, me rendant compte que mes réflexes viennent de me sauver la vie. Une flèche passe à quelques centimètres de mon visage alors que sa pointe se loge dans un tronc d'arbre. Kayden recule brusquement d'un pas, ses yeux grands ouverts. Nous sortons tous les deux nos armes dans un mouvement harmonieux surprenant, scrutant l'horizon avec une angoisse visible sur nos mines crispées.
- Hazar, s'enflamme soudainement Kayden d'une voix puissante.
Je me retourne brutalement pour observer le bleu de ses yeux, dirigé vers la flèche profondément enfoncée dans l'arbre. Je suis son regard et remarque une feuille de papier soigneusement enroulée autour de la flèche. Kayden range son arme, voyant que cette cible n'est effectivement qu'un avertissement, et un moyen pour faire passer leur message. Il déroule la lettre sans enlever son masque de sérénité omniprésente.
- C'est sûrement les ennemis qui t'ont menacé, déclaré-je en rangeant mon arme. C'est un avertissement de plus, c'est claire !
- Je ne pense pas que ça me soit destiné.
Il relève son regard pétrifiant en me passant la lettre. Le papier file sous mes doigts alors que mes yeux défilent sur les mots que je lis avec rapidité et angoisse.
"L'ongle ne sort pas du doigt.
Le sang ne se transforme pas en eau.
Hazar Leroy. Fille de Moord. Fille de deux traîtres qui ont déserté la terre qui les a nourri pendant toutes ces années.
Tu as réussi à échapper aux griffes de nos braves combattants, pour aller te réfugier dans la gueule du loup !
Le regret que tu ressentiras très bientôt ne te sera plus utile. C'est trop tard, tu es montée en grade dans un territoire qui tue ton peuple chaque jour ! Qui fait souffrire ta famille chaque seconde !
Ta mort est proche, tu croyais fuire la mort il y a treize ans, mais cette mort n'a fait que grandir au fil des années, pour venir te retrouver plus forte et plus violente que tu ne pourrais l'imaginer.
Ta fin est entre nos mains Hazar Leroy, entre les mains de Moord qui saura prendre ton âme de la façon la plus cruel que son esprit pourra trouver.
Ta fin est proche, très proche. "
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Hey hey hey !
Je suis particulièrement fière de ce chapitre, en tout cas en le comparant au dernier dans lequel il n'y avait strictement rien xD.
Une petite torture toute mignonne dans ce chapitre ! :)
Mais aussi une fin qui vous laisse sur votre faim ! (Putain c'est nul...)
Mais aussi un tout nouveau personnage !!!
Yves Hunter (interprété par Benedict Cumberbatch)
This one's for you @TheeBlueQueen ♥
Brefouille, encore un truc à dire, le Gif de Kayden me laisse sans voix.
Je l'ai mis mais j'ai carrément pas pu continuer à écrire avec son putain de regard et sa petite barbe et son costume alala.
Du coup j'ai enlevé le gif pour le remettre après avoir tout écrit.
Bizarre ? Ouais... deal with it.
J'ai vraiment hâte d'écrire la suite. J'ai tellement d'idées en tête ! J'espère que tout ça vous plaît et que ça vous plaira toujours !! ♥
Allez, peace !
~M.F~
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