XXXVIII - Océane

Paris - Décembre 2021

— J'ai des cookies, je vais les chercher, je bredouille d'une voix mal assurée.

Je me lève précipitamment avant de me diriger d'un pas chancelant vers l'îlot central de la cuisine. Fébrile, j'ouvre un placard pour en sortir la boîte que j'ai achetée dans l'après-midi chez Scoop Me A Cookie. Ils sont tellement bons.

Je sens le regard brûlant de Mathieu sur moi jusqu'à ce que je me replace à ses côtés sur le canapé, prenant soin de laisser une distance raisonnable entre nous.

Je lui tends la boîte en carton d'où s'échappe un délicieux parfum de pâte à cookies et de pépites de chocolat. Nos mains se frôlent lorsque nous attrapons chacun un gâteau, m'arrachant un frisson incontrôlé.

Je n'ai qu'une envie : me jeter sur ses lèvres et l'embrasser à en perdre haleine.

Sans faire exprès, je tomber une miette qui vient se poser entre mes seins juste au dessus de la limite de mon débardeur, ce qui n'échappe pas au polonais en face de moi.

Avant même que je n'aie le temps de réagir, il se penche vers moi pour ramasser délicatement la miette du bout des doigts. Cependant, au lieu de la jeter, il la porte lentement à sa bouche d'un geste terriblement provocateur.

Ses lèvres se referment sur la miette. Un gémissement étouffé lui échappe tandis qu'il la déguste d'un air gourmand, ses paupières se fermant à demi.

— Mmm... Délicieuse, lâche-t-il en rouvrant les yeux.

Son regard brûlant plonge dans le mien, chargé de sous-entendus. L'air semble soudain saturé d'électricité tandis que nos deux corps se rapprochent inexorablement.

— Mathieu... qu'est ce que tu fait ? je souffle.

D'un geste vif, il pose un doigt sur mes lèvres pour me faire taire avant de se pencher lentement vers moi.

Ses lèvres se précipitent sur les miennes avec fougue et sa langue demande immédiatement l'accès à ma bouche. Il m'attrape soudain par la taille pour me soulever légèrement et me faire grimper sur ses genoux. Me retrouvant ainsi à califourchon sur lui, je ne peux m'empêcher d'onduler des hanches, frottant mon bassin contre le sien.

Mes mouvements lui arrachent un grognement de plaisir tandis que ses mains descendent au creux de mes reins pour m'attirer toujours plus contre lui.

Soudain, la sonnerie de l'interphone retentit dans toute la pièce. Je sursaute en me demandant qui peut venir chez moi à une heure pareille.

— Putain, c'est qui ?

— Je sais pas, je réponds en me levant.

Il tente de me retenir en m'attrapant par le bras pour me ramener vers lui, mais je me dégage d'un geste vif avant de me diriger vers l'entrée.

D'un geste fébrile, je décroche l'interphone en me raclant la gorge.

— Oui ?

— Océane, putain enfin tu réponds. Je peux monter, je veux te parler ?

Je reconnais la voix de Valentine.

— Je suis occupée là...

Je l'avais complètement oubliée elle.

J'ai pas de nouvelles de Mathieu depuis des jours, enchaîne Valentine. Je suis au courant pour son accident et je suis hyper stressée. Il ne me répond plus et je voulais savoir si tu étais au courant de quelque chose.

Quand je vois que le blond se rapproche de moi, je branche le haut-parleur pendant qu'elle continue sur sa lancée.

Je sais pas pourquoi il joue avec mes sentiments comme ça mais j'ai absolument besoin de savoir ce qu'il a. Comme tu me répondais pas sur insta, j'ai demandé ton adresse à Margot et je suis venue ici.

Mon dieu mais qu'est ce qu'elle est chiante... il dit.

Ecoute Valentine, j'ai pas de nouvelles de lui. Essaye de voir directement avec ses potes mais moi je peux pas t'aider.

Un lourd silence s'abat, seulement troublé par les respirations agacées de la jeune femme.

T'es avec lui c'est ça ? C'est pour ça que tu veux pas que je vienne, crache-t-elle soudain d'un ton venimeux. T'es jalouse parce qu'avec toi c'est juste de la baise alors que moi il m'aime et c'est pour ça que tu veux pas que je monte.

Je manque de lâcher l'interphone sous le choc.

Mais ça va pas non ? Je m'exclame, outrée. Je t'ai dit que...

Cependant, Valentine ne me laisse pas terminer ma phrase et raccroche d'un geste sec. Un lourd silence s'abat dans l'entrée tandis que je me tourne vers Mathieu d'un air consterné.

La prochaine fois que tu t'envoies en l'air, vérifie que c'est pas une psychopathe stp.

Mathieu lève les yeux au ciel avant de sortir son téléphone de sa poche. Quelques tapotements sur l'écran plus tard, il me le tend pour me faire lire les messages qu'il a reçu de Valentine.

Je l'ai bloquée y'a deux semaines mais elle a quand même trouvé le moyen de continuer à me bombarder de messages.

J'écarquille les yeux en parcourant leur conversation.

Putain... Elle est vraiment malade, je souffle, abasourdie.

On est brusquement interrompu par des coups insistants frappés contre ma porte d'entrée.

Merde, elle est venue jusqu'ici !

Océane ? J'entends la voix furieuse de Valentine résonner à travers la porte. Ouvre cette putain de porte, je sais que t'es là !

Je pousse Mathieu en direction du balcon et je le supplie de ne pas faire de bruit. Il ouvre un volet délicatement et le referme derrière lui. J'espère vraiment qu'elle n'aura pas l'idée d'aller regarder dehors.

Une fois que je suis sûre qu'il est bien caché, j'ouvre la porte d'un geste sec et je toise Valentine, sur le palier, les cheveux en pétard.

Qu'est-ce que tu veux ? je lance d'un ton ferme. Et comment t'es rentrée ?

Mais elle ne me répond pas et entre dans mon appartement comme une furie, bousculant tout sur son passage. Pêche détale à toute vitesse pour aller se réfugier dans ma chambre.

Eh, tu te calmes ! je la préviens d'une voix forte.

Cependant, Valentine ne m'écoute pas et commence à courir dans toutes les pièces en ouvrant les placards et les portes avec frénésie.

Je t'ai dit que Mathieu n'était pas là, tu comprends pas le français ou quoi ?

La ferme ! Rétorque-t-elle d'une voix furieuse. Je sais qu'il est ici !

Oh tu commences à me gonfler toi, je grince entre mes dents.

Elle passe en revue toutes les pièces et même les placards. Mais qu'elle cinglée ! Alors que je pensais qu'elle allait enfin partir, elle se fige devant la porte fenêtre du salon.

Et merde !

Elle se précipite pour l'ouvrir à la volée, mon cœur battant à cent à l'heure mais le balcon est désert. Je ne sais pas où il est allé se cacher mais je pousse un soupir de soulagement.

Tu vois, il n'y a personne ! Je m'exclame d'un ton exaspéré. Maintenant, tu vas arrêter tes conneries et dégager de chez moi !

La jeune femme se retourne vers moi, les traits déformés par la rage.

Alors pourquoi il me répond pas ? Me crie-t-elle dessus d'une voix furieuse.

J'en sais rien moi, c'est pas mes affaires, je rétorque en haussant les épaules.

Cependant, Valentine ne semble pas m'entendre et continue de fouiller frénétiquement dans mon salon. Excédée, je finis par la saisir par le bras pour la traîner jusqu'à la porte d'entrée.

Ça suffit maintenant, tu dégages ! Je crie en ouvrant la porte à la volée. Et ne remets plus jamais les pieds ici !

Sur ces mots, je la pousse sans ménagement à l'extérieur avant de claquer la porte derrière elle.

Un lourd silence s'abat soudain dans l'appartement. J'attends quelques minutes pour être sûre qu'elle est bien partie avant de bouger.

Math ? Tu peux revenir, elle est partie ! Je lance d'une voix forte.

Seul le silence me répond.

Allez, c'est pas drôle, j'ai pas la force pour un cache-cache...

Je m'avance dans le couloir en l'appelant, persuadée qu'il s'est planqué dans ma chambre puisque c'est la seule pièce qui communique avec le balcon. Mais je ne le trouve ni dans la salle de bains, ni dans ma chambre, ni dans la salle à manger.

Soudain, une lueur attire mon regard vers la pièce d'à côté. C'est l'ancien bureau de mon père que j'ai transformé en atelier de peinture et de photographie. La porte est entrouverte...

Je m'approche sur la pointe des pieds avant de pousser doucement le battant. Et là, je l'aperçois en train de contempler d'un air émerveillé les toiles et les clichés accrochés aux murs.

Ah bah t'es là, je lâche. Ça fait 10 minutes que je te cherche...

Le blond sursaute avant de se retourner vers moi. Quand ses yeux bruns se posent sur moi, j'ai l'impression qu'il me regarde comme s'il me voyait pour la première fois.

C'est toi qui as fait tout ça ? Souffle-t-il d'une voix à peine audible.

Oui, oui c'est moi. Je ne passe pas une journée sans faire quelque chose avec mes mains, je réponds avec un sourire.

Je me rends compte un peu trop tard que ma phrase peut avoir un autre sens, mais Mathieu ne semble même pas le relever, trop captivé par mes œuvres.

Il s'approche du chevalet et reste interdit devant la toile que je suis en train de peindre.

C'est toi ?

Oui, j'acquiesce.

Comment tu fais pour te peindre toi-même ?

Je me base sur des photos et je recopie les traits, les ombres, les lumières...

Un silence s'installe pendant qu'il contemple d'un air fasciné mon autoportrait à peine ébauché. Soudain, il se tourne vers moi et d'une voix suppliante il me demande de faire son portrait.

Maintenant ? Mais il est bientôt onze heures...

S'il te plait !

Ok, je cède.

Je prépare une nouvelle toile vierge que je pose sur le chevalet.

Pose ton cul ici et bouge plus.

Ok madame.

Je vais défaillir. Ce surnom est trop puissant dans sa bouche.

Il s'installe dans le fauteuil en velours qui trône dans un coin de la pièce. Assis tout au fond du fauteuil, il tient sa tête droite et son regard ne me lâche pas des yeux. Les mains posées sur les cuisses, il est beaucoup trop sexy comme ça.

Prends une clope ! Je souffle en sortant mes pinceaux.

Il s'exécute et s'allume une cigarette sous mes yeux avant de la coincer entre ses lèvres d'un geste nonchalant.

Parfait, tu peux reposer tes mains.

J'attrape mon appareil photo pour garder une image de sa posture de départ, puis je sors les tubes de peinture à l'huile et dépose une généreuse touche de chaque couleur sur ma palette en bois.

J'ai envie de fumer

Non, pas maintenant

Rahh t'es dure avec moi, elle est dans ma bouche et je peux rien en faire...

T'as voulu que je fasse ton portrait alors tu te plains pas !

Je plonge un premier pinceau dans le beige et commence à peindre, traçant les premières esquisses de son visage sur la toile vierge. Mes gestes sont appliqués, précis, tandis que je me concentre sur les proportions parfaites de son visage.

Il est beau.

Je peins pendant un moment dans un silence quasi religieux, seulement troublé par le crissement de mes pinceaux. Cependant, au bout d'une heure, le blond finit par prendre la parole d'une voix rauque :

Elle est bien partie du coup, l'autre folle ?

Tu crois pas que si elle était encore là, moi je serais pas en train de peindre ? Je rétorque d'un ton léger sans relever les yeux.

Bien vu l'artiste.

Je repasse dans ma tête la scène surréaliste à laquelle j'ai assisté.

Je ne sais pas ce que je vais dire à Margot, je finis par lâcher. Elle bosse avec elle tous les jours au musée.

Si jamais elle revient te faire chier, préviens moi, elle peut pas débarquer chez toi comme ça.

C'est de ta faute ça, tu sais pas garder ta bite dans ton pantalon...

T'es jalouse ?

Je vois qu'il essaye de se lever pour se rapprocher de moi mais je l'arrête.

Hep hep, tu ne bouges pas tant que j'ai pas fini.

Même si j'ai envie d'aller pisser ?

Bah si quand même ça t'as le droit, tu vas pas pisser sur le tapis

— Merci sorcière

— Bâtard, je lui lève mon majeur.

Il se lève et s'étire, faisant rouler ses muscles qu'il n'a pas bougés depuis une heure. Puis il sort de la pièce, me frôlant au passage d'une manière qui n'a rien d'anodin. La tension qui règne entre nous à chaque fois que nous nous retrouvons dans la même pièce est en train de me tuer à petit feu.

Comme si nous n'avions jamais couché ensemble, comme si nous ne nous étions pas dit tout ce que l'on s'est dit l'autre jour dans sa chambre...

Lorsque Mathieu revient s'installer dans le fauteuil, je cache rapidement la toile pour ne pas qu'il puisse voir mon travail. Puis je repose mes pinceaux d'un geste las avant de m'étirer longuement à mon tour.

Ça suffit pour ce soir, je commence à m'endormir, je déclare d'une voix fatiguée.

Ok pas de problèmes, j'aurais une bonne excuse pour revenir alors.

Ouais, je souffle en me rapprochant de lui pour ranger mes affaires.

Je peux voir ?

Non, quand j'aurais terminé.

Ok...

Il est tout proche de moi maintenant. Je recule d'un pas alors qu'il s'avance, me coinçant contre le mur de la cheminée. Soudain, d'un geste vif, il attrape mon menton entre ses doigts pour m'empêcher de me dérober. Mon cœur s'emballe tandis qu'il se penche lentement vers moi.

Est-ce que je peux t'embrasser ? murmure-t-il d'une voix rauque à quelques centimètres de ma bouche.

Abasourdie, je le dévisage d'un air interloqué. Pourquoi me demande-t-il la permission ?

Pourquoi tu me demandes ? Je finis par articuler d'une voix étranglée.

Je sais pas, je sais plus ce que je dis, tu me fais perdre la tête...

Sur ces mots, il comble l'espace qui nous sépare et presse fougueusement ses lèvres contre les miennes. Un gémissement de plaisir m'échappe tandis que je m'abandonne à lui.

Il mordille ma lèvre inférieure et attrape ma nuque. J'ai du mal à tenir sur mes jambes. Pourquoi est ce que si bon de l'embrasser ? Comment fait-il pour que je sois si dépendante de ses lèvres ?

Son téléphone sonne mais il ne répond pas. Au contraire, il accentue sa prise sur ma nuque et mes hanches.

J'ai tellement envie de toi, il me murmure à l'oreille. Ça fait des jours que je repense à nos corps entremêlés et j'ai l'impression que je vais devenir fou si je replonge pas entre tes cuisses.

Math...

J'allais lui répondre mais nous sommes coupés par sa messagerie qui se lance automatiquement. La voix de Ormaz résonne dans la petite pièce, entrecoupée par nos souffles erratiques.

Wesh gros, tu décroche jamais c'est grave. Y'a tout l'équipage au studio, on t'attend. SD nous as dit que t'avais passé la journée en famille mais maintenant, tu peux penser un peu à tes potes. On a eu peur gros alors ramène ton boul pour tout nous expliquer.

Il pousse un profond soupir avant de river son regard brûlant dans le mien, une lueur d'excitation y dansant encore.

J'ai vraiment pas envie de te laisser mais,...

Te justifie pas. Ils ont raison, va les voir. Ils t'ont pas encore vu depuis que t'es sorti de l'hôpital, ils doivent avoir plein de questions.

T'es incroyable Océane. Je te jure que je reviendrais et qu'on finira tout ce qu'on a commencé...

Un frisson me parcourt l'échine à ses paroles pleines de promesses. Il se penche pour m'embrasser une dernière fois, comme pour graver la sensation de mes lèvres dans sa mémoire avant de partir, me laissant seule avec son absence.

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