XXXV - Mathieu

Paris - Décembre 2021

Je suis assis sur mon lit, enfermé dans ma chambre, un joint entre les lèvres. J'ai passé toute la journée à me torturer le crâne à propos de la soirée qui arrive.

Océane va venir chez moi !

Ça fait des heures que je cogite sur ce que ça implique. Sur ce que ça signifie entre elle et moi. Mamie m'a déjà assommé de questions toute la journée et je n'ai jamais su quoi lui répondre.

Je ne sais pas ce que je ressens pour Océane. Je sais que je tiens à elle, c'est évident. Mais j'aurais aimé mettre les choses au clair avant qu'elle rencontre ma famille. Parce que maintenant je suis coincé.

Enzo me demande quand est-ce que mon "amoureuse" va revenir et mamie a déjà ressorti sa bague de fiançailles.

Je les déteste. Mais ils ont raison.

Elle me fait perdre la tête. Et ils l'ont très bien compris.

Sans doute mieux que moi.

Parce qu'au fond de moi, je me rends compte que cette fille, elle est pas comme les autres. Que j'aime passer du temps avec elle, qu'au fond de moi, je m'en veux d'avoir agi comme la pire des merdes lors de notre première rencontre alors qu'elle vient de passer deux semaines à veiller sur mon corps.

Ça aussi, je crois que je réalise pas. J'ai failli mourir. Merde.

Je me lève et je commence à faire les cents pas dans ma chambre. Je vais devenir fou si je continue à réfléchir comme ça. J'ai besoin de vacances, de me tirer loin d'ici. Juste mes frères, moi et du soleil. Loin de cette vie de merde et des questions qui me trottent dans la tête.

J'allume une nouvelle clope en soufflant la fumée par la fenêtre entrouverte. Je m'accoude contre le bord de celle-ci et je tire lentement sur ma cigarette, les yeux dans le vague. J'essaie de me vider l'esprit, de ne penser à rien.

Les minutes défilent, rythmées par les clopes que je me crame une à une. Jusqu'à ce que soudain, la vibration de mon téléphone sur la table basse ne me fasse violemment sursauter.

De @oce_mr
Hey, tu m'envoie ton adresse ? J'ai pas envie de me perdre dans le 92

Un sourire se dessine sur mes lèvres tandis que je lui réponds rapidement avant de me lever d'un bond, la cigarette au bec. Faut que j'arrête de gamberger comme un taré.

Je me précipite sous la douche où je fais couler de l'eau brûlante sur ma peau. J'arrive à peine à me détendre. Je n'ai qu'une envie, en finir au plus vite avec cette soirée. Je pourrais annuler, mais je ne voudrais pas faire ça à Mamie qui a passé la journée dans la cuisine à préparer des spécialités polonaises.

Putain mais pourquoi j'ai accepté hier comme un con, sans réfléchir. J'essaie de noyer les pensées qui reviennent sans arrêt dans ma tête en vain. Pourquoi est-ce que c'est si difficile de ne pas penser à elle ?

À son rire ?
À son visage ?
À son corps ?

Malgré moi, je repense à la nuit qu'on a partagée. Son odeur, la douceur de sa peau sous mes mains, ses gémissements de plaisir, ses lèvres...

Une vague de désir me submerge tandis que mon sang pulse dans mes veines. Putain, j'ai tellement envie d'elle en cet instant précis... J'ai beau essayer de me persuader qu'elle est une personne quelconque pour moi, je sais que c'est faux. Pas quand elle arrive à me faire cet effet-là alors qu'elle n'est même pas là.

Ma main glisse le long de mon torse trempé jusqu'à rencontrer mon membre déjà tendu. Je laisse échapper un grognement rauque en commençant à le caresser lentement.

Dans mon esprit, c'est le corps d'Océane que j'imagine contre le mien. Sa bouche pulpeuse autour de ma queue, ses seins fermes qui rebondissent au rythme de nos ébats...

Putain j'suis foutu...je grogne en accélérant la cadence.

Je suis au bord de l'extase, les yeux clos, quand soudain des coups secs contre la porte me font violemment sursauter.

Mathieu ! Bouge, Océane est arrivée ! me crie Enzo à travers la porte

Merde ! Je lâche en rouvrant les yeux, le souffle court.

D'un geste vif, je coupe l'eau brûlante avant de sortir de la douche en trébuchant. J'attrape ma serviette à la va-vite tout en jurant entre mes dents.

J'arrive, donne-moi deux minutes !

Putain, maintenant en plus du reste, je suis frustré et j'ai une folle envie de retourner sous la douche pour finir ce que j'ai commencé. Avec elle, ça serait encore mieux. Je m'oblige à penser à autre chose pour couper mon envie de sentir la jeune femme contre moi...

Soirée de merde !

D'un pas pressé, je me dirige vers le lavabo pour me rincer le visage. J'ai les joues rouges et je constate avec horreur que je n'ai pas eu le temps de passer chez le coiffeur depuis ma sortie de l'hôpital. Je suis presque entièrement brun.

Merde. J'ai pas l'habitude qu'on me voit comme ça. Mais j'ai plus le choix.

Alors c'est avec des gestes nerveux que j'enfile les premières sapes qui me tombent sous la main. un ensemble de survet vert et un t-shirt blanc. Ça fera l'affaire.

Enfin prêt, je quitte la salle de bain d'un pas décidé pour rejoindre le salon. Quand j'arrive dans le couloir, une voix familière me stoppe net dans mon élan. C'est celle d'Océane, en pleine conversation avec Enzo. Je m'arrête un instant pour l'observer discrètement.

Elle est de dos, vêtue d'une robe fluide qui souligne à la perfection les courbes de sa silhouette. Ses cheveux bruns sont lâchés en une cascade de boucles folles qui lui tombent dans le creux des reins.

Putain, qu'est-ce qu'elle est canon...

Je la dévore littéralement des yeux, incapable de détourner mon regard de ses jambes fuselées interminables. Mon souffle s'accélère tandis que les images de notre nuit torride me reviennent en mémoire avec force.

Soudain, comme si elle avait senti mon regard brûlant sur elle, Océane se retourne lentement. Nos yeux se croisent et j'ai l'impression que mon cœur va s'arrêter.

Elle est... magnifique. Tout simplement à tomber par terre. Son visage est sublimé par un maquillage discret mais diablement efficace. Ses lèvres pulpeuses sont dessinées à la perfection ce qui me donne envie de l'embrasser fougueusement.

Nos regards s'accrochent avec une intensité folle tandis que je la détaille de haut en bas sans aucune gêne. Et là, c'est comme si une décharge électrique me parcourait des pieds à la tête.

Tout mon sang se dirige d'un coup vers mon entrejambe, me laissant pantelant et le cerveau embrumé par le désir. Putain, j'ai tellement envie d'elle en cet instant...

Heureusement qu'Enzo est là pour me sortir de ma transe en s'exclamant joyeusement :

Mathieu ! Océane, elle est trop belle hein ?

Je me racle la gorge, soudain gêné d'avoir été pris sur le fait. Mais je n'arrive pas à détacher mon regard de la jeune femme en face de moi.

Ouais...elle est belle, je lâche d'une voix rauque.

Putain, cette soirée promet d'être un véritable calvaire pour mes nerfs...

Mamie sort de la cuisine suivit de mon père pour saluer la nouvelle arrivante. Il a les bras chargés d'assiettes remplies de délicieux plats polonais typiques. Il y a des pierogi aux pommes de terre et au fromage blanc, un goulasch de bœuf mijoté et des kołduny, sortes de petits raviolis frits farcis aux champignons.

Bonjour Océane, comment vas-tu ? Mes garçons ne te font pas trop tourner en bourrique, lui demande Mamie.

Non non pas du tout, je viens d'arriver. Ça sent super bon, s'exclame Océane en la prenant dans ses bras.

Mon père la salue d'un bref signe de tête. Je n'arrive pas à savoir ce qu'il pense d'elle. Je sais qu'il ne veut pas d'une deuxième Laura.

On s'installe finalement à table et Océane pioche un pierogi dans le plat, l'air gourmande. Elle croque dedans et ses yeux s'illuminent de plaisir.

Mmmm, c'est un délice Françoise !

Mamie lui sourit, ravie, tandis qu'Océane se ressert généreusement dans les différents plats, savourant chaque bouchée avec délectation. La conversation démarre joyeusement, rythmée par les éclats de rire d'Enzo et de Mamie. Cependant, j'ai toutes les peines du monde à me concentrer...

Mon regard est irrésistiblement attiré par Océane, assise en face de moi. La façon dont ses lèvres se courbent quand elle rit. Ses mains fines qui jouent distraitement avec sa fourchette. Sa poitrine qui se soulève à chaque inspiration...

Putain, j'arrive pas à me la sortir de la tête. J'ai envie de la prendre par le bras et de lui faire l'amour sauvagement. De l'entendre gémir mon prénom tandis que je m'enfonce en elle encore et encore...

Je suis brusquement tiré de mes pensées lubriques par la voix d'Enzo qui s'exclame soudain :

Au fait Océane, t'as des frères et sœurs toi ? Est ce que je pourrais rencontrer ta famille ?

Un lourd silence s'abat sur la table tandis que la jeune femme se raidit, l'air soudain mal à l'aise. Merde, j'aurais dû me douter que c'était un sujet sensible pour elle...

Enzo ! Je m'exclame d'un ton sec. Ça va pas de poser des questions indiscrètes comme ça ?

Mais Océane me coupe d'un geste apaisant de la main.

Non, c'est rien Math, il ne pouvait pas savoir...

Elle prend une profonde inspiration avant de poursuivre d'une voix légèrement tremblante :

En fait, j'ai une sœur. Mais je ne l'ai pas revu depuis que ma mère est partie avec elle quand j'avais 8 ans. Après j'ai vécu avec mon père mais il est mort d'un cancer il y a quelques années...

Pardon Océane, je voulais pas te... commence Enzo d'un air penaud.

Mais Océane lui adresse un sourire rassurant.

C'est rien Enzo, je ne t'en veux pas du tout.

Je croise alors le regard de mon père posé sur Océane. Contrairement à son habitude bourrue, il ne la détaille pas d'un air méfiant ou désapprobateur. Au contraire, je peux lire de l'admiration dans ses yeux, presque de la tendresse. Il semble apprécier sincèrement la jeune femme.

Cette fille a traversé des épreuves difficiles, perdant ses parents et sa sœur très jeune. Mais elle fait preuve d'une force de caractère impressionnante. Elle ne se lamente pas, ne cherche pas la pitié. Elle avance, la tête haute, sans jamais se plaindre.

Le reste du repas se poursuit dans une ambiance chaleureuse et détendue. Mamie nous régale d'anecdotes hilarantes sur notre enfance à Enzo et moi, sans toutefois trop entrer dans les détails embarrassants, à mon grand soulagement. Mon frère enchaine sur sa lancée avec ses blagues douteuses qui nous font tous rire aux éclats. Finalement, je passe une bien meilleure soirée que je ne l'aurais cru.

Mon père ramène le gâteau aux pommes et les poncki de Mamie. Une délicieuse odeur de cannelle et de sucre glace embaume la pièce.

Je savoure les pâtisseries en observant Océane du coin de l'œil. Elle semble elle aussi se régaler, savourant chaque bouchée avec un petit sourire aux lèvres. La voir ainsi, détendue et épanouie, réchauffe mon cœur. Depuis combien de temps n'a-t-elle pas mangé en famille ?

Soudain, Enzo se tourne vers elle d'un air enjoué

Océane, tu veux venir voir ma chambre ? J'ai plein de trucs trop cools à te montrer !

Un sourire amusé étire les lèvres de la jeune femme tandis qu'elle acquiesce d'un signe de tête. Ils se lèvent alors de table pendant que Mamie commence à débarrasser, aidée de mon père.

Cependant, alors que je m'apprête à les suivre, Mamie me retient par le bras d'un geste vif.

Mathieu, je peux te parler une seconde ? Chuchote-t-elle d'un air sérieux.

Qu'est ce qui y a ?

Tu l'aimes cette fille ?

Je suis pris au dépourvu par sa question directe.

Je... Non... enfin oui je l'aime bien mais...

Arrête de bégayer mon grand, m'interrompt Mamie d'un ton ferme. Dis-moi la vérité.

Je pousse un profond soupir, passant une main lasse sur mon visage.

Je l'ai vu pendant deux semaines. Elle était terrifiée. Terrifiée à l'idée de te perdre et je ne comprenais pas forcément pourquoi sa douleur pouvait être si profonde. Maintenant, je comprends mieux. Elle était pétrifiée à l'idée de dire au revoir à quelqu'un encore une fois et surtout elle s'en voulait.

Je le sais ça, putain pour qui tu me prends ?

Je ne te gronde pas. Je veux juste que tu sois honnête avec toi-même.

Je détourne le regard, mal à l'aise.

Je le sais. Elle me la raconter et je m'en veut d'avoir fait de la merde avec elle. Elle mérite pas d'être seule...

J'ai surpris une conversation un matin où elle pleurait sur ton corps, poursuit Mamie d'une voix douce. Elle te parlait à toi en espérant que tu te réveilles et que tu l'entendes. Je ne te répéterai pas ce qu'elle disait car c'est à elle de te le dire.

Je sens mon cœur se serrer douloureusement à ses mots. Putain Océane...

Tu peux pas me dire ça Mamie, je souffle d'une voix étranglée.

Va lui parler et demande-lui, répond-elle d'un ton sans réplique. Vous avez besoin d'avoir une vraie conversation tous les deux.

Oui. Je voulais le faire ce soir, je dis en me levant pour aller la rejoindre.

Ah et j'oubliais mon poussin, m'interpelle Mamie alors que je m'éloigne. Invite-la pour Noël si elle est d'accord, je ne veux pas qu'elle reste seule.

Oui Mamie.

J'avance dans le couloir, le cœur au bord des lèvres. Et je jurerais l'avoir entendue murmurer qu'elle est fière de moi...

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