Paris - Décembre 2021

Les jours ont passé depuis que Mathieu est venu dîner chez moi. Grâce à la photo que j'ai prise ce soir-là, j'ai pu terminé le tableau.

Et je suis fière de moi. Je crois que c'est le plus beau que j'ai jamais peint.

Nous n'avons pas eu l'occasion de nous revoir, mais je lui ai confirmé que je viendrais dîner chez lui le soir du réveillon.

Mon objectif est de finir le tableau dans trois jours pour pouvoir le lui offrir à Noël.

Je me donne jusqu'à ce soir-là pour lui demander ce qu'il envisage pour nous. Il est évident que nous nous plaisons physiquement. Ni lui ni moi n'avons ressenti ce genre de sentiments pour quelqu'un depuis bien longtemps, j'en suis quasi sûre.

J'espère enfin avoir le courage de lui parler de ce que je ressens. Ce serait tellement plus simple entre nous après...

Assise à la table d'un café avec mon ordinateur, j'attends Margot et Thaïs qui doivent me rejoindre dans quelques minutes. Margot arrive la première et m'informe que, suite à ce que je lui ai appris, Valentine a été licenciée et qu'elle ne travaille plus au musée. Je pousse un soupir de soulagement. Avec un peu de chance, j'aurai moins de risques de la croiser maintenant.

— Elle s'est bien foutue de ma gueule en me disant que c'était pour t'envoyer l'invitation à la soirée des vœux, ajoute Margot d'un air dépité.

— Vous parlez encore de la sorcière ? lance Thaïs en nous rejoignant à notre table.

— Ouais, répond Margot.

— J'en reviens pas qu'elle soit venue chez toi. Quelle cinglée... commente Thaïs.

Nous commandons nos boissons habituelles - chocolat chaud pour Thaïs, matcha latte pour Margot et un cappuccino caramel pour moi-même. Une fois servies, je n'attends pas plus longtemps pour aborder le sujet qui me trotte dans la tête :

— Alors, qu'est-ce qu'on fait pour la proposition de vacances des garçons ?

— On fonce ! S'exclame Thaïs avec enthousiasme.

— T'es sérieuse, t'hésites vraiment ? Renchérit Margot d'un air étonné.

— Non en vrai non, ça va être cool mais... je commence d'une voix hésitante.

— Mais t'as encore peur du blond ? Sérieux Océ, change de disque !

Je pousse un petit rire gêné avant de me pencher vers elles

— J'ai surtout peur de pas me retenir de lui sauter dessus !

Margot éclate de rire

— Ah, là je te reconnais.

— Moi j'ai déjà répondu à Ormaz que j'étais ok pour les vacances, ajoute Thaïs. Une semaine dans un chalet à la montagne avec vous, je pouvais pas refuser !

Je pousse un profond soupir avant de hocher la tête d'un air décidé.

— Ok, c'est d'accord pour moi aussi ! De toute façon, je vois mal comment j'aurais pu dire non...

— On sera combien du coup ?

— Alors, nous trois, Les, Ormaz, Peli, Yvick, Saddam, Zeu et Boucle d'or, énumère Margot en comptant sur ses doigts.

— Ok c'est bon, je serais débile de louper ça

L'après-midi au café passe dans une ambiance joyeuse et détendue. Les discussions fusent, entre rires et confidences, et je sens mes appréhensions s'envoler peu à peu. Margot et Thaïs ont ce don particulier de rendre chaque moment unique et mémorable.

Alors que nous nous apprêtons à partir, mon téléphone vibre dans mon sac. Je le sors et découvre un message de Mathieu.

De @plk_pb
Alors ta reflechi pour la semaine au chalet ? viens stp ca va etre trop drole

Son message me fait sourire. J'arrive presque à entendre sa voix en lisant ces mots.

De oce_mr
un coup tu m'envoie un message ici, un coup c'est par Imessage, faudrait savoir
Et c'est oui, je viens c'est bon vous m'avez convaincue

De @plk_pb
Haha, désolé pour ça. Trop bien, ça va être ouf.
Tu veux passer au studio demain aprem, voir un peu comment je bosse ?

Mon cœur fait un bond en lisant son message. L'idée de le voir travailler dans son élément m'intrigue et me réjouit.

De oce_mr
Oui, carrément, je vais pouvoir te juger en direct !
À quelle heure ?

De @plk_pb
15h?
Jvais te dire de me payer a chaque fois que tu me tacle a force

De @oce_mr
Parfait
J'te taquine, t'es pas en sucre quand même

De @plk_pb
ptdrrr
tu va voir si je suis pas en sucre 😉

De @oce_mr
Moi alors je veux être payer à chaque fois que tu fais un sous entendu sexuel

De @plk_pb
a demain Océ

Je montre la conversation aux filles pour avoir leur réaction en direct.

— Bordel Océane ! S'exclame Margot en lisant par-dessus mon épaule.

— Quoi ? Je rétorque d'un air innocent.

— La tension entre vous mais c'est insoutenable genre ! Comment vous faites ?

— Calme tes hormones ma grande, je la taquine en riant.

— N'empêche qu'elle a raison et que tu va devoir mettre tes sous vêtements les plus sexy !

— Vous me fatiguez...

— Mais tu vas le faire quand même ?

— Oui Thaïs, c'est pas la peine de jouer des sourcils. Même si je n'y vais pas pour ça, j'ai vraiment envie de le voir bosser.

— Mouais

— Vous êtes des sales garces vous le savez ça ? je leur lance en riant.

— Peut être mais quand t'aura des bébés polonais dans les bras, tu viendras nous remercier !

Je secoue la tête d'un air amusé, tentant en vain de réfréner mes pensées qui s'éparpillent déjà vers des bébés blonds platine...

[...]

Le lendemain après-midi, tandis que je me dirige vers le studio de Mathieu, je repense à tout ce qu'il s'est passé dans ma vie ces derniers mois. C'est impressionnant à quel point tout a changé en si peu de temps.

Je me gare sur une des rares places de parking libres et je me dépêche de rejoindre l'intérieur du bâtiment, la neige commençant à tomber sur la capitale. Mathieu m'attend déjà devant l'entrée, vêtu d'un simple jogging et d'un sweat à capuche.

— Ça va, toi ? me demande-t-il en passant un bras autour de mes épaules.

— Super, j'ai vu les filles hier et j'ai pas mal avancé sur mon livre ce matin alors je suis contente. Normalement, je devrais l'avoir fini d'ici quelques semaines.

— Je lis pas d'habitude mais vas-y, je veux être le premier à lire ton livre une fois que tu l'auras fini.

— Oui sans problème.

— Sérieux, en vrai je suis grave content pour toi. C'est chanmé si t'arrives à vivre de ta passion et que t'arrive à être publié j'vais croiser les doigts.

Mon cœur se serre. Je n'aime pas lui mentir mais je n'ai toujours pas le courage que j'ai déjà réussi à publier un premier livre. Parce que quand il le lira, il me traitera de folle et il aura raison.

— Tu seras plus la seule star, je rigole.

— Oh ça va, je devrais arriver à m'en remettre, dit-il en ébouriffant mes cheveux.

— Eh doucement, ça fait mal wesh, maîtrise ta force !

— C'est qui qui est en sucre maintenant ?

Je le pousse légèrement et on pénètre à l'intérieur. L'odeur de beuh me saisit les narines et je me tourne vers lui avec un air sévère.

— Tu fumes ou tu bosses ici en fait ?

— Commence pas à faire la sainte avec moi, toi aussi tu t'enfiles des gros pétards.

— Mais pas à longueur de journée !

Il me fait les gros yeux avant de poser sa veste sur le porte manteau à l'entrée. Je fais pareil et je le suis jusque dans la salle de mixage.

Une fois à l'intérieur, le blond s'installe nonchalamment sur un vieux canapé défoncé avant de sortir un joint déjà roulé de la poche de son sweat. Il l'allume d'un geste négligent sous mon regard à la fois blasé et amusé.

— Sérieusement Math, tu peux pas t'en empêcher deux minutes ?

— Chut, ça m'aide à me concentrer, rétorque-t-il en expirant une longue volute de fumée.

Je lève les yeux au ciel devant son attitude puérile avant de m'installer à mes aises à ses côtés. Cependant, je ne peux m'empêcher de le trouver terriblement attirant dans cette posture. Je suis en train de devenir une véritable obsédée avec lui, c'est très grave.

Après quelques dernières taffes, il repose finalement son joint avant de se lever d'un bond.

— Allez, assez perdu de temps ! Lance-t-il avec enthousiasme. Tu vas voir comment bosse les pros !

— J'ai déjà vu Saddam et Karmen, t'inquiète !

— Et bah c'est ce que je dis, t'as encore rien vu.

Mathieu se dirige vers la table de mixage et commence à travailler sur une prod. Les basses vibrent dans la pièce tandis qu'il ajuste les niveaux et les effets avec une précision impressionnante. Son focus est captivant, et je me perds dans la musique qui prend forme sous ses doigts.

Soudain, je décide de le provoquer un peu. Je saisis le joint presque éteint sur la table basse et le rallume. Mathieu lève un sourcil en me regardant intensément, mais ne dit rien. Je tire une longue taffe avant de souffler la fumée lentement.

— T'aurais pu demander avant de le terminer...

— Qu'est ce que t'es pénible, je dis en posant délibérément mes pieds sur le bout de la table de mixage, juste sous son nez.

Il attrape mon mollet et je peux sentir la chaleur de sa paume à travers mon jean.

— Vire tes grosses pattes de là ! dit il en déblayant mes jambes d'un seul geste.

Il se remet au travail et je l'observe travailler, fascinée par sa maîtrise.

— Tu fais quoi là au juste ? Je finis par demander, curieuse.

Le blond pousse un soupir amusé avant de se tourner vers moi.

— Je mixe les différentes pistes pour obtenir le son parfait.

— Je pourrais écouter ?

— Si t'es sage, t'auras même le droit de me voir poser un couplet !

Il continue et je reste tranquille, mourant d'envie de le voir rapper.

— Tu veux essayer vu que t'es douée dans tout ce que tu fais ? me propose-t-il soudainement, du défi dans la voix.

— Pourquoi pas, dis-je en haussant les épaules. Mais te vexe pas si je suis meilleure que toi !

Je prends sa place devant la table de mixage, et il se penche par-dessus mon épaule pour me guider. Sa proximité, l'odeur de la beuh mélangée à celle de son parfum, tout cela me fait tourner la tête. Il m'explique les bases, mais je suis plus concentrée sur sa voix et sa présence que sur ce qu'il dit.

— Concentre-toi Océane, m'ordonne t'il avec sa voix grave qui me fait frissonner.

Je me ressaisis et commence à suivre ses instructions. Ses mains frôlent les miennes, me montrant comment ajuster les niveaux et ajouter des effets. La tension monte d'un cran alors qu'il colle son torse contre mon dos.

— Bon, je crois que tu as compris le principe, reprend-il d'une voix plus posée. Tu veux qu'on passe au studio d'enregistrement ?

— Avec plaisir, je réponds en me retournant pour lui faire face.

Nos deux visages ne sont désormais plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Son regard brûlant plonge dans le mien avec une intensité à couper le souffle. Qui de nous deux cédera le premier à cette tension dévorante ?

Finalement, Mathieu est le premier à détourner les yeux. Il me fait signe de le suivre d'un geste de la main avant de prendre la direction du studio d'enregistrement. Une fois à l'intérieur, il rejoint la cabine insonorisée et je place le casque sur mes oreilles pour avoir le rendu audio en temps réel.

Je le regarde à travers la vitre, son visage sérieux alors qu'il se met en position, le micro suspendu juste devant lui. Il ajuste une dernière fois ses écouteurs, ferme les yeux un instant, puis ouvre les yeux et commence à rapper avec une intensité et une passion qui me laissent sans voix.

Je suis captivée par la force de ses mots et l'intensité de son flow. La passion qu'il met dans ses paroles est palpable, chaque mot résonne avec une profondeur incroyable. Il termine son couplet et relève la tête vers moi avant de me rejoindre dans la pièce.

— T'en penses quoi ?

— Tu veux que je te donne mon avis ?

— Ouais

— C'est pas moi l'experte tu sais !

— Allez dit !

— C'était pas mal mais tu pourrais rapper avec une voix plus grave ça serait mieux je pense.

— Ah ouais, comme ça, demande-t-il en prenant une voix tout sauf naturelle.

— Mais nan, fais le pas exprès...

— Laquelle alors ? il se rapproche de moi.

— Tu sais très bien, fais pas semblant de pas comprendre !

— Donne moi un exemple, je suis perdu là.

Et au lieu de lui donner un exemple d'un de ses sons, je réponds la première chose qui me passe par la tête.

— Celle que t'as juste avant qu'on s'embrasse.

Il me domine de toute sa hauteur maintenant.

— Celle-là ? il demande avec la bonne intonation de voix, celle qui me fait perdre tous mes moyens.

Je me lève doucement, nos corps se rapprochant dangereusement. Nos visages ne sont plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Mon cœur bat la chamade et je sens mon souffle se raccourcir.

— Oui, je souffle.

Puis je me penche vers lui et capture ses lèvres dans un baiser intense. Ses mains se posent délicatement sur mes hanches, tandis que mes bras entourent son cou. Le baiser est passionné, chaque mouvement de nos lèvres et de nos langues exprimant l'envie et le désir que nous ressentons l'un pour l'autre.

Le monde autour de nous semble disparaître. Il n'y a que Mathieu et moi, nos respirations entrelacées et nos corps pressés l'un contre l'autre. Je me perds dans la sensation de ses lèvres, de ses mains, de sa chaleur.

Après ce qui semble être une éternité, nous nous séparons doucement, nos regards toujours plongés l'un dans l'autre. Je peux voir le désir et l'affection dans ses yeux, et je sais qu'il voit la même chose dans les miens.

— Math...

Soudain, le téléphone de Mathieu vibre dans sa poche. Il se détache légèrement de moi, ses yeux encore brillants de désir, et sort son téléphone.

— Allô, dit-il en décrochant.

Je n'entends pas ce que lui dit son interlocuteur.

— Ouais, je peux venir te chercher, t'inquiète. Je suis au studio, j'vais pas pouvoir arriver aussi vite que quand je pars de l'appart.

Il raccroche et me regarde, un sourire d'excuse sur les lèvres.

— C'est Enzo, il veut que j'aille le chercher au collège. Mon père travaille et Mamie est allée voir ses copines alors y'a que moi.

— Pas de soucis. On se voit dans deux jours de toute façon.

— Ouais, dans deux jours, dit il avec un grand sourire aux lèvres avant qu'on sorte du studio.