XXX - Mathieu

Paris - Novembre 2021

Je suis avachi sur le vieux canapé défoncé du studio, une épaisse fumée de beuh flottant autour de moi. Ça fait des heures que je suis enfermé ici, à m'enfumer le crâne. J'ai perdu la notion du temps, plongé dans un état second.

Les restes d'un kebab froid traînent sur la table basse à côté d'un cendrier plein à ras bord. Des verres à moitié vides sont éparpillés un peu partout. Karmen nous a rejoint en fin de soirée et m'a aidé à taffer sur une prod que j'aime bien. On a posé quelques sons plutôt sympa.

La porte du studio s'ouvre à la volée, laissant entrer un courant d'air frais qui vient me tirer de ma torpeur. Je me redresse d'un bond, les yeux encore embués par la fumée des joints. C'est Lesram qui fait irruption dans la pièce, un air réjoui sur le visage. Je suis content de le voir, ça fait un moment qu'on n'a pas bossé ensemble ici.

Mais, je suis très surpris de voir débarquer 3 silhouettes féminines derrière lui. Margot, Thaïs et Océane.

T'étais au courant qu'elles venaient ? Je demande à Ormaz d'un air perplexe.

Avachi dans un fauteuil, il me lance un regard blasé avant de tirer une longue taffe sur son joint.

Ouais, Thaïs m'a prévenu et Saddam m'a dit qu'Océane lui a dit aussi qu'elles allaient passer avec Lesram.

Ils sont devenus grave proches en peu de temps eux, nan ? Je ne peux m'empêcher de lancer d'un air soupçonneux.

Ormaz éclate de rire avant de secouer la tête d'un air navré.

Mec, t'es sérieux à faire le jaloux avec Saddam ? On parle d'Océ là. Il la considère limite comme sa petite sœur et tu l'sais.

Je hausse les épaules d'un air peu convaincu. Même si je sais que Saddam n'a aucune vue sur Océane, je ne peux m'empêcher de ressentir une pointe de jalousie à l'idée qu'il soit si proche d'elle.

Ouais j'sais pas. Il était au courant pour son anniv lui. Moi elle me prévient jamais.

Ormaz me dévisage un instant avant d'éclater de rire à nouveau. Il allait répliquer quelque chose mais Thaïs vient s'asseoir sur ses genoux à ce moment-là, coupant court à la conversation. Depuis qu'ils ont commencé à se fréquenter, ils ne sont plus du tout timides et n'hésitent pas à s'embrasser devant tout le monde. Je suis content pour eux.

Océane, quant à elle, vient s'asseoir à côté de moi, sa cuisse frôlant la mienne. Un frisson me parcourt à ce léger contact et je respire son parfum qui m'attire comme un aimant.

Et bah, t'en tire une tête toi...

Pourquoi tu m'a pas dit que t'allais passer tout à l'heure ?

C'est pour ça que tu boudes ? Parce que je t'ai pas prévenu ? dit-elle en pinçant avec ma joue.

Ouais, j'aime pas les surprises tu vois... et j'aime pas qu'on me pince les joues non plus alors arrête ! je râle en repoussant sa main.

Bah pourquoi, elles sont bien comme ça. Tes petits grains de beauté aussi, ça t'ajoute tellement de charme...

Son regard se pose sur mon verre pendant que j'assimile ce qu'elle vient de me dire. Elle me trouve charismatique ?

Tu me trouves charismatique ?

Tu va pas me faire croire que tu sais pas que t'es beau ?

Tu me trouves beau ?

Mais arrête ! Passe moi ton verre plutôt, j'ai soif moi aussi...

Je la dévisage avant de porter le verre à mes lèvres pour en boire une longue gorgée, savourant la brûlure délicieuse qui me descend dans la gorge. Puis lentement, je lui tends mon verre.

Tu vas pas kiffer.

Qu'est ce que t'en sais ?

Je le sais, c'est tout.

Elle s'empare du verre pour en boire une gorgée à son tour. Cependant, elle ne peut retenir une grimace de dégoût en avalant. Sa langue vient lécher ses lèvres avec une moue écœurée et je trouve ce geste beaucoup trop sexy.

Mais c'est hyper chargé ton truc, c'est dégueulasse !

Je t'avais prévenu.

Je reprends mon verre et le finis d'une traite. J'attrape la bouteille de Jack pour me resservir et du coin de l'oeil, je vois qu'Océane se sert à son tour. Vodka Redbull.

J'men roule un, ça intéresse quelqu'un d'être P2 ? demande Saddam

Moi je veux bien, dit Océane.

Elle se lève d'un bond pour rejoindre Saddam, attrapant le joint qu'il lui tend. Je la regarde avec des yeux ronds tandis qu'elle porte le pétard à ses lèvres pour en tirer une longue taffe, ses joues se creusant sous l'effort.

Un grondement sourd m'échappe tandis que je la dévore du regard, appréciant la vision de ses lèvres pulpeuses se refermant sur le joint. Putain, c'est tellement bandant de la voir fumer comme ça ! Je devrais pas dire ça mais j'ai un problème avec les meufs quand elles fument, j'trouve ça beaucoup trop attirant.

Assise à côté de Saddam sur le canapé d'en face, elle semble m'avoir totalement zappé, trop occupée à rire et discuter avec mon pote. Elle joue à quoi comme ça ? Je m'allume un gros joint pour me calmer. Déjà elle me prévient pas qu'elle vient, mais en plus elle se fout ouvertement de ma gueule. J'espère qu'elle va pas continuer comme ça trop longtemps sinon ça va me gaver.

Le pire, c'est que j'suis archi pas légitime de penser ça. On s'est rien promis avec Océane alors elle fait ce qu'elle veut, mais ça me rend ouf quand même. J'arrive pas à suivre ce qui se passe dans son crâne. Y'a même pas deux jours, elle se confie à moi, on passe limite une journée de couple ensemble et maintenant, elle s'enfume comme un pompier.

Je me retiens de faire une connerie, me contentant de les observer d'un air boudeur. Thaïs suit Ormaz dans une des pièces insonorisées du studio, me laissant seul avec les deux autres. Karmen est en train de mixer, concentré sur ses platines. Margot et Lesram eux, s'embrassent dans un coin sans se soucier du reste du monde. Pourquoi c'est jamais simple avec moi comme pour les autres ?

Au même moment, je reçois un message de Valentine. Putain, je l'avais oublié celle là. Je serre les dents. Ils sont tous sur mon dos en ce moment c'est pas possible. Comme si ça suffisait pas d'avoir recroiser Laura...

De Valentine
Salut Math, tu penses passer quand à l'appart, ça fait longtemps que t'ai pas venu ?
Tu me manques !

Je lui réponds d'un ton un peu froid que j'suis pas mal occupé et que j'ai pas de temps pour les meufs en ce moment.

Deux secondes plus tard, j'ai déjà une réponse qui m'énerve encore plus.

De Valentine
Ah ouais, j'suis qu'une meuf au hasard pour toi
T'es vraiment qu'un sale con
Va te faire foutre

Pitié mais elle va jamais me lâcher celle-là. Je la bloque direct pour être tranquille. Flemme de recevoir d'la haine par message. Je le sais que j'suis un connard, c'est pas la peine de me le rappeler.

Je sens une masse s'abattre à côté de moi.

—  Pourquoi tu boudes encore ?

Laisse moi Océane !

Ok je vois. Pourquoi t'es froid comme ça ?

Je ne peux m'empêcher de lever les yeux au ciel d'un air exaspéré.

J'suis pas froid Océane, c'est toi qui te fais des films.

Mais tu me prends pour une imbécile ou quoi, c'est quoi ton problème là ?

Mais y'a r vraiment, arrête de forcer tu me fait mal au crâne, je râle d'un ton sec.

T'as la mâchoire qui va exploser et tu serres les poings depuis tout à l'heure, tu m'expliques ? C'est à cause de Laura ?

Le prénom de mon ex fait l'effet d'une douche froide.

Me parle pas d'elle stp sinon je vais m'énerver.

Très bien, alors parlons de nous.

Un lourd silence s'abat sur la pièce tandis que je la dévisage d'un air sombre. Qu'est-ce qu'elle attend de moi au juste ?

Qu'est-ce que tu veux que je te dise au juste ? Je finis par lâcher.

Océane hausse les épaules.

Je sais pas, peut-être que tu voulais juste coucher avec moi et que maintenant que c'est fait, t'essaye de me le faire comprendre en agissant comme un salaud ?

Ses paroles me frappent en pleine poitrine, m'ôtant le souffle pendant quelques secondes.

Sérieusement Océane ? C'est comme ça que tu me vois ? J'explose soudain, la stupeur laissant place à la colère.

Bah je sais pas, moi ce que je vois c'est que tu mets des grandes distances et que tu me parles hyper mal depuis que j'suis arrivée et puis, tu me regardais hyper mal quand j'étais avec Saddam, c'est bon je te le rends ton pote...

Elle comprend tout de travers, genre là elle a pas remarqué que je suis jaloux comme un porc. Mais c'est hors de question que je lui avoue alors je dis sans doute l'une des pires choses à dire dans ce cas là.

Jt'ai jamais rien promis, c'est pas ma faute si tu t'es imaginé déjà mariée.

Un silence de plomb s'abat sur la pièce tandis qu'Océane me dévisage d'un air interdit, comme si elle n'en croyait pas ses oreilles. Ses yeux s'emplissent de larmes tandis qu'elle secoue lentement la tête.

Tu te rends compte de ce que tu me dis ? Et moi qui me suis confiée, j'suis vraiment qu'une sale conne.

Oh non pleure pas. Pas à cause de moi. J'suis un con tu le sais. Je mérite pas tes larmes. C'est ce que j'aimerais lui dire mais ça ne sors pas. Je la regarde se lever, fuyant mon regard et mes paroles blessantes.

J'tavais dit que j'étais pas un bon garçon, je rétorque avec un sourire en coin minable dans un effort merdique pour me justifier.

Mais c'est trop tard, Océane a déjà quitté la pièce d'un pas vif, me laissant seul avec ma connerie. Je suis minable. Je me déteste. Je la vois se diriger vers la pièce où Saddam est en train de bosser et je vrille complètement.

J'attrape ma sacoche et je sors de la pièce sur les nerfs. J'ai besoin de prendre l'air. La fraîcheur de la nuit me gèle les couilles lorsque je passe la porte du studio. Je monte dans ma caisse et fait ronfler le moteur comme un débile avant de démarrer.

Putain. Mais je suis vraiment trop con, c'est pas vrai...

Je roule sans but précis, slalomant entre les voitures à une allure folle. Les rues défilent devant mes yeux sans que je n'y prête vraiment attention, mon esprit encore embrumé par ma dispute avec Océane.

Soudain, au détour d'un virage serré, une voiture surgit droit devant moi. J'ai à peine le temps de piler que le choc est déjà là, me projetant violemment en avant. Un bruit de tôle froissée, le crissement des pneus sur le bitume...

Puis plus rien.

Le noir complet.

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