XLV - Océane
Alpes - Décembre 2021
— Eh Océ, Yvick me demande si tu veux faire la course ? me dit Margot
— Ici dans les virages, mais il est malade ?
— Il rajoute que Math a dit que t'oserais jamais le faire.
— Il va voir si j'ose pas ! Dis lui que c'est ok.
Je les regarde tous, une lueur de défi dans les yeux.
— Accrochez vous, c'est hors de question que je les laisse gagner.
Je rattrape la voiture d'Yvick qui se trouve devant moi et je mets juste derrière lui. J'attends d'avoir un peu de visibilité pour le doubler. Je pousse à fond sur l'accélérateur et je le dépasse en faisant ronfler le moteur. Je me rabat devant lui en négociant un virage serré.
— Meuf, t'as appris à faire ça où ?
— J'allais souvent conduire sur des routes de merde avec Benjamin...
— Ah oui c'est vrai, je l'avais oublié ce clochard, lâche Margot.
Thaïs rit et s'accroche à la poignée au-dessus de la porte, les yeux écarquillés de surprise.
— Je vais te tuer, tu refais jamais ça, j'ai eu trop peur.
— Tu me fais confiance ?
— Oui mais...
— Alors t'inquiète pas, je gère !
Je garde les yeux rivés sur la route, mon cœur battant à tout rompre. Les virages serrés défilent à une vitesse folle, mais je garde le contrôle, déterminée à ne pas laisser Yvick me rattraper. Les routes de montagne sont traîtresses, mais j'ai l'avantage de connaître quelques astuces de conduite que mon ex m'a apprises.
Les autres passagers de la voiture crient de joie et d'excitation, ajoutant à l'adrénaline qui coule dans mes veines. Yvick tente de me suivre, mais il a du mal à maintenir la cadence dans les virages. Je jette un coup d'œil dans le rétroviseur et le vois se battre pour rester sur mes talons.
Le parking de la station de ski se profile à l'horizon. Je prends un dernier virage serré, le pneu crissant sur la route enneigée, et je m'élance sur la ligne droite finale. Yvick est toujours derrière moi, mais il ne parvient pas à combler la distance. Je ralentis légèrement pour me garer en premier, sentant la victoire proche.
— Yes ! crie Margot en levant les bras. On a gagné !
— J'aurais pas parié sur toi au début, admet Lisko.
— Ne jamais sous estimer une femme.
Yvick se gare à côté de nous et j'explose de rire en voyant la tête qu'il fait en sortant de sa voiture.
— T'as appris à conduire où comme ça ?
— Un professionnel ne dévoile jamais ses secrets !
— Allez Océ, j'me repasse en boucle la scène dans laquelle tu m'a doublé dans le virage.
— Je t'apprendrais si tu veux...
Tout le monde semble de bonne humeur sauf Mathieu qui se précipite vers moi, le visage fermé.
— T'es folle d'avoir fait ça, c'était hyper dangereux !
— T'as eu peur bichette ?
— Commence pas à faire la maligne avec moi !
— Bah viens pas faire le daron, tu seras jamais à la hauteur de toute façon.
Je ne sais pas pourquoi j'ai répondu de manière aussi violente mais je crois que j'avais besoin de lui faire mal. Pourquoi est-ce que je devrais être la seule qui s'en prend plein la gueule ? J'ai toujours été compréhensive avec lui, je n'ai jamais cherché à faire de vagues mais dès ma première erreur, il m'a considéré comme une moins que rien. C'est hors de question que je me laisse faire !
Un lourd silence s'abat suite à ma pique cinglante. Mathieu me dévisage d'un air blessé tandis que je soutiens son regard avec défi. Pourquoi faut-il toujours qu'il gâche tout ?
Les autres semblent mal à l'aise face à cette nouvelle tension. Finalement, c'est Ormaz qui vient désamorcer la situation :
— Bon allez, y'a déja la queue pour louer le matos alors si on veut pas de la merde, faut se bouger.
On se dirige vers la location de matériel et je ne prête pas attention au polonais qui tire la gueule derrière moi. C'est lui qui a décidé de tout foutre en l'air entre nous, pas moi.
Le personnel de la boutique de location nous accueille avec le sourire, et rapidement, nous sommes équipés de skis et de snowboards pour les plus téméraires d'entre nous.
On prends le télésiège jusqu'en haut des pistes et pendant toute la montée, je contemple les sommets enneigés qui me font face. J'ai tellement pas l'habitude de voir ça à Paris. Les montagnes, majestueuses et immaculées, me font oublier momentanément tous mes soucis.
— Vous voulez faire quelles pistes ? demande Ormaz une fois qu'on est tous arrivés en haut.
— J'aurais bien fait une rouge pour commencer, dit Lesram.
— Moi j'ai un snow alors je vais plutôt partir sur une verte.
Je vois que personne ne semble prêt à accompagner Saddam sur la verte alors je propose autre chose.
— Bah fais une bleue et on t'accompagne, tu vas pas rester solo.
— Tu me rattrape si je me casse la gueule ?
— Toujours.
On part tous dans la même direction mais j'évite Mathieu au maximum. Je reste avec les filles en essayant d'oublier qu'il se trouve à quelques mètres de moi.
Le soleil brille haut dans le ciel, rendant la neige presque éblouissante. Les pistes sont parfaites, et je sens mon cœur battre plus fort en anticipation. Dès que je dévale la pente, tout le reste disparaît. Je sens le vent siffler à mes oreilles, le froid mordant mon visage, et je ris en voyant Margot et Thaïs essayer de me rattraper.
On dévale la montagne à toute allure, enchaînant les virages avec une précision presque parfaite. Les garçons sont un peu plus loin derrière, je crois qu'ils aident Saddam qui a du mal avec son snow.
J'ai eu beau lui dire qu'il allait le regretter mais monsieur voulait se la péter devant les potentielles meufs de la station. Pour l'instant, il se pète juste la gueule.
Je profite de chaque descente, oubliant temporairement les tensions avec Mathieu. Les paysages sont à couper le souffle et la sensation de glisser sur la neige est libératrice. Mais alors que je commence à vraiment m'amuser, un petit garçon, probablement débutant, perd le contrôle de ses skis et file droit sur moi. Je n'ai pas le temps de réagir.
Le choc est brutal. Le garçon me percute de plein fouet, et je perds l'équilibre instantanément. Le monde tourne autour de moi alors que je glisse sur plusieurs mètres, la neige froide brûlant ma peau à travers mes vêtements. Je lutte pour reprendre le contrôle, mais la pente est trop raide et je me retrouve à dériver dangereusement vers le bord du ravin.
Mon cœur bat à tout rompre et une panique pure s'empare de moi. Je tente désespérément d'arrêter ma course folle en plantant mes bâtons de ski dans la neige, mais c'est peine perdue. La peur me paralyse lorsque je me rends compte de la proximité du ravin.
Soudain, des bras puissants m'attrapent et me tirent en arrière. Je sens la solidité et la force derrière cette étreinte, et je reconnais immédiatement cette sensation. C'est Mathieu.
— Océane, ça va ? T'as rien ? crie-t-il, son visage blême de terreur.
Je hoche la tête, tremblante de tous mes membres, encore sous le choc. Il me tient fermement contre lui, ses yeux rivés aux miens comme pour s'assurer que je suis bien là, vivante.
— Oui... je crois... Merci, dis-je faiblement, la voix encore tremblante.
Il m'aide à me remettre complètement debout, refusant de me lâcher tant qu'il n'est pas certain que je tiens bien sur mes skis. Cependant, une fois rassuré sur mon état, la peur se mue rapidement en colère sur ses traits.
— Fais attention, bordel ! Tu te rends compte de ce qui aurait pu arriver ? dit-il, sa voix pleine d'émotion.
Je le regarde, les larmes aux yeux, incapable de répondre. Une fois certain que je vais bien, Mathieu se retourne brusquement et s'éloigne, retrouvant sa froideur et ses distances habituelles de ces derniers jours.
Les autres nous rejoignent, leurs visages marqués par l'inquiétude.
— Chouchou, ça va ? s'écrie Margot en arrivant à ma hauteur.
— Oui, ça va. Un peu secouée, mais ça va, dis-je en essayant de sourire pour les rassurer.
Le reste de la journée se passe dans une ambiance étrange. Mathieu m'ignore délibérément, se concentrant sur le ski avec les autres garçons. Je fais de mon mieux pour profiter de la neige et de la compagnie de mes amis, mais l'incident m'a laissé une impression durable. Le souvenir des bras de Mathieu autour de moi, de sa panique visible, reste gravé dans mon esprit, et je me demande comment les choses entre nous ont pu en arriver là.
En fin de journée, alors que le soleil commence à descendre derrière les montagnes, nous décidons de faire une dernière descente. La lumière dorée du crépuscule enveloppe la piste d'une lueur presque magique. Je dévale la pente une dernière fois, le cœur serré, consciente que la distance entre Mathieu et moi semble plus grande que jamais.
[...]
Pendant que les autres s'affairent dans la cuisine pour préparer la raclette, moi je suis assise sur le fauteuil du salon, la jambe droite surélevée et avec une poche de glace posée sur ma cheville qui a doublé de volume depuis ma chute.
Mathieu est en face de moi, les yeux rivés sur son téléphone. Il ne m'a pas adressé un mot de la soirée. Après ma chute, je pensais qu'il arrêterait de jouer au con mais même pas. il a vraiment décidé de m'ignorer, de faire comme ci je n'étais pas là et comme s'il ne s'était jamais rien passé entre nous.
Je soupire, tentant de trouver une position plus confortable. La douleur lancinante de ma cheville ne m'aide pas à apaiser ma frustration. De temps en temps, je jette un coup d'œil à Mathieu, espérant un signe, un regard, quelque chose. Mais rien.
Les rires et les conversations animées dans la cuisine contrastent avec le silence tendu qui règne entre lui et moi. Je ferme les yeux, essayant de me concentrer sur autre chose, mais c'est impossible. Chaque mouvement de sa part, chaque soupir qu'il laisse échapper me frustre énormément. Pourquoi est-il venu poser son cul ici si c'était pour m'ignorer ?
Il commence sérieusement à me courir sur les nerfs. J'ai pas son temps pour jouer au gamin de trois ans.
Quand c'est prêt, Margot vient m'aider à m'installer à table. Je me sers d'un peu de tout et je me cale bien au fond de la chaise. Je pose mon pied sur une chaise à côté en espérant que ma cheville va vite dégonfler. Déjà que je vais être obligée de rester là demain.
— Bah alors l'handicapée, on fait plus autant la maligne maintenant, me clashe Yvick.
— Même avec une jambe en moins, je te prends à la course.
— Tu parles beaucoup pour quelqu'un qui s'est fait renverser par un gosse.
— Ça aurait pu être n'importe qui, t'abuses, je rétorque d'un ton un peu agacé.
— Passe-moi le sel, me demande Mathieu sèchement et sortant de nulle part.
Je rêve ou il vient de m'adresser la parole ? Pas de chance pour lui, le seul pot est à côté de moi.
— T'as retrouvé ta langue toi ? je siffle.
— Me chauffe pas !
— Olala mais j'en ai marre de tes caprices.
Je jette le sel à côté de lui et m'en désintéresse complètement. J'attrape un nouveau morceau de fromage que je fais fondre et je me tourne vers Tha¨¨s et Ormaz à côté de moi. Mais même en essayant de l'ignorer, je sens le regard brûlant de Mathieu sur moi, rendant chaque bouchée de nourriture difficile à avaler.
A quoi il joue ?
Les autres continuent de discuter et de rire, mais la tension entre Mathieu et moi est palpable. Chaque fois que nos regards se croisent, une vague d'émotions intenses me traverse, mélange de colère, de frustration et, contre mon gré, de désir.
Pourquoi est-ce qu'il faut qu'il soit aussi beau qu'il est détestable ?
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