XI - Océane

Paris - Octobre 2021

Je lui fais face, une bouffée de fumée s'échappant d'entre mes lèvres. Son regard de braise me dévore littéralement sur place. Heureusement pour moi, il a remis son t-shirt.

Il se pose nonchalamment sur la chaise en face de moi et commence à se rouler un joint. Et il n'y va pas de main morte, je constate en observant la quantité généreuse de cannabis qu'il utilise.

Salut, je réponds d'une voix que j'espère posée.

Un silence tendu s'installe, durant lequel je le regarde rouler avec des gestes experts. Il porte finalement le joint à ses lèvres pour l'allumer avant de rejeter la tête en arrière, savourant les premières bouffées d'un air apaisé.

Je détourne le regard, soudain mal à l'aise, et me reconcentre sur le paysage urbain qui s'étend sous mes yeux. Les lumières de la ville scintillent dans la nuit comme un océan de lucioles.

Alors comme ça, tu fumes aussi ?

La voix grave de Mathieu me fait sursauter. Je me tourne à nouveau vers lui pour le trouver en train de me dévisager d'un air indéchiffrable, le joint en suspens.

Ouais... De temps en temps, j'avoue en haussant les épaules.

J'aurais jamais pensé ça d'une fille comme toi.

Il y a comme une pointe de défi dans sa voix, comme s'il me mettait au défi de le détromper. Piquée au vif, je redresse le menton et lui réponds sèchement.

Une fille comme moi ? Tu veux dire quoi par là ?

Je sais pas, t'as l'air... d'une fille bien. T'es une fille de la capitale toi, pas le genre à faire des conneries et à traîner avec des mecs de banlieue.

Un rire amer m'échappe tandis que je secoue la tête d'un air désabusé. Il est loin de se douter à quel point il se trompe sur mon compte ! A quel point mes années de lycée ont été dures sans mon père.

Tu te trompes. J'ai pas eu la vie que t'imagine. J'ai fait pas mal de conneries dans ma vie...

Ah ouais ? T'es pas une fille à papa genre ? J'suis sûr que t'es conneries c'était de retrouver tes copines en douce.

Je marque une pause, hésitante. Puis, contre toute attente, je finis par lâcher d'un ton provocateur :

— Pourquoi tu parles alors que tu connais pas ma vie ? Lâche ma veste un peu...

Oh pardon, j'voulais pas te vexer mais vas y je connais pas les codes des beaux quartiers moi..., dit il d'un ton sarcastique.

Qu'est ce que tu me veux ? Que j'te dise que j'ai eu une enfance facile, que je te plaigne parce que toi t'as pas eu une vie facile ? Mais tu sais rien de moi !

Mathieu me dévisage d'un air surpris avant d'éclater de rire. Un rire franc qui fait étinceler son regard d'une lueur d'amusement. Je le regarde déroutée.

Ouais, vas-y, je t'écoute ! Épate-moi !

On n'est pas assez proches pour ça.

Il marque une pause, visiblement pris au dépourvu. Il doit pas être habitué à ce qu'une fille lui dise non. Puis un sourire narquois étire ses lèvres à son tour.

C'est ça, fais ta précieuse ! Je suis sûr que t'as rien à raconter en vrai.

Ah ouais ? Tu crois ça ?

Je me rapproche de quelques pas, plongeant mon regard dans le sien d'un air de défi. Nous sommes si proches que je peux presque sentir son souffle contre mon visage.

Cela ne semble pas le gêner plus que ça puisqu'il porte la fin de son joint à ses lèvres pour inspirer une longue taffe. Et alors que je pensais qu'il allait tourner la tête, je me prends en plein visage son nuage de fumée. J'en inspire, un peu. Il me fait perdre la tête.

Tu veux la fin ? il me demande.

Ouais pourquoi pas.

Il commence à se pencher vers moi, comme pour me faire une soufflette. Mon cœur s'emballe à cette perspective alors que nos visages ne sont plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Je sens son souffle chaud contre moi quand il inspire la dernière bouffée de son joint. Je ne contrôle plus rien et j'attends, prête à inspirer sa fumée. Mais au dernier moment, Mathieu se détourne et se recule pour expirer dans la nuit, loin de moi.

Désolé, on n'est pas assez proches pour ça, lâche-t-il avec un petit rire moqueur.

Seigneur.

Je vais le tuer.

Tu veux jouer à ça ?

Et à quoi on joue au juste ?

Je sais pas, c'est toi qui a été ignoble avec moi sans raison.

Un lourd silence s'installe soudain entre nous. Mathieu me dévisage d'un air soudain sérieux.

Ouais j'sais... Désolé pour ça, finit-il par lâcher dans un souffle. J'suis juste con.

Dans un état étrange, je me rallume une nouvelle cigarette en évitant soigneusement son regard. Je ne sais plus quoi dire pour briser le silence qui commence à peser dans l'air. Mais pour rien au monde, je ne veux être celle qui quittera ce balcon la première.

Écoute Océane, reprend soudain Mathieu d'une voix posée. Je sais que je pourrais jamais me rattraper d'avoir été une grosse merde avec toi, mais j'aimerais qu'on reparte sur de nouvelles bases toi et moi.

Je relève la tête vers lui, surprise.

Ouais, ok, je finis par lâcher.

C'est tout, t'es ok ? insiste-t-il avec un petit rire. Juste avec ce que je t'ai dit c'est ok ?

Ouais !

Ok, répond-il en haussant les épaules.

Je termine ma cigarette d'une dernière longue bouffée, les yeux dans le vague. La tension dans l'air me donne des frissons à tel point que j'en oublie presque face à qui je me trouve. Avec qui je suis en train de discuter... On parle de Mathieu Pruski. PLK. Merde. J'en reviens pas.

Le blond en face de moi doit lire mon trouble sur mon visage parce qu'il me demande soudain :

Ça va ?

Ouais ouais, je commence à être un peu claquée je pense.

Tu bosses demain ?

On peut dire ça.

Tu bosses pas ? insiste-t-il d'un air curieux.

Si mais quand j'ai envie, j'explique. J'écris donc je peux le faire quand je veux et où je veux.

Un peu comme moi alors, remarque Mathieu avec un petit rire.

Tiens ça le dérange plus les comparaisons maintenant.

Ouais, c'est ça.

Un court silence s'installe avant qu'il ne reprenne :

Je t'ai vu tout à l'heure, t'as kiffé le son ?

Il est cool, je réponds d'un ton que j'espère neutre.

C'est tout ?

Je hausse les épaules d'un air faussement détaché.

Il envoie grave du lourd si tu préfères.

Mathieu éclate de rire, de ce rire si particulier, atypique, que j'ai du mal à qualifier. Un rire qui me fait frissonner malgré moi.

T'écoute ce que je fais un peu ?

Pourquoi ?

Vas-y comme ça, commence pas à faire la meuf !

Je ne peux réprimer un petit rire à mon tour en voyant qu'il le prend très au sérieux.

Ouais, j'ai grave kiffé Enna d'ailleurs, je finis par avouer.

Merci, ça fait grave plaisir, répond-il simplement.

Le silence retombe quelques instants entre nous, mais cette fois-ci plus léger, détendu. Presque... complice, en quelque sorte. Jusqu'à ce que Mathieu ne le brise à nouveau d'un ton taquin :

T'es une groupie en fait !

T'aimerais bien hein, je réplique du tac au tac. Que je sois fan de ce que tu fais, de ta voix et de tes paroles. Que j'ai des posters plein ma chambre et tes vinyles sur mes étagères.

Mathieu écarquille les yeux d'un air exagérément choqué avant d'éclater de rire.

Comment t'es pas drôle c'est abusé ! J'suis sur que ça serait trop ton rêve en vrai ?

Faut pas pousser non plus, je rétorque en levant les yeux au ciel. J'ai une certaine dignité quand même !

Ah ouais ? Pourtant j'ai comme un doute là...

Sur ces mots, il se rapproche de moi d'un pas de félin. Avant que je n'aie eu le temps de réagir, il me saisit par la taille pour me plaquer contre lui dans un geste plein d'assurance. Son corps brûlant se presse contre le mien, m'arrachant un hoquet de surprise. Qu'est ce qu'il fout ?

Alors, t'es une groupie de PLK ou pas ? murmure-t-il d'une voix rauque à mon oreille.

Un délicieux frisson me parcourt tandis que mon cœur s'emballe soudain. Malgré moi, je me sens rougir jusqu'à la racine des cheveux devant son attitude délibérément provocante. Pourquoi il parle de lui à la troisième personne aussi ?

Même pas en rêve, Pruski ! je proteste d'une voix que j'espère assurée.

Menteuse...

Et aussi soudainement que c'est arrivé, il se détache de moi et s'en va d'un pas vif. Je le regarde partir, pantelante, en le voyant ouvrir la porte de sa main tatouée. Rahh, il va me falloir plus qu'une cigarette pour me remettre de ce qu'il vient de se passer !

À plus Océ, lance-t-il avec un sourire narquois par-dessus son épaule.

Pour toi, c'est Océane, je ne peux m'empêcher de répliquer d'un ton cinglant.

Pourquoi je le provoque moi ?




Et un nouveau chapitre !
J'espère que ça vous plaît, hésitez pas à commenter, ça fait toujours plaisir de lire vos réactions. ❤️

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