VIX - Océane

Paris - Octobre 2021

Ce matin, une colère noire m'envahit à la simple vue du nom affiché sur mon téléphone. Ma tante Hélène. Celle-là même qui m'a élevée après le décès prématuré de mon père quand j'avais 14 ans. Celle qui a été comme une mère pour moi après que ma génitrice nous ait abandonné, mon père et moi, quand j'avais 8 ans

Jusqu'à ce que, du jour au lendemain, elle me tourne le dos à la seconde où j'ai eu 18 ans. Comme si, une fois majeure, je n'étais plus digne de son attention et de ses soins. Du jour au lendemain, elle m'a rayée de sa vie sans une once de remords ou d'explication. Comme ma daronne. Toutes les mêmes.

Et voilà que maintenant, 4 ans plus tard, cette femme qui m'a rejetée comme une vieille merde ose me contacter à nouveau. Comme si de rien n'était. Comme si elle ne m'avait pas piétinée de la pire des manières.

Les mains tremblantes de rage, je finis par décrocher d'une voix glaciale :

Qu'est-ce que tu me veux ?

Un lourd silence accueille ma question abrupte avant que la voix hésitante de ma tante ne s'élève.

Bonjour ma chérie... Je sais que je suis la dernière personne que tu as envie d'entendre mais j'ai besoin de ton aide.

Je manque de m'étouffer de rire tant sa demande est pleine de culot.

Mon aide ? Mais pour quelle raison voudrais-je t'aider après ce que tu m'as fait ?

S'il te plaît Océane, écoute-moi au moins...

Non, toi, écoute-moi bien ! je la coupe d'une voix vibrante de fureur. Tu m'as abandonnée comme un vulgaire paquet encombrant le jour de mes 18 ans ! Après tout ce que j'ai enduré, tout ce par quoi je suis passée, tu n'as même pas eu la décence de m'expliquer pourquoi !

Les mots se bousculent, déversant un flot de rancœur et de peine trop longtemps contenues.

Tu étais tout ce qu'il me restait au monde ! Ma seule famille ! Tu savais à quel point Papa me manquait. Et tu m'as rejetée sans un regard en arrière ! Alors non, je ne veux rien entendre de plus. Tu n'existes plus pour moi, c'est bien compris ?

Sur ces derniers mots, je raccroche d'un geste sec, le cœur battant la chamade. Les larmes brûlantes qui roulent sur mes joues témoignent de la douleur à vif que je ressens encore en repensant à cette terrible trahison.

Hélène n'a pas le droit de refaire irruption dans ma vie comme si de rien n'était. Pas après m'avoir infligé une telle souffrance. Quoi qu'elle veuille de moi, elle ne l'obtiendra pas. C'est une promesse que je me fais à moi-même.

Plus jamais je ne la laisserai m'atteindre et me blesser comme elle l'a fait. Cette page douloureuse de ma vie est tournée à jamais. J'ai réussi à retourner dans l'appartement de papa et j'ai mis du temps à me reconstruire après ces multiples abandons. J'ai même dû aller voir un psy pour qu'on m'explique que ce n'était pas de ma faute.

Je serre les poings, luttant pour contenir les sanglots qui me secouent. Après toutes ces années, la blessure est toujours aussi vive. Comment pourrait-il en être autrement après avoir été trahie par les deux femmes qui étaient censées m'aimer inconditionnellement ?

Deux abandons d'une violence inouïe qui m'ont brisée, laissant des séquelles indélébiles. J'ai eu beau suivre une thérapie, travailler sur moi-même, rien n'a jamais réussi à combler totalement ce vide béant en moi. Ce manque d'amour maternel qui me hante depuis l'enfance.

Mais je ne suis plus cette petite fille apeurée et meurtrie. J'ai appris à me construire une carapace, à avancer malgré les coups durs. Mon succès en tant qu'autrice en est la preuve éclatante. Même si parfois, comme aujourd'hui, les vieilles blessures se rouvrent...

Après ce terrible appel qui a rouvert tant de blessures, j'ai besoin d'air. De m'éloigner de cet appartement qui porte encore trop les stigmates de ma douloureuse enfance.

C'est d'un pas lourd que je me dirige vers le musée d'Orsay, où Margot nous a donné rendez-vous avec Thais. Elle veut nous présenter sa nouvelle collègue qui vient d'arriver en alternance.

Océane, Thaïs, je vous présente Valentine, mon nouveau bras droit, lance joyeusement Margot alors que nous la rejoignons au musée d'Orsay.

Enchantée, nous répond Valentine avec un sourire avenant.

Brune, carré court, magnifique et vêtue d'un tailleur noir, je me sens ridicule à coté d'elle. Elle respire l'élégance et le charisme. J'ai l'impression d'être une gamine fadasse à coté d'une femme fatale.

Nous déambulons un moment dans les salles d'exposition, Margot et Valentine nous prodiguant leurs connaissances artistiques avec passion. Des tableaux de Monet en passant par Renoir et Van Gogh, cette sortie m'apaise. J'aime l'art et cela me fait toujours du bien de m'évader devant de belles créations.

Plus tard, alors que nous sommes toutes les quatre attablées dans un bar pour boire un verre, le téléphone de Thaïs se met à sonner. C'est Ormaz qui l'invite à une soirée pour fêter la sortie prochaine du nouvel album de Mathieu. Un large sourire illumine le visage de Thaïs.

On y va les filles ? Allez dites oui s'il vous plaît ! nous lance-t-elle avec enthousiasme.

Je suis mitigée, je réponds d'un air hésitant.

Thaïs me dévisage d'un air surpris.

Oh allez Océ, je sais que tu n'aimes pas trop le gugus mais tu ne peux pas nier qu'en tant qu'artiste il est doué.

Je pousse un profond soupir. Elle n'a pas tort, je ne peux le nier. Mais en même temps...

Je sais mais me dis pas que t'as déjà oublié ce qu'il a fait, je rétorque d'une voix tendue.

Un léger froid s'installe soudain à notre table. Thaïs et Margot échangent un regard gêné, bien conscientes que j'évoque l'humiliation que Mathieu m'a fait subir quelques semaines plus tôt. C'est vrai que l'on s'est revu une fois chez Ormaz mais j'ai pas envie de passer le reste de mes soirées avec eux, avec lui.

Vous parlez de qui ? interroge Valentine d'un air curieux.

Margot me sonde du regard, comme pour me demander la permission de lui en dire plus. Je hausse les épaules avec une moue désabusée.

Vas-y, dis-lui si tu veux, je m'en fous.

Ormaz nous invite à une soirée chez lui pour fêter la finalisation de la sortie d'Enna Boost, explique Margot.

Enna, genre l'album de PLK ? s'exclame Valentine d'un air surexcité. Mais alors oui, on y va, y'a pas à se poser la question !

Thaïs donne son adresse à Valentine qui s'empresse de partir en direction de son appartement. Il lui reste quelques heures de libre avant le début de la soirée chez Ormaz.

Ok, je m'avoue vaincue et je déclare aux filles une fois que nous nous retrouvons toutes les trois. Mais c'est seulement pour vous faire plaisir, si ça ne tenait qu'à moi, je serais rentrée avancer sur mon livre.

Thaïs me dévisage d'un air mi-amusé mi-réprobateur.

Pfff, mais où est passée notre Océane qui n'a pas froid aux yeux et qui s'en fout de ce que l'on peut bien penser d'elle ? Celle qui aime s'amuser et qui ne se prend pas la tête ?

Ses mots me font l'effet d'une piqûre de rappel. Elle n'a pas tort, je ne suis plus vraiment moi-même ces derniers temps, rongée par les doutes et les blessures du passé.

Ok ok, je remonte en selle, je rétorque en redressant le menton d'un air de défi. Vous avez raison, je vais lui faire regretter ses putains de paroles à ce polonais de mes deux.

Ah, là on te reconnaît ! s'exclame Margot avec un petit rire complice.

J'espère qu'il va s'étouffer avec son bédo en te voyant arriver ce soir, renchérit Thaïs

Un sourire malicieux étire mes lèvres tandis qu'une bouffée d'adrénaline m'envahit à nouveau. Oui, c'est décidé, je vais entrer dans la danse et jouer un peu avec Mathieu. Lui faire payer son arrogance et son attitude odieuse de la dernière fois.

Après les derniers événements douloureux, cette petite aventure sera l'occasion idéale pour moi de me changer les idées et d'évacuer cette tension qui m'obsède. Et puis, qui sait, peut-être que cela me permettra enfin de passer à autre chose ?

Relevant le menton d'un air de défi, je me dirige d'un pas conquérant vers la sortie du bar.

Allez les filles, assez parlé ! Si on veut être prêtes à temps, il faut qu'on se bouge !

Quelques heures plus tard, nous sommes réunies dans le petit appartement de Margot pour nous préparer. L'ambiance est détendue, ponctuée de rires et de musique.

Les filles, j'ai un truc à vous avouer, lâche soudain Margot.

Thaïs et moi l'observons d'un air curieux tandis qu'elle prend une grande inspiration.

J'ai embrassé Lesram hier soir !

Un lourd silence accueille sa déclaration avant que nous nous mettions à pousser des cris de joie.

Ah bah c'est pas trop tôt ! Je me demandais quand est-ce que vous alliez arrêter de vous tourner autour !

Raconte, raconte ! la presse Thaïs avec un immense sourire.

Margot se lance alors dans les détails croustillants de son premier baiser avec Lesram, nous faisant piailler comme des collégiennes. Nous sommes tellement prises dans son récit que nous sursautons lorsque la sonnette de l'entrée retentit.

Ça doit être Valentine, je vais ouvrir ! s'exclame Margot en se précipitant.

Quelques instants plus tard, elle revient accompagnée de la jeune femme... qui nous coupe le souffle. Valentine porte une robe noire d'une longueur indécente. Son maquillage charbonneux et ses talons aiguilles achèvent de lui donner une allure terriblement sensuelle. On est loin de la femme de tout à l'heure.

Bonsoir les filles, lance-t-elle d'une voix suave en nous détaillant d'un air appréciateur.

Euh... salut, je balbutie, soudain mal à l'aise.

Je mets ma main à couper qu'elle n'a pas prévu de garder sa langue dans sa bouche ce soir. Je la scanne du regard avant de regarder Margot qui lève ses pouces en l'air. Elle me donne son feu vert.

Rejetant mes cheveux en arrière d'un geste plein d'assurance, je me dirige vers la salle de bain pour commencer à me préparer. Hors de question que je me laisse voler la vedette par la robe indécente de Valentine.

L'eau chaude me fait du bien et connaissant l'appartement de Margot comme le mien, je me dirige vers son armoire, une serviette autour du corps. Je fouille entre ses placards et les quelques vêtements m'appartenant qui trainent chez elle pour me créer LA tenue.

Après avoir longuement hésité, mon choix s'arrête finalement sur une combinaison en satin noir. La pièce est d'une élégance folle avec son décolleté profond en V qui dévoile subtilement la naissance de ma poitrine et le dos nus qui laisse entrevoir mon épiderme. Le tissu fluide épouse délicatement les courbes de mon corps, soulignant la cambrure de mes hanches. Pour accessoiriser le tout, je chausse une paire d'escarpins noirs vertigineux.

Me contemplant dans le miroir, je ne peux m'empêcher d'esquisser un sourire satisfait. Crois Mathieu, tu aurais dû rester discret. Un maquillage charbonneux vient souligner l'intensité de mon regard, tandis qu'une touche de gloss donne un éclat gourmand à mes lèvres pleines. Je lâche mes longs cheveux bruns les laissant retomber en cascade sur mes épaules.

Lorsque je rejoins finalement les filles au salon, leurs regards ébahis me confirment que j'ai fait forte impression. Un brin de fierté m'envahit en croisant le regard jaloux de Valentine.

Dommage ma fille, t'as trois concurrentes ce soir, je ne peux m'empêcher de penser avec un sourire narquois.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top