VII - Océane

Paris - Septembre 2021

Je suis tranquillement installée dans mon canapé avec Pêche à mes pieds et mon assiette sur mes genoux quand la sonnerie de l'interphone retentit dans tout mon appart. Putain, qui est ce qui vient me déranger maintenant ?

J'ouvre la porte et je tombe nez à nez avec Thaïs et Margot, habillées pour sortir et des paillettes sur les joues.

Prépare-toi ma vieille, ce soir on sort ! me lance Margot avec un grand sourire.

Vous déconnez, vous auriez pu me prévenir avant de débarquer chez moi sapées comme Maddy dans Euphoria ? je rétorque, mi-amusée mi-agacée.

Nan, t'aurais jamais dit oui ! Tu ne sors plus avec nous en ce moment, ajoute Thaïs avec une petite moue boudeuse.

Vous savez bien pourquoi, vous traînez tout le temps avec eux...

C'est même pas vrai et puis ils sont cools en vrai, contre Margot.

Ouais, bref, on va où au fait ?

Je me dirige vers ma chambre pour me préparer car je sais que, quoi que je dise, elles ne me lâcheront pas. Et au fond de moi, j'ai bien envie de sortir un peu. Entre les vacances, le boulot et la promotion de mon livre, on ne s'est pas beaucoup vues ces derniers temps. Elles ne sont même pas au courant pour Lucas et son fils, alors qu'en temps normal je leur aurais déja tout raconté dans les moindres détails.

Petite soirée chill chez Ormaz, y'a pas le Polonais ce soir c'est pour ça qu'on est venues te chercher, m'explique Thaïs.

Vous êtes sûres ? je demande en décrochant un ensemble noir de ma penderie.

Certaines, Marcel m'a dit qu'il a un rencard avec une certaine Mélodie ce soir, confirme Margot.

Parfait !

Les filles me laissent pendant que je file sous la douche et que je me prépare. Elles allument mon enceinte et je serre les dents en entendant les paroles qui s'en échappent.

Pas lui putain.

Hey, hola Carolina, j'aime quand tu bouges en legging
T'as le fessier qui rend minable, n'importe quel homme te désire
Pour toi j'prends des années d'prison, des piges et des piges
Moi j'suis toujours dans mes missions, j'veux des kichtas et des kichtas
J'suis, tout terrain comme pickup, j'veux rentrer dans ton p'tit cœur
J'suis un rappeur pas un people, mes fans crient plus qu'ceux des Beatles

J'allume l'eau de la douche pour couvrir sa voix rauque. Au fond de moi, je suis un peu attristée d'en arriver là. Mais après les mots blessants qu'il m'a lancés l'autre jour, je n'ai aucune envie de le recroiser. Je n'arrive même plus à écouter ses sons alors que j'ai passé les quatre dernières années de ma vie à me casser la voix comme une groupie en saignant sa discographie.

C'est fou comme on peut idéaliser quelqu'un que l'on ne connaît pas. Ou comment on peut penser connaître quelqu'un alors que pas du tout. Quelle idiote. Je savais que j'aurais dû rester loin de lui, ne jamais le rencontrer. Maintenant, je ne peux plus l'idolâtrer dans un coin de ma tête. Parce que maintenant que j'ai rencontré PLK, je n'ai plus du tout envie d'en savoir plus sur Mathieu.

Une fois prête, je rejoins les filles au salon. Margot me détaille de la tête aux pieds avec un sifflement appréciateur.

Tu vas faire des ravages ce soir ma vieille !

Je lui adresse un clin d'œil mutin. Après les dernières semaines chargées, j'ai bien besoin de me changer les idées et de décompresser un peu. Nous nous dirigeons vers la voiture de Thaïs, qui prend le volant pour nous conduire directement chez Ormaz. Je ne peux m'empêcher de la charrier un peu.

Et beh, tu connais la route par cœur !

Ça va, j'y suis allée qu'une fois pour lui rendre un pull qu'il m'avait prêté et j'ai une bonne mémoire, c'est tout, réplique-t-elle en rougissant légèrement.

N'empêche qu'il te plaît bien Thaïs, vous êtes en permanence en train de vous chercher du regard, renchérit Margot.

Thaïs ne répond pas, ses joues s'empourprent un peu plus, ce qui nous fait échanger un regard complice et un sourire moqueur avec Margot.

Le trajet se poursuit dans une ambiance détendue, rythmé par nos éclats de rire et nos taquineries amicales. Nous en profitons pour nous raconter les dernières nouvelles, chacune rattrapant le temps perdu ces dernières semaines.

Arrivées à destination, nous sommes accueillies par une musique sourde qui pulse depuis l'intérieur de l'appartement d'Ormaz. À peine la porte franchie, une joyeuse cohue nous entoure déjà. Visiblement, la fête bat son plein.

Salut les beautés, vous êtes ravissantes ! nous lance Lesram en nous embrassant tour à tour.

Merci beau gosse, tu n'es pas mal non plus, lui répond Margot.

Je ne peux m'empêcher de lever les yeux au ciel face à leurs échanges. Thaïs me fait un petit signe de tête pour m'entraîner vers le salon, où la musique semble être la plus forte. Nous nous asseyons sur un canapé à côté de Zeu et d'un autre gars que je ne reconnais pas tout de suite.

Vous voulez boire quoi les filles ? nous demande ce dernier.

Vodka pomme, répond Thaïs.

Vodka RedBull pour moi.

Tiens tiens, rigole Zeu dans sa barbe mais je ne relève pas.

Ok je vous apporte ça, au fait moi c'est Saddam, se présente-t-il avec un sourire avenant avant de préparer nos verres.

Ah oui, je me disais bien que son visage me disait quelque chose.

Margot nous rejoint peu après et la soirée se déroule tranquillement, dans une ambiance détendue, jusqu'à ce que la porte s'ouvre d'un coup sur une tête blonde familière.

Pince-moi je rêve, je lâche à mi-voix.

Margot s'exécute sans attendre et je couine de douleur.

Aïe, merde tu m'as fait mal avec tes ongles !

Le polonais salue ses potes et marque un temps d'arrêt en nous apercevant. Bien, t'es pas content de nous voir, bah c'est réciproque mon pote. Il se dirige quand même dans notre direction pour checker ses amis et je suis très étonnée de le voir se pencher pour faire la bise à Thaïs.

Merde.

Puis à Margot.

Merde. Merde. Merde.

Enfin, il se rapproche de moi et je vois que les muscles de sa mâchoire sont crispés. Tu m'aimes pas, moi non plus. Au moins, on est d'accord sur quelque chose, on va pas faire semblant.

Malheureusement, quand il pose sa joue contre la mienne en me claquant la bise d'un geste sec, je suis soudain envahie par son parfum capiteux. Un mélange boisé et musqué, à la fois viril et envoûtant. Son odeur m'enivre, semblant s'insinuer dans chaque parcelle de mon corps pour venir titiller mes sens.

Je me raidis, luttant pour ne pas laisser paraître le trouble qui m'assaille. Nos visages ne sont qu'à quelques centimètres l'un de l'autre et je peux détailler la courbe parfaite de ses lèvres charnues. Son souffle chaud vient caresser ma peau, m'arrachant un frisson incontrôlable.

Nos regards se croisent l'espace d'une seconde interminable. Ses prunelles d'un marron intense semblent me transpercer, m'incendier de l'intérieur. J'y lis une lueur indéchiffrable, à mi-chemin entre le défi et une autre émotion que je ne m'explique pas.

Puis Mathieu s'écarte brusquement, rompant le charme. Je me sens aussitôt refroidie, presque frustrée par la perte de cette proximité enivrante. Qu'est-ce qui m'arrive bon sang ? Je ne devrais pas réagir comme ça !

Pourtant, une partie de moi ne peut s'empêcher de suivre Mathieu du regard tandis qu'il s'éloigne d'une démarche chaloupée et qu'il s'installe dans un fauteuil un peu plus loin. Son parfum semble encore flotter autour de moi, me narguant. Allez Océ, reprends toi.

Au fait Océ, tu nous as jamais dit, tu continues de voir Lucas ? me demande soudain Margot.

Je secoue la tête d'un air négatif.

Non, plus du tout.

Pourquoi ?

Il est daron.

Un silence de plomb s'abat sur notre petit groupe tandis que Thaïs et Margot me dévisagent, ébahies.

Pardon, mais meuf tu le sais depuis quand ? s'exclame cette dernière.

Deux mois...

Et tu nous le dis que maintenant ??

Désolé, j'y ai plus pensé, c'était pas l'amour fou entre nous mais c'est dommage, je m'entendais bien avec lui, j'aurais bien aimé qu'il me montre sa piscine, je rajoute en jetant un coup d'œil au polonais en face de moi, qui écoute d'une oreille.

Mais pourquoi je dis ça et pourquoi je le regarde même ?

À côté de moi, Saddam s'étrangle dans son verre, visiblement choqué par mon sous-entendu graveleux.

Pourquoi sa piscine ? demande Ormaz

Tu comprendras quand tu sera plus grand Ormaz...

Un rire gras secoue notre petit groupe tandis que le jeune homme rougit jusqu'aux oreilles, vexé. J'ai toujours aimé la provocation et le parfum de Mathieu m'a retourné les entrailles à mon plus grand désespoir. C'est sans doute pour cette raison que, lorsque je me redresse pour me réinstaller au fond du canapé, je relève les yeux dans sa direction.

Pétard.

Il m'observait déjà, un joint entre les lèvres, avachi dans son fauteuil d'un air négligé. Nos regards se croisent et il soutient le mien avec une intensité à couper le souffle. Pendant quelques secondes qui me paraissent une éternité, nous restons ainsi figés, comme deux aimants que rien ne peut détourner.

Puis, lentement, presque avec une nonchalance étudiée, Mathieu laisse son regard errer sur mon corps, me détaillant des pieds à la tête avec une insolence désarmante. J'inspire un grand coup, soudain tendue, tandis qu'il passe langoureusement ses mains le long de ses cuisses dans un geste terriblement sensuel. Mais pourquoi est-il aussi sexy bordel ?

Et toi Polak, avec Mélodie c'était comment ce soir ? T'es rentré vite, lance soudain Lisko d'un air goguenard.

Mathieu me quitte enfin du regard pour répondre à son pote en recrachant une volute de fumée.

Merdique, lâche-t-il d'une voix rauque.

T'es pas très bavard ce soir, ricane Saddam. D'habitude, tu nous racontes quasiment tout.

Ouais j'sais, mais ce soir j'suis frustré, rétorque Mathieu en reposant sur moi un regard brûlant qui me fait frissonner.

Ok ok, je veux pas en savoir plus en fait.

Merde, dans quel jeu je me suis lancée moi ?

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