LXXXIX - Océane

Paris - Janvier 2026

Il est trois heures du matin quand je me réveille en sursaut.

La douleur est différente cette fois. Plus forte. Plus profonde.

Je reste figée quelques secondes, cherchant à reprendre mon souffle. Puis une autre contraction me traverse, plus violente encore, et je serre les dents pour ne pas hurler. Putain, cette fois, c'est vraiment le moment.

Je tourne la tête vers Mathieu, qui dort paisiblement, une main posée sur mon ventre. Je le secoue doucement.

Mathieu...

Il grogne, enfouit son visage dans l'oreiller et marmonne un truc incompréhensible.

Mathieu, réveille-toi !

Toujours rien.

PUTAIN MATHIEU, J'ACCOUCHE !

D'un coup, il se redresse, les yeux grands ouverts, les cheveux en bataille.

QUOI ?!

Il panique, son regard allant de moi à mon ventre comme s'il s'attendait à voir le bébé sortir immédiatement.

C'est maintenant ? bégaye-t-il, les yeux ronds. Mais il fait nuit...

Non, j'ai juste envie de crier au hasard en pleine nuit, je grogne en attrapant mon ventre.

Oh merde, merde, merde !

Et c'est là que le spectacle commence.

Mathieu bondit hors du lit, attrape son téléphone mais le fait tomber trois fois avant de réussir à le débloquer. Il trébuche sur son propre jogging en essayant de l'enfiler, puis cherche désespérément quelque chose dans la chambre.

Qu'est-ce que tu fais ?! je crie en respirant difficilement.

J'appelle mamie pour qu'elle vienne garder Victor et je cherche mes chaussures.

Elles sont dans l'entrée...

Il baisse les yeux et jure violemment avant de répondre à mamie qui a pris son appel après plusieurs essais ratés.

Je l'entends râler au téléphone parce que évidemment, Mamie est à moitié réveillée.

OUI J'SUIS SÛR ! hurle-t-il en se tenant la tête. ON EST SUR LE DÉPART, DÉPÊCHE-TOI !

Je grimace alors qu'une nouvelle contraction me coupe le souffle.

Dis-lui qu'elle se grouille, Math !

Mamie, Océane va te tuer si t'es pas là dans 2 minutes !

Mais c'est pas ce que j'ai...

Trop tard, il raccroche et court vers l'entrée pour récupérer tout les sacs qu'on a préparé depuis des semaines.

Mamie débarque en trombe dix minutes plus tard, fraîche comme une rose, alors que moi, je me tiens au mur, en sueur et au bord de l'agonie.

Je suis contente de te voir ! je grogne.

Moi aussi ma chérie, allez file.

Mathieu me soutient jusqu'à la voiture et on fonce à l'hôpital.

Quelques heures plus tard, je suis épuisée, en nage, et je n'ai jamais autant insulté Mathieu de ma vie.

Pourquoi j'ai couché avec toi sans capote putain ? C'est toi qui voulais un deuxième gosse !

Je suis désolé mon amour, promis je recommencerai plus jamais !

La sage-femme rit discrètement tandis que Mathieu me caresse les cheveux avec un regard paniqué.

Vous êtes incroyablement proches, tous les deux, commente-t-elle.

Demandez-lui dans dix minutes si c'est toujours le cas ! plaisante Mathieu.

Encore une poussée, Océane, elle est là.

Et soudain...

Un cri.

Le plus beau cri du monde.

Mathieu se fige, les larmes aux yeux. Moi, je suis vidée, mais mon cœur explose de bonheur.

Elle est là, mon amour, murmure-t-il, la voix tremblante.

La sage-femme pose notre fille sur ma poitrine et tout s'arrête.

Elle est parfaite.

Mathieu pose sa main sur ma tête, son front contre le mien.

T'as assuré comme une reine.

Je ris faiblement, incapable de détacher mon regard de notre fille.

[...]

Quelques jours plus tard, l'appartement est en ébullition.

Victor court partout, trop excité à l'idée d'être grand frère. Enzo ne lâche plus sa nièce, et Françoise a déjà tricoté trois nouvelles couvertures en l'espace d'une journée.

Moi ? Je suis épuisée. Complètement vidée.

Mathieu, lui, est en mode papa gaga puissance mille. Il passe son temps à regarder notre fille avec une adoration absolue, comme s'il ne réalisait pas qu'elle est bien là.

Elle est si petite, murmure-t-il en caressant du bout des doigts les minuscules doigts de notre fille, blottie contre mon sein.

Elle te fait déjà tourner en bourrique, je plaisante, la voix fatiguée.

Comme sa mère, répond-il du tac au tac, un sourire au coin des lèvres.

Il se penche pour embrasser ma tempe avant de déposer un baiser sur le front de notre fille. Mathieu Pruski, bad boy repenti, incapable de résister à une gamine de quelques jours.

Si on m'avait dit ça un jour...

[...]
Mars 2026

Deux mois plus tard, les cernes sous mes yeux sont devenus mon nouveau maquillage naturel. Entre les nuits hâchées, les tétées incessantes et Victor qui réclame toujours autant d'attention, je n'ai plus une seule minute pour moi.

Océ, dors un peu, je gère, dit Mathieu en prenant Olivia de mes bras.

Je le fixe, hésitante.

T'es sûr ? Tu va t'en sortir ? Je le taquine.

Il lève un sourcil.

Tu crois que j'suis pas capable ?

J'ai encore en tête la fois où tu t'es retrouvé avec du lait en poudre sur tout le t-shirt.

C'était une attaque préméditée de Victor, rien à voir avec mes compétences paternelles.

J'éclate de rire avant de m'écrouler sur le canapé, incapable de lutter contre la fatigue.

Quand j'ouvre les yeux, il fait nuit. J'entends des murmures dans la chambre. Je me lève discrètement et m'appuie contre la porte, observant Mathieu, assis dans le fauteuil, berçant notre fille tout en lui parlant doucement.

Tu sais, petite princesse, ton frère va sûrement t'embêter, mais c'est normal, c'est son boulot. Et moi... moi, je vais te protéger toute ma vie. Je t'aime Olivia.

Mon cœur fond sur place.

[...]
Mars 2027 - Un an plus tard

Le salon ressemble à une aire de jeux en pleine explosion. Des jouets partout, une couverture jetée sur le canapé, et au milieu de tout ça, Mathieu, affalé sur le tapis, les bras en croix, pendant que notre fille grimpe sur son ventre avec un sourire diabolique.

Elle veut ma mort, grogne-t-il.

Je crois surtout qu'elle veut jouer avec son super papa, je réponds en riant.

Victor débarque en courant, un ballon sous le bras.

Papa, on joue au foot ?

Non, papa est trop vieux, je lance en me moquant.

Mathieu me jette un regard noir.

Parle bien, toi.

Il se redresse et attrape notre fille, la soulevant au-dessus de sa tête pour la faire rire.

Ma princesse, dis à maman que papa est pas vieux.

Elle gazouille, puis pose sa main baveuse sur sa joue.

Baba !

T'as vu ? Elle me défend !

[...]
Octobre 2027 - Six mois plus tard

Ce soir, c'est soirée chez Thaïs et Ormaz pour fêter les trois ans de leurs jumelles, Lison et Clara. Le temps passe si vite. J'ai l'impression que, depuis que je suis devenue maman, ma vie a pris l'autoroute à 220 kilomètres heures. Des fois, j'aimerais arrêter le temps pour pouvoir profiter un maximum.

Victor qui va bientôt avoir 4 ans ne semble d'ailleurs pas insensible au charme de Clara, et rougis à chaque fois qu'il la voit. Mathieu s'amuse d'ailleurs à le taquiner avec cette histoire dès qu'il peut et ce soir ne fait pas exception.

Regarde-le, il est en PLS, souffle Mathieu a Yvick en retenant un rire, son regard braqué sur Victor.

Mon fils, mon bébé, mon tout-petit, est assis sur le tapis du salon, les joues aussi rouges qu'une tomate, pendant que Clara lui tend fièrement un dessin qu'elle vient de faire. Il le prend avec précaution, comme si c'était un trésor inestimable.

Tiens, c'est nous, annonce-t-elle avec sérieux.

Victor déglutit, observe le dessin avec une intensité digne d'un chef-d'œuvre, puis tourne lentement la tête vers nous. Il croise mon regard, puis celui de son père, qui ne fait rien pour cacher son amusement.

Oh bordel, il est foutu, souffle Mathieu, hilare.

Arrête de te moquer de lui, il est adorable, dis-je en le frappant doucement sur l'épaule.

[...]
Novembre 2027

Aujourd'hui c'est mon anniversaire alors j'en profite pour faire tout ce que je veux. Mathieu s'occupe des enfants depuis ce matin pour que je puisse me détendre un maximum.

J'en ai profité pour voir Margot et Thais avant de filer au Louvre pour admirer mes tableaux préférés. Ces derniers temps, j'essaie de peindre et d'écrire le plus possible et ça me fait du bien.

De temps en temps, j'oublie à quel point j'ai besoin d'exprimer mes émotions à travers l'art et à quel point c'est bénéfique pour mon moral.

Mes enfants sont la plus belle chose qui me soit arrivée mais parfois, j'ai besoin d'être seule et au calme.

Je rentre chez nous pour rejoindre Mathieu qui m'a préparé une surprise ce soir. Mamie doit venir garder Victor et Olivia et moi j'ai ordre de me faire belle sans me soucier des autres.

Je pousse doucement la porte de l'appartement, accueillie par une chaleur familière et l'odeur sucrée du bain moussant. Le salon est plongé dans une semi-obscurité, seulement éclairé par les petites veilleuses que Mathieu allume toujours le soir pour Victor et Olivia.

Le silence est inhabituel. Je m'attendais à entendre Victor courir partout après Pêche ou Olivia se tortiller joyeusement sur le sol du salon. Mais au lieu de ça, seules des voix étouffées me parviennent depuis la salle de bain. Je dépose mes affaires à l'entrée et m'approche discrètement, intriguée.

Mais papa... pourquoi maman elle a pas le même nom que nous ?

Je me fige.

Mathieu reste silencieux une seconde, comme s'il réfléchissait bien à ce qu'il allait répondre.

C'est une bonne question, fiston.

Il y a un bruit d'eau qui clapote, sûrement Olivia qui éclabousse gaiement son frère. Puis Victor insiste :

Elle veut pas être une Pruski ?

Je retiens un rire attendri en entendant l'incompréhension totale dans sa voix.

Si, elle veut, répond Mathieu avec amusement. C'est juste que papa a été un peu lent sur ce coup-là.

Mais tu vas le faire ?

Je retiens mon souffle.

Bien sûr, bonhomme. Ça fait longtemps que j'y pense. Et j'ai prévu de corriger cette erreur très vite. Parce que papa rêve du jour où maman deviendra Madame Pruski.

Mon cœur explose dans ma poitrine. Je plaque une main sur ma bouche, émue, en écoutant la suite.

Tu vas lui demander ?

Bientôt. Mais ça doit être une vraie surprise, d'accord ? Il faut garder le secret.

Comme Spiderman?

Exactement comme Spiderman.

J'entends Mathieu rire doucement avant qu'Olivia ne gazouille quelque chose d'incompréhensible, suivie d'un grand éclaboussement.

Je ferme les yeux un instant, laissant les mots de Mathieu se répéter en boucle dans mon esprit. Madame Pruski.

Je ne savais pas que j'avais autant envie de l'entendre jusqu'à maintenant.

Je retourne doucement dans l'entrée et annonce bruyamment que je suis rentrée.

Je suis là mes amours !

Dans la salle de bain, me crie la voix grave de Mathieu.

S'il s'avait à quel point je l'aime...

Je rentre dans la pièce en essayant de contenir mon sourire mais quand je vois l'homme de ma vie recouvert de mousse en train de s'occuper de mes bébés, je ne peux me retenir.

Joyeux anniversaire maman, me dit Victor.

Je me penche pour faire un bisou sur son front plein de savon et Olivia en profite pour m'éclabousser en essayant de répéter les mots de son frère.

Mathieu m'embrasse longuement avant de se relever.

Reste avec eux cinq minutes, je vais prévenir Mamie et lui dire qu'elle peut venir.

Mamie arrive quelques minutes plus tard, accueillie par un Victor surexcité qui se précipite dans ses bras. Olivia, toujours perchée sur ma hanche, tend ses petits bras vers elle en gazouillant.

Mes trésors ! Allez, ce soir, vous êtes à moi. Vos parents ont des choses à fêter.

Je lève un sourcil vers Mathieu, qui évite mon regard en récupérant nos vestes.

On a quelque chose à fêter ? je demande innocemment.

Il esquisse un sourire en coin, l'air mystérieux.

Tu verras bien.

Victor tire sur ma robe pour attirer mon attention.

Maman, tu vas être trop belle !

Merci, mon amour.

Mathieu m'attrape par la main avant que je ne puisse poser plus de questions et m'entraîne vers la porte.

Passez une bonne soirée ! nous lance Mamie en nous faisant un clin d'œil.

Nous descendons les escaliers, et à chaque marche, mon cœur bat un peu plus vite. Mathieu me connaît trop bien, il sait à quel point je déteste les surprises.

On va où ? je finis par demander.

Patiente un peu, princesse.

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