LXXV - Mathieu

Corse - Juillet 2022

L'air de l'aéroport d'Ajaccio est grave humide, mais y a une p'tite brise de mer qui me caresse la gueule, ramenant avec elle les odeurs salées de la Méditerranée. J'suis posé sur un banc en pierre, mon sac de voyage à mes pieds, et j'attends que ma daronne vienne me chercher. Ça fait des mois que j'les ai pas vues, elle et ma frangine Léna. Depuis presque 1 an, j'ai pas eu une seule occase de revenir ici, chez moi, en Corse.

La fin de la tournée a été ouf, comme un tourbillon de malade. Et puis, y a eu Lisa, cette histoire de merde que j'arrive encore pas à piger. Même maintenant, après tout ce bordel, après qu'on ait foutu Lisa en HP, j'suis encore perturbé. Mais j'suis là, posé, et le calme de cet endroit me donne l'impression que j'peux enfin respirer.

Je lève les yeux et je mate les montagnes autour d'Ajaccio, elles sont graves imposantes. Les pics rocheux, encore un peu dans la brume à cause de la chaleur de fin d'été, ont l'air de veiller sur la ville. La lumière du matin rend tout doré, et je me rappelle pourquoi cet endroit m'a toujours calmé. La Corse, c'est sauvage, indomptable, et chaque coin de l'île me rappelle une partie de moi, de qui je suis. Ce contraste entre la mer bleue de ouf et les montagnes sèches m'a toujours fasciné.

Je soupire, essayant de laisser toute cette merde récente derrière moi. Mais chaque fois que je ferme les yeux, je vois la gueule de Lisa, son sourire tordu, ses manipulations de ouf. Et puis Océane... Mes pensées reviennent toujours à elle. Cette promesse que je lui ai faite, que c'était elle, qu'elle serait la mère de mes gosses. Et j'le pense vraiment. Elle est ma seule certitude dans tout ce bordel.

Je passe une main sur mon visage, fatigué. Les derniers mois ont été éprouvants, et je sais que cette semaine avec elles va me faire du bien. Entre mon accident, mes disputes avec Océane, la tournée et le fait que j'ai cru que j'allais devenir daron,... Revoir ma mère, qui m'a toujours soutenu dans tout, et Léna, avec qui je partage un lien profond et indéfectible est indispensable pour ma santé mentale. Le fait d'être entouré de leurs rires, de leurs attentions, c'est exactement ce dont j'ai besoin.

Je vois une p'tite caisse rouge qui s'approche, la vieille Renault de ma mère. Elle est là, toujours la même, jamais en retard. Mon cœur se serre un peu quand je la vois descendre de la caisse, son visage marqué par les années mais toujours rayonnante. Ses cheveux gris volent un peu dans le vent, et elle me fait un grand signe.

Mathieu ! s'exclame-t-elle avec une chaleur qui me réchauffe direct.

Je me lève avec un sourire, et elle me prend dans ses bras avec cette tendresse qui a pas changé depuis que j'suis gosse. Son étreinte est douce, rassurante. Pendant un moment, je me laisse aller, oubliant toute la merde de ces derniers mois.

Ça fait trop longtemps, dit-elle en reculant pour me regarder. T'as l'air épuisé toi.

Ouais, la tournée m'a usé, je réponds en lui rendant son sourire.

Léna est impatiente de te voir, dit ma mère avec un sourire en coin. Elle t'a même préparé un petit quelque chose.

Je souris en coin, imaginant ma petite sœur se plier en quatre pour essayer de me faire plaisir. Ce qu'elle ne sait pas, c'est qu'elle n'a pas besoin de m'impressionner pour que je sois fière d'elle.

Je souris en coin, imaginant ma p'tite sœur se plier en quatre pour essayer de me faire plaisir. Ce qu'elle sait pas, c'est qu'elle a pas besoin de m'impressionner pour que je sois fier d'elle.

Quand on arrive enfin, l'air est chargé des odeurs familières de terre chaude et de maquis. Le jardin de ma mère est en pleine floraison, et les citronniers embaument l'atmosphère d'une odeur sucrée et acidulée. Léna m'accueille en courant.

Tu m'as manqué ! dit-elle en se jetant dans mes bras.

Léna me serre dans ses bras avec toute la force dont elle est capable.

Tu m'as manqué aussi, dis-je en lui ébouriffant les cheveux comme quand elle était petite.

Elle me regarde en faisant une moue, mais je vois dans ses yeux qu'elle est heureuse de me retrouver. On rentre dans la maison, et tout respire la tranquillité. Les rideaux blancs flottent légèrement avec la brise marine qui s'infiltre par les fenêtres ouvertes. L'odeur du citronnier qui embaume le jardin se mêle à celle du repas que ma mère prépare dans la cuisine.

C'est ouf comme cet endroit peut m'apaiser en même pas 5 secondes.

[...]

La semaine passe comme dans un rêve. Ici, c'est carrément différent. Pas de bruit, pas de stress. J'me prends jamais la tête quand je suis ici. Les journées s'enchaînent tranquille. Je kiffe entre les balades en bord de mer avec Léna, les déjeuners qui durent des plombes avec ma mère parce qu'elle a un milliard de questions à me poser. C'est ouf comment la Corse peut te faire croire que tout s'arrête. Même les emmerdes ont l'air moins lourdes.

Ma daronne me chouchoute comme si j'étais encore un gamin. Elle me fait mon plat préféré, me bombarde de questions sur la tournée, sur Paname. Léna, elle, me lâche pas d'une semelle. On se marre, on parle de tout et de rien. Faut vraiment que j'amène Océane ici un jour. Je sais que ça lui plaira.

Un matin, alors que je traîne dans la maison, je décide de passer dans la chambre de Léna. Je me dis que je vais la charrier sur ses goûts de merde en musique ou ses bouquins, comme d'hab. En rentrant, je capte direct un livre posé sur son bureau. Y a un truc qui me chiffonne, comme si je l'avais déjà vu quelque part. Le bouquin me dit quelque chose, mais je pige pas tout de suite pourquoi. Je m'approche pour le choper et je le mate de plus près.

Léna, c'est quoi ce truc ? je demande, intrigué.

Elle débarque dans la pièce, me regardant avec curiosité.

Oh ça, c'est mon nouveau livre préféré je crois ! elle dit en souriant.

Je retourne le bouquin dans mes mains, cherchant à comprendre ce qui me perturbe autant. Le truc, c'est que je l'ai déjà vu quelque part. Mais où ? Je fronce les sourcils, de plus en plus perturbé. Ça me prend la tête.

Putain ça y est. C'est chez Océane que je l'ai vu. Elle m'a toujours empêché de regarder ce livre alors je me jette dessus sous le regard étonné de ma petite sœur.

J'peux te l'emprunter ?

Ouais, bien sûr, répond Léna, un peu surprise. Mais depuis quand tu lis toi ?

J'lis pas mais celui-là il m'intrigue.

Ok, elle voit sur mon visage que lui cache quelque chose mais elle insiste pas. J'ai rencontré l'autrice quand j'étais de passage sur Paris l'année dernière et j'ai fait une photo avec elle. Elle était trop cool.

Je capte même pas le fait qu'elle soit venue à Paris sans me le dire. Non. Le seul truc que je retiens c'est qu'elle a une photo avec cette Marine et que mon intuition me dit que je la connais.

Fais voir la photo ? je demande, un peu trop pressé.

Elle sort son téléphone et, en deux secondes, me montre la fameuse photo. Quand je vois l'image, mon sang se glace. Là, debout à côté de Léna, avec un sourire de ouf, c'est Océane. Mon Océane. Qu'est-ce que ça fout là ? Pourquoi elle m'a jamais parlé de ça ? Je sens une boule se former dans ma gorge. Tout part en couille dans ma tête.

C'est Océane, je murmure, presque pour moi-même.

Léna me fixe, étonnée.

Quoi ? Tu la connais ? Océane, genre comme ta meuf ?

Ouais

Je me racle la gorge.

Ouais c'est elle.

Léna me regarde avec des yeux ronds, complètement paumée.

Attends, t'es en train de me dire que ta meuf est écrivain et que tu le savais même pas ?

Je secoue la tête, encore sous le choc.

Si je savais ça. Ce qu'elle m'a pas dit c'est ce livre. Et elle l'a pas signé de son nom...

Je reste silencieux un moment, mes pensées partant dans tous les sens. Comment elle a pu me cacher ça ? Elle a écrit un bouquin, elle a publié un truc, et elle m'en a jamais parlé. C'est quoi ce délire ?

Faut que je lise ce truc, je dis à Léna en serrant le livre contre moi.

Je sors de sa chambre sans attendre sa réponse et je m'enferme dans la mienne. Je m'allonge sur le lit et j'ouvre le bouquin, le cœur battant. Dès les premières pages, je sens que quelque chose cloche.

Parce que, plus je lis, plus je flippe. Le personnage principal, un mec, il me ressemble grave. Ses doutes, ses colères, ses peurs, c'est les miennes. C'est comme si elle avait écrit sur moi avant même qu'on se rencontre.

Bordel, c'est quoi cette embrouille ?

Je dévore le bouquin en quelques heures, incapable de m'arrêter. Quand j'arrive à la fin, je suis sur le cul. Maintenant, je suis persuadé qu'Océane à écrit un livre en s'inspirant de ma vie et qu'elle a signé sous un faux nom pour qu'on ne la relie pas à ce livre.

Un livre qui parle de l'histoire d'amour compliqué entre un rappeur russe et une étudiante parisienne. C'est si gros que je crois à une mauvaise blague.

Je me lève d'un bond, le livre serré dans ma main. Faut que je parle à Océane, maintenant. Je sors de ma chambre et je trouve ma mère dans la cuisine.

Maman, faut que tu me ramènes à l'aéroport, là, tout de suite.

Elle me regarde, surprise.

Quoi ? Mathieu, il est tard, tu veux partir maintenant ?

Ouais, maintenant. Je dois voir Océane. C'est important.

Elle voit dans mes yeux que c'est pas négociable. Quelques minutes plus tard, on est dans la voiture, direction l'aéroport. Mon esprit est déjà à Paris, avec Océane. J'ai besoin de réponses, et vite.

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