LVIII - Océane
Alpes - Décembre 2021
Les filles passent le reste de l'après-midi à me tanner pour savoir ce que j'ai en tête. Pirouettes après pirouettes, glissades après glissades, je me sens plus forte, un peu moins anéantie par les évènements de la veille.
On quitte la glace pour rendre nos patins et j'ai toujours un immense sourire aux lèvres.
— Qu'est-ce que t'as, Océ ? demande Margot en plissant les yeux.
— Rien, rien, je réponds, le sourire toujours aux lèvres.
— On dirait le Joker, balance-nous ta putain d'idée ! ajoute Thaïs en riant.
— Pas tout de suite, appelle Ormaz s'il te plaît, par contre.
— Non mais je suis pas ton chien, rigole Thaïs en attrapant son téléphone.
Après quelques secondes, elle met le haut-parleur pour que nous puissions entendre.
— Coucou bébé !
— Coucou Orm, elle répond.
— Ça va vous ? Nous on est allé réessayer le snow, c'est chanmé !
— Ouais ça va mieux, je dit.
— Ah, je suis content de t'entendre, je peux presque l'entendre sourire à travers le téléphone.
— On est en train de rentrer, vous êtes tous partis ?
— Non, l'ours a décidé de pioncer tout l'aprem.
À cette annonce, un grand sourire se dessine sur mon visage. Thaïs reprend le téléphone.
— Amusez-vous bien et à tout à l'heure ! dit-elle avant de raccrocher.
Durant le trajet de retour, les filles n'arrêtent pas de me poser des questions.
— Allez, crache le morceau, Océ, dit Margot en me regardant par le rétroviseur. Qu'est-ce que t'as en tête ?
— Pourquoi t'es curieuse comme ça ?
— T'as aucune pitié pour nos nerfs... boude Thaïs.
Elles insistent encore quelques minutes avant que je finisse par craquer et leur dévoiler ce que j'ai en tête. Je leur explique en détail ce que je compte faire et j'explose de rire en voyant leurs têtes.
Margot et Thaïs échangent un regard stupéfait avant d'éclater de rire.
— Oh, Océ, t'es horrible ! s'exclame Margot en riant.
— J'en reviens pas, ajoute Thaïs, secouant la tête avec un sourire. Si tu fais vraiment ça, t'es ma déesse.
Je me gare sur le parking du chalet et jette mes clés de voiture aux filles pour qu'elles puissent rejoindre les garçons pendant que je mets mon idée à exécution.
— À tout à l'heure, les filles, dis-je en leur lançant un clin d'œil.
— A tout à l'heure, souffle Margot, toujours amusée par mon plan.
En rentrant dans le chalet, je suis accueillie par le silence. Mathieu semble être dans sa chambre ce qui convient parfaitement à mon plan. Je prends une grande inspiration et monte les escaliers bruyamment, faisant volontairement du bruit pour signaler ma présence.
— Ah, t'es bête ! Arrête !, dis-je à haute voix, feignant d'être accompagnée.
Je rigole bruyamment, espérant que Mathieu m'entende et pense que je ne suis pas seule. À chaque pas, je fais grincer les marches sous mes pieds. Une fois à l'étage, je claque volontairement la porte de ma chambre, le bruit résonnant dans toute la maison.
Je m'assure que la porte est bien fermée et que je suis seule. Mon cœur bat à tout rompre, mais je suis déterminée à aller jusqu'au bout de mon plan. Je me poste près de la porte, me préparant mentalement à la scène que je vais jouer.
Je commence à produire des bruits suggestifs, augmentant progressivement l'intensité de mes gémissements. Mes gémissements se font plus forts, plus intenses, chaque son soigneusement calculé pour être entendu de l'autre côté du mur.
— Oui, comme ça... Oh, c'est bon..., je murmure, puis augmente le volume de ma voix pour qu'elle traverse les cloisons. Touche moi encore...
À travers les murs, j'entends un bruit sourd. Mathieu frappe contre le mur de frustration et de colère. Mon cœur bondit de satisfaction. C'est exactement la réaction que j'espérais.
— Allez Mathias, j'en peux plus d'attendre...
J'utilise le prénom de mon ancien prof exprès pour la ressemblance avec le prénom de l'autre blond qui se trouve de l'autre côté de la cloison. Et parce que je sais qu'il était vert de jalousie contre lui.
Au bout de quelques minutes de faux préliminaires intensifs, je bascule sur le lit et je frappe contre le mur pour renforcer l'illusion de mouvements passionnés. Je fais grincer les lattes du lit, chaque bruit résonnant dans la maison silencieuse. Je continue mon manège, ne laissant aucun doute sur ce que je veux faire croire.
— Han Math, plus fort...
Je pouffe de rire sans bruit en imaginant sa tête de l'autre côté. Le fait que j'utilise le même surnom doit le rendre dingue. Chaque gémissement, chaque mot prononcé est une arme destinée à le toucher, à le faire souffrir comme il m'a fait souffrir. Mon plan fonctionne à merveille, et la satisfaction de le savoir torturé me donne une étrange sensation de pouvoir.
— On va dans le salon ? On a encore le temps, mes potes reviennent pas tout de suite, je dit en faisant semblant d'être essoufflée.
Je descends ensuite, continuant mon manège, priant pour que Mathieu ne descende pas et ne me trouve pas dans cette position. Je fais encore quelques bruits suggestifs, gémissant le prénom de Mathias encore plus fort. Je fais grincer le canapé cette fois et j'envoie des coussins dans toute la pièce.
Mathieu doit être en train de se tordre de frustration et de colère. Mon sourire s'élargit alors que je continue mon petit jeu, m'assurant qu'il entende chaque gémissement, chaque mot.
Enfin, je décide de conclure mon spectacle.
— Oh mon dieu, Math, je....
Je laisse passer quelques minutes avant de lancer d'une voix forte.
— Salut, merci beaucoup pour ce moment. Je t'appellerais dès que je rentre sur Paris.
Je me précipite ensuite dans la salle de bain, le cœur battant la chamade, et je prends une douche bien chaude pour me détendre. Mon corps se relaxe sous l'eau chaude, et je me sens revigorée par mon propre courage et ma détermination.
Je prends une longue douche chaude, laissant l'eau brûlante rougir ma peau. L'objectif est de paraître encore plus convaincante si jamais je croise Mathieu. Les sensations sous la douche, la chaleur intense, m'aident à relâcher la tension accumulée. En sortant, une serviette enroulée autour du corps et les cheveux encore mouillés.
Va falloir que je commence à me préparer pour la soirée de ce soir. Même si je n'ai aucune envie de fêter le nouvel an, je n'ai plus envie de montrer au blond que je suis blessée. j'aurais bien assez de temps en rentrant à Paris pour pleurer sur ma vie de merde.
Alors que j'ouvre la porte de la salle de bain, je percute Mathieu de plein fouet. La serviette manque de tomber, mais je la rattrape à temps, me couvrant maladroitement. Son regard, brûlant de colère et de douleur, se pose sur moi, et pendant un instant, je regrette presque d'avoir mis ce plan en œuvre. Mais la nécessité de lui faire ressentir ce que j'ai ressenti me pousse à maintenir mon sang-froid.
— J'ai tout entendu, lâche-t-il d'une voix haineuse.
Je le fixe, feignant l'innocence.
— Je ne savais pas que tu étais là, dis-je d'une voix plate, sans émotion.
— Et bah si..., il me bloque toujours le passage.
— Bouge, tu me gênes !
— Tu te rends compte de ce que tu viens de faire ? Il gronde, ses yeux lancent des éclairs.
— Mhh oui, j'ai bien pris mon pied d'ailleurs.
Ses yeux s'embrasent de rage, et je sens la tension monter d'un cran.
— Arrête de jouer à ça avec moi, Océane. Tu te rends compte à quel point c'est bas ? De coucher avec un inconnu comme ça. Il gronde, sa voix tremblante de colère.
— Bas ? Bas comme quoi ? Comme baiser avec ma sœur jumelle, tu veux dire ? Je crache, sentant la colère monter en moi comme une marée.
— J'étais bourré, je pensais que c'était toi ! Sa voix vacille entre rage et désespoir.
— Et la blondasse aussi c'était moi peut être ? Arrête de te chercher des excuses ! T'aurais dû le savoir ! T'aurais dû me faire confiance, mais non, t'as préféré croire ce que t'as vu sans même essayer de comprendre !
— Comment je pouvais savoir ? T'aurais fait pareil à ma place ! Il rétorque, s'approchant dangereusement de moi, son parfum emplissant mes narines.
— Non, je ne l'aurais pas fait ! Je t'aurais parlé, j'aurais cherché à comprendre ! Parce que je te faisais confiance, parce que je t'aimais !
— Tu m'aimais ? Et maintenant ?Tu veux juste me faire du mal pour le kiff ? Ça t'amuse de me voir comme ça ?
— Non, Mathieu. Mais, je sais plus ce que je ressens. Tu m'as brisé le cœur. Deux fois dans la même journée.
— Tu crois que c'est facile pour moi ? Tu crois que je souffre pas et que je me sens pas comme une merde ?
— Tu parles que de toi ! Et moi, est-ce que tu t'es seulement mis à ma place une seule seconde ?!
Son silence est assourdissant. Il baisse les yeux, visiblement à court de mots. La réalité de ce qu'il a fait semble enfin s'imposer à lui. Finalement, il relève la tête avant de me cracher son venin à la figure.
— J'espère qu'il t'a bien baisée ton mec parce que je suis pas prêt de reposer mes mains sur toi !
— Mais j'espère bien, connard !
Et je lui tourne le dos, résistant de toutes mes forces à l'envie de faire tomber ma serviette malgré tout. Parce que je reste faible devant lui et que je serais toujours amoureuse de cet imbécile.
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