L'allumette sur la paille


– Regarde, Haily. Regarde le feu.

– Je le vois. C'est lumineux, et très chaud.

– C'est rouge.

– Et ?

– Mets quelque chose dedans.

– Je sais très bien ce que ça fait, ça brûle, et il y a déjà du carburant. Où veux-tu en venir ?

– Les flammes sont rouges. Que t'évoque le rouge ?

– Les robes de maman.

– Hai ...

– C'est la vérité ! De toute manière, le feu est plus orange que rouge.

– On y arrive ! Tu vois, une flamme n'a pas de couleur exacte. Ni de forme exacte. Elle est mouvante, toujours. Silencieuse mais vorace. Elle mange tout.

– Tout ? Tu crois vraiment ça ?

– Même toi, un jour, tu brûleras. Comme nos parents.

– D'accord, Milo. Mais ... Je ne pense pas que le feu soit parfait.

– Pourquoi ?

– Que se passerait-il si je te jetais dans ce bûcher ?

– Tu es folle ?

– Peut-être, mais réponds.

– Je mourrais, Haily. Ne me dis pas que ...

– Voilà, tu mourras. La mort. La mort, elle, est parfaite. La mort est parée de noir, elle est patience, elle est justice, elle est paix. Car après la mort, c'est le vide. Plus de sentiments, ce qui veut dire plus de souffrance, ni de haine.

– Mais, plus d'amour non plus, plus de joie !

– Ces émotions appellent toujours à quelque chose de négatif, car le mal n'existe qu'à cause du bien ! Si tu gagnes une course, cela veut bien dire que quelqu'un d'autre l'aura perdue. Tu ne peux avoir le bonheur sans faire le malheur. L'être humain est imparfait. Car il a des sentiments, qui engendrent des choses horribles. Heureusement, la mort nous achève tous tôt ou tard, pour nous offrir enfin le repos.

– Ne dis pas ça pendant l'incinération de nos parents, Haily ! Ils pourraient t'entendre.

– Non, Milo. Ils sont morts. Plus rien, rien, rien. Le vide et la paix, le silence et la sérénité.

– Tu ... Tu pleures ?

– Vois comme je souffre, Milo. Si j'étais morte, je ne pleurerais pas.

– Arrête d'en parler comme ça.

– Mais tu n'as pas mal, toi ?

– Si, tous les jours depuis leur départ. Aujourd'hui aussi. Et ils me manquent.

– Alors prends ma main, petit frère.

– D'accord.

– Et serre-la fort.

– À te briser les os.

– Tant mieux. Je vais compter jusqu'à trois, et ensuite on va courir dans les flammes.

– Quoi ?

– Le feu n'est peut-être pas parfait, mais au moins, lorsqu'il brûle comme ce soir, il appelle la mort.

– Mais ça fait mal !

– Ça fait mal parce que le bien et le mal en toi se battent. Mais quand tu mourras, tu ne sentiras plus rien. Il ne faudra qu'un instant.

– Un instant ?

– Oui. Et puis tu vois ? Papa et maman sont là, il nous faut juste les rejoindre. Et on sera en paix, tous ensemble. Pour toujours.

– En paix ... Pour toujours ?

– Arrête de répéter ainsi la fin de mes phrases, Milo, sinon tu ne m'entendras pas compter. Un ...

– Haily, je ne sais pas si ...

– Deux ...

– HAILY !

– Trois.









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