11. Une mort de trop
La voix mit quelques instants avant de se faire de nouveau entendre.
-Très bien. Je ne sais pas s'il pourra vous accueillir aussi vite que vous le souhaitez. C'est à quel sujet ?
Emaël laissa passer un court instant, le temps de souffler un bon coup. Puis, il se laissa emporter par sa détermination.
-Je souhaite intégrer l'AntiCrime.
-Oh... Je vois. Vous pouvez passer maintenant.
-Je viens au point de rendez-vous de la dernière fois ?
-Non, il existe un point d'accès plus proche. Je vous envoie les directives par SMS.
Emaël mit fin à l'appel et verrouilla son téléphone, prêt à partir du bureau. Alors qu'il avançait vers la porte, une tête familière lui barra le chemin. Les cheveux colorés en bleu sombre fixés avec du gel, le jeune homme demanda posément.
-On va parler.
-Qu'est-ce que tu fais ici ?!
En même temps qu'il s'insurgeait, Emaël prit l'homme par le bras avant de l'écarter de l'entrée. Néanmoins, l'homme ne se laissa pas faire.
-Où est-ce que tu coures comme ça ?
-Tu n'as rien à faire ici, Audy. Tu veux saboter tout notre travail ?
-Peut-être bien. Je t'ai envoyé un message au début de la semaine, suivit d'une dizaine d'autres.
Le ton de l'homme devenait menaçant. Il grondait, prêt à laisser éclater sa colère. De l'autre côté, certains officiers, dont Chloé s'étaient arrêtés de travailler pour écouter la dispute entre les deux hommes.
-Je sais, Audy. Je les ai lus et quand j'aurais le temps...
-Ca fait trois semaines ! Tonna Audy.
L'effet d'un ouragan s'était abattu dans les bureaux. La voix agressive et puissante d'Audy résonnait encore pendant une poignée de secondes. Plus aucun bruit ne retentissait, si ce n'était celui du capitaine Rayd, alors au téléphone avec vraisemblablement un supérieur hiérarchique. Audy poursuivit de laisser sortir sa colère.
-Trois semaines qu'elle a disparu et toi, rien ! T'aurais pu faire un effort pour la retrouver, mais apparemment, tu préfères jouer au bon petit flic.
-Ashley a déjà disparu plusieurs semaines. C'est pas la première fois que ça arrive.
-Ah oui ? Parce que la situation n'est pas grave peut-être ?! Même Emma commence à craindre le pire. Tu pourrais au moins faire semblant de t'inquiéter, non ?
-Eh bah justement, non ! Je croule sous les différentes enquêtes à mener. J'ai des cambriolages, des agressions, des viols, des meurtres... Alors excuse-moi si je ne peux pas m'inquiéter pour tout le monde. D'ailleurs, si tu pouvais arrêter de me faire chier, ce serait cool de ta part.
Audy recula un peu, ébranlé par l'aveu d'Emaël avant de le regarder avec dédain et de s'exprimer avec sarcasmes.
-Ouais... Bah j'espère que tu ne verras pas son corps de sitôt à la morgue. Ce serait dommage d'avoir un meurtre en plus sur ta liste d'affaires en cours. J'y vais, comme ça tu chieras tout seul.
L'homme tourna les talons et se dirigea vers la sortie. Le silence était toujours ambiant mais Emaël grinçait ses dents. Il avait perdu la face devant ses collègues et subordonnés. C'était un affront pour lui. Bien sûr, cela aurait été encore plus fâcheux s'il était capitaine ou commandant, avec donc plus de responsabilités et plus de gens sous ses ordres. Néanmoins, Emaël était lieutenant, et ce coup d'éclat pourrait lui valoir le manque de respect par ses pairs. En se retournant, il constata que le bureau était vide et muet. Toutes les têtes étaient tournées vers lui, tous les regards étaient braqués sur lui. La honte l'envahit de même que la colère. Furieusement, il rugit :
-Qu'est-ce que vous regardez, vous n'avez rien d'autre à faire ?!
Ses collègues se remirent un à un autre travail, il fallut attendre bien une dizaine de secondes pour que tous les policiers présents se remettent à leur tâche, ou du moins, fasse semblant. Pourtant, l'atmosphère gênante et lourde pesait toujours sur le jeune lieutenant. Il fallut attendre un ordre sortant du bureau du capitaine pour le soulager quelque peu.
-Scène de crime, rue George Eastman. Tous en tenue !
Pour une fois, Emaël ne laissa pas Chloé conduire la voiture. La mine fâchée et le regard dur, il appuya sans doute trop fort sur l'accélérateur et fit caler le véhicule. Chloé osa finalement demander :
-Tout va bien, Emaël ?
-Bien sûr, répondit-il. J'ai seulement envie de taper dans tout ce que je vois.
-J'appelle pas ça aller bien, répliqua Chloé qui n'avait pas saisi l'ironie.
-Première nouvelle ! Tu as d'autres trucs stupides à me dire comme ça ?
-Hey, protesta Chloé, je veux juste t'aider.
-Bah boucle-la ! Ca me donnera moins de migraines.
La colère d'Emaël descendit peu après. Il se rendit compte qu'il avait dépassé les bornes avec Chloé, d'autant plus qu'elle ne voulait que lui venir en aide. Il profita d'un embouteillage près de Montparnasse pour présenter ses excuses.
-Ecoute Chloé, je te demande pardon. Je n'aurais pas dû laisser tomber ma colère sur toi.
La brune ne répondit pas, visiblement très contrariée. Emaël n'en rajouta pas. Conscient que son attitude avait de quoi offenser les gens qui l'entourent. Ils arrivèrent trente minutes plus tard sur la scène de crime, sans surprises, ils étaient les derniers arrivés. A peine descendue de la voiture, Chloé partit rejoindre ses brigadiers et laissa Emaël pantois. Le lieutenant jeta un regard aux alentours : tout le monde semblait le regardait de travers ou bien l'éviter. "Rien d'étonnant avec ce qui s'était passé", se dit-il conscient de s'être mal comporté. Emaël se dirigea vers la seule personne qui n'était pas au courant de son accès de colère, et qui accessoirement la seule personne à faire correctement son travail.
-Docteur Dreeka, qu'a subi notre victime cette fois ?
La jeune femme à la coloration rose se retourna afin de faire son rapport oral.
-Il a été passé à tabac, lieutenant.
-Cet homme ne s'est pas fait que des amis, apparemment.
-Pour le savoir, il faudrait déjà connaître son identité. On a rien trouvé sur lui, comme s'il avait été dépouillé.
-Je vois... Quand cela a-t-il eu lieu ?
-Cette nuit, j'aurais dit. De hier soir à ce matin. Je pourrais être formelle une fois que je serai au labo.
Emaël regarda la scène de crime. Le corps était encore sur le sol, mais déjà recouvert du plastique noir utilisé par la morgue. La rue ne semblait pas si fréquentée. La victime aurait très bien pu mourir dans cette rue, tout comme le corps aurait pu être déplacé. La rue dans laquelle il se trouvait était proche de la Place d'Italie. Ce fait était assez intriguant à ses yeux. Le dernier meurtre qui avait eu lieu dans les environs était celui de Hongda Huan, trois semaines plus tôt. Il y avait-il quelque chose de spécial pour s'entre-tuer dans ce quartier ? Emaël s'approcha du corps encore recouvert, et les stagiaires s'écartèrent pour lui laisser place. Lorsque le lieutenant souleva le plastique pour constater l'état de la tête de la victime, il ne parvint qu'à étouffer un cri de surprise. La légiste arriva juste après pour demander :
-Vous connaissez cet homme, lieutenant ?
Emaël approuva de la tête.
-C'était un de mes informateurs locaux d'avant ma promotion. Il s'appelle... Enfin... s'appelait Jie Chan.
-----
Cela sent le roussi dans l'équipe d'Emaël. Le voilà qui pète les plombs sur tout le monde. En même temps, sa situation au travail est un peu tendue. Il veut changer de poste, il se fait crier dessus par un gars "lambda", et son informateur et retrouvé battu à mort. Qui est responsable de ce passage à tabac ?
Et vous, qu'en pensez-vous ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top