Une mauvaise intuition*

Nous sommes en route pour le lieu de notre cambriolage. Léane se tient tout contre moi, les doigts de sa main droite tracent des motifs, seulement connus d'elle même, sur ma cuisse, alors que son autre main est crispée en poing sur la banquette. Léane se veut rassurante mais je sais qu'elle a peur... et pas seulement de ce que l'on va commettre. Quelque chose d'autre la tracasse. Je la connais assez pour détecter son comportement et depuis la rencontre avec son géniteur elle a changé. Ce n'est pas forcément lisible par les autres, mais moi j'ai appris à lire entre ses lignes. Une hypothèse germe dans mon cerveau depuis qu'elle a insisté pour participer, j'espère me tromper... c'est pour ça que tout à l'heure dans la salle de bain, j'ai prononcé cette phrase, comme une sorte de bouée de sauvetage. Elle ne l'a pas saisie, mais sa posture parlait pour elle. J'espère que sa contribution est sincère et non pas guidée par autre chose de plus vil.

Je surprends le regard de William dans le rétroviseur, et celui-ci le détourne pour le pointer vers Léane.

— Tout va bien se passer ma jolie Léane.

— Si tu le dis, je te fais confiance, répond ma petite amie en se redressant, créant une vague de froid sur mon corps.

— Tu peux toujours changer d'avis mon coeur, personne ne t'en voudra, tu resteras avec Pablo, et...

— Le chalet sera vide, Léa, continue le norvegien me coupant la parole et empêchant Léane de me répondre, alors que mon but est de lui faire rebrousser chemin. Et puis nous ne sommes pas venus les mains vides, argumente-t-il.

Mais il le fait exprès d'être aussi con.

— T'as pas plus rassurant mec ? Léane est nerveuse, et toi, tu ne trouves rien de mieux que si jamais il y a quelqu'un tu peux le dégommer ? Putain la tondeuse t'a rasé une partie de ton cerveau ou quoi !

— Cool Naël ! j'essaye de la rassurer, en lui disant qu'elle n'a rien à craindre.

— Ouais, ben niveau pédagogie, tu repasseras, déclaré-je à notre chauffeur du jour.

Je sens Léane de plus en plus nerveuse à l'approche de notre destination finale. Je lui soulève le menton, la regardant droit dans les yeux, pour lui faire passer un maximum de chose, puis je l'embrasse avec tout l'amour que j'ai pour elle. Elle me rend mon baiser, se recule pour planter ses magnifiques prunelles dans les miennes. Plus rien ne compte autour de nous, nous sommes dans notre bulle, notre monde. Un flux d'énergie passe entre nous, et je peux lire dans son regard qu'elle l'a perçu elle aussi.

Ça y est, ma Léane revient et est prête à combattre.

— Will ? l'interpelle-t-elle, s'il te plait évite de te servir de ton arme d'accord ?

Il lui fait un clin d'œil avant d'acquiescer. Nous ne sommes pas des fous de la gâchette, nous n'avons jamais eu besoin de nous en servir, mais là où la donne vient de changer c'est que Léane entre dans le game. Et honnêtement je ne sais pas comment je réagirai si jamais elle est prise à partie.

Si tu le sais.

Je me concentre en laissant les suppositions s'envoler car nous arrivons dans les Alpes de haute Provence. William s'engage dans la rue où Pablo a loué un appartement. Je l'aperçois sur le trottoir, le téléphone dans une main, une clope dans l'autre. On pourrait croire à un mec lambda qui fume sa cigarette tranquillement, mais je sais qu'il étudie ce qu'il se passe dans la rue. Sa tête pivote dans la direction de notre véhicule, il fronce les sourcils, mais quand il le reconnaît, d'un signe de main, il nous indique de le suivre jusqu'à un garage à proximité du logement. William y engouffre le SUV. Le portail se referme automatiquement, puis nous en sortons tous les cinq pour le rejoindre. Je fais les présentations rapidement, entre Léane et lui. Sans perdre plus de temps nous montons récupérer le matériel dans l'appartement.

Pablo nous lance des regards furtifs, un sourire narquois étire le coin droit de sa bouche.

Une fois que chacun de nous a récupéré ce dont nous avions besoin, Léane ne ratant rien de nos agissements, bien qu'elle soit nerveuse, le réflexe de planter ses dents dans sa lèvre inférieure est un signe, elle reste discrète et ne prononce aucun commentaire, même quand Raph qui s'est branché à l'aide de son ordinateur sur le réseau interne des caméras du chalet nous signale que la cible ne va pas tarder à le quitter. C'est le signal qu'on attendait.

— Tout est ok les mecs ? Tous répondent par l'affirmative, même mon ange dont ses doigts emprisonnent les miens d'un léger tremblement.

— Tu peux toujours...

— Non, Aaron, je n'ai qu'une parole.

Ses yeux sont fuyants en avouant cela et la mauvaise intuition qui grignote mon cortex s'en voit ravie.

— Très bien mon ange, alors c'est parti.

Je dépose un baiser aussi vaporeux qu'un nuage sur ses lèvres et nous emboitons le pas de mes amis qui nous attendent sur le palier.

— Tu vas voir, tu vas grave t'éclater ! l'encourage William.

Naël et moi levons les yeux au ciel.

— Si tu le dis ! lui répond-elle.

— Merci Pablo. On se retrouve à Aix, aux entrepôts, comme prévu.

— Ça marche, faites gaffe les gars !

Il tapote l'épaule de chacun, serre le bras de Léane et tourne les talons, nous laissant nous diriger vers le second garage où est garé la voiture qui va nous servir de leurre. Un véhicule passe partout, avec le logo de l'agence immobilière domiciliée à Nice tout ce qu'il y a de plus factice. C'est Raph qui conduit, Will est côté passager, Naël, Léane et moi sommes sur la banquette arrière.

Le trajet jusqu'au chalet situé sur les hauteurs de la station se passe dans un silence de cathédrale. Chacun se concentrant sur son rôle. Même si tout a été répété, que nous savons ce que nous avons à accomplir, une erreur, un grain de sable, peuvent vite enrayer la machine. Et puis c'est le premier cambriolage effectué en plein jour. La nuit agit comme une sorte de protection naturelle, les masques comme une double personnalité. Tout est illusoire évidemment, mais pour le mental c'est énorme. La jambe de Léane qui frôle ma cuisse n'arrête pas de tressauter, sa nervosité augmentant au fur et à mesure des kilomètres engloutis, alors je resserre ma prise sur ses phalanges et la paume de ma main libre appuie sur le haut de sa cuisse de manière à la faire stopper. Léane oblique son regard vers moi, ses dents maltraitant sa lèvre inférieure.

— Arrête ça chaton, ou ce sont les miennes qui vont mordre...vraiment, affirmé-je en zieutant dans cette direction.

Léane se reprend, lâche cette bouche tentatrice et cale sa tête dans mon cou. J'intercepte le regard vert du Libanais, je le rassure d'un mouvement discret du menton.

Raph se gare le long d'un trottoir un peu avant notre destination finale, vérifiant une dernière fois si la Bimbo a bien quitté les lieux, un fois la vérification effectuée,

— Je coupe le réseau des caméras, de l'extérieur, et de l'intérieur, une image statique va tourner à partir de maintenant.

Il redémarre et s'engage dans l'impasse qui abrite le chalet. Toujours avec l'appui de son MacBook, il déverrouille le portail, s'engage dans l'allée et gare la voiture en marche avant devant l'entrée.

— A ton top chrono Aaron, on a maximum trente minutes nous rappelle William pendant que nous sortons de la voiture et récupérons le matériel dans la malle.

Je regarde ma montre de sport, fixe la trotteuse, enclenche le chronomètre... jette un regard à Léane.

— C'est parti ! ordonné-je en tirant Léane derrière moi.

C'est parti pour le jeu de dupe.

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