Mon autre monde*




Seize heures trente, je me gare sur le parking de l'hôtel appartenant à ma famille. Je salue la réceptionniste en passant à sa hauteur en lui faisant comprendre de prévenir mon père, car je me dirige directement vers son bureau. Je longe le couloir jusqu'à m'arrêter devant la dernière porte. Je frappe, et sans attendre ouvre le battant. Mon paternel me fait signe de patienter, il est en communication et me montre le canapé afin que je m'y installe. Un vieux chesterfield appartenant à mon grand-père. L'odeur de cire et le parfum des fleurs fraîchement coupées me ramènent des années en arrière quand je venais envahir l'espace de travail de mon grand-père. Mon père n'a rien changé du mobilier en bois précieux, si ce n'est le matériel informatique qui a fait son apparition donnant une touche modernisme.

Un raclement de gorge me ramène à l'instant présent.

— Bonjour mon fils, comment vas-tu ?

— Bonjour papa, très bien et toi ?

Nous nous donnons une accolade virile.

— Maman m'a dit que tu avais beaucoup de travail, et que l'hôtel était complet ?

— Oui, les réservations courent jusqu'en décembre. Le spa et la piscine intérieure attirent une nouvelle clientèle.

— C'est cool.

Sans savoir d'où ça débarque un court métrage de Léane et moi dans un salon de massage se tourne dans mon cerveau.

Le bip de mon portable annonce l'arrivée d'un message mettant sur pause mon imagination.

— Les mecs arrivent, précisé-je en le lisant à voix haute et enterrant définitivement le scénario d'un film porno qui se profilait.

Quelques minutes plus tard, un brouhaha venant du couloir nous informe que mes amis sont là.

— Hello la compagnie ! fanfaronne le Norvegien, suivi de Naël et de Raphaël.

Tout le monde se dit bonjour, puis les choses sérieuses commencent par une simple question de mon paternel.

— Vous êtes prêts ?

Afin que vous compreniez bien ce qui suit, je dois vous raconter une partie de l'histoire de Pierre Castex ainsi que de ses trois anciens frères d'armes et amis, Svein, Elias et Paul.

Mon père était capitaine dans les renseignements au sein de l'armée de l'air, sur une base en Afrique Subsaharienne. sous l'égide de l'Otan. C'est à cette occasion qu'il s'est lié d'amitié d'abord avec Svein, également dans les renseignements, mais norvégien le père de William. Au fil de ses missions, lors d'une plus risquée que les autres, il a rencontré Paul, paternel de Raphaël, chirurgien et chef de service de l'hôpital militaire, et Elias démineur de formation. Plus les missions sur le terrain s'enchaînent, plus ils formaient un petit groupe inséparable. Ils sont devenus avec le temps de véritables frères d'armes.

Un jour, Paul les a alertés sur le nombre d'enfants mutilés, blessés ou pire, qui transitent dans sa clinique avant d'être redirigés vers l'hôpital de la ville. De fil en aiguille, ils ont commencé à mener une enquête de leur côté, d'agir dans l'ombre, et ce qu'ils ont découvert était bien trop gros pour eux, mais ils ont pris la décision à l'unanimité de continuer en connaissant les risques encourus. D'une part de passer devant la chambre militaire du Tribunal suprême, ou pire, d'être tués par les trafiquants. Car ses enfants n'étaient rien d'autres que de la main d'œuvre facile et pas chère pour extraire du minerais dans les mines de diamants.

Alors à la barbe de leurs supérieurs, ils ont poursuivi leurs investigations et avec écoeurement ont découvert que certains hauts dignitaires Français, étaient impliqués dans ces trafics. A partir de là, ils ont amassé un maximum de preuves, photos, documents, enregistrements, tout ça illégalement au yeux de la loi, évidemment, mais le but qu'ils s'étaient donné l'était aussi.

Ils l'ont fait pendant les trois ans qu'a duré leur séjour et en sont repartis avec une liste de noms qui allait servir de base pour leurs braquages.

Car oui tous les quatre anciens militaires, sont devenus des sortes de robins des bois. Il se sont mis à cambrioler les coffres de ceux qui pillent les réserves naturelles d'un pays en y impliquant des enfants. Tout ce qu'ils ont récolté durant des années dans les villas cossus ont servi à créer une association venant en aide aux familles des victimes de ces trafiquants, mais également une clinique où ils peuvent être soignés. Tout ça avec l'accord du gouvernement en place du pays. Tous les noms de la liste n'ont pas été visités.

Le travail est fastidieux. Mais on touche au but.

Et puis des soupçons ont commencé à naître dans le milieu de la police, et leurs charges familiales les ont obligés à se ranger.

Mais la relève est assurée.

Un dimanche après un repas de famille chez les Khazen, les parents de Naël, je suivais un documentaire de loin sur les trafics de diamants en Afrique quand un paysage m'a interpellé. J'ai fait le rapprochement avec une photo encadrée dans le salon de notre maison. J'ai appelé mon père qui se trouvait sur la terrasse en pleine discussions avec ses amis.

— C'est là où tu étais non ?

J'ai senti mon père se crisper, jeter un œil vers les autres, puis en soupirant, nous a donné l'ordre mes potes et moi de les suivre au sous-sol de la villa. A partir de ce moment-là, tout est allé très vite, après la stupéfaction. A la fin de leur récit, argumenté de preuves en images, ou de vidéos nous sommes tous restés impassibles. Dans ce bunker aménagé digne des services secrets, on aurait entendu une mouche voler. Et puis, j'ai commencé à me ranimer, les informations grignotant petit à petit mon cerveau, j'ai regardé mes trois amis, et dans un simple mouvement du menton, notre décision était prise.

— On prend la suite.

La stupéfaction avait changé de côté.

— Hors de question. Vous n'êtes pas dans un jeu vidéo. C'est trop dangereux. Vous n'êtes pas formé pour supporter tout ça, s'en parler de vos mères qui vont nous enterrer vivants.

Chacun à notre tour nous avons argumenté bataille, et ils ont fini par abdiquer au bout d'une éternité quand ils ont compris que nous étions déterminés et qu'ils ne nous feraient pas changer d'avis. Ils ont posé deux conditions :

— C'est nous qui vous entraînons, aucune excuse ne sera valable pour rater un entraînement... et ensuite, poursuit Svein, c'est aussi nous qui jurerons quand, et si, vous êtes au point. Ce ne sont que dans ces circonstances que nous acceptons. Et toutes les informations viendront également de nos propres renseignements... et biens sur personne à part nous huit ne devront être dans la confidence.

— J'en ai une troisième, intervient Paul, le père de Raphaël. La liste est loin d'être complète, mais on vous engage pour deux cambriolages, les deux qui nous manquent. Ensuite on ne peut pas aller plus haut, car ça touche un membre du gouvernement et il est hors de question que l'on vous envoie à l'abattoir ou en taule.

On acquiesce.

A la fin de l'entretien, j'ai posé une unique question à mon père

— Pourquoi vous ne vous en prenez qu'aux plus petits ?

— Aaron, ce sont les petites rivières qui font les grands fleuves...

Nous en avons bavé, rien ne nous a épargné. Le soir après les cours, le lendemain de fêtes, pas un jour sans que nous passions d'étudiants normaux à entrainements militaires.

Le maniement des armes, l'observation, les cours de self défense, de boxe, les explosifs pour Naël avec son père; l'informatique pour Raphaël notre geek pour qui pirater un site est un jeu d'enfant.

Mais je peux affirmer que nous sommes déterminés et en mesure d'effectuer notre premier cambriolage après quatre ans. L'excitation monte crescendo. L'appréhension aussi, nous ne sommes pas des machines et les risques sont présents.

— Aaron ? tu es avec nous ?

— Oui, désolé. Will et Naël sont allés faire un premier repérage en suivant les infos que tu nous a envoyées.

William prend la parole :

— Nous avons repéré quatre caméras dans le quartier qui couvrent l'ensemble du lotissement. Il fallait s'en douter. Ce ne sont que des habitations luxueuses. Pour celle qui nous intéresse, une caméra au niveau du portail plus un garde à l'entrée. Trois sont en rotation afin de couvrir les 24h.

— Mais, on sait de source sûre, complète mon père, le lundi soir c'est relâche, il mime des guillemets avec ses doigts, pour tout le monde. Car monsieur est de sortie dans son club favori et retrouve une de ses putes, et madame en profite pour s'envoyer en l'air avec un des mecs de la sécurité dans la dépendance.

— Exact ! Les deux autres sont de repos.

— Raph pirate le réseau centralisé de vidéo surveillance du quartier pendant 30min max et ensuite celui de la maison, je reprends, tout en étudiant le plan. Ce qui nous laisse largement le temps d'accéder au coffre, de l'ouvrir, de le vider, et de déguerpir.

— Quant au diamantaire, continue Naël, il est réglé comme une horloge. Il part de la villas à vingt-deux heures, rejoint des amis en ville pour dîner, puis va retrouver sa pute. Il quitte la boîte à deux heures trente précise, et il faut une bonne demie heure à son chauffeur pour remonter jusqu'au Mont.

William et Naël ont accompli un super taf.

— Vous avez tout ce qu'il faut en matériel ?

— Oui. Raph est allé réceptionner le matos à Marseille chez Pablo. D'ailleurs, il te passe le bonjour ! Le Suv de luxe, plus discret dans ce quartier qu'un van, nous attend dans un entrepôt à Nice appartenant à ton ancien collègue.

Pierre se lève de son fauteuil.

— Vous avez fait du bon boulot.

On le remercie en rangeant nos affaires.

— On se retrouve ici mardi matin, afin de tout mettre à l'abri, et vous permettre de vous reposer.

— Ok ! Embrasse maman pour moi. A mardi papa.

Quand nous passons devant la réception, Will ne peut s'empêcher de faire un clin d'œil à la réceptionniste. Je suis sûr que mardi matin elle finira dans son lit. Vu comment elle le regarde, elle est prête à sauter le comptoir pour le rejoindre. William en profite pour lui lancer son sourire qui fait, paraît-il, mouiller les petites culottes.

Dans un éclat de rire collectif et salvateur après notre réunion, nous quittons l'hôtel et prenons la route jusqu'au club de sport.

Rien de tel qu'un combat pour évacuer la pression et les tensions qui ne me quittent pas depuis mon déjeuner avec une étudiante sexy.


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