Menace et Chantage*

                               


Maxine et moi avançons sur le parking bras dessus bras dessous, tout en bavardant de tout et de rien quand une berline aux vitres teintées avance lentement pour arriver à notre hauteur et se stoppe. Intriguées nous fixons le véhicule qui dénote au milieu des autres voitures des étudiants, je le suis encore plus quand le chauffeur en descend, habillé de la panoplie du parfait employé de célébrité. Mon sang ne fait qu'un tour, et la colère monte crescendo dès que je comprends qu'il est là pour moi. L'homme me scrute, puis se décide à faire un pas dans ma direction.

— Je me trompe, où ton cher papounet s'est assuré que ne tu ne désertes pas le repas familial de ce soir ?

Je lance un regard noir à mon amie.

— Mais quel gros con, ne puis-je me retenir d'exprimer.

Le chauffeur nous salue d'un mouvement de tête.

J'arrive à maîtriser tant bien que mal mon énervement, après tout, il n'est en rien responsable de la relation que j'entretiens avec mon géniteur, et il ne fait que son travail. Il obéit aux ordres du despotique Claude Saint André.

— Bonjour Mademoiselle Jardel.

— Bonjour...

— Hector.

— Mr Saint André m'a chargé de vous ramener directement chez votre mère.

— Bonjour Hector. C'est prévenant de sa part.

Le compliment me brûle la trachée, mais me montrer agressive ne me mènera nulle part.

— Mais il vous a dérangé pour rien. Je dois repasser par mon appartement, avant de rejoindre celui de ma mère. Maxine et moi allons rentrer à pied.

— Mr Saint André à vraiment insisté.

— Et moi j'insiste, je n'ai pas besoin de chauffeur.

Hector danse d'une jambe sur l'autre mal à l'aise par ce qu'il doit prendre pour un caprice d'enfant gâtée.

— Remontez dans votre voiture et je me charge soir d'expliquer à votre patron les raisons qui m'ont conduite à refuser son offre.

Un sourire bienveillant étire mes lèvres.

Comprenant qu'il n'aura pas gain de cause, Hector hoche la tête puis se détourne de nous et monte dans la berline.

Pas mal d'étudiants ont assisté à la scène.

— Ton compte insta va exploser ma chérie, se moque Max.

— A cause de ma conversation avec un chauffeur ? Ils n'ont rien d'autre à foutre ?

— Les rumeurs, les supputations, les on dit... bref je ne t'apprends rien sur le vide des informations qui font la part belle des réseaux sociaux.

Je hausse les épaules pour toute réponse et Maxine et moi sortons du parking de la fac et prenons la direction de notre appartement.

Vingt heures.

Je suis face à la porte d'entrée de l'appartement de ma mère, l'index en suspension sur le bouton de la sonnette, pesant le pour et le contre des conséquences entre rester ou m'enfuir.

Repartir en sens inverse alors que tu es là, c'est un peu idiot, non ?

J'appuie. J'attends. Puis les talons de ma mère claquent sur le parquet, et c'est au tour du verrou de grincer et enfin le battant s'ouvre.

— Bonsoir maman, dis-je en la serrant dans mes bras.

— Bonsoir ma chérie.

Nous nous scrutons un instant, ma mère pose une main sur ma joue.

— Tu as bonne mine Léane.

— Le reste du bénéfice des vacances je suppose.

Ma mère sourit, je lui ai tout raconté de mon séjour à Oslo, y compris l'aveu que j'ai fait à Aaron.

— Allez, viens ton...

Elle ne va pas au bout de sa phrase, car elle sait que je refuse l'appellation qu'elle donne à mon géniteur. Il ne sera jamais mon père à mes yeux, tout au plus un donneur de sperme.

Nous arrivons dans le salon quand mes yeux rencontrent ceux de celui qui m'inspire le néant. Claude Saint André est assis sur le canapé, son téléphone à deux mille balles dans une main, un verre d'alcool ambré dans l'autre, tel un pacha dans son palais. Il se lève à notre arrivée, range son téléphone dans la poche de poitrine de sa veste de costume, qui coûte à elle seule le montant du smic annuel, dépose son verre sur la table basse puis s'avance dans notre direction. Je sens les doigts de ma mère serrer furtivement mon bras.

J'ai compris le message. pas de vague ou d'impolitesse.

— Bonsoir Léane.

Mon géniteur s'abstient de toute démonstration d'affection quelconque. Ce qui en soit me va très bien.

— Bonsoir Claude.

Un silence pesant commence à se répandre dans la pièce.

— Puisque tout le monde est là, nous allons pouvoir passer à table, nous invite maman d'un air faussement enjouée.

Le peu de mètres qu'il y a à parcourir jusqu'à la table dressée n'est pas suffisant pour dénouer le nœud qui loge dans mon estomac. Me retrouver en sa présence est comme à chaque fois une torture pour mon esprit.

— Alors Léane, comment se déroule ta nouvelle vie ici ? attaque-t-il à peine mes fesses posées sur la chaise.

Son regard me met mal à l'aise. Je n'identifie pas encore pourquoi.

— Beaucoup mieux, que je ne l'avais imaginé, je suppose.

— J'étais persuadé qu'Aix en Provence te plairait... je l'ai toujours affirmé à Jeanne.

Je ne réponds rien, pour la bonne et simple raison que je n'en ai pas envie.

— En revanche, ton caractère est resté le même, me reproche-t-il en glissant sa serviette sur ses genoux. Toujours aussi frondeuse.

— Pourquoi voulais-tu qu'il change ? si tu fais référence à mon refus de monter avec ton chauffeur tu as parfaitement raison. J'ai déménagé, je nai pas subi une lobotomisation afin de me rendre abrutie.

Mon ton ne lui plait pas, je le distingue à ses poings qui se serrent sur la table, mais il ne me fait aucune remontrance. Heureusement pour lui.

— Pas uniquement à ça.

Sa réplique évasive ne me rassure pas sur son intention. Claude Saint André est un pervers manipulateur, donc si par miracle il s'intéresse à ma vie ce n'est pas un hasard. Je dois la jouer fine.

Maman revient, mettant fin à notre confrontation.

— La salle à manger est toujours en ordre, affirme-t-elle en déposant le plat au centre de la table, j'en déduis que vous avez réussi à vous parler sans faire de dégâts.

— Maman, c'est toi qui m'as élevée, commencé-je, je sais me montrer polie en présence d'étrangers.

— Léane ! gronde ma mère. Excuse toi !

— Laisse Jeanne, interviens mon géniteur le visage dur qui contraste avec ses propos, ce n'est pas grave.

— Elle n'a pas à te parler comme ça, Claude. Léane, j'attends.

— Je suis désolée.

Il sait que je n'en pense pas un mot et ma mère fait semblant d'y croire.

Maman commence à nous servir, engageant le dialogue avec son amant, alors que je me perds dans la contemplation du ciel qui a revêtu son habit de nuit. Ce soir les étoiles sont de sortie, me ramenant vers une autre étendue d'astres... Aaron m'entourant de ses bras, l'aurore boréale pour décor...

— Bon appétit !

La voix de ma mère m'oblige à abandonner mes souvenirs.

— Maman, ton repas est délicieux ! fais-je après avoir avalé une bouchée du succulent plat de lasagne.

— Merci ma chérie.

Seul le bruit des fourchettes piquant dans l'assiette perturbe le silence.

Quand j'en ai assez de cette mascarade, j'ouvre la bouche afin d'interroger l'homme politique. J'ai un pressentiment qui ne veut pas me quitter depuis que je suis arrivée.

— Que souhaites-tu connaître sur ma nouvelle vie, puisque cela a l'air de te tenir à coeur ? A moins que ce ne soit par pure politesse, Claude ?

— Léane... tu es ma fille, et il est de mon devoir de m'enquérir de ton bien être.

Sans pouvoir me retenir, j'éclate d'un rire sonore.

— Ouais uniquement quand ça t'arrange, ricané-je une fois calmée.

Sa réponse de politique ne me satisfait pas, il en a toujours eu rien à foutre de ma vie si cela n'éclaboussait pas la sienne, alors je me tourne vers la seule personne qui ne me mentira pas. Enfin je l'espère.

— Maman ? ce repas a-t-il une autre vocation qu'à jouer à la famille parfaite ?

Ma mère serre la machoire, elle n'aime pas que je lui renvoie sa situation bancale, celle de la femme de l'ombre qui n'atteindra jamais la lumière, comme la légitime, mais j'ai besoin de connaitre le dessein de mon géniteur.

— Effectivement Léane, si j'ai insisté auprès de Jeanne afin que tu participes à ce dîner, c'est parce que je souhaite m'entretenir avec toi... d'un sujet, comment dire...

— Risqué pour ta réputation ? terminé-je sa phrase.

— En quelque sorte, oui.

Nous nous fixons.

— Claude es-tu certain que cela soit si grave que cela en a l'air ?

Ma mère tente une approche afin de désamorcer le conflit qui ne va pas tarder à exploser.

— Jeanne, ma douce, tu sais aussi bien que moi, qu'il vaut mieux prévenir que guérir.

Son ton doucereux, couplé à son geste de lui prendre la main, me donne envie de vomir. Il l'infantilise, la renvoie à son statut de femme, sans cervelle de préférence. Moi le politicien aguerri, toi la petite conservatrice de musée, sans aucune légitimité.

J'allais prendre la défense de ma mère quand la phrase qu'il prononce me coupe la respiration.

— C'est à propos des personnes que tu fréquentes, Léane.

— Alors là, je t'arrête tout de suite, me reprends-je, cela ne te regarde en rien. Tu t'en es passé toutes ces dernières années, tu peux bien continuer...

— Cela m'importe car j'ai une réputation à préserver !

Le ton commence à monter, son masque s'effrite.

— Quelle réputation ? Personne ne sait que j'existe ! Je ne vois pas comment un fantôme peut foutre ta réputation en l'air avec ses fréquentations.

Ma mère devient blême. Je parle très peu de cette partie de moi qui ce sens amputer. Même si je ne supporte pas mon géniteur, être celle qu'il n'a pas voulu reconnaître a laissé des traces indélébiles. Heureusement qu'Aaron est là, mes amis aussi, alors hors de question qu'il m'empêche pour une raison bancale de les fréquenter. J'ai trouvé en eux une famille de coeur.

— Mais également celle de ta mère. Son poste de directrice l'expose aussi aux commérages.

— Maman connaît tous mes amis, rebondis-je à son accusation, je les lui ai présentés...

Il se tourne vivement vers sa maîtresse, certainement afin de vérifier mes dires. A aucun moment elle ne baisse le regard.

— C'est vrai Claude, ce sont des jeunes charmants et qui viennent tous de...

— Et toi, Léane, tu les connais jusqu'à quel point ?

Il appuie sur le verbe. Sa question me perturbe et il le sait.

— Suffisamment.

Mon géniteur ricane.

— Je n'ai pas besoin de tout savoir sur eux ! m'expliqué-je, je prends ce qu'ils veulent bien me donner... je leur fais confiance. Ils sont devenus ma famille.

— Et cette nouvelle famille, tu penses qu'elle est honnête avec toi Léane ? continue-t-il implacable.

Oui.

Certainement.

Souviens toi de tes doutes en Norvège.

J'occulte cette saloperie.

Maman se lève de table pour débarrasser, mais je vois qu'elle est troublée.

— Autant que la vraie, papa !

Il ne relève pas ma pique. Nous ne jouons pas dans la même cour, lui et moi.

— Et ton petit ami, t'a-t-il dit, qu'il n'y a pas que les études de droit qui le passionnent ?

— Tout le monde a des secrets, n'est ce pas ? T'es bien placé pour le savoir ?

Je me raccroche aux branches, je suis pathétique, d'ailleurs il sourit, railleur, se ravise quand maman revient avec le dessert.

— J'ai fait une tarte au citron meringuée, et j'ai acheté des calissons.

Mon dessert préféré... d'autres souvenirs se raccrochent aux wagons de mes doutes.

— Humm ! C'est une tuerie ta tarte maman. Merci.

Je me force à avaler un morceau, mais j'ai l'appétit coupé.

Et ton petit ami, t'a-t-il dit, qu'il n'y a pas que les études de droit qui le passionnent ?

Ça tourne comme un lien infini.

— C'est vrai qu'elle est excellente Jeanne !

— Au moins une chose pour laquelle vous êtes d'accord, nous dit-elle, afin d'essayer de détendre l'atmosphère.

Ce qui ne fonctionne pas, car je contre attaque.

— Je lui fais tellement confiance, Claude, que je lui ai avoué quel lien nous unis.

Je termine ma phrase avec un petit sourire ironique sur les lèvres en mastiquant une bout de tarte.

Oups ! Je crois que j'aurai dû me taire.

— Tu plaisantes Léane ?

— J'ai l'air ?

— Pauvre idiote...

— Claude, s'insurge ma mère.

Il ne daigne pas la regarder.

— Tu n'as donc aucune cervelle pour réfléchir aux conséquences de tes actes ? pour une future avocate... Je m'inquiète. Et s' il lui venait l'idée de tout balancer à la presse ? de se servir de toi pour atteindre son but ?

Je fronce les sourcils.

Confiance, hein ! persifle-t-il quand il devine mon trouble.

Dois-je lui raconter le passé d'ancien militaire de Pierre et les forfaits qui s'en sont suivis ? La petite voix de la raison me le déconseille, ma fierté de le déstabiliser prend le dessus. Sauf que contrairement à ce qu'il croit je suis pas idiote de tout lui dire.

— D'ailleurs, Aaron m'a retracé le passé militaire de son père, et ce doit être une coïncidence, car le territoire est immense, mais quand il a mentionné l'endroit en Afrique où il était en mission ça m'a fait tilt... toi aussi, non, tu étais là bas ? Si ça se trouve vous vous connaissez.

Il n'affirme, ni ne contredit mon information.

Ma mère s'excuse en prenant un appel et quitte le salon et se réfugie dans son bureau. C'est alors que mon géniteur en profite, pour sortir de sous la table une enveloppe kraft qu'il fait glisser jusqu'à moi.

— Comme je t'aime bien Léane, je vais t'aider à y voir plus clair et faciliter la tâche de ton petit ami...

Mes sourcils se froncent et mon regard ne quitte pas l'enveloppe.

— Ouvre-la, et regarde qui sont vraiment tes amis !

Son ton a changé, maman n'est plus là, son masque tombe, révélant la pourriture qu'il est.

Je refuse de la prendre, mon sixième sens me l'interdit car si j'accède à sa demande, je suis certaine que mon monde va vaciller...

Toujours focalisée sur la bombe en papier, je n'amorce aucun geste ce qui termine d'énerver l'homme d'état en face de moi. Dans un mouvement brusque, il la décachette et vide son contenu sur la nappe, entre les restes de la tarte au citron et les calissons, éparpillant des dizaines de clichés. .

Mes yeux sont attirés par une photo en particulier, et l'organe qui me sert à respirer dérape. Je devine le regard de mon géniteur, étudiant mes réactions alors je tente de rester le plus détachée possible, mais reconnaître la silhouette de mon petit ami, malgré le masque de Frontman qu'il lui cache son visage, ironie ou pas, nous avons regarder cette série Coréenne pas plus tard que la semaine dernière, n'est pas chose facile. Un autre détail confirme que c'est bien lui. A son poignet brille les menotes en or blanc du bracelet Dinh Van qu'il n'enlève jamais.

— Erreur de débutant, raille mon père en pointant du doigt le bijoux.

Je n'argumente pas, continue de m'enfoncer le pieux plus profondément dans mon cœur en regardant les autres photos.

Sur l'une d'entre elles, on y voit Raphaël rentrer à leur appartement avec de gros sacs de sport noirs, cela ne prouve rien, après tout, ce sont des sportifs... il y a peut-être du matériel à l'intérieur.

Toutes les excuses sont bonnes à prendre.

Sur une autre, le SUV de William pénètre dans un hangar, dont la porte est tenue par un mec à la mine patibulaire. Puis c'est un van noir qui en ressort quelques heures plus tard qui a été photograhié.

Pas besoin d'être flic pour faire le rapprochement.

J'arrête de regarder toutes ses preuves. Trop écœurée pour poursuivre.

Aaron m'a menti, ce ne sont plus leurs pères qui font les cambriolages, mais bien eux.

L'alarme qui clignotait depuis des semaines s'immobile sur le rouge. Je prends conscience qu'il m'a menti en me regardant droit dans les yeux. Je prends conscience que je suis tombée amoureuse d'un hypocrite, d'un futur avocat voyou Leur cause est bonne, jamais je ne vais renier cette évidence, mais j'en veux à Aaron de ne pas avoir eu le courage de tout m'avouer, surtout après mes confidences sur le nom de mon géniteur.

Claude me sort de ma torpeur.

— Alors cette seconde famille, Léane ?

Il me nargue ce connard ! Se délecte de mon trouble.

— Les photos sont très réussies ! Celui qui les a prises devrait se reconvertir.

— Je suis sérieux Léane, que comptes-tu faire, maintenant que tu sais, ce qu'ils te cachent ?

Je ne réponds pas à sa question, et lui en pose une à mon tour, qui tourne en boucle dans ma tête.

— Pourquoi ne pas les avoir fait arrêter ? Puisque tu as les preuves, qu'ils commettent des cambriolages. Et pourquoi les surveiller eux ? Je suppose, que ce ne sont pas les seuls à en commettre ?

Je le vois réfléchir à une réponse qui me donnera satisfaction, sans trop m'en révéler. Une réponse de politicien quoi !

— Parce que cela ne fait pas longtemps que nous avons les preuves... mais je dois te remercier...

Je fronce les sourcils.

— Car tu as été parfaite, je n'en attendais pas temps d'une gamine pourrie gâtée, mais tomber amoureuse de ce petit con et surtout qu'il le soit en retour est au-delà de mes espérances.

Je reste sans voix face à cet homme que je pensais un minimum sincère envers moi ou maman.

— Que dois-je comprendre...

— Que je t'ai piégé Léane, que tu n'as pas atterri ici par hasard, que...

— Tais toi, hurlé-je.

Mon géniteur sourit.

— Je n'avais aucune certitude que tu réussisses, après tout des jolies filles ça ne manque pas dans le coin, mais j'ai misé quand même, et ça a payé. Tu as toujours eu un don pour fréquenter les mauvaises personnes.

Je l'écoute déblatérer son plan machiavélique comme s'il me racontait l'histoire de quelqu'un d'autre. Mes neurones ont décidé de me lâcher. Je suis une coquille vide de toutes réactions, de toutes émotions.

— Alors maintenant, tu vas m'écouter attentivement.

Il jette un regard furtif vers la porte du bureau toujours close.

— Tu as deux options. Soit, tu te démerdes pour participer à leur prochain casse... et me rapporte cette putain de liste.

— T'es malade ! me rebifé-je dans un espoir de survie.

— Soit, continue-t-il, je leur donne 24h de répit avant de lâcher les flics.

Je secoue la tête comme si cela allait éloigner ce cauchemar éveillé.

— Pourquoi tu...

— Veux cette liste ? termine-t-il à ma place. Réfléchis petite future avocate.

Son ton est méprisant, rabaissant.

— Parce que ton nom de salopard y figure, en déduis-je.

— Doucement ma fille. Et bien évidemment.

Je vomis cette affiliation.

— Mais si tu les fais arrêter tu te tires une balle dans le pied.

— Ca prendra plus de temps, mais je recupererai quand même cette putain de preuve.

Je comprends à cet instant que d'une manière ou d'une autre je suis piégée.

Dans les deux cas je perds l'homme que j'aime. Soit par trahison de ma part, soit à cause du pouvoir de mon salop de père. Les conséquences seront identiques, car Aaron ne me pardonnera jamais dans les deux cas.

— Moi aussi j'ai une condition.

— Je n'en attendais pas moins.

— Si et je dis bien si j'accepte, tu les laisses libre après le cambriolage... tu n'envoies pas tes chiens de garde, tu les obliges de la manière que tu veux à rester dans leur niche.

Mon père et moi nous fusillons du regard. Je ne vais pas baisser les yeux et lui non plus.

— C'est d'accord, finit-il par cautionner.

Le bruit d'une porte que l'on ouvre, nous empêche d'aller plus loin. Son regard vaut tous les avertissements.

— 24H Léane et tu me donnes ta réponse.

Sans attendre il se lève afin d'accueillir ma mère d'un baiser sur la tempe.

— Tout va bien ? questionne maman en nous scrutant à tour de rôle.

Je lorgne du côté des photos mais elles ont disparu. Claude est debout près du canapé, proche de mes affaires.

— Tu es pâle ma chérie, tu es certaine que...

— Oui maman, t'inquiète pas, juste la fatigue qui me rattrape. D'ailleurs je vais rentrer.

Ma mère a l'air triste, pourtant ses yeux me percent cherchant une vérité que je ne lui confesserai pas. Ma langue me brûle pourtant, de tout lui balancer sur quel genre d'homme est celui qu'elle aime depuis des décennies. Sur le chantage et la menace qu'il fait planer au-dessus de la tête de sa propre fille pour assouvir son besoin personnel.

— Jeanne, ta fille s'investit beaucoup dans ses cours, c'est normal qu'elle soit éreintée... sans compter qu'elle fréquente maintenant.

Il a pris son air condescendant, celui qu'il réserve aux convives des soirées mondaines.

— Très bien, va te reposer mon coeur.

Maman me serre dans ses bras, je regarde par-dessus son épaule et l'autre pourriture me gratifie d'un clin d'œil.

— On en parle plus tard, murmure ma mère en m'embrassant sur la joue.

Je suis troublée quand je me recule.

A t-elle tout entendu ?

L'a-t-il mise au courant ? non impossible, ma mère n'aurait jamais accepté un tel chantage sur sa fille.

J'enfile mon manteau, récupère mon sac d'où dépassse un bout de cette putain d'enveloppe et au moment de tourner la poignée, les mots de ma mère ricochent dans mon cerveau.

— Pas d'imprudence ma fille.

Je ne me retourne pas et claque le battant assez fort afin qu'elle comprenne que j'ai saisi ses allusions.

Maman sait quelque chose. Mais quoi ?

Connaît-elle vraiment l'homme avec qui elle entretient une relation depuis toutes ses années ?

Mes neurones sont en surchauffe à force de me poser toutes ces questions.

L'air frais me fait du bien quand je déboule sur le trottoir. Je marche un temps infini dans les rues désertes du centre-ville. Mes méninges sont prises d'assaut par le dilemme qui s'offre à moi. Et puis comme un signe du destin, mes pas me portent jusque devant l'entrée de l'immeuble où vit Aaron. Je n'ai pas encore pris de décision, la seule dont je suis certaine est que je ne le laisserai pas aux mains des ces flics ripoux. Donc une seule solution... la plus dangereuse pour mon coeur, mais au moins il sera libre et les autres aussi. Je peux vivre en l'imaginant heureux sans moi, par contre cela me sera impossible si je n'agis pas et qu'il risque la prison parce que ma lâcheté aura gouverné ma décision.

Forte de ma détermination, je pousse la lourde porte cochère et pénètre à l'intérieur.


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