L'annoncer ? Mais comment ? #
Aaron
— Aaron, tu peux venir s'il te plait ? m'interpelle Jessy depuis son bureau.
Je ne lui réponds pas, pas la peine, je dépose mes affaires et tourne les talons pour la rejoindre et voir ce qu'elle me veut.
En ce moment, je suis sous tension, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Les dossiers au cabinet s'enchaînent, ce qui fait que je pars tôt le matin, et que je rentre tard le soir. Avec mon ange nous ne faisons que nous croiser, ses journées à la fac sont intenses pour sa dernière année, et le soir quand je rentre soit elle bosse sur ses cours, soit elle s'est endormie.
J'ai l'impression que des mois se sont écoulés depuis la journée où je lui ai offert mon amour gravé sur son banc, alors qu'il y a à peine un peu plus d'une semaine.
Quand je rentre dans le bureau de Jessy, elle est assise sur son canapé et me fait signe de la rejoindre.
— Café ? T'as l'air d'en avoir besoin ! Un problème à la maison ? minaude-t-elle.
— Non, tout va bien à la maison, insisté-je sur le mot. C'est juste qu'en ce moment les dossiers s'entassent et que j'ai l'impression que les journées sont trop courtes. Et un café, s'il te plait.
— J'ai une super nouvelle à t'annoncer Aaron. On part la semaine prochaine à Las Vegas pour deux jours, afin de finaliser un contrat avec une grosse boîte d'informatique. Deux jours dans la ville de tous les péchés Aaron !
Si ça, c'est pas un putain d'appel de phare, je ne m'y connais plus en plan drague !
— Et pourquoi moi ? je pose la question tout en connaissant déjà la réponse, mais bon, peut-être que je me trompe. Tom est beaucoup plus expérimenté que moi dans ce domaine non ?
— Peut-être, oui, mais ce n'est pas Tom que j'ai en charge de former, c'est toi, et ne fait pas celui qui ne comprend pas Aaron, tu sais aussi bien que moi, pourquoi je veux que tu m'accompagnes.
Au ça oui je le sais ! Je ne suis pas con à ce point !
— Et je t'ai répondu, qu'il ne se passera jamais rien entre nous Jessy ! affirmé-je sur un ton plus dur que ce que j'aurais voulu.
— Et moi, je t'ai rétorqué, que quand je voulais quelqu'un ou quelque chose, je faisais tout pour l'avoir ! Bon c'est tout ce que j'avais à te dire. Tu devrais prendre quelques minutes pour téléphoner à ta petite amie afin de la prévenir, et qu'elle se fasse à l'idée, me nargue-t-elle en me faisant un clin d'œil.
Je sors de son bureau, complètement déstabilisé, et en colère contre moi. Jessy n'hésite même plus à me draguer ouvertement. Je m'en veux de lui avoir accordé autant d'importance. D'avoir accepté ces déjeuners dans son bureau, d'être resté tard en sa compagnie pour travailler sur des dossiers qui auraient pu attendre le lendemain.
Et surtout, je m'en veux de lui avoir parlé de Léane quand cela n'allait pas, de sa jalousie envers elle, de ses doutes. Tout ça, parce que je pensais que c'était une fille professionnelle, sur qui je pouvais compter, qui prenait son travail de tuteur au sérieux, pour me faire progresser.
Putain ! Que j'ai été naïf ! Et con.
Maintenant, il va falloir que je trouve comment l'annoncer à Léane, et là, je flippe comme un malade !
Je stresse plus que quand on se préparait pour un braquage et que l'on pouvait se faire choper à tout moment. Léane est tellement tendue en ce moment, qu'elle croit que je ne la vois pas regarder son téléphone régulièrement, quand nous sommes tous ensemble ou seuls dans la chambre. Et puis elle a maigri. Maxine me dit qu'elle ne mange pratiquement rien pendant leur pause déjeuner à la fac, et le soir c'est pas mieux.
J'ai arrêté de lui demander ce qui n'allait pas, elle me répond toujours la même chose, que l'approche des examens la rend nerveuse, que le fait que l'on passe de moins en moins de moments ensemble la rend triste, mais je sais qu'il y a autre chose. Léane, je la connais par cœur, par corps, par âme. Je sais lire dans son regard, je sais reconnaître son attitude si quelque chose la tracasse. Et en ce moment c'est le cas.
Alors, lui annoncer que je pars la semaine prochaine, deux jours à Las Vegas avec celle qui lui fait faire des cauchemars...
En pleine réflexion, de comment je vais m'en sortir, un nom clignote dans mon esprit. Je sais à qui je vais pouvoir demander conseil.
Naël
Quand j'ai franchi la porte de son bureau, quelques minutes plus tard, qui se situe au deuxième étage du cabinet, il est derrière celui-ci, concentré sur son ordinateur, à étudier je ne sais quel dossier sur une star quelconque. Il relève la tête quand je l'interpelle :
— Tu bosses, ou tu fais semblant ?
Il ne tient pas compte de ma question et enchaîne :
— Hey mec ! Que me vaut ta visite au second ?
Je m'assois sur le fauteuil en face de lui, et fait une chose qu'il ne supporte pas. Je pose pieds sur son bureau jambe croisées.
D'ailleurs dans :
4...3...2..1...
— Aaron vire les pieds de mon bureau. Putain, tu le fais exprès ? Enlève-moi ce sourire de connard ! Sinon, à part m'emmerder, tu voulais un truc en particulier ?
— Ouais, je suis dans la merde mon pote ! J'ai besoin de toi...
— Vas-y explique ! me coupe-t-il. Léane ou la mante religieuse ?!
— Les deux sont liés... Je dois annoncer à Léane que je pars deux jours à Las Vegas.
— Ben Léane comprendra mec...
— Avec Jessy, m'empressé-je d'ajouter. On doit s'y rendre pour finaliser un dossier, d'un de nos plus gros clients propriétaire d'une société informatique. Tu vois où est le problème ?
Inutile d'argumenter. A l'expression de son visage, Naël a compris où je voulais en venir. Lui aussi a remarqué que mon ange nous cache quelque chose.
— Putain ! Je préfère être à ma place qu'à la tienne mec, sur ce coup là !
— Ouais, c'est pas pour échanger nos places, que je viens te voir connard !
— C'est bon Aaron, je plaisantais ok ? Dis-lui simplement...
— T'es un véritable génie mon pote ! J'y avais pas pensé dis donc ! Salut mon ange, oh, j'ai un truc à te dire, je me casse deux jours à Las Vegas avec Jessy, tu sais la ville de tous les péchés, où ce qui s'y passe... Tu crois que ça va passer comme ça ? le questionné-je ironiquement.
— Aaron, c'est quoi le véritable problème ? C'est de l'annoncer à Léane ? Ou c'est le fait que tu aies peur de ce qui peut s'y passer justement ?
Je lève les yeux vers lui. Incertain de ce que je vais lire dans son regard. Mais comme c'est Naël, il a deviné pourquoi j'appréhende ce court séjour avec ma senior.
— Il s'est passé un truc que tu ne nous a pas dit avec Jessy ?
Son ton est teinté de reproches à peine cachés.
— Non rien ! je crie presque. Trop rapide pour un mec comme Naël qui analyse tout. C'est juste que... elle me drague de plus en plus, et qu'elle m'a bien fait comprendre que pendant ces deux jours, elle ferait tout pour me mettre dans son lit.
— Et alors ? T'es un grand garçon, non ? Ce n'est pas la première à te faire des avances depuis que Léane est ta petite amie ? Donc je te le demande une deuxième fois, est-ce qu'il y a une chance qu'elle arrive à ses fins ?
J'ai devant moi le Naël démineur, celui sûr de lui, imperturbable, réfléchi, et qui attend une réponse en me scrutant pour voir si je vais lui mentir ou pas.
— Non, bien sûr que non ! Mais je sens Léane tellement perturbée en ce moment, que je me suis confié quelques fois à Jessy sur mon mal être, et la jalousie de mon ange envers elle...
— Tu as quoi ? Mais t'es con en fait ! Putain... Mais...
— Qui est con ? demande William en rentrant dans le bureau, coupant le libanais dans sa phrase.
— Et frapper quand la porte est fermée ? Ça te paraît accessoire ? lui renvoie Naël, énervé.
— Ça va mec ! T'es pas en train de t'envoyer en l'air avec Max ! Et sinon qui est con ?
Imperturbable ce mec !
— Moi, lui réponds-je.
— Pour te la faire courte, Aaron doit partir quelques jours...
— Deux jours, précisé-je.
— Deux jours donc, à Las Vegas avec mante religieuse pour finaliser un contrat. Et il ne sait pas comment l'annoncer à Léane, résume Naël.
Will siffle avant de répondre :
— Putain ! Va falloir remettre tes couilles mec ! Mais ça ne me dit pas pourquoi notre Libanais t'a traiter de con !
— Parce que, comme si ça suffisait pas, il a balancé à Jessy que Léane était jalouse d'elle, enfin pour abréger hein ! Mais l'idée est là, se moque Naël.
— Hey, je suis là les mecs !
— Aaron, la prochaine fois, viens me voir quand il s'agit d'une salope, je suis plus doué que Naël pour savoir comment faire avec elle ! rigole-t-il.
— T'es sérieux Will ? Naël t'explique que j'ai merdé sur toute la longueur, et toi tu penses à la sauter ?
— On se calme les mecs ! interpelle Naël. Expliques-lui sans chercher à la rassurer, plus tu vas essayer de la convaincre qu'il ne va rien se passer, plus elle va comprendre le contraire ! Pense que les filles ne sont pas comme nous !
— T'as trouvé ça tout seul Einstein ? s'esclaffe Will.
— Plutôt tu lui en parleras mieux ce sera.
— Dejà que je n'ai pas beaucoup de temps ! Je vais tenter ce soir. Merci les mecs, ça m'a fait du bien de pouvoir vous parler. D'ailleurs, ça me fait penser à un truc, on s'organise une soirée entre potes quand je rentre ?
Les deux acquiescent. Mais alors que j'ai la poignée dans la main prêt à ouvrir la porte William m'interpelle.
— Aaron ?
Je le regarde par-dessus mon épaule.
— Léane est dingue de toi mec ! En ce moment on voit tous qu'elle ne va pas bien... alors ne joue pas au con avec l'autre pétasse.
Je reste sans voix devant la menace à peine cachée de mon pote, mais surtout devant son manque de confiance en moi. Mes doigts se resserrent sur la poignée, afin d'éviter de faire une connerie et de foncer sur mon meilleur ami.
— Tu penses sincèrement que je pourrais baiser avec Jessy, Will ? Tu me crois capable d'être un connard qui va voir ailleurs parce que sa meuf...
— Non Aaron, calme toi, reprend Naël. Will s'est mal exprimé. On te fait confiance, mais on reste des mecs. Des femmes comme Jessy flairent la faiblesse des mecs. Et toi tu es vulnérable en ce moment.
Je hoche la tête et je les laisse là, pour rejoindre mon bureau. Cette conversation m'a déstabilisé. Mes meilleurs potes me voient-ils comme un gars capable de tromper sa petite amie au moindre problème ? Non, je suis sûr que non. Ils ont simplement voulu me faire une piqûre de rappel sur qui est ma senior.
Un besoin presque vital d'entendre mon ange se fait de plus en plus pressant. Je sais qu'elle est en cours mais je tente quand même. Léane répond à la deuxième sonnerie.
— Aaron ?
— Bonjour mon cœur.
— Tout va bien ?
— Oui...
— Je n'ai pas trop de temps, je dois retourner en TP
— Je voulais juste te dire que ce soir je rentre tôt.
— Oh cool, tu me manques mon amour.
— Toi aussi mon ange...
— Il faut vraiment que j'y aille..
— Ok, à ce soir, je t'aime.
— Je t'aime plus.
Léane raccroche, mais je suis loin d'être apaisé. Alors pour essayer de penser à autre chose, je me concentre sur une affaire pour laquelle je dois donner mes conclusions en fin de semaine.
Quand l'heure de quitter le cabinet arrive, j'ai une boule dans l'estomac qui ne veut pas me lâcher. Je n'ai pas revu Jessy de la journée, et c'est très bien comme ça.
Arrivé à la colocation, tout est calme. Il n'y a personne ni dans le salon, ni dans la cuisine. Je monte directement pour rejoindre notre chambre. Je pense me doucher et me changer avant que mon ange arrive. Sauf que quand j'ouvre la porte, l'image qui m'apparaît me laisse sans mouvement.
Léane est là. Assise sur le lit. Je l'observe, appuyé contre le chambranle de la porte. Elle a son macBook posé sur ses genoux, ses Dalloz éparpillés à ses côtés, ses airs pod, elle est concentrée sur l'écran, elle mâchouille le bout de stylos et comme un pervers j'imagine autre chose à la place. Un pli s'est formé au milieu de son front, elle fait toujours ça quand elle réfléchit en plus de tortiller une mèche de cheveux autour de son doigt.
Elle est magnifique.
Je continue de l'observer, jusqu'à ce qu'elle me remarque en levant son putain de regard sur moi, et qu'elle me fasse mon sourire.
— Bonsoir beau brun ! Il y a longtemps que tu es là ? demande-t-elle.
— Assez, pour t'admirer mon ange.
Je m'avance vers le lit, et m'assois à côté d'elle, elle se tourne vers moi, me donne un baiser, trop court à mon goût. Je l'attrape par la nuque, pour l'approfondir, mon ange retient un gémissement qui se répercute directement sur mon cerveau du bas, déjà bien malmené depuis que je suis arrivé dans notre chambre. Je me recule, pour que nous puissions reprendre notre souffle, et ma conscience revient, pour me rappeler ce que je dois lui annoncer.
— Mon cœur, il faut que je parle de quelque chose, enchaîne-je en poussant ses manuels pour m'asseoir près d'elle.
Je la vois froncer les sourcils, et là je me traite d'imbécile, d'avoir commencé comme ça.
— Houla ! En général, c'est mauvais signe...
— Non ! Je me suis mal exprimé, autant arracher le pansement d'un coup, en fait, je dois partir deux jours à Las Vegas pour le travail, la semaine prochaine.
Je reprends mon souffle, tout en fixant mon ange.
Elle prend une grande inspiration, et poursuit :
— D'accord, et tu pars seul ?
Voilà la question à un million de dollars !
— Non, j'accompagne Jessy, nous partons pour finaliser un gros contrat avec une société informatique.
Léane me fixe sans rien dire.
Parle mon ange, dis quelque chose, je t'en supplie.
— Même si l'idée ne me plait pas du tout, je ne peux pas t'empêcher d'y aller, c'est pour ton boulot. Je n'ai absolument pas confiance en elle... Laisse moi finir Aaron, m'intime-t-elle en levant sa main, mais j'ai confiance en toi, je sais que si tu avais voulu me tromper, tu aurais pu le faire des centaines de fois !
— Des centaines tu exagères !
Je ne peux m'empêcher de lui dire avec un sourire.
— Tu crois que je n'ai jamais remarqué, le nombre de filles qui te lançaient des regards plus que subjectifs ? Ou encore celles qui te glissaient des papiers dans la main ? Je sais que tu m'aimes de tout ton être mon beau brun ! Tu me l'as prouvé, et plus encore !
Tout en me disant cela, Léane décale son ordinateur, et monte sur moi pour s'y mettre à califourchon. Elle passe ses mains derrière ma nuque, j'en profite, pour passer les miennes sous son t-shirt autour de son bassin, et la rapprocher pour que nos poitrines se touchent.
Elle me murmure contre mes lèvres :
— Je t'aime plus que ma propre vie Aaron, alors ne me déçois pas s'il te plaît.
— Putain, qu'est ce que j'ai fait pour t'avoir toi comme petite amie ? je lui demande, sans que ce soit vraiment une question.
— Je te l'ai déjà dit... mais je vais le répéter ... plusieurs orgasmes !
Nous éclatons de rire, et je suis putain de soulagé, qu'elle l'ai pris comme ça.
— Je te l'ai déjà promis mon ange, il n'y a que toi, et il y aura toujours que toi.
— Maintenant tais-toi, et fais-moi l'amour, monsieur orgasmes.
— Avec plaisir, tes désirs sont des ordres ma diablesse.
Et pour la première fois depuis des jours, je respire à nouveau d'avoir retrouvé ma Léane. C'est très certainement une façade. Mais je suis assez égoïste pour nous deux et profiter du temps qu'il nous reste pour faire comme si tout allait bien.
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