LE PREMIER JOUR (trois temps)
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Je me stoppai brusquement, une expiration essoufflée m'échappa dans la foulée.
J'étais arrivé aux portes de Marville. Et c'était plus effrayant encore que tout ce que j'aurais pu imaginer. Le brouillard filandreux recouvrait le monde d'un voile effrayant vous donnant l'impression d'être victime d'une cécité dégénérative. Sous la brume, il était possible de deviner ce qui m'entourait, mais seulement à quelques mètres à la ronde, si un monstre se cachait à l'angle d'une maison prêt à me sauter à la gorge, j'étais aussi exposé que l'agneau répondant au loup.
Les routes terreuses semblaient interminables, elles serpentaient entre les arbres crochus et les bâtiments en ruines, donnant l'impression à quiconque passant par là qu'il allait se perdre à tout jamais et moura à force d'errance en ces lieux maléfiques et malfaisants.
Mais je pris mon courage à deux mains, je portais mes couilles comme l'aurait si bien dit Merle, l'orage menaçant m'y aida bien plus que je ne l'aurais avoué. J'avançai tout de même, l'implacable sentiment de mort imminente ne quittant ni ma peau, ni mon cerveau mais heureusement pour moi, était si présente qu'elle n'impactait plus autant qu'au début. Elle ne me faisait plus dérailler l'esprit et ne brouillait plus mes sens, elle était simplement là, à me tordre les organes comme une forcenée, à me faire grincer les dents ou à humidifier mes yeux de temps à autre, lorsque sa pression devenait trop forte pour être réprimée.
Le chemin que je décidais finalement d'emprunter semblait être l'allée principale du village, elle se déroulait en ligne droite juste sous mes yeux et même si je n'y voyais pas à plus de deux mètres à la ronde, je devinais qu'elle s'étendait ainsi jusqu'à la place centrale.
C'était sans doute un village typique du siècle dernier, avec la même disposition que tous les autres. C'étaient de vieux bâtiments, de vieilles rues avec des tonnes de poussière et de saleté un peu partout. Cette ville semblait avoir été abandonnée bien avant la fin du monde, on l'aurait dit toute droite sortie d'un film de John Carpenter.
Mais ça n'était pas ma priorité actuellement, je devais juste trouver un foutu abris avant que les foudres divines ne s'abattent sur moi.
Autour de moi, il n'y avait que le silence, aussi oppressant et froid que ce brouillard, le bruit de mes pas résonnait toujours plus fort, toujours plus sèchement. C'était comme le tic tac d'une horloge pressée de faire sonner son coucou.
Mes yeux tombèrent sur mes mains.
Elles tremblaient monstrueusement, c'était comme si la température venait de chuter de plusieurs degrés et que mon corps était une petite feuille subissant les coups acérés du froid.
Le silence cassé par ma respiration haletante et le vent hurlant entre les pierres et dans les branches des arbres morts, je resserrai les pants de ma veste et avançai à contrecœur dans cette ville aux allures hantées.
Dans le fond de ma tête, la voix de mes cauchemars continuait à siffler mon prénom en boucle. Je l'entendais dans ma tête mais aussi à droite, à gauche, devant, derrière, en haut, en bas, partout autour. Elle tournait et emplissait l'espace dans une litanie aussi épuisante que terrifiante.
Je m'arrêtai alors brusquement au milieu de la route, incapable d'aller plus loin. Je tombai à genoux et ma tête vint trouver refuge au fond de mes bras, les mains fermement plaquées sur mes oreilles.
« Ça suffit ! » m'entendis-je crier.
Ma voix se répercuta certainement dans la ville fantôme mais je ne la percevait pas. Je ne m'entendais même pas supplier la voix de cauchemars de me laisser en paix.
Un mal de crâne me persécutait le cerveau, la bouche et la gorge asséchées, les oreilles sifflantes et les mains moites.
Dans la pâleur de la lune et la froideur de la nuit, je sentis alors des mains douces se glisser dans mes cheveux. Je ne me posai pas plus de questions, la douleur, la peur, le froid, la panique ; tout semblait alors s'estomper au contact de ces doigts.
Je retirai alors mes propre mains de mes oreilles, les yeux clos et la bouche entrouverte, là, agenouillé sur le pavé glacé, je me laissai aller à ces caresses doucereuses.
Mon cerveau ne réfléchissait plus, plus de questions obsédantes, plus de voix annihilatrices, plus de peur glaçante, plus rien que le silence et le piquant de ces mains gelées.
Je soufflai doucement.
Puis je me relevais lentement et la présence disparut. Mais une sensation, au fond de moi, me soufflait que je devais trouver quelque chose. Que je cherchais un endroit en particulier.
Étonnamment, le calme était revenu dans mon esprit. Si tant est qu'il y ait logé un jour.
En tout cas, ce soir là, alors que la lune disparaissait peu à peu sous d'épais nuages, mon esprit n'eut jamais été aussi clair. Alors je me mis en route sans réfléchir plus longtemps et mes jambes me guidèrent d'elles-mêmes. Mon corps se mouvait dans le brouillard, la ville fantôme défilant sous mes pas hasardeux.
Je marchais sans savoir mais je savais au fond de moi qu'elle me guidait.
Perdu dans les limbes des rêves, le monde fantasmagorique ne semblait pas m'impacter, comme si je glissai au-dessus de lui sans même l'effleurer.
Elle me guidait dans le silence de la mort et de l'attente d'une vie en suspend, aucun son ne me parvenait, le monde restait muet comme une tombe et ses doigts invisibles me menaient à travers les rues et les bâtiments déserts. Tout me paraissait vaporeux à l'image d'un nuage de fumée plein de drogues hallucinogènes. J'eûs l'impression qu'en simple demi-seconde s'était écoulée depuis mon plongeon dans la quiétude des songes, mais pourtant, lorsque j'ouvris les yeux et que mon cerveau se dégela, la première chose qui me frappa fût les trombes d'eau glacée martelant mon corps et mon visage.
Un cri de stupeur m'échappa et je ne pris pas la peine d'observer plus en détail l'extérieur du bâtiment dans lequel je me précipitai.
Quelque chose de lourd s'était soudainement enraciné au fond de ma poitrine, retenant l'air qui ne pouvait plus s'échapper et qui me faisait suffoquer. J'avais beau être au sec, la maison dans laquelle je venais de m'abriter avait une atmosphère si glaçante que j'aurais toujours la sensation terrible de la pluie s'abattant sur moi.
J'étais dans un couloir sombre, éclairé seulement par la lumière extérieure, autant dire que je n'y voyais rien. J'inspirai faiblement et un flash illumina subtilement les lieux, je sursautais et une forme attira mon œil dans un coin. Un frisson d'effroi me lécha l'échine, aussi désagréable et terrifiant qu'un champs de maïs plongé dans la nuit. Un roulement de tonnerre vrombissa après quelques secondes. Un nouveau sursaut me fit hoquetter.
Je déglutis et me décida finalement à ravaler ma peur pour ne pas rester statique. Je fis un premier pas, les jambes flageolantes, la sueur glacée dégoulinant le long de mon dos, où étaient-ce mes vêtements trempés qui me donnaient aussi froid ?
Sûrement les deux. Mais la réalité était que je crevais de froid et qu'il fallait absolument que je me réchauffe. Alors, au Diable ces histoires de fantôme dans un coin sombre ou de possession démoniaque sans queue ni tête. De toute manière, je mourais de trouille si je reste ici, alors que faire d'autre que de continuer ? Que j'avance ou non, une chose paranormale finira bien par me sauter à la gorge à un moment ou à un autre. J'en avais marre d'être autant paralysé par la peur, de me chier dessus comme un incontinent, finalement.
« Niquez vos mères les fantômes, butez moi si vous voulez, j'en n'ai rien à foutre ! »
Seul le silence me répondit. Je continuai donc de pester tout en progressant dans le corridor de l'entrée, la colère comme seul moyen de défense face à la peur.
La bâtisse était immense et vieille, des plafonds invisibles dans l'obscurité mais des murs qui semblaient grimper jusqu'au ciel. Un parquet grinçant et un tapis bordeaux qui étouffait le pas.
« Je sais qu'il y a quelqu'un. »
Je décidai de parler. Parler était apaisant, ça ne me rendait pas moins terrorisé pour autant, mais de cette manière, je n'avais pas à entendre le halètement assourdissant de ma respiration.
Et j'en avais gros sur la patate, j'avais de la moutarde jusqu'au sinus et tout ces torrents d'émotions qui ne cessaient de se déverser n'arrangeaient rien, bien au contraire. Ils me rendaient plus à fleur de peau encore.
J'inspirai profondément par les narines, essayant de retrouver un semblant de calme.
Mais ça ne marcha pas. Une pulsion dans ma tête vrombît, je déglutis et la seconde suivante, mes doigts se refermaient solidement autour d'une sorte de tige fine et froide.
Je sentit un sourire déformé mon visage, et à présent, plus rien n'avait d'importance que le putain de fantôme qui me collait au cul depuis trop longtemps.
Après un coup d'œil en contrebas, je vis que l'objet dont je m'étais emparé était un candélabre brillant légèrement de doré à la lumière de la nuit. Je ne savai même pas si ça allait marcher. Si quoi allait marcher, de toute façon ? Comme si j'avais un plan. C'était risible, j'étais risible. Si Merle m'avait vu comme ça, il...
« Il rien du tout. »
La colère afflua en une seconde. Ma poigne se resserra comme un serpent.
Merle rien du tout. Merle s'est barré, il m'a abandonné. La seule personne qui restait, la seule qui pouvait me garder en vie, la seule qui pouvait me divertir, m'apaiser, me faire rire.
« Mais te faire peur aussi, Samael...»
Une voix. Cette voix, sifflant le S. Elle était revenue et elle murmurait à mon oreille.
« Te faire peur et t'insulter, te dénigrer, te haïr, t'utiliser. Tu es sûr de ce que tu veux, Samael ? Tu es sûr que tu veux revoir ce gros porc sans considération ? Celui qui t'as jeté après s'être servi de toi, celui qui a tué tes semblables, qui les a écrasé et humilié durant toutes les longues années de sa misérable petite vie de cloporte....
- La ferme ! Tu ne connais pas Merle ! » hurlai-je dans la force du désespoir et de la panique.
Cette voix parlait trop. Elle faisait trop mal, elle disait trop de vérités. Il fallait que cela cesse.
« Samael... Ouvre les yeux... »
Je levais mon bras armé bien haut, prêt à frapper, prêt à tuer.
« Laisse moi putain ! Laisse moi ! C'est de ta faute ! De ta faute ! Il est parti !
- Soit raisonnable, Samael. Soit qui tu es.
- Ce n'est pas ça ! Il m'a abandonné à cause de toi ! Va crever ! »
Les jointures de mes doigts avaient blanchi, mon bras tremblait à la folie. Mais je ne me rendais compte de rien. J'étais dans une transe folle.
« Samael... »
Mû par un instinct primitif, je frappai de toute mes forces, sans réfléchir, sans contrôler.
« Tu te fais du mal, mon enfant... »
Une chaleur se propagea dans mon crâne, mes cheveux devinrent poisseux. Que racontait-elle encore ? Quel mal ?
Mon esprit s'embrouilla à une vitesse fulgurante, le monde tourna subitement autour de moi, puis il se renversa et s'immobilisa.
Bientôt le noir se fit.
Et la nuit m'engloutie.
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bien le bonsoir, ici l'auteur !
j'ai enfin terminé cette première trilogie de chapitre ! après plusieurs mois à galérer avec des études qui vont très probablement être échouées, je reviens partiellement avec ces trois petit chapitres pour introduire le milieu de cette histoire.
cette trilogie sera suivit d'un court interlude, puis trois autres chapitres liés, un interlude, trois derniers chapitres et enfin le dernier interlude. s'en suivra la conclusion de ce récit, toujours en trois chapitres.
faites le calcul si vous êtes fort en maths mais moi je peux pas là.
j'espère que vous êtes prêt parce que je compte bien terminer cette histoire dans les plus bref délais.
j'ai tellement d'autres milliers d'histoires en tête qu'il me faut absolument terminer celle-ci si je veux être tranquille pour écrire les autres.
l'une sera avec un scientifique fou déjà mort qui se transplante des parties de corps, des organes et un tas d'autres trucs crado pour perdurer en pleine apocalypse zombie, André, Mad et les autres vont très probablement se faire capturer par ce-dernier et on ne peut imaginer toutes les horreurs qui leur sont destinées.
une autre, toujours dans l'apocalypse de the walking dead mais cette fois centrée sur un Negan qui fait la rencontre la plus étonnante du siècle : une sorcière. une sorcière toute à fait authentique et qui apporte son lot de révélations fantastiques cachées dans leur monde ravagé par les morts vivants issus d'une catastrophe bien moins accidentelle que ce qu'on croyait. ce qui est sûr, c'est que Negan ne sera pas au bout de ses surprises, et quelle est cette étrange créature au fond du lac qui semble l'attirer si sincèrement ?
et puis viens l'histoire d'Alouqa Dixon, la fille rebelle de Merle Dixon et l'adolescente revêche complètement folle amoureuse d'une belle et douce fermière blonde. accompagnons tout ça de beaucoup d'émotions, de pleurs et de rire, de colère, de joie et de moqueries, de l'amour et de la haine, juste ce qu'il faut de révélations, d'un soupçon d'arc-en-ciel, une tonne de morts-vivants et vous obtenez le savant mélange que je vous concocte en ce moment même.
enfin bref, tout ça pour dire que je mettrais le temps mais un jour, toutes ces histoires que je veux vous conter, seront réelles.
et vous pourrez vous régaler des siècles durant.
sur ce, je vous souhaite une agréable fin de ce que vous êtes en train de faire.
bonne nuit.
mars.
ps : les illustrations de ces trois chapitres sont de Peter Ondreička (1947-1990)
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