chacune des parcelles de mon âme.
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Merle était parti depuis longtemps maintenant, je ne sû pas combien de temps exactement mais la lune eut le temps de commencer sa parade et d'atteindre presque son zénith.
Je m'étais enfermé dans la voiture et je fumais à présent clope sur clope (je m'étais déjà fumé un autre joint il y a peu et mon taux de THC était si haut que je me trouvais incapable de voir correctement ce que je faisais).
J'attrapai une nouvelle cigarette, remerciant mentalement Merle d'avoir raflé plusieurs paquets d'indus lors de notre dernière escapade en ville.
C'était étrange comme situation.
En temps normal, j'aurais dû être plus angoissé que je ne l'étais. Peut-être était-ce la weed qui me détendait autant ou peut-être que j'en avais juste plus rien à foutre.
Merle était un type que j'appréciais beaucoup mais si je devais continuer ma route sans lui, alors qu'il en soit ainsi. Je n'allais tout de même pas lui courir après ou le supplier de ne pas me haïr. Je n'ai pas de contrôle sur les autres et leurs ressenti, cela n'aurait servi à rien de m'obstiner dans une voie menant nul part.
Les yeux fixés sur le plafond de la voiture, allongé sur mon siège baissé pour l'occasion, je commençai sérieusement à sentir mon esprit aller. C'était plus qu'irresponsable, en ces temps d'apocalypse, de s'endormir dans une voiture. Mais bon, ça l'était aussi de se défoncer jusqu'à ne plus percevoir la réalité et pourtant, c'était mon état.
Alors je n'y prettai plus d'attention, j'ignorai complètement le danger et je me laissai aller.
Je fermai les yeux dans l'intention de laisser ma conscience divaguer dans le sommeil, mais une idée encore plus suicidaire et profondément stupide germa soudainement dans mon esprit.
J'ouvris grand les yeux et me relevai d'un coup, un violent tournis me prit, je me tins vivement le front en marmonnant. Une courte pause s'imposa alors, je pris appuis sur le tableau tableau de bord avec ma main libre, stabilisant difficilement mon oreille interne. J'inspirai puis expirai, plusieurs fois pour faire disparaître la nausée qui s'était brusquement emparée de mon estomac.
Ce fût un exercice compliqué mais je finis par réussir. Ravi, j'ouvris à nouveau les yeux et me mis à fouiller mollement le tableau de bord à la recherche de ce qui me promettait l'orgasme de ma vie.
Je finis par trouver le fruit de mes désirs, extatique, je vissai les écouteurs déjà branchés dans mes oreilles et déverrouillai l'écran de mon Iphone. Il ne me fallut que quelques secondes pour trouver ma playlist et la lancer.
Le son se déversa dans ma tête comme un ras de marée, engourdissant immédiatement mes mes membres, je me laissai retomber sur le siège alors que les paroles abreuvaient mon cerveau d'une délicieuse sensation de plénitude.
« Obie Trice, real name no gimmicks.
Two trailer park girls go round the outside.
Round the outside, round the outside.
Two trailer park girls go round the outside.
Round the outside, round the outside. »
Et d'une façon sûrement pitoyable, ignorant inconsciemment la mort autour de moi comme si je me trouvais dans la sécurité la plus imperméable.
J'espérai que Merle ne rentre pas maintenant, ça serait catastrophique s'il me trouvait dans cette situation. Mais il n'était pas franchement mieux à se balader la nuit, complètement défoncé et je ne manquerais pas de le lui faire remarquer s'il commence à me casser les couilles.
La musique continua, me plongeant dans une transe plus que bienvenue à cet instant.
« Well if you want Shady, this is what I'll give you.
A little bit of weed mixed with some hard liquor.
Some vodka that'll jump start my heart quicker.
Than a shock when I get shocked at the hospital.
By the doctor when I'm not co-operating.
When I'm rockin' the table while he's operating.
You waited this long, now stop debating. »
J'oubliai le monde autour de moi, complètement immergé dans cet océan immatériel et vacillant. Mon cerveau ne voyait rien d'autre, obnubilé par les notes et les paroles. Je divagai, c'était agréable de ne plus rien sentir, de ne plus ressentir ses membres comme lorsque le corps s'éteignait mais pas le cerveau lors d'une paralysie du sommeil. Mon esprit ne fut plus qu'un mince filet vaporeux flottant à la lisière de l'inconscient.
C'était comme si plus rien existait.
Comme si je n'existais plus.
Après ça, je sombrai dans un sommeil rendu si profond par la drogue qu'il me parut presque réparateur.
Mais alors que je dormais paisiblement, un vif flash de lumière vint m'éblouir. Une silhouette se dessina devant moi, une silhouette qui se rapprochait de plus en plus.
Puis la seconde d'après son visage haineux se trouva presque collé au miens.
Je le reconnu. Merle.
Ma bouche s'ouvrît pour crier mais le son qui en sortit fut tout autre. C'était sa voix, sa voix qui disait : « meurs ».
Je senti mon sang se glacer dans mes veines, se glacer si violemment que je m'en retrouvais figé sur place.
J'ouvris brusquement les yeux et le noir de la nuit me frappa de plein fouet. Complètement désorienté, je tentai de me lever, en vain. J'ordonnai à mon corps de bouger mais malgré mon obstination, celui-ci ne répondait pas.
Une peur irrationnelle me saisit alors, elle me tétanisa plus encore, raidissant mes os et taillant mes poumons en pièces.
C'est à ce moment-là que le visage de Merle surgît à nouveau devant moi, bondissait devant mes yeux terrifiés comme un diable hors de sa boîte. Je voulu crier, me débattre, lutter. Mais aucun son ne sortit, aucun geste ne se fit, j'étais pétrifié sur place, au sens propre du terme, incapable du moindre mouvement si ce n'est celui de gigoter des yeux affolés. L'air vint rapidement à manquer alors que les - deux - mains de Merle vinrent emprisonner ma gorge dans le projet de la broyer.
Une voix hurla alors. Je ne parvînt pas à la reconnaître mais je compris ce qu'elle criait.
« Samael ! »
Je m'éveillai brusquement, affolé. Je commençai à m'agiter, sûrement un peu trop puisqu'une forte pression vint s'exercer sur mon épaule gauche. Désorienté, je tentai vivement de me débattre et la voix se remit à parler, plus doucement cette fois.
« Putain, tu vas pas commencer à m'faire chier. Calme-toi espèce d'abrutit ! »
Inconsciemment, je trouvai que la voix avait quelque chose de rassurant et je sentit mon esprit s'apaiser progressivement. Mes yeux se cessèrent de s'agiter et je découvrit pour la troisième fois en l'espace d'une seconde, le visage de Merle. Un hoquet de stupeur me brusqua mais il tenait fermement mon épaule et je ne bougeai pas d'un centimètre.
« C'est bon, c'était un cauchemar, » lança-t-il comme si tout était normal.
Tout à fait et réellement éveillé maintenant, je fixais Merle dans les yeux, n'ayant pas omis de notifier au passage que sa main droite était toujours aux abonnées absentes, je n'hallucinai donc plus.
Et il me fixait en retour, la main toujours sur mon épaule comme si sa place initiale était ici. Le silence était rapidement devenu gênant et le contact de sa peau contre le tissu de mon sweat-shirt me donnait des frissons agacés.
« Merle. »
Ce fût la seule chose qui s'échappa de mes lèvres, je pestai intérieurement pour mon inefficacité flagrante. Et visiblement, ça ne fit pas sourire Merle, cette fois.
Il me regardait avec un sérieux comme j'en avais rarement eut l'occasion de voir. Puis, sans relâcher la pression de sa main, il me dit :
« J'm'en fous qu'tu sois une tapette, mais si j'te vois en train d'me matter ou de tenter quoi que ce soit, j'te met une raclée si grosse que tu feras l'expérience de mort imminente. »
Je fronçai les sourcils puis hocha lentement la tête. Je le vit ouvrir la bouche mais je le devançai, moi aussi j'avais des choses à dire.
« Je ne suis pas un violeur, Merle. Et si t'es pas capable de te sentir en confiance avec moi, ça sert plus à rien de continuer. Je pars demain. »
Merle fronça les sourcils.
« Qu'est-ce que tu racontes, putain ? J'ai jamais dis ça.
- Tu viens de dire que t'avais peur que je t'agresses.
- Pas du tout ! J't'ai dis de pas me matter et de pas m'toucher. »
Je soufflai d'agacement, ce n'était pas nouveau pourtant que Merle ne comprenne rien à rien, je ne devrais pas me laisser dominer par mes sentiments aussi facilement. Cette pensée déverrouilla quelque chose dans ma tête et imperceptiblement, je réussi à me calmer.
« Premièrement, » je commençai d'une voix lavée de tout énervement. « Je te signale que te tenter quoi que ce soit sans ton accord, c'est une aggression. Deuxièmement, tu m'excuseras mais j'ai pas spécialement envie de me taper un vieux croulant qui pue. Et troisièmement, c'est toi qui me touche là, Merle. »
À ces mots, il retira vivement sa main, comme si je l'avais soudainement brûlé. Il s'écria furieusement :
« J'suis pas un pédé !
- Ce n'est pas ce que je sous-entendais, ne t'inquiète pas. Je ferais comme tu voudras, et je resterais si tu me donnes le choix. Mais je peux partir aussi. »
Il me regarda quelques secondes, comme si son cerveau traitait les informations, puis il soupira et son air se changea alors en une expression agacée.
« Tu m'explique pour le coffre ? »
Je fronçai les sourcils et tournai la tête vers le l'arrière de la voiture visiblement grand ouvert. Réalisant, alors, l'immensité de ma connerie, j'écarquillai les yeux et les braquai vivement sur Merle avec une mine stupéfaite. Je m'exclamai :
« Et tu l'as laissé grand ouvert ?! Tu déconnes !
- C'était pour t'faire comprendre la leçon.
- Désolé de te le dire mais t'es complètement con, ma parole. Tu vois que j'ai oublié le coffre, bah, tu le fermes et tu viens m'engueuler si tu veux, mais tu le laisses pas ouvert, putain.
- T'es en train d'me faire une leçon de morale ou je rêve ?
- C'est parfaitement ce que je suis en train de faire.
- Ben c'est complètement con parce qu'y a aucun rôdeur à des kilomètres à la ronde, on est perdu au milieu de nul part.
- Et comment j'suis sensé le savoir ?
- T'es encore vivant, non ? »
J'ouvris la bouche pour répliquer mais rien d'intelligent ne me vint, je la refermai et vit avec agacement l'air profondément moqueur se Merle.
« On dirait bien que j't'ai enfin fais fermé ta gueule.
- Vas t'faire foutre.
- T'es un peu comme un p'tit chien à mémére, une petite teigne qui la ferme jamais.
- Oh, mais j't'emmerde Dixon, t'es qu'un sale con qui n'arrête pas d'faire chier son monde.
- Mouais, dis plutôt qu't'en as marre que j'te chie dessus.
- Roule moi un pétard et ferme ta mère.
- Et puis quoi encore, tu vas t'le rouler tout seul.
- J'vais déjà ranger la bouffe et le coffre.
- Ben tu vas faire les deux.
- C'est ça ouais et toi tu vas faire quoi pendant ce temps, compter les brins d'herbes ?
- Excellente idée. »
Je soupirai, passai ma main sur mon visage et sortis de la voiture. Je lui donnais raison mais pour être tout à fait honnête, ça m'était égal. Ça ne servait à rien de s'engueuler et je n'en avais aucune envie, aucune force non plus. Si lui n'était pas capable d'être sympa, je pouvais bien l'être pour deux, tant que ça ne puisait pas trop dans mes réserves, et je sentais déjà ma misanthropie prendre peu à peu le dessus.
Peut-être qu'être un peu plus souvent seul me ferait du bien. À Merle, je ne savais pas, mais je n'y prêtais pas le moindre intérêt, il pouvait bien s'occuper de lui-même tout seul, j'avais suffisamment à faire avec moi-même.
Mais en même temps, il y avait cette petite sensation au fond de mon ventre que j'essayai misérablement de cacher. Elle était comme un chuchotement qui frémissait contre vos tripes, elle était dans votre cerveau à vous murmurer les méandres de l'irréel. Un monde infini s'étendait alors à vous, l'imagination pouvait parfois prendre des dimensions absolues, elle transposait la réalité et vous enfermait dans une prison dorée de mirages et d'illusions fantasmagoriques.
Les chimères de l'esprit étaient un fléau bien plus séduisant que celui qui sévissait actuellement sur Terre, ses volutes envoûtantes donnaient un réconfort inespéré dans ce monde dévasté par les morts-vivants. Mais il ne fallait pas s'y méprendre et se laisser engluer dans cette spirale à l'allure pourtant si douce. L'esprit vous faisait faire parfois bien des choses monstrueuses, des choses si ignominieuses qu'elles vous empêchaient même de les nommer.
Alors ce fût ce que je fis, je ne les nommai pas, j'ignorai leurs mots susurrés dans ma tête, ces frissons dans mon ventre et cette chaire de poule insupportable. Je dû prendre sur moi afin de ne pas tourner les yeux vers Merle et je me concentrai sur ma tâche, pensant avec hâte au joint qui attendait patiemment que je le roule.
Je fis ça en vitesse, le temps était frais et mes deux énormes pulls ne suffisaient plus à me réchauffer, je ne cessai de penser à la grosse couverture qui dormait sur les sièges arrières.
Je rangea à la hâte les maigres ingrédients et le quelque matériel sortis puis je vint fermer le coffre et remonter à ma place, moins de deux minutes après être descendu.
Merle me regardait avec un drôle d'air, je fronçai les sourcils et pinça mes lèvres.
« Ben quoi ? J'ai un asticot dans l'œil ? »
Ma raillerie le fit esquisser un sourire. Il detourna les yeux et se réinstalla dans son siège côté conducteur.
« T'as fais ça vachement vite. » se marra-t-il.
« Normal, on s'les gèles dehors, et j'veux fumer moi, passe la trousse à weed.
- Tu déconnes, tu vas t'le rouler sans m'faire chier ?
- Ben ouais, tu crois que j'ai quatre ans et demi ou quoi ? J'ai pas le temps de jouer à celui qui pisse le plus loin et j'vais pas attendre après un abruti pour faire ma vie. »
Merle me passa tout le matériel pour rouler en ricanant comme le dernier des imbéciles. Je commençai à rouler mon pétard et il continua :
« T'es en train de dire que j'ai quatre ans ou je rêve ?
- Pas du tout, j'ai dis que j'étais pas comme ça, ça n'engage que moi.
- Ouais mais tu dis que c'est les gamins qui font ça. »
Je suspendis un instant mes gestes alors que j'étais en train de tirer une feuille slim de son paquet. Merle me regardait en souriant face à sa victoire personnelle.
« J'pense plutôt qu'c'est toi qui a quatre ans, t'es qu'un gamin complètement con. » Continua-t-il.
« - J'ai vingt-neuf ans, crétin jacasseur.
- C'est bien ce que j'dis, t'es encore un môme capricieux et débile. Et elle existe même pas ton expression.
- T'es vraiment un gros emmerdeur, c'est toi qu'est complètement con. J'suis plus un gamin, j'suis un adulte et j'suis mille fois plus mature que toi et tes excentricités de mec trop dark qui se comporte comme un fils de pute. »
La main de Merle partit toute seule, elle vola entre nous pour venir balayer violemment le joint que je m'apprêtais à coller. Il s'échappa de mes mains et la scène se déroula comme au ralenti. Je sentis le papier fin glisser contre ma peau et je vis la weed s'envoler.
Mes yeux s'écarquillèrent d'effroi alors que la catastrophe se produisit.
Un silence soufflé nous tomba dessus, les secondes s'écoulaient à nouveau, lourdes de stupéfaction.
« À chaques secondes qui passent, tu me conforte un peu plus dans ma vision de toi Merle. T'as aucun contrôle de tes émotions. »
Il ramèna sa main vers lui, malaisé.
« J'avoue qu'c'était pas malin.
- Non en effet. »
Je pris la petite trousse où tout le matériel et l'intégralité de l'herbe étaient rangés puis j'ouvris ma portière et entrepris de descendre mais Merle me retint par le bras.
« Tu fais quoi ? » questionna-t-il.
« J'vais à l'arrière.
- Pourquoi ? Reste ici.
- Pour que tu détruise encore mon joint ? Non merci. Lâche-moi, je vais derrière.
- Nan mais j'ai pas fais exprès !
- J'm'en branle de si tu l'as fais exprès ou non, le fait est que tu l'as fait et c'est tout. Les rôdeurs non plus, il ne font pas exprès de bouffer les gens, et tu vas pas les pardonner pour autant, je suppose. »
Merle soupira et lâcha mon bras. Je descendis de la voiture, accompagnée de ma couverture trainant par terre et de ma trousse serrée dans ma main, puis j'ouvris la portière arrière et montai. Après de longues secondes à batailler dans la masse de tissus et à chercher la trousse engloutie en son antre, je parvins finalement à m'installer confortablement puis je me remis tranquillement à rouler.
« J't'ai laissé aller derrière alors tu m'roule un joint. »
Un gloussement m'échappa.
« J't'ai pas demandé ton avis, hein. Et il déjà roulé ton joint, mais t'as mis une énorme claque dessus.
- Qu'est-ce que tu racontes ?
- Tu m'as pas vu mettre le tabac dedans. »
Merle parût réfléchir quelques instants.
« Non. » Dit-il finalement. « J'ai rien remarqué en tout cas.
- C'est bien ce que j'dis, c'était un full weed. C'est toi qui fume ça, moi j'me met toujours du tabac pour pas me niquer la gorge. »
J'agitai un morceau de tabac au-dessus de la trousse pour le lui montrer. Merle parût surprit.
« T'étais en train d'me rouler un joint ?
- Ben ouais, on est pas tous des égoïstes ici. C'est pas parce que t'as pas voulu m'en rouler un que j'vais pas t'en rouler un.
- Même après que j't'ai laissé tout faire tout seul ? » Il soupira. « T'es complètement con de t'laisser marcher dessus.
- T'aurais voulu que j'fasse quoi ? Que je réplique au risque de m'en prendre une dans la tronche ?
- J'allais pas te frapper !
- Eh non tiens, t'allait faire un puzzle peut-être ? Allez, laisse-moi rouler, tu commences à venir à bout de ma patience légendaire. »
Merle se retourna sur son siège, agacé.
« Tu m'en roule un.
- Il est par terre le tiens, je te rappelle. »
Il souffla à l'image d'un enfant faisant un caprice mais j'y prêtai peu d'attention, mon joint accaparant à nouveau toute ma concentration.
Merle crût visiblement que j'étais en train de rouler pour lui, mais quand je pris le pétard entre entre mes lèvres et que je l'allumai, il se retourna d'un bond, furieux. Un sursaut m'échappa et je reculai instinctivement, il ne le remarqua évidemment pas.
« Putain t'es qu'un sale connard ! Donne le moi !
- Non ! Vas t'faire enculé c'est mon joint ! Fallait prendre ce que je t'ai donné !
- Tu l'as foutu en l'air !
- N'importe quoi sale fils de pute c'est toi qui l'a foutu en l'air ! »
Le ton commençait dangereusement à monter, Merle se rapprochait de plus en plus de moi alors que je tentais piteusement d'échapper à cette menace écrasante. Il leva le poings au dessus de moi et la seconde de latence qui s'écoula me parût durer éternellement, comme en suspension dans le temps, hors du temps. Mon corps se figea tout entier, harponné par une peur viscérale engloutissant ses entrailles. L'image de Moby Dick dévorant la jambe du capitaine Achab s'imposa alors à mon esprit, et ce fût ça que je vis lorsque le choc s'abattît sur ma pommette dans un feu d'artifice de douleur.
Je me sentis projeté contre la portière que je me mangea avec une violence extraordinaire. Mes bras vinrent protéger ma tête instinctivement mais c'était trop tard, le coup avait déjà atteint sa cible. Les sons se déformèrent horriblement, je ne comprenai pas ce qu'il se passait, le noir se fit, absolu, sans failles. Il m'avala complètement, comme s'il supprimait mon existence de l'Univers, emportant dans sa chute chacune des parcelles de mon âme.
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