Prologue
A : Ji-Ji
I'm back...
J'appuie sur le bouton Envoyer et soupire. Ce n'est pas grand-chose mais ça a au moins le mérite d'être un début. Un premier pas vers une possible réconciliation...
Mon regard scanne les alentours. Comme d'habitude, il est en retard. Cela ne m'étonne même plus venant de lui après toutes ses années d'amitié. Un sourire attendri s'épanouit sur mes lèvres. J'enfouis mon téléphone dans la poche de ma parka et récupère mon sac de voyage. Ce dernier pendu à mon épaule, je reprends mon chemin, tirant ma valise derrière moi.
La foule dans l'aéroport est très dense, m'empêchant d'évoluer comme je le souhaite. Sans parler du fait que mes bagages sont bien trop lourds et me ralentissent. Il faut dire que j'ai toute ma vie là-dedans. Je me faufile entre les membres d'une famille au moment où mon portable se met à vibrer. Difficilement, je l'attrape et lève les yeux au ciel en voyant le prénom de mon meilleur ami. Je décroche.
— Tu m'as oublié !
— Pas du tout ! réplique-t-il du tac-au-tac.
Sa voix est encore plus grave que d'habitude. Il y a donc une forte probabilité qu'il sorte tout juste des bras de Morphée.
— Alors tu as préféré ton oreiller à moi, saligaud !
— Mon oreiller m'a toujours été fidèle, lui !
Même quand il oublie son meilleur ami à l'aéroport, après trois ans sans le voir, alors qu'il lui avait promis de venir le chercher pour lui éviter de prendre les transports en commun chargé comme un bœuf, il trouve le moyen de se faire passer pour la victime. Je lève les yeux au ciel.
— Et moi, je suis toujours venu te chercher à tes soirées étudiantes quand tu étais trop bourré pour rentrer seul ! lui balancé-je en continuant d'avancer.
— Tu es un petit être diabolique !
— Ouais je sais !
J'évite de peu une gamine qui m'a coupé la route.
— Bon, t'es où, Tae ? Je me débrouille tout seul ou tu es en route ?
— J'arrive, j'arrive...
À ces mots, j'entends le bruit d'une portière qui claque.
— Quoi ? m'écrié-je. Ne me dis pas que tu montes dans ta voiture !
Le silence me répond. Je devrais être déçu, ou râler, ou encore l'insulter mais à la place, je ricane. Je suis tellement habitué à toutes ses excentricités qu'elles ne m'atteignent plus.
— Écoute, laisse tomber. Reste à la maison, je vais me débrouiller.
Je dévie légèrement ma trajectoire, de manière à me diriger vers la station de taxis.
— Prépare juste mon lit et un petit-déjeuner du tonnerre, lui ordonné-je.
Tae ne me répond toujours pas. Je jette un coup d'œil à mon écran de téléphone, pensant qu'il m'a peut-être raccroché au nez. Avec lui, ça ne serait pas une première. Mais non, il est toujours en ligne.
— Sinon je te zigouille ! le menacé-je pour tenter de le faire réagir.
Je passe une porte automatique et reste figé alors qu'un frisson me parcourt aussitôt. Le froid extérieur contraste bien trop avec la chaleur de l'aéroport.
— Et si je te dis que j'ai un énorme caramel macchiato et des dorayaki d'eomma, tu me zigouilles toujours ?
— Je pourrais me damner pour des dorayaki d'eomma, lui rappelé-je pour simple réponse.
Suivant les pancartes, je tourne à droite et devant une longue file de taxis, se trouve mon meilleur ami. Il agite un gobelet et un sachet au-dessus de sa tête. Un immense sourire prend place sur mes lèvres. Je suis heureux. Rien ne pouvait me faire plus plaisir qu'être accueilli par lui ainsi.
Je raccroche, fais disparaître mon mobile dans mon manteau et me dirige vers Tae. Cependant, je n'ai pas fait deux pas qu'il se précipite vers moi. Il passe ses bras autour de mon cou, m'assommant au passage avec son chargement. Il est à deux doigts de m'étouffer mais telle la belle âme que je suis, je ne lui dis rien et attends qu'il me lâche.
— Bon retour chez toi !
Il sait très bien ce que je pense de Séoul ou même de la Corée. Cela fait des années que je ne considère plus ce pays comme le mien.
— Merci, soufflé-je malgré tout.
Je viens à peine d'arriver alors il est hors de question que je commence déjà à le contredire et à mettre une mauvaise ambiance. Il se recule et laisse son regard passer sur mon corps. De haut en bas. De bas en haut. Il m'inspecte comme s'il s'attendait à ce que j'ai changé physiquement.
— Tu es encore plus canon qu'avant ! s'exclame-t-il. Comment tu fais ?
Je lève les yeux au ciel, en riant.
— Chirurgie esthétique, mon cher, plaisanté-je.
Je lui adresse un clin d'œil complice.
— Arrête de dire des bêtises et donne-moi ton sac !
Il me tend la main, attendant que je le lui donne. Mon épaule me fait tellement mal que je ne me fais pas prier longtemps. Lorsqu'il le soupèse, il déclare :
— Mais tu as mis quoi là-dedans ?
— Mon ex ! Je vais jeter son corps dans la rivière Han !
Mon humour noir le fait rire.
— Promis, je t'aiderai mais d'abord, on rentre à la maison !
Il me fourre dans la main le petit-déjeuner qu'il m'a apporté et ajoute :
— Tout le monde veut te voir.
Je sautille un peu sur place. Je suis fatigué à cause du décalage horaire. Je me sens sale d'avoir passé ces dernières vingt-quatre heures dans des avions. Mais surtout légèrement malheureux d'être de retour dans ce pays qui rejette tout ce que je suis. Et pourtant, il y a une petite étincelle de joie qui pétille en moi rien qu'à l'évocation de ma famille.
Pendant que nous nous dirigeons vers la voiture de Tae, ce dernier m'explique de long en large et en travers tout ce que nos proches ont prévu pour mon retour au bercail. Je l'écoute religieusement. Nous nous arrêtons au niveau de son véhicule et alors qu'il ouvre le coffre, il m'apprend :
— Haneul voulait venir te chercher à ma place !
Il semble outré par cette idée.
— On s'est battus pour monter dans la voiture, ajoute-t-il.
— Comment tu as gagné ?
Je suis assez étonné parce que Haneul est du genre coriace. Elle a grandi entourée que de garçons, ça lui a forgé un caractère fort et indépendant.
— Mon légendaire croche-pied. J'ai pas eu le temps de voir, mais j'ai bien peur de lui avoir cassé une dent !
Je me tape le front du plat de ma main, désespéré. Parce que le pire dans tout ça, c'est qu'avec ces deux énergumènes, ce qu'il vient de dire n'est pas une blague...
— Mais rien ni personne n'aurait pu m'empêcher de venir te chercher ! affirme-t-il.
Nous n'avons jamais perdu le contact, nous nous appelions régulièrement mais je réalise aujourd'hui que ça ne valait pas la réalité. Il m'embrasse la joue avant de ranger mes affaires, me faisant sourire comme un gamin.
Il contourne le véhicule et prend place derrière le volant. Je me dépêche de monter et soupire d'aise. Je n'en peux plus. Je bois une gorgée de ma boisson chaude et me sens tout de suite un peu revigoré.
La voiture s'ébranle et je ferme un instant les paupières, les sourcils froncés. J'aimerais pouvoir m'endormir mais Tae a sa manière bien personnelle de conduire. Je n'ai toujours pas compris comment il avait pu avoir son permis.
Mais étonnamment, ce n'est pas la peur mais un sentiment d'amour qui m'envahit. Je suis enfin auprès des miens et après autant de temps, ça fait du bien.
— Tu m'as manqué, Tae-Tae.
Il se tourne brusquement vers moi et un grand sourire barre son visage.
— Tu m'as manqué aussi, Minie.
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