Chapitre 78 - Jay

Il n'avait jamais été question que nous passions de Nouvel An ensemble, bien que l'idée me plaise. Alors si on m'avait dit, ce matin, en me levant, que je ferais une heure de route pour me rendre chez les parents de Jimin, je ne l'aurais pas cru. D'ailleurs, je suis tellement abasourdi de me trouver ici que je reste figé devant le grand portail.

Mon regard s'attarde sur le bois avant de passer sur le mur aux pierres apparentes qui entoure la propriété. Cette dernière me parait grande et très bien entretenue. La façade blanche que je peux apercevoir contraste avec les toits noirs.

— Sacrée baraque, me souffle JungMin.

— Tu m'étonnes...

Je ne sais pas trop à quoi je m'attendais mais pas à une si belle demeure. Ça doit être la plus luxueuse de la rue et peut-être même du quartier. Quand je me mets sur la pointe des pieds, je repère même une cour intérieure, au centre de laquelle se trouve un arbre. Je suis presque prêt à parier qu'il y a aussi un petit jardin à l'arrière.

— Nous sommes venus pour rester dans la rue ? me questionne mon père, à ma gauche, sur un ton plaisantin.

Je tourne la tête vers lui et le découvre portant un sac isotherme qui contient une partie de notre déjeuner. Je le récupère sous ses protestations et m'avance vers le portail. Je déglutis et appuie sur la sonnette, ma main tremblante. Il semblerait que Jimin ne soit pas le seul à être effrayé par l'idée que nos familles se rencontrent.

J'opère un pas en arrière pour attendre que l'on vienne nous ouvrir et ma mère en profite pour me frotter le dos. Elle faisait souvent ça pour me rassurer lorsque j'étais jeune. L'effet escompté n'est peut-être pas atteint cette fois-ci mais ça reste agréable.

— Tout va bien se passer, Jungkook.

Je m'apprête à lui répondre mais le portail émet un léger grincement quand Jimin l'ouvre. Je remarque aussitôt son stress et étrangement, ça m'apaise. Comme si mon esprit réalisait qu'il fallait que l'un de nous soit confiant. Après tout, nous n'avons rien à craindre. Nos familles nous acceptent.

Je lui adresse un sourire et me précipite presque sur lui. Mon bras libre vient l'enlacer et je lui murmure quelques mots d'encouragements avant de lui embrasser la tempe. À ce geste, son corps se détend. Il relève les yeux vers moi et me rend mon rictus. Ce dernier est tellement immense qu'il fait disparaître ses yeux.

Je le dévore du regard pendant un long moment. Habillé simplement, il semble flotter dans sa chemise blanche bien trop large pour son corps fin. Elle n'est pas rentrée dans son jean noir et je m'imagine déjà tenter de passer mes mains dessous pour effleurer sa peau douce. Il a pris la peine de se maquiller légèrement, mettant ses lèvres pleines en valeur avec un gloss rose. Il finit par me demander :

— Tu me présentes ?

— Oh oui, pardon !

Je nierai jusqu'à la fin de ma vie le fait que j'avais complètement oublié la présence de ma famille derrière moi. Je me positionne à ses côtés et nous faisons face à ma famille qui attend patiemment. Je suis d'ailleurs assez épaté que mon frère n'ait fait aucune remarque.

— Appa, eomma, je vous présente Park Jimin...

Il se courbe aussitôt en avant pour leur montrer son respect.

— Mon petit-ami, annoncé-je sans la moindre hésitation.

Il se redresse brusquement en me jetant un coup d'œil surpris. Nous n'avons cependant pas le temps d'en parler, ma mère s'est déjà avancée vers lui et lui tend une main pour le saluer. Mes parents débutent une conversation avec Jimin à propos du trajet. Ils finissent par être coupés quand le sujet dévie sur la météo.

— Moi, tout le monde s'en fout mais je suis le grand frère, JungMin, intervient-t-il.

Je lève les yeux au ciel tandis que Jimin rougit fortement. Il n'y avait bien que lui pour mettre mal à l'aise mon beau brun qui se penche à nouveau en avant en bafouillant des excuses.

— Jeon JungMin, tiens-toi bien, le sermonne doucement ma mère en lui faisant les gros yeux.

Bien entendu, cela n'a aucun effet sur mon frère qui se contente de sourire, amusé.

— Puis j'ai de la nourriture qui mériterait de retourner au four si ça intéresse quelqu'un.

— Moi ça m'intéresse, affirme la voix de TaeHyung.

Nous nous tournons tous dans sa direction. Emmitouflé dans une doudoune, il remonte la petite pente, plusieurs sacs plastiques dans les mains. Son bonnet en laine cache une partie de son visage et je me demande même comment il fait pour voir devant lui. Quand il arrive à notre hauteur, il se présente lui-même :

— Kim Taehyung, le frère de Jimin.

Je suis assez satisfait d'avoir expliqué la situation familiale de Jimin à mes parents et JungMin sur la route pour venir ici. Ils ne sont donc pas surpris par la différence de nom et ne montrent aucune réaction à cette écoute. Je les présente et après les salutations polies de rigueur, le violoniste déclare :

— Il n'y avait plus de bœuf, j'ai dû prendre du porc. Tu te débrouilleras avec ça !

Jimin se contente de lever les yeux au ciel tandis que Tae fait signe à JungMin en lui proposant :

— Suis-moi, je vais t'aider à te débarrasser de tout ça.

Mon frère semble soulagé par cette idée. Quand il passe devant moi pour suivre le musicien, il récupère le sac que je tenais en me gratifiant d'un clin d'œil. Jimin en profite pour nous inviter à entrer aussi. À peine le pied posé dans la maison, que ses parents apparaissent devant nous et le reste des invités en arrière-plan.

Je ne m'attendais pas à ce que nous soyons si nombreux. Un coup d'œil circulaire me permet de compter. Ils sont seize. Avec nous, cela fait vingt. Pendant un court instant, je regrette d'avoir accepté de venir. Mon père doit penser la même chose parce qu'il déclare en se courbant devant nos hôtes :

— Nous espérons que notre présence ne vous apportera pas de désagrément.

— Absolument pas ! C'est un honneur de vous recevoir chez nous.

Nos pères s'éloignent dans la pièce à vivre. De nouvelles présentations sont faites, des banalités énoncées. Des coups d'œil curieux sont lancés mais jamais avec le moindre jugement. Tout est si rapide et agréable que c'est comme si je vivais ce moment sur un petit nuage, contrairement à Jimin qui serre avec force ma main dans la sienne moite.

Ma mère finit par proposer son aide en cuisine ce qui ravit celle de Jimin. Alors que ce dernier s'apprête à en faire de même, sa tante lui assure qu'elle s'en occupe et qu'il peut profiter de ses invités. Je ne vais pas m'en plaindre puisque je suis l'un d'eux. On discute tranquillement avec les autres, je joue avec le fils de Yoongi et ce n'est que trois quarts d'heure plus tard qu'on réussit enfin à s'échapper tous les deux.

Jimin me tire par la main et nous fait sortir par l'une des grandes fenêtres que je referme derrière nous. On descend la première marche en bois puis deux autres en pierre pour arriver au niveau de la cour intérieure. Un vent glacial me fait frissonner quand nous arrivons à proximité de l'arbre.

— J'adorais passer des heures, allongé ici à écouter la musique en observant le ciel, me raconte-t-il, en m'indiquant du doigt un banc en bois.

À son tour, il tremble à cause de froid. Je m'approche pour l'enlacer mais il poursuit son chemin. Il nous fait entrer dans un petit bâtiment fait sur le même modèle que la maison et aussi bien entretenu qu'elle. Lorsque nous nous retrouvons à l'abri, je découvre des tableaux de peinture, d'autres vierges, des chevalets, des tabourets, des draps roulés en boule dans un coin, un autre recouvrant une œuvre. C'est un joli bazar.

— Quand ils m'ont accueilli chez eux, Heeseung et Seon-Mi m'ont proposé d'aménager ma chambre ici. Pour que j'ai mon indépendance et mon intimité, m'explique Jimin.

Un léger sourire s'affiche sur ses lèvres. Ses souvenirs semblent lui être agréables.

— Je ne me voyais pas être ici, à l'écart de la famille. J'avais besoin d'eux.

Je hoche la tête, comprenant son ressenti de l'époque. Après avoir été mis à la porte par ses parents, il avait besoin de se sentir entouré et aimé. Je m'approche de certaines toiles. Je n'y connais pas grand-chose mais c'est joli et très bien réalisé.

— Puis Tae était pas d'accord non plus.

Un ricanement lui échappe.

— Il a fait tout un plaidoyer pour que ses parents acceptent que nous soyons dans la même chambre.

Sa voix me parait triste. Je me tourne donc vers lui. Lui aussi avait commencé à explorer les lieux.

— Tae est du genre...

Ses doigts frôlent le bois d'un chevalet, il est dos à moi à présent ce qui m'empêche de le voir. Voyant qu'il ne trouvait pas le bon terme, je lui propose :

— Passionné ?

Et encore, je reste poli. Je me souviens encore du coup de poing qu'il m'a collé le jour où j'ai dit toute la vérité. Dès qu'il s'agit de Jimin, ce mec ne réfléchit pas avant d'agir.

— Exactement !

Alors que mes yeux le suivent, il marche entre les affaires jusqu'à prendre appui sur un mur en face de moi. Ses mains enfoncées dans les poches de son jean font remonter sa chemise et me permettent d'apercevoir ses cuisses musclées. Je me passe la langue sur les lèvres, l'envie de le toucher montant en moi.

— Très vite, on a décidé de débarrasser cette pièce et d'en faire notre salle de répèt' ! Je dansais et il s'installait là-bas...

D'un mouvement du menton, il me montre un coin de la salle. J'y jette inutilement un coup d'œil parce qu'il est évident que je ne vais pas voir le Taehyung de l'époque avec son violon.

— On passait des heures ici. On en oubliait de manger. Enfin surtout moi parce que la bouffe, c'est la plus grande histoire d'amour de Tae, plaisante-t-il.

Je souris à sa remarque et m'approche un peu.

— C'est quoi maintenant cette pièce ? l'interrogé-je, intrigué.

— L'atelier de Seon-Mi. Elle enseigne l'art dans une école spécialisée mais elle est artiste peintre de formation.

Tout s'explique. C'est logique quand on voit cet endroit. Puis elle a du talent, c'est indéniable. J'imagine même celui qui se trouve sur le chevalet du fond sur un mur de mon salon.

— Cet endroit me rappelle de belles choses...

Il fait passer son regard autour de lui, un léger sourire aux lèvres. Je suis assez proche de lui pour m'enivrer de son odeur mais trop loin encore pour sentir sa chaleur corporelle. Même si je rêve de l'embrasser, j'ai la sensation qu'il n'a pas fini de parler alors je lui laisse le temps dont il semble avoir besoin.

— Ça m'avait manqué aux États-Unis, ajoute-t-il.

— Cette pièce ? m'étonné-je.

Il rit un peu.

— Oui... et cette maison en général. Mais surtout ma famille. Leur amour, leur confiance, leurs taquineries... même leurs chamailleries.

Il passe une main dans les cheveux avant de plonger son regard dans le mien.

— Il n'y a qu'en partant comme je l'ai fait qu'on réalise la chance qu'on a. Revenir chez soi est toujours un moment unique.

Je fronce les sourcils. Ses mots sonnent mal dans mon esprit.

— Qu'est-ce que tu veux dire ? lui demandé-je, perplexe.

— Mon contrat n'est pas encore fini mais...

Mon cœur rate un battement ou peut-être deux. Je n'apprécie pas ce début de phrase. Il m'avait promis de nous laisser une chance le temps de son remplacement. Il ne peut pas changer d'avis comme ça.

— J'ai réfléchi. Longuement et...

Il déglutit ce qui m'effraie.

— J'ai pris une décision. Une bonne résolution.

J'ai envie de lui hurler qu'il nous reste plus de deux mois. Qu'il n'a pas le droit de revenir sur sa parole, pas après nous avoir invités aujourd'hui.

— Je me dis... que je pourrais rester un peu plus.

Ma bouche s'ouvre sous le choc. Je fais un pas et je suis presque collé à lui cette fois.

— Qu'est-ce que... quoi ? Mais... tu...

Je bafouille et lui se moque de moi. Sa main caresse ma joue avec tendresse, ses yeux se baladent sur mon visage mais il n'essaie même pas de m'expliquer. J'ai trop peur d'avoir compris de travers et de me faire un faux espoir.

— Jimin, l'imploré-je.

— J'ai pas envie de te quitter.

— Tu restes en Corée ?

— Si tu veux toujours de moi ?

— N'importe quoi, m'exclamé-je.

Sans attendre, mes bras l'enlacent au niveau de la taille et le soulèvent. Ses mains se posent sur mes épaules pour garder l'équilibre. Mon visage se cache dans son torse, les larmes aux yeux.

— T'es content ? me demande-t-il, amusé.

Je ne peux m'empêcher de lâcher une ribambelle de oui presque tous hystériques. Je relève le visage vers lui et ses doigts glissent le long de mon cou jusqu'à se caler sur mes joues. Il se penche et m'embrasse tendrement. J'avance et le coince entre le mur et moi. Tandis que nos langues entrent en jeu joyeusement, ses jambes entourent mon bassin. Mes mains s'accrochent à l'arrière de ses cuisses.

— C'est la meilleure résolution au monde, lui affirmé-je lorsque notre échange prend fin. Je t'aime.

— Moi aussi...

Je dépose un baiser dans son cou et lui murmure :

— On a le temps pour un petit cadeau de nouvelle année ?

Son rire envahit la pièce et emplit mon cœur de joie. Ses yeux pétillants, ses joues empourprées et ses lèvres rougies me font fondre. Maintenant qu'il a accepté de nous laisser un vrai avenir, je me ferai un devoir de réaliser ses rêves.

Nos rêves.

Ceux de garçons amoureux...

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Un petit épilogue arrive la semaine prochaine !

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