Chapitre 53 - Jimin
— Tae, appelle hyung ! ordonné-je, les mains tremblantes. Dis-lui que j'ai changé d'avis !
— Pardon ?
Il se tourne vers moi, les yeux écarquillés.
— Je peux pas...
Il quitte le canapé sur lequel il était vautré à envoyer des messages et me rejoint en quelques enjambées.
— J'aimerais pouvoir faire quelque chose, crois-moi, mais à l'heure qu'il est, ils doivent déjà être dans l'ascenseur.
La panique monte en moi et m'étouffe brusquement. C'est idiot, je le sais, mais je ne commande plus rien. Les mains de Tae prennent place sur mes épaules et son regard plonge dans le mien. Il compte jusqu'à dix ce qui permet à mon stress de redescendre un peu.
— Tu vas juste parler à Jay comme tu le fais depuis des semaines. La seule différence, c'est qu'il n'est plus sur un écran, mais devant toi.
— Mais il a...
— Tu as entendu Yoongi hyung comme moi, non ?
Je hoche la tête.
— Il a dit que si tu n'écoutais pas ce que Jay avait à t'expliquer, tu le regretterais amèrement !
Je me mordille la lèvre. Je me souviens très bien des mots que hyung a prononcé. Surtout que venant de lui, cela signifie beaucoup. Après mon départ du restaurant, il est resté avec Jay et ses amis et a dû parler avec eux. Il n'aurait jamais affirmé ça s'il pensait que Jay était un enfoiré.
Tae caresse ma joue et me demande :
— Tu veux un autre chocolat chaud ?
Je secoue la tête.
— Très bien. Ji-Soo m'a envoyé un message. Elle a atterri à l'aéroport, y'a vingt minutes. Elle vient directement ici. Si ça te dérange pas, ajoute-t-il après mon silence à sa déclaration.
— Pourquoi ça me dérangerait ? Plus on est de fous, plus on rit, non ?
Je tente de blaguer, mais rien à faire, je suis sur le qui-vive, le cerveau en ébullition. Je m'éloigne de mon ami et me plante devant la baie vitrée un court instant avant de sortir sur le balcon. Le froid me fait frissonner. Je referme la fenêtre derrière moi et me dirige vers un des fauteuils que Tae a installé ici. Je m'emmitoufle sous le plaid pour ne pas congeler sur place et observe l'horizon.
Les lumières de la ville brillent de mille feux. Un léger son de circulation me parvient, mais rien d'insupportable. C'est comme un bruit blanc, c'est presque reposant. En tout cas, tant que mon esprit est concentré sur ça, je ne pense à rien d'autre.
La lune est déjà haute, mais elle n'est visible que par intermittence. Le ciel est couvert et de nombreux nuages passent devant le satellite. Je suis en train d'espérer que nous aurons bientôt de la neige quand la sonnette de l'entrée retentit dans tout l'appartement.
Tae m'appelle, mais je ne veux pas retourner à l'intérieur. Si Jay doit me parler, ça sera là. De toute manière avec tous nos amis autour, nous n'aurions pas eu d'intimité et il est hors de question qu'il pénètre dans ma chambre.
Le bruit des conversations me parvient à peine quelques secondes plus tard, étouffé. Mes mains tremblent et mon regard ne quitte plus un des panneaux publicitaires en contre bas. Je ne fais même plus attention à mon rythme cardiaque qui bat des records depuis cette après-midi.
Quand le glissement de la baie se fait entendre, je retiens ma respiration, sachant ce qui m'attend. Je ne peux plus faire demi-tour, je ne peux même plus m'enfuir. Il ne m'en laisse de toute façon pas l'occasion. Debout à ma gauche, son corps fait barrage jusqu'à ma porte de sortie.
— Bonsoir, murmure-t-il.
Je renifle pour simple réponse et m'enfonce un peu plus dans le fauteuil.
— Je peux ?
Mes yeux ne sont pas portés sur lui mais je me doute qu'il me demande l'autorisation de s'asseoir sur le second siège. Je hausse les épaules. Je ne suis pas sadique au point qu'il reste debout. Mais dans un geste de protection, je ramène mes jambes sous moi, les cachant sous le plaid.
— Merci d'avoir accepté que...
— Passons tout de suite à la partie des explications, si tu veux bien ?
Tout en lui balançant cette réplique, je me suis tourné vers lui. Grosse erreur. Au restaurant, à cause du choc, je n'avais pas fait attention à sa personne... Il porte un jean troué aux genoux, d'un bleu clair, rentré dans des boots noirs impeccables. Il a un long pull jaune sous une veste en cuir identique à celle que je portais moi-même.
Ses cheveux noirs sont un peu ébouriffés comme s'il s'était passé les mains dedans à plusieurs reprises. Cependant, son front est dégagé ce qui le rend plus mature, j'aime beaucoup. Un anneau qui n'était pas là quand nous avons pris un verre décore sa lèvre inférieure et je me retiens de ne pas lui faire un compliment à ce propos. Il est affreusement sexy.
Quand je côtoyais Jeon Jungkook, sans savoir qu'il était Jay, je trouvais qu'il avait un physique avantageux. Mais à aucun moment, je n'ai eu de réelle attirance pour lui. Pourtant, maintenant que je sais la vérité, l'attraction est bien présente, me foudroie sur place.
Je suis stupide. Je me racle la gorge pour me reprendre et détourne le regard, le reportant sur mon panneau publicitaire pour du maquillage. Je ressers la couverture autour de moi et attends que Jay m'explique :
— Je suis désolé, Jimin.
Je lève les yeux au ciel.
— Je ne voulais pas te mentir.
— Bien joué !
Je n'ai pas pu me retenir d'intervenir. Mon attention se reporte sur lui. Je crois que je suis incapable de le lâcher bien longtemps du regard.
— Oui, c'est pas une réussite, admet-il, piteusement.
— Depuis combien de temps ?
— Quoi ?
— Depuis combien de temps tu sais que... je suis... Bref, t'as compris !
— Oh ! Mardi soir.
En écoutant sa réponse, j'ai un léger sursaut de surprise. Il l'a compris seulement mardi ? Mes sourcils se froncent tandis que je n'arrive pas à le croire.
— Arrête de me mentir ! lui ordonné-je.
— Je te jure que c'est la vérité, se défend-il en levant les mains, en signe de soumission. Tu avais toujours un masque quand on se croisait à la clinique, je ne pouvais pas te reconnaitre mais mardi... tu l'as retiré. Et...
Il s'arrête en pleine phrase et j'ai envie de le secouer pour qu'il la termine.
— Et ?
— J'ai vu ta bouche.
Je déglutis et me mords la lèvre.
— Putain, soupire-t-il.
Alors que ses joues rougissent, il baisse le visage, honteux. Mon ego se gonfle à cette information.
— Tu m'as reconnu grâce à mes lèvres ?
Il hoche la tête et me raconte :
— Je... tu étais là devant moi et tous les détails que j'avais pu voir de toi en photo semblaient concorder avec toi mais... je n'étais sûr de rien. Et puis, surtout j'ai paniqué. Quand tu m'as demandé mon nom, je n'ai pas su quoi répondre.
— Tu aurais pu juste me dire ton surnom. Jay... c'est bien ton surnom, n'est-ce pas ?
— Oui, oui, tout mon entourage proche m'appelle comme ça. Et j'ai vraiment pensé à te le dire mais mon cerveau a disjoncté. Je crois que j'avais besoin de temps pour assimiler.
Il se passe la langue sur ses lèvres pour les humidifier.
— C'était quand même gros. Je veux dire... On vit à Séoul où il y a des millions d'habitants et comme par magie, tu travailles dans la clinique où je vais pour mon épaule. Et c'est même toi qui m'as aidé à la soigner.
— C'est vrai que c'est assez invraisemblable quand on y pense.
— Ouais...
Entre nous, plus aucun mot n'est prononcé. Le bruit des conversations de nos amis à l'intérieur brise notre silence. Je suis fatigué et je n'ai pas l'impression que nous ayons touché le cœur du problème...
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