Chapitre 52 - Jay

Assis à une table du restaurant, le crâne posé sur ma paume, je tente de ne pas m'effondrer. Mes épaules sont basses, ma pommette me fait mal et mes jambes bougent frénétiquement. Mon cerveau ne cesse de me répéter que c'est bien fait pour moi, que je suis le seul responsable de cette situation. Mes larmes coulent... Mon cœur est lourd.

À travers ma vue floue, je ne lâche pas du regard l'écran noir de mon téléphone. Avec un stupide espoir. Une chimère. Je sais que je n'aurais plus de nouvelles de Jimin. À trois reprises, je l'ai appelé et sans réelle surprise, je suis tombé sur son répondeur à chaque fois. J'ai fini par lui envoyer un message. Ou plutôt six. Mais toujours aucune réponse de sa part.

Hobi est toujours à mes côtés, me frottant le dos d'un geste amical. Il se veut réconfortant mais j'ai la sensation de ne pas mériter cette attention et ça m'enfonce encore plus. Cependant je suis incapable de lui dire ou même de lever les yeux sur lui. Son regard de chien battu me broierait un peu plus mon organe vital et je n'en ai plus la force.

Nam, quant à lui, semble s'être rapproché de l'ami de Jimin. J'entends leurs voix à quelques mètres de nous mais je ne comprends rien. Mon coéquipier cherche peut-être à lui expliquer la situation mais peu importe ce qu'il dira, Jimin m'a rayé de sa vie.

Une tasse de thé est posée à côté de mon mobile. Hobi remercie la propriétaire à ma place et ajoute à mon intention que ça me fera du bien de boire quelque chose de chaud. Je ricane avant de renifler, dédaigneux.

— Plus rien ne peut me faire du bien, déclaré-je.

— Ne sois pas si dramatique !

Il me donne une tape sur mon épaule qui a été blessée. Même s'il ne m'a pas fait mal, je me redresse, détournant mon regard de mon écran toujours aussi mort. Je fronce les sourcils en portant mon attention sur mon meilleur ami. Il a les bras croisés devant lui, un sourire flottant sur ses lèvres.

— Tu me fais quoi là ?

— Je te réveille, Jay ! m'annonce-t-il en tapant la table du plat de ses mains.

L'onde de choc fait bouger la tasse de laquelle s'échappe du thé. Ce dernier se renverse directement sur mon téléphone et aussitôt, mon rythme cardiaque s'emballe. Je retire mon mobile en poussant un cri désespérant. Du regard, je cherche des serviettes et en repère sur un comptoir réversé aux serveurs. Je me précipite dessus en vociférant :

— Mais ça va pas dans ta tête ? Tu veux que je perde tout aujourd'hui ?

Je m'empare de la pile de tissus en papier et commence à éponger les dégâts. L'écran fonctionne toujours.

— Il me faut du riz ! Du riz ! ordonné-je à un homme qui passait par là.

Légèrement effrayé par mon comportement, il fait demi-tour et disparaît derrière une porte. Il a intérêt à être parti en cuisine pour chercher ce que je lui demande.

— C'est qu'un téléphone, souffle Hobi. Tu peux t'en acheter un autre sans...

— Je m'en fous ! le coupé-je, sèchement, en me tournant vers lui.

Je l'ai surpris. Il a les yeux écarquillés. Je me calme un peu. Je ne veux pas me mettre mon ami à dos en plus de Jimin aujourd'hui.

— Tous nos messages... ses photos... Tout est là-dedans...

Ma voix se casse. Je sens les larmes revenir. Je me fais pitié. Un peu plus loin, je remarque Nam et l'ami qui m'observent eux aussi. Je leur tourne le dos et m'appuie d'une main au comptoir pour ne pas m'effondrer. L'autre serre mon téléphone.

— Tu les retrouveras sur le cloud, m'affirme Hobi d'une petite voix.

— Non, je l'ai pas enregistré, j'avais peur qu'une autre folle me hacke...

À présent, je me demande si ça n'aurait pas mieux valu, plutôt que de tout perdre. Je pianote dessus et vais directement sur notre fil de messages. Les derniers que je lui ai envoyés n'ont même pas encore été distribués.

A : Jimin
On pourrait parler ?

A : Jimin
S'il te plaît

A : Jimin
J'aimerais vraiment
m'expliquer

A : Jimin
C'est pas ce que tu crois

A : Jimin
Je te jure que je n'ai
jamais joué avec toi

A : Jimin
S'il te plaît

Je relis certains messages. Ici et là. Chacun d'entre eux me brise un peu plus. Mon comportement n'a aucun sens. Je n'avais aucune raison de lui cacher mon identité. Je ne me souviens même plus quels étaient mes arguments. Peut-être n'en avais-je pas en dehors de la peur de faire face à Jimin ?

Pour moi, Jimin est parfait. Magnifique, drôle, gentil, intelligent, libre, fort. Ce courage dont il a dû faire preuve quand il n'était qu'un ado pour s'affirmer, ou encore celui de quitter l'homme qu'il aimait pour réaliser son rêve, m'impressionnent. Je ne suis rien à côté de lui, même pas capable de lui avouer qui je suis quand il n'est qu'à un mètre de moi.

On tente de me prendre mon portable et si pendant une poignée de secondes, je résiste, je saisis finalement que c'est l'homme de tout à l'heure qui est revenu avec un bol de riz. Je pourrais presque pleurer de joie, lui embrasser le front, et même le vénérer. Je me contente cependant d'une simple merci.

Quand je me retrouve avec le bol en mains, je me passe une main sur les yeux pour effacer mes larmes. Je dois me reprendre. En tout cas, tant que je ne serai pas chez moi. J'adresse un sourire forcé à la propriétaire et lui demande de m'envoyer sa note comme d'habitude. Je me penche un peu en avant et me dirige finalement vers la sortie.

Sans attendre qui que ce soit, je quitte le restaurant, le cœur encore plus lourd à chacun de mes pas. L'air frais me fait pourtant du bien. Il assèche mes yeux et donne une excuse à mes joues rosies. Je marche tout droit, tentant de me souvenir comment je suis venu jusqu'ici.

Le bruit de pas précipités résonne derrière moi et Hobi ne tarde pas à apparaître à ma droite. Il me retient par le bras et m'oblige à m'arrêter. Je déglutis et soupire. Mon ami arbore un sourire rayonnant qui me donne l'impression qu'il se moque de moi.

— J'ai besoin d'être seul, lui dis-je.

— Et je pense que tu devrais rester avec nous.

— J'ai pas la force d'être avec des gens, je...

— L'ami de Jimin voudrait te dire quelque chose, me coupe-t-il.

Il fait un geste du pouce et mon regard suit la direction qu'il m'indique. L'ami en question attend au milieu du trottoir, les bras croisés. Je me gratte la nuque.

— Il n'a pas l'air commode, chuchoté-je.

Hobi hoche la tête.

— Pas vraiment, confirme-t-il. Mais tu n'as pas le choix. Il est peut-être le seul à pouvoir t'aider à cet instant.

Rien qu'à cette phrase, mes pieds se mettent en marche vers l'ami. Pour pouvoir m'expliquer auprès de Jimin, je peux faire face à n'importe quel mec. Il peut même m'en foutre une comme Tae tout à l'heure. Je m'en contre fiche.

— T'es un con, balance-t-il quand j'arrive à sa hauteur.

— Oui.

— Je devrais te coller mon poing dans la gueule.

— Oui.

— Je ne suis pas sûr que tu mérites Jimin.

— Moi non plus.

— Heureux que nous soyons d'accord !

Ses bras retombent de chaque côté de son corps. Il semble se détendre un peu.

— Kim Namjoon m'a expliqué la situation. Je... Même si je ne comprends toujours pas pourquoi tu ne lui as rien dit quand tu as découvert la vérité ou quand vous êtes allés boire un verre, je ne pense pas que tu sois un mauvais gars.

Je secoue la tête, ravi qu'il n'ait pas cette image de moi.

— Je peux t'aider.

— Comment ?

— Je vais appeler Tae et si Jimin est d'accord, je t'emmènerai chez eux pour que vous parliez.

— Oh merci. Merci beaucoup !

— Hey calme-toi ! Respire un coup, je t'ai rien promis. Ça ne dépend pas de moi mais de l'envie de Jimin d'avoir une explication.

Je hoche la tête telles les figurines de chien sur les plages arrière des voitures. Je suis ridicule mais je m'en fous. Il y a une chance que Jimin m'écoute si la demande vient de l'un de ses meilleurs amis.

— T'es vraiment un petit con, ajoute-t-il, un sourire aux lèvres, avant de s'éloigner pour passer son coup de fil à Tae.

Mon regard se baisse sur mon bol de riz où mon téléphone n'est même pas visible. Hobi me rejoint et reprend ses caresses dans mon dos mais cette fois, elles me revigorent. Il y a une petite chance que je puisse dire toute la vérité à Jimin et je ferai tout pour ne pas tout gâcher...

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