Chapitre 36 - Jay

J'ai craqué. Complètement.

Depuis hier soir, mon cerveau est en ébullition. Notre conversation au sujet des nudes et des sextos m'a retourné mais j'ignore si c'est dans le bon ou le mauvais sens. Je suis empêtré entre différentes émotions. La peur et l'excitation sont à la première place de la liste.

Toute la journée, j'ai tourné en rond. Relisant nos messages. Stalkant son compte insta. M'abreuvant de ses photos. M'imaginant ce que nous pourrions nous dire, ce que je pourrais lui faire, ce que j'aimerais qu'il me fasse...

C'est comme ça que j'ai fini sur le net. J'ai dû me mettre en navigation privée pour pouvoir faire quelques recherches peu orthodoxes, sur des sites que je n'aurais jamais pensé visiter un jour. Lavement, différentes préparations, circonférence, meilleures positions, temps moyen...

Sans que je comprenne comment, tout ça m'a emmené sur des vidéos porno. Les premières m'ont réellement fait flipper. Les bruits, les angles et les mecs n'avaient rien de normal. Puis finalement, il y en a une qui a attisé quelque chose en moi, m'a donné envie.

Ce n'était pas ces mecs qui m'intéressaient et m'excitaient. Loin de là. Le genre gonflette n'est pas à mon goût. Mais je me suis rendu compte que l'idée d'imiter leurs gestes avec Jimin ne me déplairait pas. Que dis-je ? Ça me faisait clairement bander.

Alors oui, j'ai bandé. Et puis je suis allé courir pour faire descendre la tension. Je ne pouvais pas rester dans cet état et il n'était pas question que je me soulage. Je ne l'ai jamais rencontré en vrai. Je n'ai même jamais vu son visage en entier. Des cheveux teints en rose. Un œil derrière des lunettes. Une joue. Ses lèvres...

Ses putains de lèvres !

Je pousse la porte d'entrée de chez moi et mon état n'a pas changé. Me remémorer pendant ma course tout ce que j'ai pu faire et surtout voir aujourd'hui n'était peut-être pas très intelligent. Avec des mouvements habiles, je retire mes baskets tout en grognant. Alors que je me dirige vers la cuisine, une voix dans mes écouteurs remplace ma musique et m'annonce un appel entrant de Hobi. J'accepte l'appel et aussitôt, mon ami s'exclame :

— Coucou mon beau !

— Salut hyung !

J'ouvre mon frigo.

— Pourquoi tu m'appelles ? lui demandé-je en m'emparant d'une bouteille d'eau.

Je referme derrière moi et prends une longue gorgée en l'écoutant se plaindre :

— Alors quoi ? Je n'ai plus le droit d'appeler mon maknae préféré ? Comme ça, sans raison.

— Hoseok...

Hobi est le genre de mec à t'inonder de messages, de gif ou de photos mais il appelle rarement de peur de te déranger. Quand il le fait, c'est qu'il a une bonne raison de le faire. Souvent cette raison est qu'il est triste.

— Je m'ennuie, m'avoue-t-il d'une petite voix.

Je ferme un court instant les paupières, dégouté d'avoir vu juste.

— Tu veux passer à l'appart ? lui proposé-je.

— Non, non. Je peux pas...

— Pourquoi ? Ça te changerait les idées.

Il renifle tandis que je m'installe sur mon canapé. Je déteste quand mes amis sont tristes. Et encore plus Hobi.

— Demain j'ai école. Je n'ai même pas encore préparé tous les cahiers pour mes élèves.

Un silence suit. J'ignore quoi lui dire. Réconforter les gens est tout un art. Comment font les autres ?

— Tu sais, commence-t-il dans un murmure. Je vais mieux. Vraiment.

J'ouvre la bouche, prêt à le contredire. Il ne va pas mieux, sa rupture avec Hyungwon est encore trop récente et a été assez violente.

— J'ai fini par réaliser, par comprendre que c'était mieux ainsi. Ce qu'il m'a fait... Je ne peux pas lui pardonner à nouveau et ça prouve qu'il ne m'aime pas comme je l'aime. Mais parfois, nos habitudes me manquent.

Un nouveau reniflement résonne dans le combiné. Je pourrais dire quelque chose mais je sens qu'il n'a pas fini, qu'il a besoin de se confier.

— Quand je faisais mes cahiers, il me préparait toujours un énorme thé qu'il posait comme il pouvait entre mes affaires. Il y ajoutait un hobaktteaok.

— J'ai toujours préféré les chabsalteoks, marmonné-je.

Il a un petit ricanement.

— Moi aussi ! Mais c'était la seule chose qu'il savait à peu près faire en cuisine donc je ne pouvais pas cracher dessus.

Cette fois, nos rires se rejoignent. Je crois que ça nous fait autant de bien à l'un qu'à l'autre. Il n'y a rien de mieux que les fous rire avec ses amis. Malheureusement, ils s'évaporent aussi vite qu'ils sont arrivés.

— Je comprends, ça m'a fait la même chose après ma rupture avec So Hyun. C'est toujours difficile de se défaire d'une habitude et encore plus quand elle est liée à quelqu'un. C'est sans doute le plus compliqué dans une rupture.

Mon regard balaie la pièce. Vide.

— Surtout que tu es toujours dans l'appartement que vous partagiez, ajouté-je. Mais je te jure qu'un jour, ça ira mieux.

— C'est long...

— Oui...

Je me mordille la lèvre tout en jouant avec le bouchon de ma boisson.

— Tu pourrais venir habiter chez moi quelques temps, soufflé-je.

— Oh tu es trop chou mon JayKay ! s'exclame mon ami. Mais pour tout un tas de raisons, je peux pas accepter.

— Lesquelles ? m'étonné-je.

— Déjà, tu ne pourrais pas me supporter au quotidien !

— C'est faux !

— Tu sais aussi bien que moi que c'est vrai.

Il a un petit ricanement. Il est vrai que Hobi et moi avons des caractères diamétralement opposés sur beaucoup de points mais je pense que c'est ce qui fait la force de notre amitié. Nous nous apportons mutuellement quelque chose. Il soupire.

— Ensuite, ton appartement est trop loin de mon école. Il me faudrait quoi ? Presque une heure ! Ça me rajouterait de la fatigue ce dont je n'ai pas besoin si je veux bien m'occuper des petits. Et puis la principale raison est simple, c'est que ça ne changerait rien à mon problème. Être chez toi serait agréable et m'aiderait à sortir de mon quotidien mais en rentrant chez moi, les souvenirs reviendraient.

Je baisse le regard sur ma bouteille et réalise que son argument tient la route.

— Il faut que je m'y habitue et c'est tout... ça va me prendre du temps mais d'ici que ça aille mieux, je continuerai de te téléphoner dès que j'ai un coup de mou. Tu veux bien ?

— Bien sûr, Hobi. Quand tu veux.

— Merci beaucoup. Sans toi et Nam, j'ignore ce que je serais devenu. Mais tu sais que c'est réciproque, hein ?

Je souris.

— Je sais.

— Dès que tu veux parler ou si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis là !

— Oui, oui...

Mes pieds prennent place sur la table basse et mon esprit s'évade vers Jimin. Je crois que j'ai envie de parler de lui à Hobi. Pendant des heures. Mais le silence s'étend entre nous.

— Tout va bien, Jay ? Ton épaule ?

— Ça va. Un kiné de la clinique m'a conseillé des exercices et ça me fait plus d'effets que les séances avec le mien.

— C'est super, ça. Et avec Jimin ?

Je hausse les épaules comme s'il pouvait me voir. Tellement de choses me viennent à l'esprit à l'évocation de Jimin. Tellement de mots, d'anecdotes que je ne sais pas par quoi commencer alors je me contente de dire :

— On apprend à se connaître.

Dès que les mots ont passé la barrière de mes lèvres, je réalise à quel point ils sont loin de la vérité. Certes, nous découvrons encore des choses l'un de l'autre mais il y a beaucoup plus.

— Vous vous êtes toujours pas vus ? s'intéresse-t-il.

— Non, on s'est juste envoyé des photos.

— Mais c'est génial ! Il te plaît ?

— Ouais, beaucoup...

Hobi lance un Hey hey sur un ton un peu coquin.

— Il est comment alors ?

Je bascule la tête en arrière jusqu'à la reposer sur le dossier. Je ferme les yeux, visualisant mieux ainsi tous les clichés que j'ai pu voir de lui.

— Beau... Mais c'était juste de nos corps, pas de notre tête...

Un bruit se fait entendre de l'autre côté, il a dû faire tomber quelque chose.

— Oh ! Je te pensais pas du genre à faire des nudes, m'avoue-t-il.

— Pardon ? m'écrié-je en me redressant. Mais pas du tout. Qu'est-ce que vous avez tous avec ça ? On était habillé. Quelle idée !

Je me réinstalle correctement au fond de mon canapé et reprends :

— On a juste décidé de ne pas montrer notre visage pour le moment.

— On ?

— Bon, OK, moi...

— Tu te sens pas encore capable de te dévoiler ?

— Parfois, je me dis que j'en suis capable et que ça me plairait. Je sais très bien qu'il le faudra, ça ne peut pas durer éternellement. D'ailleurs, je voulais le faire le weekend dernier mais il le passait avec sa famille alors j'ai pas eu envie de le déranger...

— Tu as juste pris la première excuse qui passait, déclare-t-il sans la moindre once de compassion.

— Oui, admets-je.

— Il te presse pas ? Ne demande rien ? demande Hobi.

— Non, il est hyper patient.

— C'est une bonne chose.

— C'est un mec bien et en plus, je lui ai expliqué pour Jihyo donc il comprend pourquoi je suis un peu réticent. Mais...

— Mais quoi ?

Mon regard fixe mes pieds posés sur la table basse bouger d'avant en arrière. J'hésite. Je ne suis pas un mec qui raconte sa vie mais il y a toujours un début à tout.

— Je me pose pas mal de questions.

— A propos de quoi ?

Je l'entends boire une gorgée et je l'imagine assis à côté de moi, les jambes pliées sous son corps et une tasse de thé entre les mains.

— J'ai peur de dévoiler mon identité mais en même temps, j'ai envie d'aller plus loin. Beaucoup plus loin...

— Tu veux dire...

— Le rencontrer et faire plein de trucs avec lui. D'avoir une vraie relation avec lui. Aller au resto, visiter Séoul avec lui, jouer, suivre des séries... Le toucher, l'enlacer, l'embrasser et plus...

Je l'ai dit tout haut alors que jusqu'à présent, je refusais même de le penser. Je veux une relation avec lui, avec toutes les choses qu'un couple ferait.

— Hier, justement, on a un peu discuté de ce plus...

Mes mots ne sont pas clairs et j'ai dû le perdre.

— C'est-à-dire ?

Qu'est-ce que je disais ?

— On a parlé de nudes parce que son meilleur ami lui avait confié en avoir déjà fait. Tous les deux, on n'est clairement pas pour faire ça puis... on a émis l'idée de s'envoyer des sextos, lui confié-je en baissant la voix.

Un léger silence volète quelques secondes. J'en viens même à me dire qu'il ne m'a peut-être pas entendu.

— C'est pas rien, souffle-t-il.

Je me contente d'un hum parce qu'il a raison. S'écrire des messages sexuels dans le but de s'exciter, ce n'est pas anodin. Surtout quand on n'est qu'amis.

— Je n'ai jamais fait ça avec qui que ce soit et je ne saisis pas vraiment ce qu'on doit écrire mais...

Je m'arrête. Affirmer ce genre de choses à haute voix est plus compliqué que je ne le pensais. Je me gratte l'arrière du crâne, cherchant mes mots.

— Mais tu en as envie ?

Je confirme.

— Tu lui fais confiance ?

Je souffle et réfléchis à la réponse un instant.

— Je crois... Non, j'ai confiance en lui mais j'ai peur.

— Qu'il soit comme Jihyo ?

— Un peu mais aussi...

— Parce que c'est un mec ?

Je me passe une main dans les cheveux trempés de sueur. Je fixe les lumières de la ville à travers les baies vitrées.

— Pas vraiment. J'ai bien compris qu'il me plaisait. Beaucoup même. Je pense que c'est plus... ma conscience ou que sais-je qui me crie que c'est pas bien de faire ça. Que c'est pas morale de s'écrire ce genre de trucs et que ça peut me retomber dessus si ça se sait.

— Écoute, commence-t-il, sérieux.

Je me redresse, reposant mes pieds au sol.

— Je pense qu'il faut toujours suivre ses envies tant qu'elles ne font de mal à personne. Oui, il a un risque que quelque chose déraille mais c'est comme tout le reste. Tu peux être renversé dans la rue, tu peux glisser dans ta douche... La vie n'est jamais sure. Si tu veux lui écrire des choses obscènes, fais-le. Si tu veux le voir, fais-le. Si tu veux faire ta vie avec lui, fonce. Tu n'as qu'une vie, Jay, tu peux pas la passer à réfléchir à tout.

Son monologue me laisse sans voix. Il a sans doute raison.

— Et vraiment, je te l'ai déjà dit et je te le redirai sûrement, mais Jimin n'est pas Jihyo !

— Tu as raison. Merci...

Je souffle. Je joue un moment avec la couture de mon short, réfléchissant à tout ça. Soudain, une envie réconfortante me vient :

— Le jour où je le rencontrerai en vrai, vous pourrez venir avec moi, Nam et toi ?

— Tout ce que tu veux, Jay.

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