Chapitre 3 - Jay

J'ouvre le frigo et attrape trois bouteilles d'eau. Dès que je ferme la porte d'un coup de hanche, des lamentations me proviennent depuis mon salon. Je soupire. Je comprends la situation et son chagrin, mais en toute honnêteté, la soirée commence à être très longue pour moi.

Contrairement à ce que pensent certaines personnes, je ne suis pas insensible, je suis juste incapable de faire face à la peine des gens et encore moins celle de mes proches. Alors voir le chagrin de l'un de mes meilleurs amis après avoir eu le cœur brisé... c'est trop me demander !

Une fois de retour dans le salon, j'avise Namjoon assis sur le canapé, un bras passé sur les épaules de Hoseok pour le réconforter. Ce dernier continue de pleurer à chaudes larmes. Nous ne savons plus quoi faire pour lui remonter le moral.

— Hobi ! l'appelé-je.

Il relève des yeux larmoyants vers moi. J'ai envie de l'étouffer dans une étreinte amicale. Cela me fait mal au cœur de le voir dans cet état. Je vais me débarrasser des bouteilles sur le fauteuil.

— Il n'était pas fait pour toi, lui dis-je pour la énième fois.

— Je sais...

À peine a-t-il prononcé ces mots que ces pleurs reprennent. Il est inconsolable et ça n'a rien d'étonnant. Hobi est du genre à vivre les choses à mille pour cent.

— Mais...

Je fais une petite moue avant de m'installer sur la table basse, face à lui. Je pose ma main sur son genou et lui affirme :

— Tu es trop bien pour ce menteur.

— Oui, tu mérites bien mieux, crois-moi, renchérit Namjoon.

À ces mots, les garçons échangent un regard complice avant que Hoseok se jette dans ses bras. Eux deux, c'est une vieille histoire. Leur rencontre date du collège. Assis l'un derrière l'autre en classe, ils ont très vite fait connaissance. Grâce à sa sociabilité, Hobi a réussi à briser la carapace du géant qu'est Nam.

En soupirant, je m'empare de la boîte à mouchoirs qui était encore neuve en début de soirée et la tends à mon ami. Nam en attrape un et glisse sa main entre leur corps pour faire comprendre à Hoseok qu'il doit se moucher dans autre chose que son T-shirt. Il se recule aussitôt et s'exécute. Il s'essuie une dernière fois le nez et marmonne entre deux hoquets :

— Vous pouvez pas comprendre ce que je vis !

— Ah bon ? m'étonné-je.

Il se redresse, sûr de lui. Au fond de ses yeux, je peux y lire une nouvelle détermination naître. Ça me fait plaisir.

— Toi, tu...

— Moi quoi ?

— Tu t'en fous de l'amour !

Il hausse les épaules comme si c'était d'une évidence à toute épreuve. Je secoue la tête.

— Je m'en fous pas, m'écrié-je, outré.

— Tu ne sors avec personne. Tu refuses tous les rendez-vous qu'on te propose.

Pour ça, il a raison, mais ce n'est pas de ma faute si je suis comme ça.

— Je veux avoir quelqu'un dans ma vie. Je veux aimer. Comme Nam avec Hwasa. Mais tout le monde n'a pas la chance de rencontrer son âme sœur à seize ans, excuse-moi ! J'aime l'amour !

Les garçons ricanent à ma dernière phrase et je les imite quand je réalise ce que j'ai dit puis j'efface la moquerie d'un geste de la main.

— Mais je me méfie des gens maintenant. Ils sont mauvais, sournois, manipulateurs et profiteurs !

— Rien que ça ? s'exclame Hoseok.

Il ne peut pas comprendre ce que je vis. C'est un gentil et optimiste instituteur. Le meilleur habitant dans toute la Corée du Sud. Mon quotidien et les personnes qui le composent sont loin de ressembler à des petits anges en couche-culotte.

— Tu me répètes souvent que je suis trop naïf, que je ne vois pas le mal... Mais je crois que toi, tu vois trop le mal partout. Il y a des gens bien sur cette planète.

— Oui, il y en a... Surtout quand on peut profiter d'un mec riche et connu.

— Arrête !

— Il n'a pas tout à fait tort, tu sais, intervient Namjoon.

Hoseok se tourne vers lui puis soupire. Le géant est dans la même situation que moi alors il est bien placé pour dire que lorsqu'on devient quelqu'un de public, il faut rester sur ses gardes. Constamment. On peut perdre notre temps et de l'argent dans le meilleur des cas, mais dans les pires, c'est notre réputation et notre confiance qui peuvent être broyées.

— Rappelle-toi Nini qui a essayé de briser mon couple. Et Jihyo...

Il fait un mouvement du menton vers moi pour signifier inutilement à quelle histoire il fait référence.

— Je suis d'accord, il y a énormément de pourris autour de vous, mais il y en a qui méritent la peine qu'on s'arrête sur eux.

— Pour que je finisse dans ton salon à pleurer toutes les larmes de mon corps ? l'interrogé-je, plus sèchement que nécessaire en me levant.

Pour m'éloigner d'eux, je m'approche de la grande baie vitrée qui donne une vue splendide sur Séoul. Cette ville dans laquelle j'habite depuis une éternité et que pourtant je ne connais pas. Cela me serre le cœur. Tout me désole en ce moment. C'est sûrement dû à l'hiver qui arrive à grands pas, au froid, aux fêtes aussi.

Je déglutis quand j'entends des bruits dans mon dos. Je ne bouge pas, refusant de faire face à mes amis maintenant. Je serais capable de craquer, mais ce n'est pas le moment. C'est Hobi qui a besoin d'être réconforté, pas moi. Et puis je n'ai aucune raison de me sentir mal. Seul. Et malheureux.

Soudain, des bras m'entourent et une tête se pose dans mon dos. Nous restons ainsi quelques secondes. À profiter de notre silence que la rue ne peut pas perturber étant trop haut pour ça. Je ferme même les paupières pour profiter de cette interaction. J'ai la sensation que cela fait une décennie que personne ne m'a pris dans ses bras.

— Je pleure peut-être, commence Hobi, mon souffle s'écrasant dans mon dos. Mais je n'ai pas de regrets. J'ai essayé d'être heureux.

Il a été très amoureux et l'est sûrement encore. Ce n'est pas en apprenant que son mec l'a trompé pendant des semaines que ses sentiments peuvent s'envoler. Ça serait beaucoup trop simple.

Je lui ai toujours dit que c'était un crétin, mais il n'a jamais voulu me croire. Pourtant, aujourd'hui, il est assez clair que j'avais raison. Ma clairvoyance ou mon pessimisme, peu importe comment on appelle ça, avait encore une fois visé juste.

Alors je ne saisis pas comment il peut me dire qu'il ne regrette pas d'être sorti avec lui. Pendant des heures, il s'est lamenté sur mon canapé ce soir et il ose me dire qu'il ne regrette pas sa relation qui l'a fait finir ainsi ?

— Et je l'ai été par moments. De ma relation avec lui, tout n'est pas à jeter.

J'ai un petit ricanement moqueur.

— Et ces moments de bonheur valaient la peine que tu ressentes cette douleur aujourd'hui ?

— Oui, je crois...

Il renifle. Je pose mes mains sur les siennes pour tenter de l'apaiser. De m'apaiser.

Une larme m'échappe et dévale ma joue.

Suivie de tellement d'autres.

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