Chapitre 28 - Jimin
— Tu as rencontré un mec ?
La voix étonnée de mon meilleur ami résonne dans le salon. La pièce est tellement immense que j'ai la sensation d'entendre l'écho de la question de Tae. Je baisse les yeux sur mes mains qui tiennent mon portable.
Alors que nous dînons ce soir chez Ji-Soo, j'ai décidé d'enfin tout raconter à Tae à propos de Jay. C'était le bon moment. Ou en tout cas, le meilleur avant que ça devienne trop tard et qu'il m'en veuille de lui avoir caché pendant si longtemps.
— Je sais pas si le terme rencontrer est le plus adapté à mon cas...
— Arrête de chipoter !
Depuis que j'ai commencé mon histoire, Tae n'arrive pas à s'en remettre. Comme si c'était si étonnant que je puisse faire la connaissance de quelqu'un.
— Il habite où ? Il fait quoi dans la vie ? Il a quel âge ? Il s'appelle comment ?
Les questions fusent de la bouche de Tae sans que je n'aie le temps de lui répondre quoi que ce soit.
— Il ressemble à quoi ? Il est beau ? Plus grand que toi ? Il est gay assumé ? C'est pas une expérience qu'il veut tenter ? Il...
— Stop ! hurlons-nous en chœur avec Ji-Soo.
Les yeux de Tae s'écarquillent et il reprend enfin son souffle. Nous rions à son comportement. Tae a toujours été très protecteur avec moi depuis que mes parents m'ont jeté de chez eux. Tellement qu'il a failli débarquer aux Etats-Unis pour avoir une conversation digne de ce nom avec Joshua. Heureusement, entre sa mère, Yoongi et moi, nous avons réussi à lui faire entendre raison.
— J'ai déjà répondu à presque toutes ces questions, lui dis-je.
— S'il te plaît...
Je soupire puis abdique :
— Il s'appelle Jay...
— Il est étranger ?
La soirée va être longue... Je voulais que Jay soit mon petit secret, j'aimais cette idée mais je pense qu'une partie de moi savait comment réagirait Tae à cette information.
— Non, il est coréen, né à Busan mais qui vit à Séoul maintenant. Il a vingt-cinq ans...
— Il est plus jeune que nous ?
— On dirait bien !
Il hoche la tête, semblant intégrer cette affirmation. Avec Ji-Soo, nous échangeons un regard complice. Même si la réaction de mon ami me désespère, j'aime bien la situation. Être tous les trois, à papoter de Jay, tout en buvant un petit soda et dégustant des mochis. C'est agréable, reposant et un brin nostalgique.
— J'ignore s'il est plus grand que moi vu que nous nous sommes jamais vus mais...
Mon nez se fronce juste à l'idée de ce que je m'apprête à dire :
— Mais il y a de fortes chances qu'il soit plus grand que moi.
— Tant mieux, tu aimes quand c'est le cas, déclare Tae naturellement.
— Euh...
Je réfléchis rapidement et il faut que je me rende à l'évidence, il a raison. Joshua mais aussi tous les garçons qui m'ont plu jusqu'à présent étaient plus grands que moi.
— Pas faux. Sinon, il est bisexuel mais il n'a jamais eu de mec dans sa vie.
— Tu es son premier ?
Tae et sa capacité à enfoncer les portes ouvertes !
— C'est le concept... Mais j'ai pas l'impression que ce soit une expérience ou un truc du genre. Il a l'air sérieux !
— Très bien. Enfin dans le cas contraire, je les lui coupe comme ça, il ne testera plus rien aux dépens des autres.
— Parfois, on dirait que tu as encore seize ans dans ta tête, Tae, souffle Ji-Soo.
Il se contente de hausser les épaules en se tournant complètement vers moi sur le canapé.
— Il ressemble à quoi ? se renseigne-t-il à nouveau.
Du coin de l'œil, j'aperçois Ji-Soo grimacer dans la perspective que je dise que je ne sais pas. Cependant, même si tout ça n'est pas nouveau pour elle, j'ai une surprise de taille.
— Alors, en fait, on est partis au début avec l'idée d'apprendre à se connaître sans s'échanger de photos.
— Ne me dis pas que tu n'as pas une photo de ce mec ! s'écrie mon ami. Règle numéro un des sites de rencontres...
Je déteste mentir à Tae mais pour expliquer ma rencontre avec Jay, j'ai dû inventer que je m'étais inscrit sur une appli pour rencontrer des gens, voulant oublier Joshua. C'est passé comme une lettre à la poste.
— Toujours voir à quoi on parle !
— A quoi on parle ?
— Oui, enfin tu vois ce que je veux dire.
— Tu me désespères, j'te jure.
— Ça ne change rien au fait que j'ai raison. Tu dois savoir. Tu ne lui as pas encore envoyé de nudes, j'espère ?
Je lève les yeux au ciel alors que Ji-Soo ricane dans son coin.
— Je n'ai pas l'intention d'envoyer de nudes à qui que ce soit !
— Tu l'as jamais fait ? s'étonne-t-il.
— Quoi ? Tu l'as déjà fait, toi ?
— Bien sûr. Tout le monde le fait, non ?
— Non, clairement pas, répond notre amie.
Il fait une petite moue qui signifie un magnifique oups qui nous fait sourire tous les trois.
— On n'a pas échangé de nudes, poursuivé-je, mais j'ai des photos de lui.
— Quoi ? s'exclame Ji-Soo, surprise.
Je m'empare de mon verre et en bois une gorgée, juste pour les faire languir.
— Mais montre-nous bon sang !
Ji-Soo se rapproche en s'asseyant à côté de moi. Tae me tape la cuisse pour que j'aille plus vite. Une fois que mon sadisme a été assouvi, je sors mon portable et cherche les clichés que Jay m'a envoyés cette semaine. Sans me demander, il attrape mon mobile et fouille lui-même puisque je n'allais pas assez vite.
— C'est ça tes photos ?
Il est déçu. Aucun doute. Ji-Soo le lui retire alors et détaille les selfies. Certes, il a coupé au niveau de son cou et nous ne pouvons pas voir son visage mais ses habits et ses positions nous montre assez de choses de son corps fin et musclé pour être sûr que son physique est avantageux.
Quand elle agrandit la seconde photo, je jette d'ailleurs un coup d'œil, avide. Comme si je ne le connaissais pas par cœur. Mais j'ai passé tellement de temps à le regarder que maintenant, les nuances de sa peau et les courbes de son corps n'ont plus de mystère pour moi. Je pourrais presque les redessiner les yeux fermés.
Le physique n'est pas primordial pour moi mais je ne vais pas cracher sur sa beauté. Alors je m'en délecte dès que possible. M'imagine aussi beaucoup de choses que ce corps pourrait m'apporter ou que je pourrais lui faire subir. Comme des suçons le long de la cuisse que j'aperçois ou des petites morsures sur ses clavicules.
— Il est pas mal, dit-elle.
— Arrête, il est sexy, le bougre ! accentué-je.
— Tu parles, ça doit même pas être lui !
Tae a les bras croisés devant lui, une moue aux lèvres.
— C'est vrai que c'est une possibilité, ajoute Ji-Soo.
Je récupère mon téléphone, un peu vexé par ce qu'ils disent. Je sais que Jay n'est peut-être pas ce qu'il prétend être. J'ai assez vu d'épisodes de Catfish pour savoir qu'il y a beaucoup de menteurs sur les réseaux ou par sms. Mais j'ai envie d'y croire alors je n'ai pas besoin de leur pessimisme. Je repose mon verre avec un peu trop de force.
— Je m'en fous des photos, marmonné-je. J'aime lui parler, lui raconter mes journées, écouter les siennes, plaisanter. Et j'aime aussi ce flirt qu'il y a entre nous. Alors remballe tes mauvaises ondes, TaeHyung.
Le silence répond à ma tirade. Un court instant, je m'en veux de lui avoir parlé comme ça mais parfois, je suis obligé de lui rappeler que je suis un adulte qui fait ses propres choix. Bons ou mauvais. Que je peux lui demander son avis mais il n'en reste pas moins que je suis celui qui décide à la fin. C'est comme ça, et je dois tous les assumer.
— Donne, soupire-t-il.
Il tend la main, paume vers le plafond. Je sais ce qu'il attend. Que je lui passe mon téléphone. Mais il en est hors de question.
— Non, Tae. Je t'aime mais cette relation, c'est entre Jay et moi. J'aurais des photos en temps voulu mais pour le moment, ça nous convient parfaitement.
Ce n'est pas tout à fait la vérité. Je ne dirais pas non à ce que nous nous échangions plus de clichés mais je ne veux pas le forcer. Pas après ce qu'il m'a raconté à propos de cette folle.
— Mais promis, dès que j'en ai d'autres, je te les partagerai, continué-je, un petit sourire aux lèvres. Maintenant, avoue que le mec sur cette photo est bandant !
Nous rigolons tous les trois à ma phrase. Tae attrape ma main et la serre.
— Il est pas mal, c'est vrai. Je te fais confiance pour ce mec mais par contre, je t'interdis de te rendre à un rendez-vous avec lui tout seul. Je viendrai avec toi.
Je vois dans son ton et son regard qu'il est très sérieux et qu'il n'en démordra pas. Je le comprends, à sa place, j'aurais sûrement dit la même chose.
— Je ne voyais pas les choses autrement, lui murmuré-je.
— Hey ! Ne m'oubliez pas, je viendrai aussi, renchérit Ji-Soo en joignant sa main aux nôtres.
J'ai retrouvé notre trio d'enfer, mes repères et mon espoir en l'avenir avec eux.
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