Chapitre 24 - Jay
Je renifle le plus discrètement possible mais c'est peine perdue. La nouvelle secrétaire de mon agent me regarde de travers, me jugeant complètement. J'ai bien envie de lui lancer une remarque bien acerbe mais je n'en ai pas la force. Je me contente alors de fermer les paupières et basculer la tête en arrière.
Depuis hier, un rhume carabiné me retourne la tête. Mon nez ressemble à celui d'un clown, mes cernes sont plus longs que la muraille de Chine et mes lèvres sont tellement gercées qu'on pourrait penser qu'elles sont botoxées. Mais le pire reste le fait que ma fièvre n'a toujours pas disparu.
— JayKay ! m'interpelle la voix forte de mon agent.
Je me redresse. Mon regard se porte aussitôt sur Si-Won. Le sourire qu'il m'adresse laisse ses fossettes apparentes. Une légère barbe recouvre sa mâchoire masculine et ses cheveux noirs sont plus courts que la dernière fois que nous nous sommes vus.
Nous nous serrons la main et il m'entraine dans son immense bureau. Aucun doute sur le fait qu'il soit l'un des agents les plus en vogue en ce moment. Tout respire l'argent et le succès. Pourtant, quand nous nous sommes rencontrés, il y a cinq ans, c'était loin d'être le cas. Il venait de démarrer dans le circuit des agents sportifs et cherchait des clients jeunes avec du potentiel.
A priori, j'en étais un.
— Yoo-Nah ne travaille plus là ? lui demandé-je en montrant la porte derrière moi.
— Ne m'en parle pas ! s'exclame-t-il en prenant place à son bureau. Elle m'a abandonné du jour au lendemain pour un poste à Busan.
Je grimace un peu à cette nouvelle. Yoo-Nah était la secrétaire de Si-Won depuis le début. C'était une jeune femme très agréable et pas du genre à juger les clients ou à mettre son patron dans l'embarras.
— Du jour au lendemain ? m'étonné-je.
— Pratiquement ! Son fiancé a eu une mutation à Busan alors ils ont avancé la date du mariage et elle a voulu le suivre !
— Mais...
Je fronce les sourcils sous la réflexion. La fièvre ne m'aide pas mais je crois me souvenir d'un détail important.
— Elle ne s'est pas mariée en mai ?
— Si.
— Donc depuis mai, tu sais qu'elle doit partir, non ?
— Peut-être bien...
Il m'adresse un clin d'œil complice pour que nous passions cette information sous silence. Je ricane, amusé.
— Bon, comment vas-tu ? Cela fait longtemps que nous nous sommes pas vus.
Il lie ses doigts devant lui, accoudé à sa table de travail. Son regard me fixe comme s'il allait pouvoir lire en moi. J'ignore ce qu'il peut voir mais cela ne doit pas être très glorieux.
— J'ai connu de meilleurs jours. Je suis enrhumé depuis hier.
Je toussote. Ma main prend place devant ma bouche dans un geste automatique malgré la présence de mon masque.
— Je vois ça... Comment as-tu attrapé ça ?
— J'ai eu la bonne idée de sortir samedi après-midi, sous la pluie, sans parapluie !
— Tu es de plus en plus futé, ça fait plaisir à voir ! se moque-t-il.
— Hyung ! m'exclamé-je, faussement vexé.
Son rire remplit un court instant son immense bureau et me fait sourire.
— C'est ce qui fait ton charme !
Cette simple phrase me fait penser à Jimin et à notre conversation d'hier soir. J'avais peur de regretter de m'être confié à lui ou de lui avoir envoyé ce semblant de selfie mais je ne pouvais pas être plus satisfait de la tournure des choses.
J'ai enfin pu mettre des mots sur mes sentiments et les accepter par la même occasion. Il me plaît. C'est le premier homme qui me plaise réellement. Pour sa personnalité en premier lieu. Sa gentillesse, son humour, sa force de caractère, ses blessures à peine cicatrisées... C'est un tout indémêlable.
Cependant, je ne peux pas mentir. La photo qu'il m'a envoyée m'a conquis. Il a un corps gracieux, fin mais musclé. Juste ce qu'il faut de virilité. Sa peau nous crie de la caresser, juste comme ça pour le plaisir. Et ses lèvres... Elles sont sublimes. Je le nierai jusqu'à la mort mais j'ai passé une éternité à les fixer et m'imaginer bien trop de choses peu avouables.
— Jungkook ?
Je reviens au moment présent et reporte mon attention sur Si-Won.
— Désolé, tu disais ?
— Ton épaule, comment elle va ?
— Elle va mieux. J'ai vu un professeur jeudi dernier qui m'a fait faire une échographie et une radio.
— Il est optimiste ?
— Oui, oui. Il n'a rien vu d'alarmant. Il pense à une tendinite et m'a prescrit entre huit à dix séances de kiné.
— À quel rythme ?
— Deux par semaine, normalement. Mais je dois voir ça avec le kiné de son cabinet. Je commence demain, j'en saurais plus à ce moment-là.
— Te connaissant, tu ne vas pas te laisser faire par une petite tendinite.
Il m'adresse un sourire complice. Il me connait bien en effet.
— Oh non ! Puis le doc a dit que les choses ont été prises très tôt. Alors ça ne devrait pas me poser de problème pour la prochaine saison.
— C'est encourageant.
Je me contente de hocher la tête. La douleur a un peu diminué depuis la semaine dernière sans que je n'ai besoin de prendre d'antalgique. Ce simple fait me rassure. Le kiné ne pourra me faire que du bien.
A cette pensée, je réalise une chose. Jimin est kiné... Il travaille dans un cabinet... Mais il ne doit pas être spécialisé dans le domaine sportif de haut niveau, sinon il l'aurait précisé. Mais c'est dommage, une partie de moi aurait aimé que ce soit lui qui s'occupe de moi. Même si c'est stupide et contradictoire, puisque je ne veux même pas lui envoyer ma tête en photo !
— Parfait ! déclare-t-il en tapant dans ses mains, me sortant de mes pensées une nouvelle fois.
Il se laisse aller dans son siège et poursuit :
— Toutes ces bonnes nouvelles me confortent dans l'idée de te proposer quelque chose.
— Et c'est quoi ?
— Être l'égérie d'une marque.
Depuis mes débuts sportifs, j'ai fait la pub de pas mal de produits. En tout genre. Une limonade au citron. De la lessive. Du baume à lèvres. Même d'une marque de brosse à dents.
— Egérie ? Moi ?
— Oui. Et pas pour n'importe qui !
Mes sourcils se froncent tandis que mon cerveau tente de découvrir de lui-même quelle marque pourrait vouloir de moi pour une collaboration. Mais bien entendu rien ne me vient. Ces trois dernières années ont été assez lucratives. Pour une raison qui me dépasse, les marques me proposent des partenariats alors que je ne suis même pas un idol.
— J'espère que tu aimes le streetswear, parce que Balenciaga te voudrait !
Mes yeux s'écarquillent à cette annonce avant de se poser sur mes pieds, lesquels portent une paire de bottes à lacets strike de cette marque. Un sourire incontrôlable s'affiche sur mes lèvres.
— Balenciaga ?
Il confirme. Je n'y crois pas mes oreilles. Nous sommes sur un autre niveau que la brosse à dents.
— Enorme ! m'exclamé-je. Mais comment tu as réussi cet exploit ?
— Je préfère garder mes petits secrets pour moi !
Sur ces mots, il m'adresse un clin d'œil qui me fait un peu ricaner.
— Sache juste que j'ai appris par un de mes contacts qu'ils cherchaient un sportif alors j'ai joué des coudes pour que ce soit toi. Le fait que tu sois asiatique et canon m'a pas mal aidé, il faut l'admettre.
Je me passe une main dans les cheveux, ne réalisant pas ce que ça signifie réellement. Je vais devoir faire des photos de mode, porter leurs créations, peut-être assister à un défilé...
— Content ?
— Aux anges !
Quand j'étais jeune, je voulais devenir sportif professionnel et j'ai tout fait pour le devenir. Mais ça n'a jamais été pour l'argent ou la célébrité. J'aimais juste être en mouvement, me donner à fond pour être le meilleur... Alors être l'une des égéries de Balenciaga n'était clairement pas dans ma liste de rêves. Cependant, je suis plus que ravi que l'on m'offre cette opportunité.
— Merci, Si-Won hyung.
Je me penche un peu en avant pour lui montrer mon respect ainsi que ma reconnaissance.
— C'est mon job, gamin, déclare-t-il naturellement, souriant.
Nous parlons du travail pendant encore une vingtaine de minutes. Quand je me retrouve dans l'ascenseur, je récupère mon portable dans la poche de ma veste. Je remarque un message de Jimin et souris instinctivement. Cependant, mon rictus se fane dès que je réalise que je ne vais pas pouvoir lui parler de tout ce que Si-Won m'a appris.
Je bascule la tête en arrière, les yeux fermés. Je comprends alors que je ne vais plus pouvoir lui cacher la vérité encore longtemps. Pas après tout ce que nous nous sommes dit hier. Pas avec l'espoir qui grandit en moi à chaque fois que nous nous parlons... Mais j'ai peur...
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