Chapitre 2 - Jimin

Ma main ramène mes cheveux en arrière alors que mon regard passe d'un membre de ma famille à un autre. Haneul nous raconte une anecdote durant laquelle elle s'est ridiculisée devant un de ses professeurs d'université. Cela fait beaucoup rire Tae et Gyu. Il faut dire que les deux frères sont toujours très complices quand il s'agit de se moquer de leur petite sœur. Depuis que je les connais, ils font ça.

Mais comme toujours, Haneul ne se laisse pas faire, mais avec les années, elle a appris à améliorer ses contre-attaques. Elle se lève sans qu'ils le remarquent, trop absorbés par leur hilarité. Elle contourne la table comme si elle allait retrouver Seon-Mi dans la cuisine et en profite pour les claquer derrière le crâne en passant derrière eux. Hee-Seung et moi éclatons de rire aux mines abasourdies des deux garçons.

Tae n'est pas le seul à m'avoir manqué pendant ses trois ans. Chaque membre individuellement. Mais aussi la famille en elle-même. Leurs habitudes, leur complicité, leurs rires, leurs plaisanteries. Haneul vient se caler derrière moi et passe ses bras autour de mon cou. Sa tête prend appui sur la mienne alors que je l'entends soupirer d'aise.

— Pourquoi Jimin a le droit à un câlin et nous à une claque ? s'insurge Gyu de cette différence de traitement de la part de la plus jeune de la fratrie.

— Parce qu'il est mon frère préféré, affirme-t-elle avant de lui tirer la langue.

Je pose mes mains sur ses avant-bras et les serre avec tendresse. Tout comme les garçons, elle m'a toujours considéré comme un membre à part entière de la famille. Comme si ses parents étaient réellement les miens. Bien entendu, quand je suis arrivé chez les Kim, Haneul n'avait même pas huit ans alors je pense que dans ses souvenirs, j'ai toujours été là, auprès d'elle, au même titre que Tae ou Gyu.

Il faut dire que leurs parents n'ont jamais fait de différences entre eux et moi. Ils m'ont aidé à faire mes devoirs. M'ont disputé quand je ramenais des mauvaises notes. M'ont embrassé le front tous les soirs pour me souhaiter une bonne nuit. M'ont sermonné quand j'ai fait le mur pour retrouver mon crush de l'époque. M'ont rassuré de nombreuses fois. Ont versé une larme pour moi quand j'ai eu mon diplôme ou quand je leur ai annoncé mon départ pour les États-Unis.

J'ai eu une belle famille.

— Il parle anglais maintenant, ajoute-t-elle. En plus, c'est le plus beau de vous trois ! Et du monde entier.

Son raisonnement n'a aucun sens, mais cela ne semble pas la déranger. Et moi non plus. Je me sens flatté par son compliment. Je relève la tête et lui embrasse la joue, heureux de la retrouver.

— Tes examens sont terminés ? lui demandé-je ce qui me valut une petite grimace de sa part.

— Pourquoi tu parles des trucs qui fâchent ?

— Et tu oses dire que c'est ton préféré ? intervient Gyu.

Je lui tire la langue avant de répondre à Haneul.

— Pas du tout. Je m'inquiète juste. Je veux pas que mon arrivée t'empêche de te concentrer sur tes études.

— Oh bah ne t'en fais pas, Jiminie ! JaeHyun se charge déjà de la déconcentrer.

— Crétin ! s'exclame Haneul en se défaisant de notre câlin pour courir après Gyu à travers la maison.

Je jette des regards aux deux hommes de la famille encore assis à table et aussitôt, Hee-Seung m'explique sur le ton de la confidence :

— Hannie a un petit-ami depuis quelques semaines, mais elle ne veut pas que nous soyons au courant !

— Avec Gyu, on a fait nos recherches, renchérit Tae. Ce JaeHyun est plus âgé, mais a déjà fait son service. Il est étudiant en médecine, travaille à temps partiel dans une supérette et vient d'une bonne famille. Et il est canon ! Il te plairait.

Je ris à sa dernière remarque.

— Donc tout ce qui m'intéresse selon toi, c'est le physique des mecs ?

— Absolument pas, mon chéri ! le contredit Seon-Mi.

Elle pose ses mains sur mes épaules en foudroyant mon meilleur ami du regard.

— Tu aimes les gens pour ce qu'ils sont, pas pour ce qu'ils reflètent. Tu as toujours été ainsi !

Avec Tae, nous échangeons un regard complice parce que nous savons tous les deux que même si elle dit vrai, une partie de moi aime affreusement les beaux mecs musclés. Elle m'embrasse le haut du crâne avant de retourner dans la cuisine. Je soupire en regardant la porte par laquelle elle a disparu. Sans réfléchir, je me lève et la rejoins. Elle est debout devant l'évier, les mains tenant le rebord comme si elle allait tomber si elle le lâchait.

— Tout va bien eomma ?

Elle sursaute, surprise par ma présence puis me fait face. Elle me sourit tendrement et me répond :

— Bien sûr, mon chéri.

En mon absence, elle a changé. Elle a coupé ses longs cheveux noirs, ils ne lui arrivent plus qu'au niveau des épaules à présent. Quelques mèches grises se sont faufilées aussi. Des rides au coin de ses yeux et entre les sourcils ont élu domicile. Elle a peut-être perdu un peu de poids et soudain, cette information m'alerte. Je m'approche d'elle et m'empare d'une de ses mains.

— Maintenant que tu es rentré au pays, je vais bien, me confie-t-elle en caressant ma joue de sa main libre.

Je déglutis. Ce genre de remarques est toujours à double tranchant pour moi. Elles me remplissent de gratitude et d'amour pour cette femme qui m'a élevé comme si j'étais de son propre sang. Mais elles me brisent aussi. Même s'ils m'ont toujours encouragé et soutenu, je sais que mon départ de Corée a fait beaucoup de peine à ma famille.

— Ne te méprends pas, rectifie-t-elle, je ne suis pas ravie des raisons qui t'ont fait revenir...

Je baisse la tête, ne désirant pas repenser à tout ça. Il faut que j'avance et c'est pour ça que je suis revenu ici. Être auprès de mes proches m'aidera pour ça.

— Mais j'aime te savoir près de la maison.

Elle serre ma main dans la sienne avec tendresse et amour comme elle en a toujours eu l'habitude. Je lui adresse un sourire qu'elle me rend volontiers.

— Tu es mon enfant au même titre que ces zigotos qui courent dans cette maison alors qu'ils ont plus de vingt ans.

Elle lève les yeux au ciel, désespérée par sa progéniture tandis que des bruits nous parviennent depuis l'étage.

— Espérons qu'ils ne détruiront pas tout sur leur passage !

Je rigole alors qu'elle ouvre le robinet pour commencer la vaisselle. J'attrape un torchon qui traine sur la petite table de cuisine et m'adosse au plan de travail, à côté de Seon-Mi.

— Tae nous a dit que vous partiez pour Séoul demain...

Elle me tend une casserole que je m'empresse de prendre.

— Oui.

Mes mouvements sont lents. Je prends mon temps, profitant de ces retrouvailles. J'aime être seul avec Seon-Mi. Parfois, nous nous lançons dans de grandes discussions refaisant le monde à notre manière. Parfois, le silence nous enveloppe avec tendresse. Dans tous les cas, c'est agréable.

Depuis que je connais les Kim, j'ai toujours été plus proche d'elle que de Hee-Seung bien que ce dernier soit un homme bien que j'aime sincèrement. Cela vient peut-être du fait que ma mère biologique n'a jamais été très aimante avec moi, même avant nos désaccords. J'ai trouvé auprès de Seon-Mi, cette figure maternelle qui m'a toujours manqué.

— Si vite ?

— Tae a ses répétitions pour le concert de Noël, lui rappelé-je.

— Mais pas toi !

Elle me fait une petite moue boudeuse digne d'une enfant de quatre ans. Je souris en me disant que Tae, Gyu et Haneul savent de qui tenir pour leur comportement puéril. Je pose la casserole sur la table et m'empare d'une poêle tout en lui répondant :

— J'ai des entretiens cette semaine.

Elle me jette un coup d'œil.

— Avant de partir des États-Unis, j'ai postulé à quelques cabinets et cliniques. J'ai des économies, mais je veux pas dépendre de Tae trop longtemps ou le gêner.

À peine mes mots sont sortis que je reçois une claque mouillée de la part de Seon-Mi.

— Eomma ! me plaigné-je.

— Tu ne gêneras jamais ton frère. C'est la famille, on se serre les coudes, on s'aide, c'est normal, mon chéri. Ne prends pas le premier travail qui passe, juste pour ne pas déranger. Il faut qu'il te plaise et te corresponde. D'accord ?

— D'accord eomma.

Je m'approche d'elle et lui embrasse la joue. Je la remercie et lui souffle :

— Je reviendrai un weekend, promis !

— Emmène tes frères et ta sœur avec toi alors ! Ils ne viennent plus nous voir.

Elle secoue la tête, mais je vois dans son regard qu'elle est heureuse que ses enfants aient leur propre vie.

— Je les ramènerai par la peau des fesses s'il le faut !

— Il n'y a que sur toi que je peux compter.

— C'est l'ainé, il n'a pas le choix, intervient Tae en nous rejoignant.

— C'est moi quand ça t'arrange, rétorqué-je.

Il m'adresse un immense sourire pour me signifier que j'ai totalement raison. Il pose une main sur mon épaule et ajoute :

— En plus, maintenant, je vais avoir le droit à des petits plats maison de la part de mon hyung !

Je m'apprête à lui répondre quand Gyu débarque dans la cuisine et vient se cacher derrière moi en hurlant :

— Hyung ! Aide-moi !

Haneul fait son apparition, les cheveux et le t-shirt mouillés. Je lui balance mon torchon en lui disant de se sécher, mais l'objet atterrit en plein dans son visage. Le chaos envahit alors la pièce, mais je ne peux retenir mon hilarité. Finalement, ce retour en Corée n'est peut-être pas une mauvaise chose. Il faut seulement que je voie le positif et il est là, devant mes yeux. Ma famille.

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