Chapitre 92
« Tiens, si je te file pas ça maintenant je risque d'oublier. »
Jungkook observa le paquet que Hoseok lui tendait. C'était lundi et l'étudiant n'avait même pas encore pris son service au Boy's love Café : il était à peine arrivé en salle que son patron lui avait fait signe de le suivre. Il n'avait pas hésité et les voilà tous les deux dans le bureau de Hoseok avec ce dernier qui lui tendait une élégante boîte mauve.
« C'est le coffret beauté lancé par nos sponsors et qu'on doit promouvoir. C'est des produits pour le soin du corps et du visage. Ton selfie c'est vendredi, t'as le temps de trouver une bonne idée pour te mettre en valeur tout en mettant aussi le produit et la boîte en avant... en plus elle est belle, la boîte, j'aime bien la couleur. »
Jungkook approuva d'un hochement de tête et Hoseok ne lui donna que quelques consignes de plus avant de le laisser aller se changer. Ce fut alors qu'il était sur le point de sortir de la pièce, la boîte bien rangée au fond de son sac, qu'il eut une illumination et se retourna vers son aîné.
« Hyung, j'y pense : quand est-ce que je pourrais rattraper mes cinq heures que j'avais ratées un samedi ? Maintenant que je suis en vacances, je suis dispo quand ça vous arrange.
- Je sais pas trop, hésita Hoseok avec une mine songeuse. C'est Jimin qui gère les emplois du temps, c'est à lui que tu ferais mieux de t'adresser.
- Oh, je vois... merci. Il est dans son bureau ?
- Ouaip, tu peux aller le voir tout de suite, ça sera fait.
- Je vais faire ça, merci beaucoup. »
Sa voix, plus basse, trahissait un clair manque d'enthousiasme que Hoseok ne remarqua même pas, pressé qu'il était de retourner en salle ; décidément, les vacances des étudiants étaient loin de lui en faire, des vacances. C'était une bonne chose pour le chiffre d'affaires, il fallait voir ça de façon positive. Les commandes pleuvaient et les réseaux sociaux s'enflammaient à chaque photo. Le café gagnait beaucoup en période de vacances.
Dans un soupir silencieux et conscient qu'il ne pourrait pas y échapper, Jungkook sortit du bureau de l'un pour se retrouver devant celui de l'autre. Il pourrait très bien envoyer un message à Jimin pour lui demander de changer son emploi du temps mais... ça serait étrange, non ? Et puis ça serait puéril : ce n'était pas parce que Jimin ne l'aimait pas que Jungkook devait tout à coup tout faire pour l'ignorer et l'éviter. Il était un peu plus mature que ça, d'autant plus qu'il continuait d'apprécier énormément Jimin qui demeurait un jeune garçon extrêmement bienveillant. Jungkook n'avait aucune raison de ne pas accepter de le voir pour quelque chose d'aussi banal qu'un simple changement d'emploi du temps.
Devant la porte du bureau de Jimin, il prit une longue inspiration et se décida à frapper. Un « oui ? » interrogateur lui parvint de l'intérieur et il s'annonça. Jimin l'invita aussitôt à entrer, Jungkook obéit. Il sentait déjà une pointe d'anxiété lui perforer l'estomac à l'idée de revoir celui pour qui son cœur battait si fort ces temps-ci.
Et pourtant... il avait envie de le voir, lui et son sourire rassurant, lui et son regard apaisant, lui et sa beauté ensorcelante. Lui qui le faisait toujours sentir en sécurité lorsqu'il était à ses côtés.
Jungkook se maudit : ah ça, pour être amoureux, il était amoureux...
Le jeune homme referma la porte derrière lui et se tourna vers son ami en lui adressant un léger sourire dont il espérait qu'il avait l'air sincère – il l'était, bien sûr, mais Jungkook craignait que son stress ne lui donne une expression crispée.
Jimin était aussi beau que d'habitude : son léger maquillage rendait son visage tout bonnement magnifique, ses piercings argentés demeuraient sobres et s'accordaient à merveille avec le noir charbonneux de ses cheveux et de son regard, il portait une chemise blanc légère et juste assez fine pour laisser entrevoir les tatouages sombres de ses bras, et il avait parfait son look avec une chaîne discrète à son cou ainsi que des bracelets et des bagues, tous argentés ou noirs afin de s'accorder à son style.
Même quand il cherchait à être simple, Jungkook le trouvait exceptionnel.
« Salut Kook, sourit-il comme il en avait toujours eu l'habitude, t'as besoin de quelque chose ? C'est au sujet du partenariat ?
- S-Salut, hyung. Non, c'est juste que mon emploi du temps, le samedi les cinq heures, l'autre fois, pour les décaler, un jour, t-tu te souviens ? »
Sincèrement ? Non, Jungkook lui-même ne savait pas comment il avait pu à se point s'emmêler les pinceaux. Il rougit violemment, honteux d'être à ce point déstabilisé devant celui qui demeurait pourtant son ami. Le silence fut bref dans la pièce : il fut rapidement remplacé par le gloussement cristallin de Jimin.
« Jungkook-ah, rigola-t-il, du calme, je vais pas te manger. Respire et détends-toi. C'est au sujet des heures que tu dois rattraper, c'est bien ça ?
- Oui, acquiesça doucement le jeune garçon en osant relever les yeux sur le visage rayonnant de son ami. Je suis en vacances alors... 'fin, tu vois.
- Parfait. Un mardi ou un mercredi, tu serais dispo ?
- Oui, ça serait parfait.
- D'accord. Attends deux secondes, je vais regarder le planning de la semaine à venir. »
Quelques clics plus tard, Jimin avait rivé un regard concentré sur son écran et se pinçait la lèvre inférieure entre le pouce et l'index, visiblement inconscient de son geste – et de l'effet que celui-ci avait sur Jungkook. L'étudiant le regardait faire, envoûté par l'épaisseur rosée de laquelle il n'arrivait pas à oublier le goût.
« Mardi de la semaine prochaine, de dix à quinze heures, ça t'irait ? » s'enquit Jimin en relevant la tête.
Surpris en train de lui dévorer les lèvres du regard, Jungkook tourna aussitôt les yeux et acquiesça vivement en accompagnant son geste d'un « hum hum » approbateur. La conversation donc ne s'éternisa pas, Jimin laissa son employé aller se préparer à prendre son service et, une fois seul dans son bureau, il poussa un profond soupir. Il s'enfonça dans sa chaise puis rejeta la tête en arrière. Jungkook avait beau tenter de prétendre le contraire, il n'arrivait pas à faire comme s'il ne s'était rien passé. Quant à Jimin... il ne savait pas quoi en penser. Sans doute était-il aussi troublé que son employé, finalement.
~~~
« Hyung, je t'ai dit que c'était rien, c'est pas la première fois que ça m'arrive.
- Et moi je t'ai dit de me tendre la main. Je vais désinfecter ça.
- Mais c'est...
- Ta main, » le coupa de nouveau son copain.
Avec un soupir vaincu, Soobin obéit et posa la main sur celle de Yeonjun qui, dans l'autre, tenait un petit coton imbibé de désinfectant.
C'était pendant qu'il était occupé à découper des fruits qu'il s'était entaillé la main. La coupure, si elle n'était pas profonde, était cependant longue et des gouttes de sang s'en étaient aussitôt échappées. Malheureusement pour Soobin, c'était à cet instant que Yeonjun était entré pour lui apporter une nouvelle commande... et ses yeux s'étaient écarquillés en voyant la vilaine coupure sur la main de son petit ami.
Il l'avait aussitôt obligé à passer la main sous l'eau puis, malgré ses protestations, il l'avait attiré en salle de repos où se trouvait une petite armoire à pharmacie avec une trousse de premiers secours. Yeonjun avait demandé à son cadet de s'asseoir et était allé chercher le fameux kit pendant que l'autre lui répétait que ce n'était rien du tout.
Et voilà où ils en étaient : Yeonjun avait trouvé le désinfectant, du coton, et puisque Soobin ne semblait pas s'inquiéter de sa propre blessure, c'était son copain qui allait s'en inquiéter à sa place. Le jeune cuisinier observa donc la moue concentrée qui se dessina sur le visage de Yeonjun aussitôt qu'il commença à tapoter sa paume à l'aide du petit coton. Un sourire attendri naquit sur son visage et sa main libre, il la posa sur sa joue pour la lui caresser affectueusement.
Yeonjun ferma les yeux, poussa un soupir de bien-être en stoppant ses mouvements, puis il se blottit doucement contre cette main chaude.
« Je m'inquièterai toujours pour toi, confia-t-il dans un murmure, tu pourras jamais m'en empêcher.
- Je sais... »
Soobin s'inclina lentement et déposa amoureusement ses lèvres sur les siennes. Yeonjun passa un bras autour de sa nuque afin de le garder au plus près de lui et le baiser s'éternisa, s'approfondit. Leurs lèvres d'abord se murent de manière lascive, puis l'aîné n'arriva plus à contenir son besoin de redécouvrir la langue de son copain. De la sienne il alla titiller sa lèvre inférieure pour lui intimer d'ouvrir la bouche et, si Soobin d'abord s'y refusa, il poussa un gémissement sensuel lorsque Yeonjun lui grignota sa pauvre lèvre. Ce fut de cette manière que leurs deux langues furent autorisées à se retrouver de manière tendre.
Chaque baiser qu'ils échangeaient faisait chavirer leur cœur : ils avaient tant lutté pour avoir droit à la fois à l'amour et au bonheur. Ils savaient que le simple fait de pouvoir s'embrasser était un luxe. Ils savaient que le fait que leurs collègues approuvent et encouragent leur amour était un luxe. Ils savaient que le fait de s'embrasser sur leur lieu de travail sans avoir à craindre d'être virés pour oser aimer un autre garçon était un luxe. Ils savaient que dans la société dans laquelle ils vivaient, vivre comme eux le faisaient était un luxe.
C'était sans doute pour cette raison qu'ils considéraient leur amour comme un véritable trésor.
Chaque contact était électrisant, chaque baiser faisait flancher leurs deux âmes passionnées. Ils avaient beau être encore jeunes, ils se vouaient une confiance et un amour à toute épreuve. Les obstacles qu'ils avaient surmontés leur avaient prouvé qu'ils n'avaient besoin que de la présence de l'autre pour être parfaitement comblés.
Ils ne s'écartèrent que pour échanger un long regard amoureux. Si le silence dominait, eux avaient pourtant l'impression d'entendre leur amour battre à leurs oreilles, palpitant avec la même ardeur chaque fois qu'ils s'embrassaient de manière si sincère.
« Oups, j'interromps quelque chose ? »
Les deux garçons se tournèrent vers le nouveau venu. Jungkook, une mine gênée sur le visage, se passa la main dans la nuque avant d'indiquer qu'il allait les laisser seuls.
« Non, reste, intervint Yeonjun alors que déjà il s'éloignait, comme ça tu vas pouvoir faire entendre raison à cette tête de mule.
- Tss, et c'est toi qui dis ça, rétorqua Soobin.
- Il s'est passé quoi ? leur demanda leur collègue en revenant sur ses pas.
- Je me suis coupé la main, rien de bien grave, mais comme hyung me prend pour un bébé, il a absolument tenu à désinfecter ça.
- Je te laisse imaginer sa tête quand je vais lui dire que je veux aussi lui appliquer une compresse et un bandage, ricana Yeonjun.
- T'es ridicule, c'est une coupure, pas une blessure de guerre.
- T'en penses quoi, toi ? »
Yeonjun avait tourné de nouveau la tête vers Jungkook qui roula des yeux malgré le sourire amusé qui était apparu sur ses lèvres.
« Moi, dit-il, j'en pense qu'il manque un serveur et un cuisinier à notre équipe déjà trop petite pour ne pas courir partout tellement y a du monde. Alors dépêchez-vous d'arranger ça et de retourner au boulot.
- S'il me met pas de bandages on gagnera du temps, argumenta Soobin. Ça ne saigne même plus. Je...
- Et il te mettra un bandage, le coupa Jungkook. Il a raison, c'est pas beau à voir.
- Vous avez tous décidé d'être contre moi aujourd'hui, c'est ça ?
- Exactement. Maintenant profite d'avoir un copain aussi prévenant et laisse-le faire. »
Yeonjun acquiesça fièrement, Soobin laissa échapper un rire discret mais n'ajouta rien. Il baissa au contraire les bras et s'abandonna aux mains prudentes et délicates de son copain.
Jungkook en vérité avait vu Yeonjun entrer en cuisine quelques minutes plus tôt et s'était étonné de ne pas l'en voir ressortir. Il était allé voir et avait constaté l'absence non seulement du jeune serveur mais aussi du cuisinier. Surpris – et parce que les deux garçons n'étaient clairement pas du genre à lâcher leur travail sans avoir une excellente raison –, il était allé voir s'ils n'étaient pas en salle de repos et c'était finalement là qu'il les avait trouvés, en train d'échanger un attendrissant regard.
Le performeur quitta la pièce et Yeonjun reprit ce qu'il faisait sans cette fois-ci subir les protestations de Soobin. La plaie désinfectée, il posa une compresse stérile dessus et enroula sa paume dans un bandage. Une fois son œuvre achevée, Yeonjun n'oublia pas de déposer un baiser innocent sur le dos de la main de son copain dont le sourire s'agrandit.
Ils se redressèrent, laissèrent leurs lèvres se rejoindre brièvement une fois de plus, puis ils retournèrent à leur tâche.
~~~
Hoseok eut une mine surprise.
« Tu as arrêté les cours ? s'étonna-t-il. Jimin estime que t'es assez à l'aise ?
- Ouais, approuva Jungkook en tentant de dissimuler son malaise. On en a discuté et il a dit que ça n'était plus nécessaire. Du coup on s'est dit que... voilà quoi, c'était pas utile de continuer...
- Ah... d'accord. »
Le jeune performeur devait bien reconnaître que c'était assez surprenant : Jungkook demeurait excessivement timide. Même s'il ne bégayait que quand il était gêné et qu'il était plus décontracté pendant les performances, il demeurait toujours sur la retenue et ne parvenait pas à se laisser complètement aller. Hoseok avait la sensation que son ami s'investissait encore trop dans son personnage au lieu de réussir à mettre une distance suffisante pour être parfaitement à l'aise avec lui.
« Bon, reprit-il malgré tout, dans ce cas tu peux partir maintenant, Yoongi-hyung et moi on va faire la fermeture.
- Vous êtes sûrs ?
- Ouais, t'embête pas. »
Jungkook hocha vivement la tête : il n'avait pas dit ça pour échapper à la corvée de fermeture, simplement pour tenir son ami informé. Malgré tout, il n'ajouta rien et, puisque c'était l'heure, il alla se changer. Ses affaires en main, il retourna à la salle principale, salua Yoongi et Hoseok qui se disputaient pour savoir lequel devrait passer l'aspirateur, et il quitta l'établissement avec un sourire moqueur aux lèvres.
Sourire qu'il perdit très rapidement.
« Hey, Kook ! »
Jimin lui fit signe, il l'attendait juste devant les escaliers, adossé à la rambarde de fer forgé. L'air était lourd, chargé d'humidité, il avait plu la veille et ça n'avait cessé que dans la matinée. C'était d'autant plus anxiogène pour Jungkook qui se sentait oppressé. Malgré tout il retrouva rapidement son sourire et rendit son salut à son aîné avant de lui demander ce qu'il faisait là.
« Je t'attendais pour te raccompagner à ton arrêt, indiqua Jimin. Ça ne te dérange pas ? »
Il n'avait pas vraiment la sensation d'avoir le choix, refuser serait loin d'être poli.
« Non, bien sûr que non, dit-il. Allons-y. »
Jimin acquiesça et lui emboita le pas. Les premières minutes furent silencieuses, l'atmosphère était désagréable : c'était ce genre de silences qui signifiait clairement un refus de parler – ou du moins une incapacité à le faire. Si Jungkook s'en accommodait, ce n'était pas le cas de son ami.
« Écoute, Kook, je comprends que tu sois gêné, mais ça m'ennuie vraiment que ça ait à ce point transformé notre relation. Est-ce qu'on peut en parler à cœur ouvert, tout se dire ? »
Jungkook avait envie de répondre que non, que c'était beaucoup trop embarrassant... mais pour être tout à fait franc, lui aussi il voulait retrouver cette relation qu'il avait avec Jimin. Il savait que lui exprimer ses sentiments et la façon dont il se sentait, ça allait être une des choses les plus gênantes qu'il ait eu à faire mais... c'était leur amitié qui était en jeu. Elle comptait beaucoup pour lui.
« Oui... d'accord.
- Ça te dérange si on va chez toi ? La rue c'est pas l'endroit idéal pour discuter de ça. »
Jungkook acquiesça une fois de plus. Le silence qui plana entre eux ensuite n'avait plus rien de tendu : ils étaient simplement en train de réfléchir à ce qu'ils allaient dire, à la manière dont ils allaient l'aborder et le tourner. Jungkook avait en son cœur mille sentiments sur lesquels il n'était pas certain de pouvoir mettre des mots.
Le trajet passa avec une étonnante rapidité et, lorsqu'il referma sa porte et se déchaussa, il sut que ça allait être l'heure d'être complètement honnête. Jimin et lui allèrent s'installer non pas sur la table mais sur le lit. Jungkook en effet était toujours plus à l'aise pour discuter quand il était assis en tailleurs sur son matelas. Et puis... assis de cette manière, il pouvait remonter le drap jusque sur ses hanches, ça avait quelque chose de rassurant : il s'y sentait caché, ça lui servait de bouclier contre ses craintes.
« Bon, je vais commencer, décida Jimin après une longue inspiration. Avec tout le temps qu'on a passé ensemble ces dernières semaines, je me suis rapidement senti très proche de toi. Je t'aime beaucoup, t'es quelqu'un de formidable. Je n'ai eu qu'une seule relation dans ma vie, mais c'est pas fait pour moi, ça m'ennuie.
- Ça t'ennuie ? » répéta Jungkook d'un ton surpris.
C'était après tout assez étonnant d'entendre ces mots de la part de celui qui avait créé le Boy's love Café, non ?
« Oui, ça m'ennuie. C'est pas pour moi, tout simplement. Je préfère draguer, c'est plus amusant et ça n'engage à rien. Ce n'est jamais monotone, c'est comme un défi à relever à chaque fois. »
Jungkook prit une moue dubitative : faire durer son couple devait procurer une sensation bien plus agréable que de draguer indéfiniment, non ? Bien sûr, lui il n'en savait rien, il n'avait jamais vécu ni l'un ni l'autre alors que c'était quelque chose que Jimin connaissait mais... Sans doute chacun avait-il sa propre vision des choses, tout le monde était différent après tout, ce n'était pas critiquable et Jungkook était bien le dernier à se permettre de juger quiconque.
« Alors si tu veux savoir, continua Jimin, si j'avais été en boîte de nuit et que je t'avais aperçu parmi la foule, ouais, je serais venu te draguer, j'aurais essayé de t'avoir. Parce que t'es super mignon, c'est absolument indéniable. Mais il se trouve que t'es mon ami. Je te connais, je connais ton caractère, et je ne pourrais jamais me résoudre à te faire du mal. Notre relation doit rester simplement amicale, je ne veux pas que ça aille plus loin. Je... j'ai conscience d'avoir peut-être franchi la limite à certains moments, je regrette que ça ait pu prêter à confusion et te donner de faux espoirs.
- C'est rien...
- À toi, maintenant.
- Euh... j-je commence par où ?
- Vide ton sac, complètement. Et n'aie pas honte, tu n'as pas de raisons de te sentir gêné. On a tous des sentiments, ce sont eux qui nous rendent humains. D'accord ? »
Jungkook opina et déglutit. Avoir entendu Jimin être honnête envers lui, ça l'aidait à comprendre qu'il pouvait l'être à son tour. Il pouvait parler à cœur ouvert.
« Tu m'as beaucoup aidé ces dernières semaines alors... j'ai fini par m'attacher à toi, se confia-t-il à voix basse mais sans bégayer. Mes peurs, mes doutes, tu les as balayés. À mesure que tu m'aidais à surmonter mon passé, je t'admirais de plus en plus et j'avais la sensation de pouvoir m'ouvrir complètement – c'est encore le cas. J-Je t'aime parce que... parce que tout ça. Parce que tout est tellement confus en moi que mon cœur s'emballe, parce qu'un petit rien, un simple geste, et j'ai l'impression que tu fais naître des étoiles dans mes yeux. »
Le teint empourpré mais néanmoins déterminé à aller jusqu'au bout, Jungkook prit à peine le temps de respirer et poursuivit, de crainte de voir tout son courage s'évaporer s'il cessait de parler.
« J'ai honte de ce que je ressens pour toi, je ne veux pas que ça entache notre amitié mais c'est pourtant moi qui n'ose plus t'approcher. En fait... j'ai seulement besoin de quelques semaines pour t'oublier, je t'assure. Juste quelques semaines pendant lesquelles on se verrait pas. Comme ça je pourrais me concentrer sur autre chose et laisser mes sentiments stupides s'essouffler puis s'éteindre. M-Mon ancien collègue Baekhyun m'a proposé une fête samedi, je pourrais peut-être y aller pour une fois, ça me changerait les idées. Je te jure que j'essaie de permettre à ce que je ressens de se dissiper.
« Je sais que tu n'aimes pas que je le dise, mais je m'excuse encore une fois de t'avoir embrassé sans te l'avoir demandé. C'était idiot de ma part, j'ai l'impression d'avoir tout fait foirer. Mais t'en fais pas, je te l'ai dit : dans quelques semaines, quand ce coup de cœur stupide sera passé, tout sera de nouveau comme s'il ne s'était rien passé, je te le promets. Je me connais, ça passera... mais seulement si j'ai l'occasion de ne pas penser à toi. »
Jimin ne sut pas si c'était à cause du fait que Jungkook n'avait presque pas bégayé ou bien à cause de ces mots candides et teintés de détresse, mais il fut particulièrement touché par la déclaration de son cadet. Jungkook lui avait déjà confié son passé, ses doutes, ses craintes... mais jamais ses sentiments. C'était déstabilisant mais agréable.
Comme un doux vertige.
« J'imagine qu'il faudra y aller tranquillement, reprit-il en posant une main amicale sur l'épaule de son cadet en face de qui il était. Ça me touche beaucoup, tout ce que t'as dit. Quant à ces efforts que tu promets de faire pour oublier tes sentiments... je suis désolé, vraiment, de ne pas ressentir pour toi ce que tu ressens pour moi. T'es un ami formidable, Kook, et je pense honnêtement pas que ne plus se voir pendant un certain temps soit une bonne idée. Je veux dire... »
Il soupira et chercha ses mots de longues secondes pendant lesquelles Jungkook baissa les yeux d'un air peiné. Le jeune étudiant savait parfaitement comment fonctionnait son cœur, il avait besoin de se tenir à l'écart de celui qu'il aimait s'il ne voulait pas souffrir davantage. Il avait compris qu'il était inutile d'espérer, ce n'était plus qu'une question de temps avant que son cœur ne l'admette à son tour.
« Je veux juste dire que je voudrais que tu me parles au café comme tu me parles là : pourquoi t'étais si timide dans mon bureau alors que là t'oses me dévoiler ainsi tes sentiments ?
- C'est le drap, tenta de plaisanter Jungkook d'une voix peu assurée. Je me sens bien dans mon lit. »
Il esquissa un sourire amusé à ses propres mots et Jimin eut une mine taquine.
« C'est pour ça que l'autre fois tu avais osé me demander de te toucher ? Ton lit te permet à ce point d'être franc ? »
Jungkook, toujours aussi empourpré, baissa les yeux dans un haussement d'épaules. Oui, ça l'avait sans doute aidé un peu mais... c'était avant tout ses désirs et sa détresse qui avaient parlé ce soir-là. Jimin sourit et, comme à son habitude, lui attrapa délicatement le menton pour lui faire relever la tête.
« Et pourtant, même dans ce lit tu ne peux pas t'empêcher de baisser les yeux. »
Jungkook poussa un soupir en fermant les paupières : il avait tellement envie de l'embrasser, comment Jimin pouvait-il agir ainsi et lui demander en même temps de ne rien ressentir pour lui ? C'était si compliqué...
« S'il te plaît, lui dit-il d'un ton vulnérable, tu es avec Jungkook, pas avec Kookie... Alors arrête de performer.
- Mais je ne...
- Si, hyung, le coupa Jungkook, tu t'en rends peut-être pas compte parce que c'est aussi ce que tu es, parce que ton personnage est une partie de toi... mais... hyung, c'est difficile. S'il te plaît, fais pas ça...
- Je suis désolé...
- T'as pas à l'être, t'inquiète. »
Malgré tout Jimin soupira et se laissa tomber en arrière pour se retrouver allongé sur les couvertures de son ami. Draguer c'était tout ce qu'il faisait depuis des années. Il ne cherchait pas à aller plus loin avec les conquêtes qu'il avait... et de toute façon ça faisait un bon bout de temps qu'il n'allait plus en boîte de nuit et qu'il n'avait pas couché avec quelqu'un. Le café se développait particulièrement bien, il n'avait plus le temps ni le courage de passer ses soirées ailleurs que chez lui.
Même s'il savait qu'il se maudirait de faire ça, même s'il savait que c'était la pire idée qu'il ait eue, Jungkook ne fut pas capable de résister à son cœur. Il se redressa doucement, grignota le petit mètre qui le séparait de Jimin et s'allongea à ses côtés. Il posa aussitôt le front contre son cou et le torse au bord du sien tandis qu'il agrippait délicatement sa chemise.
« Kook... qu'est-ce que tu fais ? demanda Jimin d'un ton surpris sans oser le repousser.
- Je veux juste... profiter une dernière fois de t'aimer. Juste goûter une dernière fois à ce sentiment agréable d'être dans tes bras... je peux ? »
La réponse de Jimin fut l'étreinte qu'il lui offrit. Jungkook ferma les yeux et sentit sa gorge se serrer : il aurait voulu connaître quelqu'un qui l'aimerait autant que Yeonjun et Soobin s'aimaient, autant que Yoongi aimait Hoseok, autant que Taehyung aimait Seokjin... simplement quelqu'un qui l'aimerait autant que lui l'aimait.
Alors il se blottit un peu plus contre Jimin, le cœur en peine. Pourquoi se réfugiait-il dans ses bras ? Pourquoi trouvait-il encore qu'ils étaient l'endroit le plus réconfortant du monde alors même qu'ils ressemblaient plus qu'autre chose à un inaccessible paradis ? Il devrait s'en tenir éloigné, pas s'y noyer ; ce n'était qu'un agréable mirage qui cachait une douloureuse réalité.
« Je suis désolé, souffla encore Jimin qui avait entrepris de lui caresser le dos avec tendresse.
- C'est rien... »
Jungkook ne fut pas en mesure de savoir ce qui s'était passé ensuite : les secondes étaient devenues des minutes, les minutes étaient devenues des rêveries, et les rêveries avaient progressivement laissé la place aux rêves.
Les deux garçons s'étaient endormis dans les bras l'un de l'autre.
~~~
Jungkook ne se réveilla qu'au petit matin à cause du mouvement de celui qui le tenait toujours contre lui. Il ouvrit les yeux et se rendit aussitôt compte de ce qu'il avait fait et de l'erreur monumentale que ça représentait.
En plus, Jimin était plus beau que jamais à son réveil.
Les deux garçons clignèrent des paupières quelques instants pour s'habituer à la luminosité de la pièce de laquelle les stores n'avaient pas été baissés. Ils échangèrent ensuite un regard qui en disait long ; Jungkook était dépassé, Jimin ne comprenait pas ce qui lui avait pris. Mais ça ne changeait rien, ils s'étreignaient toujours.
Peut-être finalement que c'était ça que Jungkook avait espéré de la soirée de la veille : passer un ultime moment avec Jimin, comme le protagoniste de son livre l'aurait sans doute fait avant la nécessaire séparation... sauf que Jimin et lui n'allaient pas se séparer. Ils allaient simplement être les mêmes qu'avant. Deux amis, deux collègues, deux performeurs qui faisaient semblant de s'aimer.
Pour les clients.
Tout simplement.
Jimin s'assit, entraînant son cadet dans son mouvement. Ils se retrouvèrent de nouveau face à face, plus proches que la veille cette fois-ci.
« J'aurais pas dû m'endormir, soupira-t-il, je vais m'en aller.
- T'as le droit de rester prendre le petit déjeuner, tu sais. On est amis après tout, non ?
- Kook, hier t'as dit que tu voulais qu'on garde nos distances.
- Je crois que cette nuit nous a prouvé que mes actes n'étaient pas toujours en accord avec mes pensées...
- Alors décide-toi : qu'est-ce que tu attends de moi ? »
Ça... Jungkook n'en avait pas la moindre idée : sa raison lui disait de se tenir à l'écart de Jimin pour pouvoir l'oublier, pourtant son cœur le suppliait de rester tout près de lui et de se perdre dans l'amour trompeur que leur statut de performeur lui offrait.
C'était cruel.
Alors Jungkook se demanda ce que son protagoniste aurait répondu à celui qu'il aimait. Qu'aurait-il dit ? Se serait-il lancé dans une longue tirade émouvante au sujet de ce qu'il ressentait ? Non, ce n'était pas vraiment son genre : dans un moment pareil, comme lui son protagoniste aurait sans doute été dépassé par les évènements. Il n'aurait pas été en mesure de réfléchir pour donner une réponse qui aurait pu permettre aux choses de rentrer dans l'ordre.
Il aurait agi sans s'inquiéter des conséquences, écoutant simplement un instinct qu'il savait destructeur mais auquel il ne pouvait pas résister. Alors Jungkook décida d'agir.
Il s'approcha de Jimin et, agenouillé à ses côtés, il posa les mains sur son torse en avançant le visage vers le sien. Il l'interrogea du regard et murmura un simple « hyung » suppliant. Jimin non plus, il ne réfléchit pas : ce fut cette fois-ci lui qui coupa court aux minuscules centimètres qui les séparaient.
Alors, comme dans son roman, Jungkook se retrouva là à embrasser une fois de plus celui pour qui son cœur avait chaviré de longues semaines plus tôt. Ses lèvres, qu'est-ce qu'elles lui avaient manqué ces derniers jours : si douces, pulpeuses, si fragiles. Les yeux clos, il appréciait ces sensations qui lui serraient l'estomac, aussi bien sous l'effet du plaisir que de la culpabilité. Il avait conscience que c'était sans doute le dernier baiser qu'il s'autoriserait avec Jimin, il voulait en profiter une ultime fois.
Oui, parce qu'après ça il ne laisserait plus son cœur décider pour lui. Il cesserait d'approcher Jimin. Il ne l'embrasserait plus. Il ne se perdrait plus dans la douceur caressante de ses baisers. Il ne s'abandonnerait plus à ses étreintes tendres. Il ne se ferait plus berner par les mots qu'il adressait à Kookie.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top