Chapitre 174

Jungkook ne réagit pas. Il ne savait pas comment réagir. Il n'y croyait pas. Il lisait. Il relisait. Il relisait encore. « Peu importe qui tu aimes ». Peu importe. Jimin...

Ses paupières papillonnèrent lorsque sa mère, debout derrière lui, passa une main aimante dans ses cheveux bruns. Elle se pencha et lui embrassa le front avec une tendresse toute maternelle.

« Une maman sent ces choses-là, mon Kook-ah.

- Tu... »

Il ne sut pas comment poursuivre sa phrase : « tu es au courant » ? « Tu l'as su quand » ? « Tu ne m'en veux donc pas » ? Que dire ? Pourquoi son esprit était-il si confus ? Il n'était pas certain de comprendre ce qui venait de se passer.

« Ton fond d'écran, expliqua-t-elle. Quand t'es venu la dernière fois avec Jimin, on est allés se balader tous les trois. Ton portable a vibré, t'y as jeté un œil. Ça a été furtif, mais j'ai pu voir ton fond d'écran. Une photo de Jimin. Entre ça et le reste, ça laisse peu de doutes. »

Jungkook n'en rougit même pas. Dans sa tête, c'était ce « Peu importe qui tu aimes » qui tournait en boucle, qui chantait, qui lui souriait. « Peu importe qui tu aimes ». « Peu importe qui tu aimes ». « Nous serons toujours fiers de toi ».

Alors, brusquement, le cœur de Jungkook se souleva en même temps que sa lèvre se mettait à trembler et que ses yeux se remplissaient de larmes. Il plaqua les mains sur son visage tandis qu'enfin il comprenait : l'amour que ses parents lui portaient n'aurait jamais pour limite celui que lui-même porterait à quelqu'un. Même si ce quelqu'un était un garçon. Deux bras s'enroulèrent autour de son corps en même temps que le parfum de sa mère l'enveloppait.

« Je t'aime, mon bébé, je t'aime. »

Seul un sanglot lui répondit, un hoquet qui échappa à Jungkook. L'étudiant laissa ses émotions le submerger et put alors sentir sur sa cuisse se déposer la paume toujours aussi rassurante de Jimin. Ce dernier – son cadet ne put pas le voir – avait lui aussi les larmes aux yeux. Entendre qu'on l'acceptait, qu'on acceptait qu'il puisse avoir des sentiments, c'était... indescriptible. Il aurait cru que les parents de Jungkook le regarderaient de travers en apprenant leur relation, qu'ils jugeraient qu'il avait dû « convaincre leur fils d'être gay » – oui, il avait déjà entendu ça. Il avait cru que les parents de Jungkook tiendraient Jimin pour responsable de la sexualité de leur fils...

Mais non.

Le père de Jungkook, au contraire, lui tendit un mouchoir avec un regard bienveillant et un demi-sourire, ému lui aussi. Lorsque Jimin le remercia, il ne fut pas certain de le remercier pour le mouchoir ou bien pour... quoi, au juste ? Pour laisser Jungkook l'aimer ? Pour ne pas renier leur fils sous prétexte de quelque chose d'aussi intime que sa sexualité ? Pour leur avoir exprimé leur soutien là où d'autres leur auraient craché leur haine au visage ?

Probablement pour tout ça à la fois.

Et ses larmes... c'était le soulagement, la joie, l'espoir d'un futur d'une beauté que rien ne pourrait plus ternir. Ou bien la confiance qu'il avait retrouvée. Les parents de son copain l'acceptaient, les acceptaient, les encourageaient à n'éprouver aucune honte.

Jimin alors en fut certain : la cicatrice tracée sur son cœur n'était plus aussi visible qu'avant.

Il couva son petit ami d'un regard dont il ne s'inquiétait plus qu'il trahisse ses sentiments pour lui. Malgré ses mains toujours sur son visage, Jungkook sentait ses larmes glisser jusqu'à son menton et chuter ensuite jusque sur le col de son t-shirt. Il demeurait blotti dans l'étreinte de sa mère que Jimin sentait bouleversée.

Elle était à la fois heureuse de voir son fils s'épanouir et peinée de constater qu'il avait tant craint leur regard sur son couple. Comment avait-il pu croire qu'elle pourrait le rejeter, lui, son bébé, son enfant, son petit homme, tout ça pour quelque chose d'aussi incontrôlable et imprévisible que ses sentiments ?

Les sanglots de Jungkook faisaient par moment trembler son corps. Il cherchait à faire cesser ce flot d'émotions qui déclenchait chez lui une si vive réaction, mais c'était impossible. Des années qu'il gardait pour lui ce secret dont la société lui avait fait avoir honte, des années qu'il veillait à ce que ses parents n'apprennent rien. Ça lui pesait tant, surtout depuis son couple avec Jimin.

Parce que malgré la honte, il était si fier d'aimer et d'être aimé de quelqu'un comme Jimin... Et ses parents, ils étaient fiers de lui, ils l'aimaient.

Il fallut bien deux longues minutes – cent vingt secondes, ce n'était pas rien – à Jungkook pour calmer l'ouragan d'émotions qui tempêtait en lui.

« Je suis désolé de vous avoir rien dit, soupira-t-il lorsque sa mère l'eut lâché pour retourner s'asseoir. C'est juste que...

- On sait, le coupa son père, t'as pas à t'excuser pour ça. On sait qui tu es, ce que tu vaux, et le plus important pour nous, c'est que tu sois épanoui. Aimer un autre homme, ça veut pas dire s'éloigner du droit chemin. T'es un garçon respectable et dont on est fiers, ta mère et moi. Si c'est Jimin que t'aimes, alors on sera ravi de l'accueillir ici chaque fois qu'il aura envie de passer.

- Merci beaucoup, papa.

- Merci, monsieur Jeon, déclara Jimin en inclinant la tête. J'ai... j'ai connu des gens beaucoup moins tolérants que vous. Ça compte beaucoup pour Jungkook et moi de savoir que vous êtes aussi compréhensifs.

- Y a pas à comprendre quand il s'agit d'amour, affirma madame Jeon.

- Et puisque tout est dit, les garçons, si nous fêtions non seulement l'anniversaire de Jungkook mais aussi votre couple ? »

Jungkook approuva, les pommettes rougies. Il était tout simplement ravi, c'était sans le moindre doute le plus beau cadeau d'anniversaire que ses parents aient pu lui offrir : la preuve qu'ils l'aimaient sincèrement.

Il s'essuya les yeux, se moucha, et chacun se servit de ce qui lui faisait envie sur la table tandis que la conversation reprenait : les parents de Jungkook étaient curieux au sujet de Jimin, ils voulaient en savoir plus sur la façon dont Jungkook et lui s'étaient rencontrés, sur ce qu'il faisait dans la vie, ses projets, ses loisirs, sa famille, etc.

En bref, la nuit était tombée et il n'y avait plus rien sur la table depuis longtemps lorsque les discussions cessèrent. Jimin se sentait sur un petit nuage : les Jeon ne lui manifestaient pas la moindre hostilité. Ils s'intéressaient à lui, lui souriaient de manière sincère, riaient parfois, et à aucun moment il n'avait ressenti la moindre tension – pas même quand Jungkook, fatigué par son ventre rempli, avait posé la tête sur son épaule. Tout avait été si agréable qu'il peinait à y croire, c'était pareil à un rêve éveillé.

Une fois la cuisine rangée – Jimin et Jungkook donnèrent un coup de main aux Jeon –, les quatre adultes s'installèrent sur le canapé pour suivre une émission musicale populaire. Jungkook ne l'avait pas regardée depuis longtemps mais, dans ces souvenirs, c'était comparable à une tradition familiale : c'était l'émission du samedi soir. Le moment où son père devait impérativement être là, le moment où sa mère ne devait surtout pas oublier d'acheter de quoi grignoter, le moment où Jungkook devait avoir fini tous ses devoirs pour s'installer sereinement auprès de ses parents. En bref, c'était le moment où toute la famille se réunissait inlassablement, semaine après semaine.

Aux yeux de Jungkook, cette soirée qu'ils se libéraient chaque fois tous les trois était devenue leur havre de tranquillité, une soirée au cours de laquelle il pouvait être certain que ses deux parents éteindraient leur portable. C'était deux heures qu'il aimait plus que tout également parce que pendant chaque coupure publicitaire, ils avaient l'habitude de discuter de ce qu'ils avaient fait au cours de la semaine. C'était si rare pour eux de se retrouver pour un tel moment de partage que Jungkook, alors adolescent, éprouvait sans cesse un bonheur immense.

Et aujourd'hui, cette tradition qui tenait du sacré, Jungkook la partageait avec Jimin. Ce dernier ne s'en était probablement pas rendu compte, mais à travers sa présence, les Jeon l'avaient implicitement accepté dans la famille.

Ainsi, une fois la télé éteinte et chacun prêt à aller se coucher, madame Jeon tourna un regard bienveillant vers l'invité : « Jimin-ah... ne te sens pas obligé de dormir sur le yo, d'accord ? Le lit de Jungkook est bien assez grand pour vous deux.

- C'est un lit simple, » répliqua son fils sans comprendre.

Puis le rictus de sa mère lui éclaircit les idées et, pour la seconde fois de la soirée, ses joues prirent une teinte écarlate qui fit ricaner Jimin. Ce dernier lui prit la main et, après avoir souhaité une bonne nuit aux parents de son copain, il l'attira à sa suite dans la chambre. Jungkook avait marmonné quelque chose qui ressemblait à un « dormez bien » puis s'était laissé guider.

Les deux garçons dormirent dans le même lit, cette nuit-là, enlacés comme ils en avaient l'habitude.

Ce fut en fin de matinée, en ce dimanche paisible, qu'ils rentrèrent à Séoul. Le trajet leur sembla plus long qu'à l'allée, probablement parce que cette fois, ils n'étaient pas somnolents. En revanche, lorsqu'ils arrivèrent chez Jimin, après de longues heures de trajet, ils s'étalèrent lamentablement sur le lit sans même s'être débarrassés de leur veste.

« J'suis mort, Kook, se plaignit son compagnon à qui il avait fallu avant ça deux bonnes minutes pour retirer ses chaussures.

- Moi aussi, laisse-moi mourir en paix...

- On se met un drama ?

- Pour le regarder ou pour dormir devant ?

- Pour dormir devant, t'as cru quoi ? »

Jimin sentait ses paupières se fermer sans son autorisation. Son corps lui paraissait mou, pareil à une flaque visqueuse sans réelle consistance. Il n'aurait ni la force d'allumer son ordinateur pour mettre un drama, ni même le courage de retirer son jean pour dormir à son aise. Affalé sur le lit, sur le ventre, la tête dans l'oreiller et un pied hors du lit, il s'endormit juste après ces mots – ce dont s'aperçut Jungkook lorsqu'il lui demanda quel drama il voudrait mettre et qu'il n'obtint aucune réponse.

Un sourire tendre au visage, l'étudiant retira son pantalon puis se rapprocha de son copain pour dormir tout contre lui. À son tour, il ne tarda pas à fermer les yeux, incapable de résister plus longtemps à ses paupières rendues beaucoup trop lourdes par leur trajet. Une fois ses yeux clos, il fut aussitôt capturé par le sommeil auquel il s'abandonna bien volontiers.

Lorsqu'il se réveilla, il se trouvait dans les bras de Jimin, dos à lui qui le tenait tout contre son torse sans même s'en rendre compte. Il dormait toujours tranquillement, Jungkook pouvait percevoir son souffle lui caresser la nuque de manière régulière. Ça chatouillait un peu, aussi, si bien qu'il esquissa un sourire enfantin. Tout lui semblait aller pour le mieux, il se sentait en confiance, rassuré maintenant que ses parents lui avaient affirmé l'aimer tel qu'il était.

Le cœur léger, Jungkook s'enfonça plus agréablement dans l'étreinte de son petit ami qui se resserra alors autour de lui. C'était mignon, ces réflexes que Jimin avait parfois pendant qu'il était endormi.

Les minutes passèrent, reposantes. L'après-midi débutait à peine, ils avaient encore bon nombre d'heures devant eux. De fait, Jungkook replongea peu à peu dans une léthargie qui le maintint entre rêve et réalité pendant un temps qu'il fut incapable d'évaluer.

Ce fut le mouvement de Jimin qui le réveilla parfaitement. Son mouvement et sa bosse qu'il venait de coller contre les fesses de son cadet dont les yeux s'écarquillèrent à cette sensation. Jimin se réveillait progressivement, en revanche il y avait une partie de son corps qui, à n'en point douter, était bien réveillée.

Rouge de gêne malgré un rictus amusé à peine perceptible, Jungkook resta immobile. La respiration de Jimin retrouva un rythme normal, un peu plus rapide que celle qu'il avait quand il dormait. Jungkook crut un instant qu'il déposait de petits baisers sur sa nuque blanche, néanmoins la sensation lui parut si floue qu'il ne sut pas s'il s'agissait ou non d'un rêve.

Les frissons qui couvrirent l'endroit où il avait senti sa bouche pulpeuse et coururent le long de son dos trahirent le fait qu'il était bel et bien réveillé – ou du moins qu'il avait perçu ce petit geste innocent.

« Kook-ah ?

- Oui ?

- Oh... je croyais que tu dormais. »

Jungkook ne trouva rien à répondre ; il se tut. Jimin se blottit contre lui, malheureusement dans son geste, son bassin se mut également, permettant à son cadet d'avoir cette fois la certitude que le jean du jeune homme dissimulait bel et bien un problème de bonne taille.

Immédiatement, il regretta de s'être débarrassé de son propre jean : son seul caleçon laissait peu de doutes quant à la forme qui se pressait tout contre lui, et c'était... eh bien... Jungkook n'en était pas certain : il éprouvait un mélange de gêne et d'excitation qu'il n'était pas en mesure de qualifier mais qui, il devait l'admettre, lui plaisait – lui plaisait même beaucoup.

Et contre sa nuque, il comprit que Jimin était excité à sa respiration qui avait gagné en profondeur et s'était faite plus lourde.

« Je suis désolé, murmura ce dernier. Bouge pas, ça va partir. »

Timide, Jungkook se contenta d'acquiescer sans oser ajouter quoi que ce soit à ce sujet. Un petit baiser fut déposé une fois de plus contre sa nuque et il sembla à l'étudiant que son copain faisait tout son possible pour se contrôler afin de pouvoir rester avec lui, paisiblement allongé dans ce lit.

Jungkook, bien que silencieux, aurait aimé lui dire... qu'il n'avait pas envie que ça parte, du moins pas comme ça, pas sans son aide. Était-ce étrange venant de lui ? Ses désirs le consumaient de manière plus vive à mesure que les jours passaient, c'était un bonheur autant qu'une gêne. Les sensations, en effet, étaient délicieuses, mais sa pudeur et sa timidité le poussaient à éprouver du remords. C'était normal, pourtant, d'avoir envie de coucher avec celui qu'il aimait, alors pourquoi s'en vouloir ? Il n'en avait pas la moindre idée, mais il s'en voulait.

Une pulsion lui donna cependant un soudain coup de chaud. Son cœur lui parut se tordre dans sa poitrine et il se mordit la lèvre. Son corps désobéit à son esprit, comme s'il était tout à coup doté d'une volonté qui lui était propre – comme s'il protestait contre le caractère timoré de Jungkook. Ainsi, sans même s'en rendre compte ni l'avoir décidé, l'étudiant recula juste assez pour que son corps soit complètement collé à celui de Jimin... et il enclencha de lascifs mouvements du bassin.

La respiration de l'aîné se coupa aussitôt, et Jungkook rougit en se figurant les yeux ronds qu'il avait dû ouvrir. Heureusement qu'il était dos à lui...

« Kook-ah... qu'est-ce que... putain, soupira-t-il lourdement.

- J'ai envie aussi, murmura Jungkook sans se sentir capable de parler plus fort.

- E-Envie ?

- Est-ce que... je pourrais t'aider à te débarrasser de ton problème ?

- Si tu continues à bouger ces magnifiques fesses contre moi, t'inquiète pas qu'il sera parti d'ici deux minutes, mon problème... »

Sa voix était si sensuelle, leurs deux corps se réclamaient si fort. Jungkook était déjà dans un état second.

Et il adorait ça.

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