Chapitre 168

Dès l'instant où Jimin franchit le seuil de son appartement, il éprouva une étrange sensation. C'était indescriptible, mais il ressentait une tension qu'il n'expliquait pas. Jungkook, pourtant, était tranquillement installé dans le salon. Son aîné l'y rejoignit après avoir retiré ses chaussures. L'étudiant était assis en tailleur sur le canapé, occupé à écrire son roman sur son ordinateur portable.

Jungkook était toujours adorable quand il écrivait : il avait une moue concentrée et avançait parfois les lèvres, geste inconscient mais qui le rendait d'autant plus mignon. Or ce soir-là, si Jungkook avait un visage similaire à celui qu'il arborait habituellement, Jimin cependant y décelait non de la concentration, mais plutôt de l'inquiétude.

« Hello, Kook-ah, le salua-t-il, tu vas bien ?

- Oui, oui, et toi ? »

La réponse, lâchée d'un ton pensif, poussa Jimin à froncer les sourcils.

« T'en es bien sûr ? T'as l'air ailleurs.

- Ah bon ?

- Oui. Il s'est passé quelque chose, aujourd'hui ?

- Non, rien de spécial. Je suis allé chez Taehyung après les cours, mais sinon rien.

- Et il va comment ?

- Toujours aussi bien que d'habitude, » affirma Jungkook en tournant de nouveau son attention sur son écran.

Ce n'était pas rare que l'étudiant se montre peu bavard. En revanche, cette fois-ci, il était évident qu'il cherchait avant tout à fuir la conversation.

« Kook, souviens-toi que plus t'es mal à l'aise, plus t'es transparent. Qu'est-ce qui va pas ?

- C'est rien, t'inquiète pas. Tout va bien. »

Mais comme les autres « c'est rien » qu'il avait pu lui dire ces derniers mois, Jimin sentait que Jungkook avait envie de se confier sans oser l'admettre.

« S'il te plaît, dis-moi.

- Non, tu... tu le prendrais mal mais... je suis désolé.

- Mon ange, tu commences sérieusement à m'inquiéter... Qu'est-ce que je prendrais mal ? Tu me connais, pourtant, non ?

- Justement...

- Jungkook, qu'est-ce que t'as fait ? »

Le ton de Jimin fut involontairement plus froid, mais il se rattrapa aussitôt en allant s'asseoir auprès de son copain pour le serrer contre lui dans l'espoir de le réconforter. Ce « justement » de Jungkook... ça ne pouvait signifier qu'une chose : il savait que le sujet ne plairait pas à Jimin justement parce que Jimin s'était déjà énervé lorsqu'il l'avait évoqué par le passé. C'était au sujet de ses blessures.

« Je suis désolé, murmura Jungkook en posant la tête sur son épaule, je peux juste pas te regarder souffrir sans rien faire...

- C'est rien, mon amour, ça me touche que tu t'inquiètes pour moi. »

Sa voix était vulnérable, Jungkook s'en voulut dès lors qu'il l'entendit vaciller : Jimin était désormais aussi tendu que lui. Il n'osait simplement pas le montrer de peur que Jungkook n'en soit que plus stressé encore.

« En fait, osa-t-il finalement, j-j'ai... j'ai appelé quelqu'un pour t'aider.

- Kook, j'ai pas besoin de psy, soupira Jimin, je ne...

- C'était pas... un psy.

- Alors c'était qui ? »

Jungkook déglutit, les yeux baissés sur ses mains tant il lui était impossible ne serait-ce que de les tourner en direction de son petit ami. Jimin quant à lui sentait peu à peu son anxiété grimper sans savoir pourquoi ; il avait simplement un très mauvais pressentiment alors même qu'il ignorait parfaitement qui Jungkook pouvait avoir eu l'idée d'appeler « pour l'aider ».

« C-C'est... enfin...

- S'il te plaît, dis-moi. »

La main réconfortante qu'il posa sur sa cuisse sembla détendre son copain qui pourtant hésita encore à poursuivre. Ce fut au terme de bien longues secondes qu'il se décida à murmurer quelque chose que Jimin ne fut pas en mesure de comprendre, si bien qu'il lui demanda de répéter.

« J'ai... contacté Taemin, avoua Jungkook d'une voix détruite par la crainte des réprimandes auxquelles il s'attendait.

- Taemin ? »

Il avait prononcé ce prénom d'une voix blanche, dénuée d'émotions – ou bien peut-être y avait-il tellement d'émotions en lui qu'il n'était plus capable de les gérer. Jungkook pencha pour cette solution et se sentit immédiatement honteux d'avoir agi ainsi, dans le dos de son copain alors même que c'était quelque chose de très personnel pour lui. Jimin lui avait fait confiance, et désormais Jungkook se rendait compte qu'il avait trahi cette confiance.

« Je suis désolé...

- Kook... pourquoi t'as fait ça ?

- Je sais pas, j-juste... je l'ai fait. Et... il faut que tu le rappelles.

- Pardon ?

- C'est important. Il a dit qu'il voulait que tu lui téléphones. »

La voix de Jungkook était si basse qu'elle frôlait le murmure.

« Je peux pas, nia aussitôt Jimin. Je peux pas l'appeler.

- C'est vraiment important, tenta son copain. Il a pas voulu me dire. Juste à toi. Tu dois appeler, je... il avait l'air de vouloir te dire quelque chose de bien.

- Peu importe, Kook, c'est hors de question.

- Mais...

- Comment t'as pu faire ça ? »

Jimin, depuis la mention du prénom tant redouté, avait retiré la main de la cuisse de Jungkook qui en frissonna lorsqu'il entendit cette question posée d'un ton bouleversé. Il n'avait pas eu de mauvaise intention, bien au contraire, mais...

« Je sais pas, dit-il en tirant un papier de sa poche, je croyais bien faire et il m'a demandé de te passer son numéro. Tiens.

- Non. Ce passé, je veux qu'il reste derrière moi. Hors de question qu'il entre en collision avec le présent. Ne t'avise plus de prendre contact avec Taemin, c'est pas tes affaires.

- Peut-être que c'est pas mes affaires, mais c'est ma voix que t'écoutes pour dormir, répliqua Jungkook d'un ton qui se voulait un peu plus assuré. Ton passé entre en collision avec le présent chaque fois que tu fais un cauchemar, tu peux pas y échapper. Le seul véritable moyen de t'en détacher, c'est de surmonter ce qui t'effraie. Et ça, j'ai le pressentiment qu'en appelant Taemin, tu pourrais...

- Jungkook. Stop.

- Pitié, pour moi. Essaie. Je voudrais que tu sois enfin soulagé de ce fardeau qui t'accable. Ça me fait tellement mal de te voir souffrir à ce point, jour après jour. T'as le droit d'être heureux, t'as le droit d'avancer, tu...

- J'ai dit stop. »

Et plutôt que de laisser à Jungkook la moindre chance de poursuivre, Jimin se redressa. Il quitta le canapé, la pièce, et se rendit dans la chambre dont il referma la porte. Il n'y avait aucune brutalité ni dans le ton qu'il avait employé ni dans les gestes qu'il avait faits. Mais sa froideur, elle, avait glacé Jungkook.

Le jeune auteur sauvegarda son fichier avant d'éteindre son ordinateur. Il ignorait d'ailleurs pourquoi il avait sauvegardé : il n'avait rien écrit pendant les vingt minutes qu'il avait passées devant son écran à attendre le retour de Jimin. Il savait qu'il avait eu tort, il en était bien conscient, mais pouvait-il sincèrement se reprocher d'avoir voulu l'aider ? Oui, il pouvait comprendre que l'exécution avait été maladroite, mais l'intention, elle, était au rendez-vous. Et puis... quand il avait eu Taemin au téléphone, ce dernier avait semblé si heureux à l'idée de pouvoir parler à Jimin que Jungkook avait cru que ce serait une bonne idée de les remettre en contact.

À ce fameux Taemin, il s'était présenté comme un ami de Jimin qui cherchait à le soutenir. Il lui avait expliqué de manière vague que Jimin avait gardé de profondes cicatrices de cet acte odieux. Taemin avait aussitôt demandé à parler à Jimin, assurant qu'il avait besoin de l'entendre, de lui dire quelque chose d'important. Jungkook avait d'abord refusé, indiquant qu'il valait mieux que pour lors la discussion reste entre eux seuls, mais Taemin avait à ce point insisté que l'étudiant avait promis de faire son possible – même s'il savait que c'était perdu d'avance.

Désormais seul au salon, assis sur le canapé avec sa culpabilité et ses remords, Jungkook se demandait s'il devait ou non aller en parler une fois de plus à Jimin. Insister le pousserait à se braquer, pourtant... si Taemin tenait tant à l'avoir au téléphone, c'était pour une bonne raison.

Il lui fallait le convaincre de contacter Taemin. Jungkook décida cependant qu'il vaudrait mieux attendre au moins jusqu'au lendemain. Il ne souhaitait pas se disputer avec Jimin, il préférait encore tenter de calmer le jeu pour aujourd'hui. Jimin avait probablement eu une longue journée, cette nouvelle l'avait déstabilisé et mieux valait, pour lors, qu'ils essaient de rendre cette soirée un peu meilleure.

Décidé à rattraper son erreur, Jungkook quitta immédiatement le canapé pour aller prendre son portable. Il commanda de quoi dîner à la pizzéria du coin de la rue, celle à laquelle il leur était déjà arrivé d'acheter leur repas. Il alla ensuite toquer à la chambre où son copain l'invita à entrer d'une voix morne. Inquiet de l'entendre parler de cette manière, Jungkook entrouvrit la porte dans l'embrasure de laquelle il passa la tête avec timidité.

« Hyung ? »

Jimin était assis sur le lit, l'air pensif, le regard perdu sur son portable sans pour autant s'en servir – comme Jungkook avec son ordinateur quelques instants plus tôt.

« Quoi ?

- J'ai commandé le dîner : pizzas.

- Désolé, il est tard et j'ai pas très faim.

- On les mangera demain midi, alors. Tu viens ? Je pensais à un film qu'on pourrait se mettre au salon.

- Il est tard et je suis fatigué.

- S'il te plaît, une petite soirée romantique... »

La moue de son copain eut raison, l'espace d'un instant, de la mélancolie de Jimin. Il lui sembla ressentir une fugace étincelle de tendresse, si bien qu'il finit par acquiescer en songeant que cette étincelle, il aimerait qu'elle allume en lui le brasier qui réchauffait toujours son âme quand Jungkook était à ses côtés.

Le cadet n'eut qu'à approcher et lui tendre la main avec un air bienveillant pour le faire céder.

« Ça marche. »

Le sourire ravi de Jungkook à ces mots pourtant peu enthousiastes lui fit un bien fou. Jimin se redressa, aidé par son petit ami de qui il avait pris la main. Jungkook alors fit un pas hésitant en avant, lui demandant d'un regard s'il pouvait le serrer contre lui. Ce fut un sourire qui lui répondit, un sourire qu'il sentit sincère. Alors l'étudiant, le cœur en fête, enroula aussitôt les bras autour de sa taille pour se réfugier contre son torse réconfortant. Jimin lui embrassa le front, et ce fut un tendre « je t'aime » qu'ils échangèrent dans un murmure aux airs d'aveu.

Ils ne s'attardèrent pas : ils retournèrent au salon ensemble et s'installèrent sur le canapé. Il y avait déjà à l'écran un film sur le point de commencer et que Jungkook avait mis en pause dans l'espoir de revenir accompagné. Il trépignait d'impatience, détail dont Jimin se rendit compte.

« Il a quelque chose de particulier, ce film ? s'enquit-il.

- Un peu, oui ! C'est Iron Man ! »

Sans comprendre sa soudaine joie, Jimin se contenta de hocher lentement la tête, attendri. Sans doute était-ce là son film préféré, ce que Jimin trouvait absolument adorable. Pourtant, si Jungkook semblait heureux au point d'en oublier tout ce qui s'était produit ce soir-là, ce n'était pas le cas de Jimin dans l'esprit de qui tournait et retournait leur conversation.

Il s'apprêtait à parler quand on frappa à la porte.

« Oh, les pizzas ! »

Et alors qu'il avait à peine fini sa phrase, Jungkook était déjà à la porte en train de réceptionner leur livraison. Lorsqu'il revint au salon, Jimin s'était ravisé, peu enclin à discuter de leur accrochage maintenant. Mieux valait attendre le lendemain, de sorte qu'il puisse prendre du recul sur les évènements.

La soirée, donc, fut tranquille. Les deux compagnons ne mangèrent que quelques parts de pizza, si bien qu'il leur en resta pour un prochain repas. Ils allèrent se coucher une fois le film terminé et, si Jungkook s'endormit rapidement dans l'étreinte de Jimin, ce dernier en revanche avait les yeux clos mais ne parvenait pas à trouver le sommeil.

Il était songeur, distrait par des pensées parasites. Même la voix ténue qui s'échappait mélodieusement de son portable ne parvenait pas à l'apaiser. Ce n'était pas de l'inquiétude, il était simplement perdu dans les abysses de son propre esprit. Ses songes s'entremêlaient, il essayait de réordonner ces nœuds complexes.

Il avait conscience que Jungkook avait voulu bien faire. Il savait, oui il savait que son innocent petit copain n'aurait jamais pensé à le brusquer en agissant ainsi. Lui, le seul aspect qu'il avait vu, c'était le fait que Taemin pourrait sans doute lui apporter du soutien. Il avait peut-être cru qu'il fallait que Jimin renoue avec son passé pour réussir à le surmonter. Ce n'était malheureusement pas de cette manière que Jimin fonctionnait. Lui, pour surmonter ce traumatisme, il avait préféré oublier. Il lui avait fallu oublier, c'était devenu vital.

Pourtant, Jungkook... Jimin ne pouvait pas s'empêcher de songer à ce qu'il lui avait dit : pourquoi Taemin souhaitait-il lui parler ? De quoi pouvait-il bien vouloir discuter ? Ça faisait si longtemps qu'ils n'étaient plus en contact : avant de se séparer pour de bon, ils avaient décidé qu'ils couperaient les ponts. Jimin avait supprimé son numéro de téléphone, Taemin aussi.

D'ailleurs... puisqu'ils avaient supprimé réciproquement leur numéro... comment Jungkook avait-il pu retrouver Taemin ? Comment pouvait-il être bien certain que c'était lui ?

Aussitôt, Jimin se souvint de ce que son petit ami lui avait dit avoir fait dans l'après-midi : il était allé chez Taehyung. Il voulut pousser un profond soupir de dépit qu'il garda en lui afin de ne pas réveiller Jungkook. Bien sûr que c'était Taehyung, c'était forcément lui : à l'époque où ils étaient toujours en couple, Taemin et Jimin passaient souvent du temps avec Taehyung qui avait fini par prendre leurs deux numéros.

Jimin lui avait pourtant demandé de le supprimer... mais désormais, il était convaincu que son ami l'avait, au contraire, précieusement gardé toutes ces années. Savait-il qu'il en aurait besoin tôt ou tard ?

Le jeune homme eut la sensation que tout cela lui donnait mal au crâne. Il se détacha de Jungkook qui, parce qu'il était profondément endormi, ne réagit pas. Jimin attrapa son portable, l'alluma tout en veillant à en réduire la luminosité, et il alla dans ses contacts.

Jimin – Je viens juste de percuter : c'est toi qui lui as filé son numéro, hein ?

Taehyung – Bah alors, on dort pas encore, mon Jiminou ?

Jimin – Tu le sors d'où, ce surnom ? T'es bourré ?

Taehyung – Mais qu'est-ce que tu racontes ? Il est juste trop soft, ce surnom, il te va trop bien. T-T Et puis tu sais bien que je préfère mille fois un bon chocolat chaud à de l'alcool...

Jimin – Tout juste. Bon, alors j'avais visé juste, c'est toi ?

Taehyung – Je ne vois strictement pas de quoi tu parles.

Jimin – Et si je te dis qu'on s'est disputés à cause de ça ?

Taehyung – S'il te plaît lui en veux pas. Oui, c'est son idée, mais c'est moi qui lui ai passé son numéro et, si ça peut te rassurer, lui il avait changé d'avis. C'est moi qui lui ai dit de le faire quand même. Je suis désolé. :(

Jimin – T'inquiète, on s'est vite réconciliés. Il dort comme un bébé juste à côté de moi, mon petit ange.

Taehyung – C'est ce que je disais : trop soft. T-T

Jimin – Taemin veut me parler.

Taehyung – Ah bon ?

Jimin – Ouais, tu crois que je devrais ? Jungkook avait l'air de dire que ça semblait important, mais il sait pas ce que Taemin voulait me dire.

Taehyung – Bizarre. Tu comptes l'appeler ?

Jimin – Je sais pas.

Taehyung – T'as envie de l'appeler ?

Jimin – Je sais pas non plus.

Quelques instants plus tard seulement, la conversation prenait fin sans que Jimin y voie plus clair. Il avait des questions plein la tête et des craintes plein le cœur. Pourtant, l'anxiété ne prenait pas le pas sur sa sérénité : malgré l'obscurité de la nuit, il pouvait distinguer sans grand mal le visage de l'ange assoupi à ses côtés. Un ange qui veillait sur lui.

Alors... il savait probablement ce qui valait le mieux pour lui, non ?

Dans un soupir tremblant, Jimin se releva. Il quitta le lit, se dirigea à la salle de bains et s'y enferma. La nuit noire et silencieuse retenait son souffle avec lui tandis qu'il composait le numéro inscrit sur le petit papier que Jungkook, après leur dispute, avait abandonné sur la table basse du salon. Taemin répondrait-il à cette heure ? Jimin ne se souvenait pas de lui comme de quelqu'un d'habitué à se coucher tôt, mais des années étaient passées à présent.

Cette fois-ci, sans son petit ami à ses côtés et avec ce « bip » insupportable en attendant que son correspondant décroche, Jimin sentit l'angoisse le submerger. Son cœur battait, battait, battait fort. Il avait la gorge sèche, les mains moites, il transpirait déjà.

« Oui ? Allô ? »

Jimin sursauta avant de balbutier quelque chose d'incompréhensible.

« Jimin-ah ? C'est toi ? »

Cette voix... Jimin la reconnaîtrait parmi toutes. Ce timbre de velours, cette douceur rassurante... Taemin. Il voulut répondre mais sa voix se bloqua dans sa gorge serrée et à la place il se tut.

« C'est toi, hein ?

- Hyung... »

Il ne put rien dire de plus, il ne fut d'abord pas certain que Taemin l'avait entendu. Mais il l'avait entendu.

« Je suis heureux de t'avoir au téléphone, tu sais. Ça fait longtemps. »

Jimin se contenta d'émettre un son d'approbation.

« Ton ami... il m'a appelé, aujourd'hui, il m'a dit que ça allait pas fort pour toi et... je savais que j'allais te déranger si j'avais demandé à te voir. C'est pour ça que j'ai préféré qu'on s'appelle. J'avais juste...

- Qu'est-ce que tu veux me dire ? »

Sa voix trahissait les sanglots qui ne demandaient qu'à s'exprimer. Il se sentait mentalement détruit par le simple fait de discuter avec Taemin : les dernières discussions qu'ils avaient eues tous les deux, ils les avaient eues alors que Jimin était immobilisé dans son lit d'hôpital. Il se rappelait la douleur monstrueuse qui avait envahi son corps. Il se rappelait la moindre souffrance qu'il lui avait fallu endurer pendant que ses os se reconstruisaient avec lenteur. Ces souvenirs... comme ils étaient difficiles. Taemin serait, pour lui, à jamais relié à ces instants, leurs derniers en tant que couple. Il l'avait pourtant soutenu, certes, mais jamais Jimin ne pourrait accepter de revoir celui dont le père lui avait brisé non seulement le corps mais également les rêves.

Il craignait toujours cet homme comme un enfant craindrait un monstre : ce n'était rien de plus qu'une ombre qui ne pouvait pas l'atteindre là où il se trouvait désormais. Mais on en ressentait la menace dans ses tripes, dans tout ce qu'on avait en soi et qui hurlait de fuir sans la moindre hésitation.

Jimin était terrorisé de reprendre contact avec Taemin, car il craignait encore que son père ne s'aperçoive de leur discussion.

Cet appel était un calvaire.

« Je suis désolé pour tout, Jimin...

- C'est tout ? »

Son ton n'était pas sec. Jimin était bien trop bouleversé pour l'être. Non, il avait un ton désespéré. Ce « c'est tout » sonnait comme un « pitié, est-ce que je peux raccrocher ? ». Jimin avait beau savoir que Taemin en serait sans doute blessé, il ne pouvait pas contrôler ses émotions quand elles étaient liées de cette manière aux plus atroces de ses souvenirs.

Un hoquet accompagna un sanglot qu'il parvint à retenir. Puis Taemin parla :

« Tu peux vivre en paix, Jimin. Mon père est mort l'année dernière. »

Jimin fondit en larmes.

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