Chapitre 154
Namjoon resta pétrifié sous l'effet de la stupeur : c'était encore pire que ce qu'il avait cru ! Qu'est-ce que Taehyung avait bien pu aller s'imaginer au sujet de ses deux aînés ? Est-ce qu'il pensait sérieusement qu'il pourrait se passer quelque chose entre eux ? C'était absurde !
Namjoon reprit ses esprits après de trop longues secondes qui, aux yeux de Taehyung, avaient sans doute pris des airs d'aveux muets.
« Non, non ! s'exclama aussitôt Namjoon sans s'inquiéter de déranger les quelques autres personnes autour de lui. C'est pas du tout ce que tu crois, Tae, tu fais fausse route, je t'assure !
- Tu crois que je suis aveugle ? Que j'ai pas remarqué que ça dure depuis des semaines ? rétorqua Taehyung d'une voix qui ne camouflait plus sa peine. Je pensais que vous auriez au moins l'honnêteté de m'en parler... que lui aurait l'honnêteté de m'en parler.
- Tae je... je te jure que c'est pas ce que tu crois ! Va parler à Jin, il va tout t'expliquer. »
Namjoon avait promis de garder le secret, mais le pouvait-il encore quand Taehyung le mettait pratiquement au pied du mur ? La relation du petit couple était en jeu, que faire ?
« Je lui ai laissé au moins mille chances de m'en parler, pourquoi il me dit rien, à moi ? Et pourquoi tu cherches encore à le couvrir et me mentir ? Pourquoi vous mentez ?
- C'est pas ça, répondit Namjoon sans oser en dire trop, on... je t'assure que c'est juste un énorme malentendu.
- Je sais tout, c'est agaçant de t'entendre nier. Pourquoi c'est vers toi qu'il s'est tourné ? Nam, pourquoi est-ce que mon propre petit ami refuse de m'avouer quelque chose d'aussi grave ? Je voudrais qu'il sente qu'il peut compter sur moi autant que sur toi.
- Hein ? Mais... Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Nam, arrête ton petit jeu, s'il te plaît.
- Je... je crois qu'on pensait pas à la même chose, admit Namjoon avec une expression perplexe que son ami ne put pas voir à l'autre bout du fil.
- Comment ça ? Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Tae, dis-moi juste de quoi tu parles, soupira le jeune performeur toujours crispé par l'appréhension.
- Jin-hyung... il est anorexique, hein ? »
Namjoon fut alors partagé entre le soulagement et l'inquiétude. Au moins, Taehyung ne s'était pas fait des idées au sujet de leur relation, au contraire il avait visé dans le mille. Pour autant, que répondre à ça ? Seokjin lui avait fait promettre de ne rien dire, mais confirmer l'évidence, était-ce le trahir ? Taehyung après tout était absolument convaincu de ce qu'il avançait, et ça le faisait déjà bien assez souffrir comme ça, autant ne pas en rajouter en niant l'évidence.
Vaincu, Namjoon poussa un profond soupir.
« Comment tu l'as su ? s'enquit-il.
- J'en étais sûr... alors il a de sérieux problèmes, n'est-ce pas ? Pourquoi à moi il dit rien ? Je... je sais que t'es quelqu'un de confiance, hyung, mais pourquoi c'est vers toi qu'il s'est tourné ?
- On peut pas dire qu'il m'ait avoué quoi que ce soit : si je l'ai su, c'est parce que je l'ai surpris en pleine crise de foie alors qu'il avait à peine touché à quelques gâteaux, au café.
- Je vois... donc c'est grave, hein ?
- Grave mais pas désespéré : il est déterminé à s'en sortir, tu sais. Il comptait tout t'avouer une fois qu'il serait guéri. Il est en bonne voie : il fait beaucoup d'efforts pour aller mieux, même si c'est pas toujours évident.
- Je devrais être celui sur qui il a le sentiment de pouvoir s'appuyer... »
Le chagrin qu'il entendit dans la voix de son ami lui fit mal au cœur. Toujours à la terrasse où il avait décidé de prendre son petit déjeuner, Namjoon poussa un nouveau soupir.
« Il voulait pas t'inquiéter, expliqua-t-il. Enfin... tu peux comprendre, j'imagine. Il... ton rapport à la nourriture est tellement différent du sien, il voulait te préserver de ce qu'il considère comme son problème.
- Mais on est ensemble, protesta Taehyung, si à ses yeux mes problèmes sont les siens, pourquoi est-ce qu'il refuse de partager lui aussi ses difficultés ?
- Tae, il s'agit d'une maladie grave, tu peux pas lui en vouloir d'avoir craint ta réaction.
- Vu comme ça... ouais, t'as pas tort. Tu crois que c'est parce que j'adore le chocolat qu'il a pas osé m'en parler ? Il faudrait que je fasse plus attention ? Je devrais manger mieux, non ? Comme ça, ce serait plus facile pour lui, il serait pas entouré de cochonneries. S'il voyait que je fais attention, ça l'encouragerait peut-être aussi à manger un peu mieux, hein ?
- Je pense pas que ce soit si simple... tu devrais avant tout lui en parler, lui dire que t'es au courant de tout et que tu veux l'aider. Je suis sûr que si tu lui dis que tu tiens à le soutenir, il sera touché et il y mettra lui aussi encore plus de volonté. Sois patient avec lui, ne le brusque surtout pas et montre-lui bien qu'il n'est pas question de grossir ou de s'empiffrer, mais de retrouver un poids décent et de manger sainement. C'est très différent. Si tu lui dis qu'il doit grossir, il va tout de suite voir ça de manière négative : aux yeux de la société, grossir, c'est mal. Alors fais attention à la manière dont tu parles ; c'est pas grand-chose, mais ça changera déjà énormément la façon dont Jin-hyung percevra le fait de manger.
- Je comprends. Merci beaucoup, merci pour tout.
- Hyung t'aime énormément, Tae, ne l'oublie pas. Sans le savoir, t'as été tout ce temps sa plus grande source de motivation : il m'a dit à plusieurs reprises qu'il rêvait de pouvoir manger avec toi, aller au restaurant, goûter à tout ce que tu pourrais lui cuisiner sans s'inquiéter des calories. Ne crois pas que parce que t'es au courant de rien ça signifie que t'as rien à voir avec sa guérison. Chaque fois qu'il a pas le moral, c'est à toi qu'il pense, je t'assure.
- Et... il va bien, quand même ? Hyung, ça me fait peur...
- T'en fais pas pour lui, il est bien plus fort qu'il en a l'air, aussi bien physiquement que mentalement, le rasséréna Namjoon sur le visage de qui un léger sourire s'était dessiné. Il tient le coup et je suis sûr qu'il va remonter peu à peu la pente, alors sa santé ne pourra que s'améliorer. »
À l'autre bout du fil, Taehyung acquiesça lentement : Namjoon n'avait pas osé le lui demander, mais en vérité, le jeune garçon avait découvert la maladie de son petit ami des semaines auparavant. Il n'était pas stupide, tout trahissait le fait que Seokjin ne s'alimentait que très – trop – peu : il n'avait presque rien à manger chez lui avant que Taehyung n'emménage, chaque fois qu'il acceptait un gâteau ou un carré de chocolat, son regard trahissait son angoisse, et depuis toujours il faisait tout pour éviter de manger avec Taehyung. Il prétextait avoir déjà dîné lors de leurs balades au bord du fleuve, il disait ne pas avoir faim quand ils allaient au cinéma ensemble, etc. Et chaque fois que Taehyung voyait son copain manger, il le voyait avaler une portion ridicule de kimchi avec un peu de riz et de viande, ou bien c'était une salade, ou n'importe quel plat qui comptait moins de calories qu'un seul des gâteaux de Taehyung.
L'appel prit fin peu après, tandis que le plus jeune arrivait devant le bâtiment des archives de la ville.
Les yeux rougis par les larmes que sa détresse lui avait fait verser, Taehyung prit une profonde inspiration et passa une fois de plus sa manche sur son regard humide. Il n'osait même pas imaginer le calvaire que son petit ami devait vivre depuis des mois – des années peut-être – sans oser en parler. Il subissait son propre regard dans le plus grand des silences, inconscient, croyant peut-être que cette maladie ne le concernait que lui.
Et pourtant, c'était probablement à cause de l'image qu'il avait de son corps que Seokjin avait toujours refusé qu'ils fassent l'amour. Il faisait en effet souvent en sorte d'offrir quelques gâteries à Taehyung, pour autant il avait toujours refusé de lui dévoiler son corps. Ainsi, tandis que le cadet s'inquiétait peu de laisser ouverte la porte de la salle de bains lorsqu'il prenait sa douche, Seokjin quant à lui s'assurait qu'il l'avait correctement fermée.
C'était toutes ces petites choses qui, ensemble, avaient fini par former dans l'esprit de Taehyung une indiscutable évidence : d'une part son copain lui cachait quelque chose, et d'autre part ce quelque chose avait un lien à la fois avec la nourriture et avec son corps. À mesure que ses doutes grandissaient, il avait tenté de les mettre à l'épreuve dans l'espoir de se tromper ; malheureusement chaque fois il lui semblait qu'au lieu de s'apaiser, ses craintes grandissaient.
Taehyung devait bien admettre être complètement dépassé par ces révélations auxquelles il s'était pourtant attendu, et la question qui se posait désormais, c'était la suivante : comment annoncer à son petit ami qu'il était au courant de tout ? Bien entendu, il ne comptait pas évoquer tout de suite cette discussion qu'il avait eue avec Namjoon, pour autant il lui faudrait mettre Seokjin au pied du mur afin de le pousser à avouer. Quoique... ne serait-ce pas faire erreur ? Lui donner la sensation d'être acculé et contraint d'avouer risquait de mettre Seokjin dans une position des plus inconfortables ; Taehyung désirait qu'il lui parle de sa maladie non pas sous la pression de l'obligation mais bel et bien parce qu'il lui faisait confiance. Il voulait que son aîné perçoive sa bienveillance et son soutien, pas qu'il ait l'impression qu'il lui fallait avouer son problème comme un enfant avouerait une faute.
Taehyung poussa un soupir : il avait conscience que désormais, pris dans l'engrenage de l'anorexie, Seokjin ne pourrait s'en sortir qu'avec un immense soutien de la part de ses proches et une volonté de fer. Malgré tout, il savait également que le chemin serait difficile : comme l'avait mentionné Namjoon, le fait de prendre du poids était perçu comme quelque chose de négatif, et il craignait que même avec toute la bonne volonté du monde Seokjin s'oppose inconsciemment au simple fait de prendre un gramme.
Un « fait chier » à peine murmuré lui échappa lorsqu'il commença sa journée de travail. Il était frustré. Il n'en voulait pas à Seokjin, il s'en voulait à lui-même : s'il avait agi autrement, s'il avait mangé mieux, s'il s'était montré plus à l'écoute... alors peut-être que son petit ami se serait confié à lui. Namjoon avait soutenu l'inverse, mais si Seokjin avait préféré se confier à lui, il y avait forcément une raison. Pourquoi craignait-il de lui avouer ses problèmes alors même qu'ils étaient si proches ?
~~~
Jungkook sourit en lisant le message qu'il avait reçu la veille au soir, alors qu'il venait de s'endormir. Décidément, il y avait des choses qui ne changeraient jamais...
Baekhyun – Hello, Jeon, comment tu vas ? Petite fête samedi chez moi juste avant la rentrée de mes amis, ça te tente ? ^^
Baekhyun – P.S. : Lisa sera là, tu veux quand même pas la laisser seule, n'est-ce pas ? :3
Le jeune étudiant eut dans les yeux une étincelle de malice et il tapa rapidement sa réponse :
Jungkook – Salut hyung, moi ça va, j'espère que toi aussi. Pas trop dur, le boulot ? Merci pour l'invitation mais je vais pas pouvoir : samedi, je bosse jusqu'en début de soirée et, me connaissant, après je vais tomber de sommeil. Mais amusez-vous bien. Quant à Lisa, je compte sur toi pour ne pas la laisser s'ennuyer. ;)
La réponse ne tarda pas, preuve que Baekhyun était au moins aussi matinal que son ami – sans doute travaillait-il ce jour-là –, et après une brève discussion, les deux garçons se saluèrent. Parce qu'il n'avait rien de particulier à faire ce jour-là, Jungkook décida de consacrer sa matinée à son roman, quant à l'après-midi, il décida de le passer à l'extérieur, au parc où Jimin l'avait amené. Il ne faisait en effet pas excessivement chaud ces jours-ci, en plus de quoi quelques nuages cachaient le soleil et rendaient l'air de l'été agréable.
Lorsqu'il sortit, Jungkook put se rendre compte qu'en plus de ça il y avait un vent régulier et léger qui venait lui caresser la peau et faire onduler délicatement ses cheveux. Il jeta un œil sur son téléphone afin de s'assurer de l'itinéraire qu'il lui fallait emprunter pour s'y rendre et, confiant, il alla à son arrêt de bus afin, d'abord, de se rendre au centre-ville où il prendrait un autre bus qui le déposerait près d'une des entrées du parc.
L'étudiant avait avec lui son sac de cours dans lequel il avait glissé son ordinateur portable afin d'écrire une fois qu'il serait installé à l'ombre d'un arbre, dans l'herbe ou sur un banc, et il sentait d'emblée que l'inspiration lui viendrait sans le moindre souci au beau milieu de ce cadre idyllique où il imaginait déjà ses personnages se retrouver pour se promener ensemble, main dans la main – comme Jimin et lui quelques semaines auparavant.
Ainsi, lorsqu'il fut installé confortablement et prêt à poursuivre son histoire, une idée lui vint à l'esprit. Il tira son portable de sa poche et utilisa la fonction miroir pour s'assurer de son apparence. Il n'était pas vraiment bien apprêté, mais ça lui donnait cet air naturel et juvénile qui lui valait un certain succès au café. Il décida donc qu'il pouvait profiter de ce cet endroit bucolique à la verdure épaisse pour prendre un selfie à poster sur les réseaux du café.
Un selfie qu'il lui faudrait donc d'abord envoyer à Jimin – et l'idée le rendait aussi nerveux qu'enthousiaste. Son copain et lui échangeaient peu de photos (ils se voyaient bien trop souvent pour que l'image de l'un manque à l'autre), et lorsque c'était le cas c'était toujours dans le cadre de leur travail. Jungkook n'avait jamais réclamé les nouveaux identifiants du café, et Jimin n'avait jamais proposé de les lui communiquer : le jeune gérant ne souhaitait pas que son copain retourne sur la place publique où chacun avait pu le pointer du doigt, l'humilier et lui cracher au visage sans que le pauvre garçon, pieds et poings liés, n'ait pu répliquer quoi que ce soit de peur de s'enfoncer encore plus et d'attirer avec lui ses amis du Boy's love Café.
Une fois qu'il eut pris une dizaine de selfies, Jungkook les tria méticuleusement pour n'en sélectionner que deux qui lui plaisaient. Il les détailla du regard un instant. Ils n'avaient rien de bien particulier, et même s'il les trouvait mieux que ses autres photos, ces selfies n'étaient clairement pas au niveau de ce que ses collègues postaient – du moins c'était là l'avis d'un jeune garçon trop peu sûr de lui pour se rendre compte de sa beauté.
Jungkook modifia donc plusieurs paramètres : luminosité, netteté, saturation, puis il trouva un filtre qui permettait de lisser sa peau et effacer en grande partie ses cernes qu'il trouvait trop marqués. Une fois les modifications faites, il compara les deux photos et un large sourire naquit sur son visage : c'était beaucoup mieux désormais, il était au moins présentable.
Satisfait, Jungkook envoya sans plus attendre sa photo à Jimin. Ce dernier se trouvait à son bureau, concentré sur ses tâches habituelles, et releva les yeux en entendant son portable vibrer. S'attendant à un mail professionnel ou à une réjouissance de ce genre, il fut agréablement surpris de voir que Jungkook avait pris l'initiative de lui envoyer un selfie pour leurs réseaux – et qu'est-ce qu'il était beau, ce selfie.
Jimin – Magnifique ! T'es un véritable petit ange, mon Kookie ! ^3^
Le sourire de Jungkook s'agrandit à ce message et ses joues rosirent de plaisir sans même qu'il ne s'en rende compte. Il répondit par un simple remerciement et reçut en retour un tendre « je t'aime, passe un bon moment au parc » qui fit bondir son cœur de bonheur.
Pas de doute : les heures qu'il passa à écrire en profitant du beau temps furent un régal pour lui qui se sentait plus inspiré que jamais.
D'autant plus qu'après son message, Jimin avait ajouté qu'il aurait bien envie de le croquer, et le smiley qu'il avait mis laissait peu de doutes quant à la façon dont Jungkook devait comprendre cette phrase.
~~~
Ce fut par la sensation d'un mouvement près de lui que Jungkook fut réveillé, en plein milieu de la nuit. Il ouvrit les paupières, conscient qu'il n'était pas dans son lit mais dans celui de Jimin, à côté de qui il s'était endormi. Il ignorait quelle heure il était, tout ce qu'il savait c'était qu'il s'agissait de la nuit du mercredi au jeudi.
Par réflexe, il se retourna, pensant faire face à Jimin, et se rendit alors compte que le mouvement qu'il avait perçu quelques instants auparavant était sans doute celui de son copain : ce dernier en effet était en train de quitter la chambre à pas de loup. Peu inquiet – car Jimin marchant sans mal –, Jungkook songea qu'il devait avoir une envie pressante. Il remonta la couverture jusqu'à son menton et ferma les yeux, un sourire d'ange aux lèvres.
Il aimait se réveiller en plein milieu de la nuit, ça lui donnait l'impression d'avoir le droit de se reposer une seconde fois avant de devoir se lever, et lorsqu'il dormait chez Jimin, il lui était en plus permis de profiter de ses bras et de son amour un peu plus longtemps ; un bonheur. L'odeur de son petit ami envahissait aussi bien les lieux que ses narines, il avait l'impression d'emplir ses poumons de cette fragrance boisée qui seyait si bien à Jimin. Jungkook aimait sentir – au sens propre comme au sens figuré – sa présence de cette manière.
Le jeune auteur était perdu dans les méandres les plus profonds de son esprit, songeant à tout et rien – c'était ce genre de pensées évanescentes qui s'envolaient dès lors qu'on essayait de les saisir. Entre éveil et sommeil, il réfléchissait à la suite de son roman, laissant la fatigue le guider sur d'autres chemins qui prouvaient qu'il ne tarderait sans doute pas à s'endormir.
Il se rendit compte de la réalité qui l'entourait et des minutes qui étaient passées lorsque ses songes furent brusquement coupés par ce qui ressemblait à un sanglot étouffé. Les paupières de Jungkook s'ouvrirent aussitôt, il était désormais parfaitement réveillé et toute sa concentration était dirigée vers le couloir. Il avait au visage un air perdu qui fut vite remplacé par une moue soucieuse, sourcils froncés, lorsqu'il fut certain d'entendre des sanglots.
Sans hésiter un instant, Jungkook repoussa la couverture de son corps et se redressa vivement. Il alla sans un bruit jusqu'à la porte de la chambre, entrouverte car Jimin n'avait pas pris le soin de la refermer complètement. Le jeune garçon repéra immédiatement la lumière de la salle de bains qui filtrait sous la porte.
Jungkook posa la main sur la poignée, jusque là décidé à s'enquérir de l'état de son copain, puis... puis il se stoppa, soudain hésitant. Plus d'une fois Jimin avait été agacé par la curiosité de Jungkook, plus d'une fois il lui avait fait comprendre que s'il avait eu besoin de lui, il le lui aurait dit.
Or, un détail inquiétait Jungkook : Jimin ne boitait pas en quittant la chambre, il en était certain. Il avait adopté une démarche naturelle alors même qu'il croyait son copain endormi. Ce n'était donc pas lié à sa jambe. Peut-être qu'il s'agissait d'un cauchemar, non ?
Étrange mais possible. Dans ce cas, donc, Jungkook n'avait pas à s'en faire... alors pourquoi hésitait-il toujours ?
La décision fut prise bien malgré lui lorsque, toujours immobile et la main tout près de la poignée, il sursauta : Jimin venait d'ouvrir la porte et se tenait désormais devant lui avec une mine surprise. Ses paupières clignèrent quelques instants, Jungkook resta muet, mais le visage de son petit ami le frappa : Jimin avait les yeux rouges, preuve qu'il avait pleuré. Ça lui donnait l'air fatigué et mal en point.
Jungkook voulut lui demander ce qui s'était passé, ce qu'il avait, si lui en tant que petit ami il pouvait faire quelque chose pour l'aider à aller mieux. Mais pas un son ne sortit de ses lèvres. Il demeura coi, inquiet que le moindre mot ne mette le feu aux poudres – même s'il savait que Jimin ne le rejetterait plus aussi violemment qu'il avait pu le faire la dernière fois.
« Kook, tu vas bien ? » s'enquit Jimin d'un ton qui se voulait naturel en dépit de sa voix légèrement éraillée.
Honteux d'avoir été pris sur le fait, Jungkook avait baissé les yeux juste après avoir croisé furtivement le regard de son copain. Il les releva doucement pour finalement planter ses prunelles innocentes dans celles, mélancoliques, de Jimin. Ce dernier s'apprêtait à parler lorsqu'il fut coupé : conscient que Jimin n'aimait pas parler de ses problèmes, conscient que malgré tout il avait plus que jamais besoin de soutien, Jungkook venait de faire un pas en avant pour enrouler les bras autour de sa taille et l'enlacer amoureusement.
Quitte à ne pas savoir ce qui avait bouleversé Jimin à ce point, Jungkook souhaitait au moins le réconforter. Son aîné, après un bref moment pendant lequel il réprima un mouvement de recul, se laissa aller dans cette étreinte de laquelle il avait plus besoin que ce que Jungkook pouvait imaginer. Il enroula les bras autour de la nuque de son copain et cala correctement son visage dans son cou pour en humer la délicate senteur. Son cadet lui caressa les reins, passant ses paumes brûlantes sous son t-shirt pour lui permettre de sentir le chaleureux contact de sa peau contre la sienne.
Un « je t'aime » discret fut prononcé par Jungkook qui fit ensuite passer ses mains sur les cuisses de son copain qui comprit le message. Jimin se laissa faire et, de ses longues jambes fines, il entoura sa taille pour se cramponner à Jungkook qui le souleva comme s'il s'agissait d'un enfant en bas âge qu'il serra puissamment et amoureusement contre lui.
Croyant qu'ils retournaient à la chambre, Jimin fut surpris lorsque son copain emprunta le couloir en direction du salon. Il ne prononça cependant pas un mot, craignant que sa gorge serrée ne fasse entendre sa détresse. Il ferma les paupières et se laissa faire, se demandant si Jungkook allait le faire asseoir sur le canapé pour lui parler sérieusement ou bien s'il comptait faire autre chose.
Tout ce qu'il entendit, ce fut le bruit d'un placard qu'on ouvrait doucement, puis qu'on refermait avec cette même délicatesse dans le geste. Jungkook s'était immobilisé un bref instant et repartait désormais, cette fois en direction de la chambre. Il avait lâché une des jambes de son copain pour tenir ce qu'il avait attrapé.
Jimin garda le silence, son cadet également.
Jungkook, finalement, se pencha au-dessus du lit et relâcha la prise qu'il avait au niveau des cuisses de son amant qui, lui aussi, le lâcha en sentant le matelas sous son postérieur. Il n'eut pas le temps de chercher à savoir ce que Jungkook était allé prendre que déjà ce dernier avait posé une main tendre mais autoritaire sur son pectoral pour le pousser en arrière sans force, simplement pour lui faire comprendre ce qu'il attendait de lui.
Jimin obéit et s'assit confortablement contre la tête de lit. Jungkook s'installa sur ses cuisses, veillant par réflexe à ne pas appuyer sur sa jambe blessée – détail qui ne manquait jamais de toucher Jimin. Alors, Jungkook planta affectueusement son regard dans le sien, posa ses lèvres sur les siennes avec amour, puis il baissa la tête pour se concentrer sur ce qu'il avait entre les mains. Jimin suivit son regard et esquissa un sourire en se rendant compte que son petit ami était simplement allé chercher un paquet de gâteaux à la cuisine. Ses gâteaux préférés pour taquiner son cadet, des cookies.
« Taetae dit que le sucre et le chocolat, y a rien de mieux pour consoler une petite mélancolie passagère. »
Jungkook avait parlé à voix basse, craignant que Jimin ne rétorque que c'était loin d'être une petite mélancolie et qu'elle était loin d'être passagère. Pourtant, il n'en fut rien : Jimin l'obligea à relever les yeux et soutenir son regard. Il lui offrit un sourire tendre et approcha son visage du sien, simplement pour frôler de ses lèvres pulpeuses celles, plus fines, de Jungkook qui en frémit de plaisir.
« Le sucre et le chocolat, ça fonctionne sans doute, concéda Jimin, mais si c'est avec toi que je le partage, ça fait aucun doute : ça me fera tout oublier. »
L'aîné posa délicatement les mains sur les hanches de son petit ami, de sorte à le rapprocher de lui, et il lui vola un baiser surfacique qui s'acheva avant même que Jungkook ne sente la douceur des lèvres de Jimin appuyer sur sa bouche. Lorsqu'ils s'écartèrent l'un de l'autre, Jungkook se concentra sur ce qu'il avait entre les mains : il ouvrit le paquet, aidé par l'éclat clair de la lune qui filtrait à travers la vitre et leur permettait de se distinguer sans se voir.
Il sortit du paquet un petit sachet plastique qu'il déchira pour en tirer un large cookie moelleux parsemé de pépites de chocolat et qu'il tendit à Jimin. Ce dernier entrouvrit ses lèvres pulpeuses plutôt que de prendre le gâteau, une étincelle de malice dans le regard. Jungkook esquissa un sourire amusé et obéit à cette demande silencieuse : il prit un morceau du cookie qu'il poussa doucement dans la bouche de son petit ami.
Étrange qu'il trouve ça si sensuel, il se contentait pourtant de lui donner, les uns après les autres, de petits morceaux de gâteau. Pourtant ils étaient dans leur petite bulle, ensemble, et ça avait quelque chose d'intime pour lui. Être assis sur les jambes de son petit ami, positionné de cette manière face à lui, ça lui donnait des idées qu'il tentait de refouler mais qui demeuraient présentes à son esprit. L'obscurité ne dissimulait rien de la beauté ensorcelante du jeune homme, beauté qui envoûtait Jungkook à la manière d'un charme magique.
Le cookie fut terminé, ils n'avaient pas lâché le regard l'un de l'autre et Jimin avait pris des mains de son copain le dernier morceau pour le lui donner. Le biscuit fini, un courant électrique leur semblait passer entre leurs pupilles désormais dilatées par le désir. Jungkook se pencha pour poser la boîte de gâteaux sur la table de chevet sans quitter sa position pour autant.
Lorsqu'il se replaça correctement sur les cuisses de Jimin, il posa les mains sur ses épaules par réflexe, quant à Jimin il se contenta de lui offrir un regard dont l'obscurité ne pouvait pas camoufler la tendresse.
« Merci, Kook-ah, souffla-t-il.
- Tu te sens mieux ?
- Mieux que jamais. »
Les baisers alors s'enchaînèrent, et tandis que leurs lèvres se mouvaient tendrement, les mains de Jimin descendirent des reins de Jungkook pour aller trouver l'élastique de son bas de pyjama. Il s'écarta alors légèrement de lui sans cesser de caresser les bas de son dos et lui demanda d'un simple « je peux ? » la permission de franchir cette barrière.
Il sembla à Jungkook que sans s'en rendre compte il avait murmuré un « oui » lascif. Il mourait d'envie de sentir les mains de son copain se balader partout sur son corps, le toucher et l'exciter. C'était si bon et pourtant si simple. De banals contacts qui lui faisaient un bien fou. Les mains de Jimin pourtant eurent la pudeur de se poser certes sur ses fesses mais par-dessus son short sous lequel il n'osait pas s'infiltrer trop vite de peur de le brusquer.
Caresses, baisers et soupirs furent échangés sans que rien n'aille plus loin entre les deux garçons qui finirent allongés l'un contre l'autre, en sous-vêtements. Ils s'étreignaient amoureusement, trop fatigués pour que le désir qui faisait battre leur cœur ne prenne le pas sur l'envie qu'ils avaient de simplement se réconforter. Jungkook souhaitait montrer à Jimin qu'il était là pour lui, et à l'inverse Jimin espérait prouver à Jungkook qu'il se sentait mieux désormais.
Ils étaient dans les bras l'un de l'autre lorsqu'ils s'endormirent.
~~~
C'était jeudi, autrement dit Taehyung était rentré du travail trois heures avant son petit ami. Depuis la conversation qu'il avait eue avec Namjoon, le jeune garçon était incapable de se sortir de l'esprit les tourments qui faisaient souffrir Seokjin. L'anorexie, qu'est-ce qui avait pu le pousser à une telle extrémité ? Taehyung n'avait pas osé poser la question à Namjoon : ce n'était pas à lui de lui révéler l'origine du problème, c'était à Seokjin lui-même.
Mais comment ? Pourquoi son petit ami refusait-il de lui parler de sa maladie, allant même jusqu'à se forcer à manger devant lui pour ne rien laisser paraître ? Que craignait-il de l'éternel regard bienveillant de Taehyung ? Avait-il peur d'affecter de manière négative l'image que son cadet avait de lui ? Avait-il peur que Taehyung n'ait dorénavant un regard de pitié et non plus d'amour ? De compassion plus que de désir ?
C'était des questions auxquelles Taehyung avait conscience de ne pas pouvoir répondre. Le seul qui pouvait y apporter une réponse sincère, c'était Seokjin, or comme Namjoon l'avait fait remarquer, mieux valait ne pas le mettre au pied du mur et l'obliger à s'exprimer. Ça risquait de déstabiliser profondément Seokjin et lui donner un sentiment d'angoisse plus que de réconfort. Ce n'était pas du tout ce qu'il voulait. Taehyung, lui, il espérait que son petit ami se confie à lui parce qu'il lui faisait confiance et souhaitait partager avec lui ses souffrances.
Un soupir échappa au jeune homme assis sur le lit que le couple partageait désormais. Il s'en voulait, mais il ne pouvait pas s'empêcher de songer que c'était la sévérité du regard que Seokjin avait sur son propre corps qui était la raison pour laquelle ils n'avaient pas couché ensemble. Taehyung n'avait pourtant jamais caché le désir qu'il éprouvait pour son aîné, mais chaque fois ce dernier trouvait un prétexte pour refuser – quoique Taehyung n'ait jamais demandé la moindre explication à ses refus, Seokjin s'était toujours senti obligé de se justifier.
Pourquoi songeait-il à ce sujet trivial alors que c'était avant tout la santé de son petit ami qui était en jeu ? Leurs relations intimes étaient bien le cadet de ses soucis... pourtant ces pensées refusaient de quitter l'esprit de Taehyung : si Seokjin se refusait à lui à cause de ce dégoût qu'il éprouvait pour son corps, ça impliquait qu'il s'inquiétait du regard de Taehyung sur lui. Et s'il s'inquiétait de ce regard... est-ce que ça signifiait qu'il n'avait pas confiance en son propre petit ami ? Croyait-il Taehyung capable de le repousser ?
Quel que soit son défaut, Taehyung l'aimerait tel qu'il était, il s'en moquait de son apparence... or il ne se moquait pas de sa santé. Que son aîné soit maigre n'était pas un problème, mais pas si cette maigreur était due à une mauvaise alimentation et à une obsession destructrice. Comment lui témoigner son soutien ? Que faire pour lui faire comprendre qu'il était en sécurité à ses côtés et que son cadet ne le jugerait pas et se contenterait de tout faire pour le comprendre et le soutenir ?
Taehyung se mordit la lèvre en songeant qu'après tout, c'était sans doute son propre regard qui effrayait le plus Seokjin, pas celui de son petit ami ou des autres. Et puisqu'il n'avait pas confiance en lui, il lui était impossible de faire réellement confiance à quiconque. La honte qu'il avait de lui-même le rendait aveugle à l'amour que lui portait Taehyung, sourd aux compliments qu'il lui faisait, insensible à ses caresses, et pire que tout ça le rendait muet, incapable qu'il était de parler de ce qui le détruisait.
La porte de l'appartement s'ouvrit au moment où Taehyung prenait la résolution de ne rien dire à Seokjin : si ce dernier ne souhaitait pas qu'il sache, alors le jeune garçon demeurerait – en apparence – ignorant. Pour autant, il comptait bien tout faire pour rassurer son petit ami, pour lui témoigner l'étendue de l'amour qu'il lui portait et pour lui permettre de se sentir bien et en sécurité auprès de lui.
« Bébé ? Je suis rentré ! lança Seokjin depuis le salon. T'as dîné ?
- Non, je t'attendais, » répondit l'autre en se relevant rapidement pour aller retrouver avec bonheur l'élu de son cœur.
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Info : j'ai changé le lien en bas de ma bio, c'est beaucoup plus pratique maintenant :3
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