Chapitre 151
« T'as prévenu Taehyung ? s'enquit Namjoon.
- Oui, acquiesça Seokjin, t'imagines bien que dès que tu m'as proposé ça, je lui ai envoyé un message. »
Le cadet opina doucement et adressa un sourire à son collègue. Les deux jeunes gens se trouvaient en ce lundi soir tranquille dans la cuisine du Boy's love Café après avoir fait la fermeture ensemble. Namjoon avait proposé à Seokjin qu'ils cuisinent tous les deux des nouilles au poulet et aux légumes pour le dîner et, s'il en avait acheté les ingrédients, il préférait néanmoins la grande cuisine du café au petit coin peu pratique qu'il avait dans son appartement.
Seokjin, parfaitement conscient que Namjoon espérait le faire manger un peu, avait accepté la proposition de son ami lui et avait immédiatement envoyé un message à Taehyung pour le prévenir qu'il mangerait avec Namjoon et qu'il rentrerait au plus vite. Un adorable « te presse pas, prenez votre temps, je t'aime » lui avait répondu quelques instants plus tard.
Taehyung était décidément le garçon idéal : voir à quel point il avait confiance en son aîné alors même qu'il venait d'apprendre qu'il allait manger avec un autre garçon – et ce n'était pas la première fois –, ça le touchait énormément. Seokjin ne l'en aimait que plus, et ce soir-là, une fois qu'il rentrerait chez lui pour retrouver son petit ami, il comptait bien le lui prouver.
Déjà rêveur, l'ulzzang secoua la tête et interrogea son collègue du regard pour l'inciter à répéter ce qu'il venait de dire. Namjoon poussa un soupir mais s'exécuta.
« Je te demandais si t'étais prêt à passer à la préparation. J'ai rien oublié pour ce qui est des ingrédients ? »
L'aîné jeta un coup d'œil à tous les ingrédients que Namjoon était allé récupérer chez lui quelques minutes auparavant, pendant que Seokjin écrivait à Taehyung. Tout était là, et si tout lui semblait appétissant, rien pourtant ne lui donnait faim. Tout ce qu'il voyait là, c'était des calories qu'il ne lui fallait surtout pas ingérer : il y avait juste assez d'ingrédients pour deux personnes, mais Seokjin avait l'impression que cette quantité pourrait nourrir tous les employés du café.
Ses angoisses agissaient comme un écran de fumée qui lui obstruait la vue.
« Eh, Jin, ça va aller, promit Namjoon d'une voix rassurante en posant une main réconfortante contre son dos. On va cuisiner et si tu veux manger, tu manges, mais te force surtout pas si c'est pour aller vomir ensuite. T'as déjà mangé aujourd'hui ?
- Trois thés verts au cours de la journée et à midi une salade, oui.
- Tu voudras bien manger un peu ?
- Oui, oui t'inquiète. Juste un peu.
- Juste un peu, je sais que c'est déjà beaucoup pour toi. Je... ouais, je sais pas trop comment m'y prendre pour t'aider. Alors merci, je vois bien que tu fais beaucoup d'efforts.
- C'est moi qui te remercie de pas baisser les bras. C'est super gentil de ta part de prendre du temps pour moi. »
Namjoon le rassura d'un regard et alla chercher les ustensiles desquels ils allaient avoir besoin. La recette n'avait rien de compliqué ; avec Seokjin à ses côtés, Namjoon était convaincu qu'ils ne pourraient que réussir ces nouilles à merveille ! Il avait envie d'y croire, envie de faire en sorte que Seokjin retrouve un semblant d'appétit. Il voulait mériter la confiance que son ami avait placée en lui lorsqu'il lui avait confié ce secret qu'il n'osait toujours pas révéler à son propre petit ami.
« J'ai la recette, dit Namjoon en sortant un papier de sa poche. On y va ?
- Ouais, cuisinons. »
L'air peu assuré de Seokjin laissait pourtant deviner une réelle envie de bien faire. Avec Namjoon, il savait que même s'il finissait par ne rien manger, son cadet ne serait pas déçu et demeurerait encourageant et empathique. Cette attitude positive lui faisait chaud au cœur : il ne se sentait pas bousculé, simplement soutenu. Ça faisait une énorme différence qui lui donnait l'agréable sensation d'être protégé.
Namjoon le protégeait contre lui-même.
Ce fut ces pensées apaisantes qui tournèrent dans son esprit tandis qu'il s'affairait à la préparation du plat avec son ami pour bras droit. Le moment fut agréable, relaxant. Du moins ce fut relaxant jusqu'à ce que le dîner soit terminé et que Seokjin comprenne qu'il était temps de goûter.
Seulement s'il en avait envie.
Il déglutit alors que son cadet se servait un large bol de nouilles et en versait également dans un bol plus petit. Un bol pour lui.
« Hyung... t'en veux ? demanda justement le jeune garçon.
- Je sais pas... »
Sa réponse avait été un simple murmure.
« Si t'en as pas envie c'est pas grave, je mangerai seul, tenta de le rassurer Namjoon.
- Non... e-enfin si je... j'en ai envie, mais... je...
- Ça t'effraie ? »
La question avait été posée d'une voix calme et rassurante ; Seokjin acquiesça doucement. Ces nouilles paraissaient exquises, le fumet qu'elles dégageaient lui mettait l'eau à la bouche. Mais sa tête était remplie de chiffres : les calories que ça représentait, le pourcentage de glucides, protéines, lipides, fibres, l'index glycémique... Ça le hantait.
Mais après tout, une petite portion ne pouvait pas lui faire de mal : il s'agissait de nouilles avec un bouillon, des légumes frais et de la viande que Namjoon avait visiblement achetée dans un petit marché près d'ici. Alors c'était bon pour sa santé, un petit bol lui ferait sans le moindre doute un bien fou.
Pourtant... il y avait les calories... c'était trop.
« Je... e-est-ce que je peux juste goûter une bouchée ? »
Oui, une bouchée ce n'était pas grand-chose, à peine quelques dizaines de calories : il ne dépasserait pas la limite qu'il s'imposait. Une bouchée, juste une seule.
Namjoon lui offrit un sourire réconfortant et acquiesça doucement. Il lui tendit le petit bol ainsi que des baguettes. Dans ce récipient minuscule, la quantité qu'il avait mise semblait bien maigre ; Seokjin songea un instant qu'il pourrait peut-être manger plus qu'une unique bouchée. Son collègue, en effet, s'était donné du mal – et lui aussi – pour préparer ce plat. Ça avait l'air bon.
Et puis c'était peu calorique.
Seokjin se mordit la lèvre inférieure tandis qu'il semblait jauger du regard le petit bol qu'il avait désormais entre les mains. Bon, il en prendrait une bouchée, et s'il lui venait le moindre haut-le-cœur, il s'arrêterait là.
Courage.
« Ça va aller, tu peux y arriver, lui assura Namjoon.
- T'es bête, sourit son aîné d'un ton qui se voulait léger, on dirait que je suis sur le point d'accomplir un exploit.
- Et c'est pas le cas, peut-être ?
- Sois pas ridicule. Je suis même pas foutu de manger, ça fait pitié, y a rien de grandiose à pouvoir avaler de la bouffe comme tout le monde.
- Je... y a quelque chose que je comprends pas, admit d'une voix sérieuse le jeune performeur.
- De quoi ?
- Pour devenir celui que tu rêvais d'être, mince et admiré, t'as été prêt à tous les sacrifices... mais maintenant que tes objectifs sont atteints, est-ce que tu penses être heureux et épanoui ?
- Quand je suis avec Taehyung, oui...
- Mais avec toi-même ?
- Ça paraît évident, souffla Seokjin qui sentait sa gorge se nouer. Oui, je me trouve mieux physiquement... mais je me sens encore moins bien dans ma peau que quand je n'appréciais pas mon reflet dans le miroir. »
Sa tristesse se lisait aussi bien dans son regard que dans ses gestes et sa voix qui s'éteignait peu à peu.
« Je suis désolé, s'excusa Namjoon, je voulais pas paraître impoli, je... c'est simplement quelque chose que j'ai du mal à comprendre.
- Je sais, t'en fais pas. Ça me touche que t'essaies de comprendre plutôt que de juger.
- Alors... j'ai juste une autre question.
- Vas-y, je t'en prie.
- Est-ce que tu sais ce qui te rendrait heureux ? »
Ce fut le silence qui lui répondit, puis finalement Seokjin hocha doucement la tête de gauche à droite. Il n'avait pas la moindre idée de ce qui pourrait lui permettre de se sentir enfin libéré de tout fardeau, heureux pour de bon. Taehyung faisait certes naître en lui une joie immense, mais il s'agissait d'une joie éphémère : dès lors que Seokjin se retrouvait seul, de nouveau c'était les doutes qui l'assaillaient. Il ne parvenait pas à se délivrer de cette cage invisible dans laquelle il était entré de son plein gré mais sans s'en rendre compte. Il s'était lui-même condamné.
« Je voudrais le savoir, susurra-t-il pour toute réponse.
- Un jour je suis certain que tu trouveras le bonheur que tu mérites. S'accepter est loin d'être une chose facile, mais t'y parviendras.
- Mais je veux rester mince pour Taehyung. Il me trouve beau comme ça.
- Taehyung est avant tout attiré par celui que tu es à l'intérieur... et s'il savait que ce corps qu'il chérit est un corps malade, je pense qu'il t'encouragerait à reprendre du poids. Il veut simplement ton bonheur, tu sais.
- Je le sais bien. Pourtant... il est si beau, lui, je veux le mériter.
- Tu sais aussi bien que moi que c'est pas en t'affamant et en finissant à l'hôpital que tu mériteras l'amour de Taehyung. Je t'assure qu'il s'en moque de ton physique. Et puis de ce que je sais, lui non plus n'est pas complètement à l'aise avec son corps...
- Oui... son petit ventre pourtant tout plat.
- Et tu l'aimes alors que lui ne l'aime pas ?
- Oui. On va dire que je l'aime pour deux. »
Namjoon acquiesça lentement, un léger sourire aux lèvres. Il savait que son ami avait compris où il voulait en venir et, plutôt que de poursuivre la conversation, il prit une bouchée des nouilles qu'ils avaient préparées. Seokjin baissa alors les yeux sur son petit bol... et songea quelques instants à celui qu'il aimait.
Taehyung avait mentionné à plusieurs reprises le fait qu'il n'aimait pas son ventre alors même qu'il avait la chance de manger ce qu'il voulait et de conserver un ventre plat. Seokjin trouvait son amant absolument magnifique, il le lui répétait tant que Taehyung finirait sans doute par ne même plus y croire. C'était pourtant sincère. Il l'aimait tel qu'il était, même s'il le pouvait il ne changerait rien au corps de son petit ami qu'il ne se lassait pas de dévorer du regard.
Il se doutait bien que ce n'était pas quelques kilos en plus qui feraient fuir Taehyung, bien au contraire, en revanche il y avait cette diabolique petite voix au fond de son crâne qui lui murmurait qu'il ne pouvait pas le savoir avec certitude, qu'il ne pouvait pas vouer une confiance si aveugle en celui de qui il était pourtant éperdument amoureux. C'était la voix née de la maladie, celle que Seokjin ne parvenait jamais à taire, celle à la volonté de laquelle il finissait toujours par se plier.
Le jeune garçon concentra de nouveau son attention sur son bol de nouilles. L'odeur était si appétissante, il en salivait d'avance malgré les mises en garde de cette petite voix qui se prenait pour sa conscience.
Avant qu'elle ne devienne assourdissante, il porta quelques nouilles à ses lèvres et osa un regard timide en direction de Namjoon. Le jeune garçon, s'il avait une expression neutre parce qu'il mangeait lui aussi, avait cependant les prunelles pétillantes de bonheur à voir son aîné trouver le courage d'affronter ses angoisses.
« Alors ? s'enquit-il une fois qu'il eut avalé ses nouilles.
- C'est vraiment bon, admit Seokjin avec sincérité. Merci beaucoup.
- C'est moi qui te remercie. J'avais rien de prévu, tu sais. Alors si je peux t'être utile... c'est cool.
- C'est vraiment généreux de ta part de faire tout ça pour moi.
- T'en aurais fait autant à ma place. »
Seokjin eut un léger sourire, preuve de son approbation ; bien sûr qu'il serait le premier à voler au secours d'un de ses amis si ce dernier en avait besoin. Mais... c'était rare que ce soit à son secours que quiconque vole. Il n'avait jamais parlé à personne d'autre que son frère de son trouble alimentaire.
Et tandis qu'il était plongé dans ses songes, les yeux dans le vague alors même qu'il les avait fixés sur Namjoon, Seokjin avalait de petites bouchées dignes de celles d'un tout jeune enfant. Pourtant, à force de prendre sans même s'en rendre compte ces infimes morceaux de son plat qu'il ne déniait pas regarder, trop concentré sur son ami, Seokjin finit par sentir contre ses baguettes la porcelaine du bol à la place de ses nouilles. Ce fut à cet instant qu'il y baissa les yeux... pour se rendre compte que le bol était vide, complètement vide.
Il ne restait qu'un peu de bouillon, il avait avalé tout le reste. À cet instant précis il ressentit un mélange de fierté et de culpabilité : il avait mangé, c'était bien... mais est-ce qu'il n'avait pas trop mangé ? Il allait prendre du poids, dès le lendemain matin sa balance allait le lui faire payer, et puis il y avait...
« Tu peux être fier de toi, Jin. »
Namjoon lui adressa un sourire empli de bonté. Ça le réconforta plus que tout ce qu'il aurait pu imaginer. Oui, c'était une bonne chose... il fallait qu'il mange.
« Dis, y a une boîte dans laquelle je pourrais en mettre un peu ? demanda-t-il en allant laver son bol à l'évier. Je voudrais en ramener à Taehyung-ah.
- Ouais, il me semble que t'en trouveras dans le placard, faudra que tu fouilles un peu.
- D'acc. De toute façon je la ramènerai dès demain matin. »
Namjoon acquiesça, chacun fit sa vaisselle et l'aîné trouva ensuite ce qu'il cherchait là où son ami lui avait dit de fouiller. Il versa dans la boîte de plastique opaque ce qui restait des nouilles – et il en restait une bonne quantité – après s'être assuré auprès de Namjoon que ce dernier ne voulait pas en garder ne serait-ce qu'un peu pour lui.
« Non, je t'assure, avait-il répondu, et puis je serais heureux que Tae les goûte, nos nouilles, tu me diras si ça lui a plu. »
Et c'était quelques minutes et de chaleureux remerciements plus tard que Seokjin était parti du café, suivi par Namjoon qui était rentré chez lui aussitôt. Seokjin, quant à lui, avait prévenu son petit ami qu'il revenait avec un plat exquis, ce à quoi Taehyung avait bien évidemment répliqué que dans ce cas, il l'attendait avec encore plus d'impatience.
Chaque jour Seokjin avait l'impression que cet ange tombé du ciel lui était un peu plus précieux. Taehyung était décidément un garçon d'une gentillesse exceptionnelle.
Ça lui brisait le cœur de ne pas réussir à lui parler de sa maladie... Un jour sans doute aurait-il le courage de lui faire face et de lui avouer tout ce qu'il avait sur le cœur, tout ce qu'il avait voulu lui cacher dans l'espoir qu'il ne s'inquiète jamais pour lui.
~~~
« Bébé ? Tu dors ? »
Seokjin se pencha doucement au-dessus de la silhouette de son petit ami, allongé dans leur lit, dans la pénombre. Taehyung bougea avec peine, s'étira et, malgré l'obscurité, il lui offrit un sourire attendrissant ainsi qu'un regard aimant.
« Non, je t'attendais, » répondit-il d'une voix fatiguée qui le trahit.
Son aîné lui rendit son sourire et passa une main amoureuse dans ses cheveux emmêlés en venant déposer sur sa joue un baiser éthéré. Allongé sur le ventre, Taehyung tourna juste assez le visage pour lui tendre les lèvres, réclamant sans un mot celles de son copain contre les siennes. Sans une hésitation celui-ci les lui accorda. D'abord, leurs deux bouches se frôlèrent, se caressèrent, puis se rejoignirent.
C'était toujours aussi puissant qu'au moment de leur premier baiser.
« Je t'ai ramené un peu des nouilles que Nam et moi on a préparées.
- Oui je me rappelle. J'ai hâte de goûter.
- T'es sûr d'avoir faim ? Te force pas...
- J'avais pas encore dîné quand t'as envoyé ton message, du coup je t'ai attendu en regardant des vidéos.
- Vidéos devant lesquelles tu t'es endormi, compléta Seokjin avec un regard taquin.
- Exactement. Et après une sieste, quoi de mieux qu'un bon plat de nouilles préparé avec amour ?
- Allons à la cuisine, d'acc ?
- Tu veux pas me les apporter ici ? S'il te plaît, hyung. »
Taehyung lui fit les yeux de chien battu, avançant la lèvre inférieure en une moue à croquer qui fit aussitôt céder son copain.
« Pas de soucis, je vais chercher ça. Je peux allumer au moins la lampe de chevet ?
- Allume la grande lampe, ça va. »
Seokjin opina et, après un second baiser, il se redressa, laissa traîner une main aimante sur les courbes de son petit ami, et s'éloigna finalement avant de quitter la pièce de laquelle il alluma la lumière. Il revint à peine quelques instants plus tard avec entre les mains la boîte de nouilles et des baguettes. Il esquissa un sourire amusé en constatant la position de son petit ami : les yeux attaqués par la lumière vive, Taehyung avant plongé le visage dans l'oreiller.
« Taetae, les nouilles.
- Mal aux yeux, marmonna l'autre d'une petite voix étouffée par le coussin.
- Je peux éteindre, si tu veux.
- Nan, je vais m'habituer. »
Seokjin roula des yeux mais ne répliqua rien, à la place de quoi il rejoignit le jeune garçon sur le lit et posa la boîte sur la table de chevet. Il souleva délicatement le t-shirt de Taehyung pour passer la main en dessous, caressant alors l'épiderme du garçon qui laissa échapper un discret soupir à ce plaisant contact. Ses gestes étaient légers, juste assez appuyés pour que Taehyung sente la pulpe de ses doigts passer sur sa peau et, ainsi, y sème une traînée d'agréables frissons.
« T'arrête pas, murmura-t-il, j'aime bien. »
Seokjin le savait parfaitement : Taehyung adorait qu'il lui caresse le dos pendant de longues minutes, l'aîné le soupçonnait même de faire exprès de s'allonger sur le ventre pour l'inciter inconsciemment à lui offrir ces petites attentions.
« Tu voudrais pas que ce soit autre chose que je caresse ? » s'enquit Seokjin en allant titiller la ceinture de son short de pyjama.
Taehyung, les yeux toujours clos, afficha un sourire avant de refuser d'un signe de la tête à peine perceptible.
« Juste le dos, souffla-t-il, mais... une prochaine fois je dis pas non.
- Dans ce cas, ça sera avec plaisir.
- Et toi ?
- Moi ? répéta l'aîné sans comprendre.
- Tu voudrais... que je te le fasse aussi... ou bien qu'on aille plus loin ?
- Je sais pas trop...
- T'en as pas envie pour l'instant ?
- Ouais c'est... je saurais pas expliquer, je... j'ai juste envie de te faire du bien à toi. Moi, j'en ressens pas le besoin.
- Un jour je pourrai te toucher quand même ? Tout ton corps, je veux dire.
- Bien sûr, rigola Seokjin qui avait repris ses caresses sur son dos. Laisse-moi juste un peu de temps.
- T'as tout le temps que tu veux. »
Sa voix ensommeillée était adorable, et tandis que Taehyung semblait de nouveau sombrer peu à peu, son copain poussa un soupir muet avant de lever les yeux au plafond d'un air peiné. Il adorerait se donner complètement à lui, lui offrir son corps de même qu'il lui avait offert son cœur. Mais... il ne pouvait pas. Seokjin trouvait son corps bien trop imparfait – si ce n'était repoussant dès lors qu'il dépassait son quota de calories – pour oser le montrer à son petit ami et le laisser en disposer à sa guise. Il avait conscience que Taehyung le trouverait sans doute magnifique, le complimenterait et lui adresserait les mots les plus doux qui puissent exister.
Pourtant il s'en sentait simplement incapable. Tantôt il avait envie d'avouer à son petit ami ses doutes, ses peurs et ses secrets, tantôt il préférait les lui épargner. Tantôt il voulait sentir Taehyung tout contre lui – en lui pourquoi pas – et tantôt il songeait que le simple fait de retirer son t-shirt lui apparaissait comme une épreuve plus insurmontable encore que de manger un gâteau saturé de sucre. Il ne haïssait pas son corps mais il en avait honte.
Une fois certain que son petit ami dormait profondément, Seokjin retourna à la cuisine avec le repas duquel il mit la boîte au frigo pour le conserver jusqu'au lendemain. Ça ferait un délicieux petit déjeuner.
Le jeune homme alla à la douche, se changea et se coucha finalement aux côtés de celui qu'il aimait. Taehyung bougea à peine ; un ronflement presque inaudible quittait ses lèvres à peine entrouvertes, et lorsque Seokjin l'attira délicatement à lui, le jeune garçon ne dénia pas même ouvrir les yeux. Bien que tiré de ses rêves par ce geste, il se rendormit vite, rapidement imité par Seokjin qui ne put pas s'empêcher de songer à la soirée qu'il avait passée avec Namjoon, aux discussions qu'ils avaient eues et au repas qu'ils avaient préparé puis mangé.
Comme en son grand frère quelques mois plus tôt, en Namjoon Seokjin voyait un véritable ange gardien qui ferait tout pour l'aider à vaincre.
~~~
La semaine était passée rapidement. Jimin et Jungkook n'avaient pas dormi de nouveau l'un chez l'autre, préférant passer leurs soirées seuls – ce qui ne les empêchait pas d'échanger quelques messages lorsqu'ils avaient envie de discuter l'un avec l'autre. On aurait dit que rien ne s'était passé, que leur petite idylle était toujours aussi parfaite qu'au premier jour.
Jungkook, malheureusement, avait l'impression que la courte dispute qu'ils avaient eue les avait séparés d'une manière qu'il était bien incapable de qualifier. Ça lui faisait l'effet d'un mur de verre qui se dressait entre Jimin et lui, un mur fait de non-dits, de secrets trop pesants. Jungkook avait bien senti à quel point ce fardeau était, pour Jimin, lourd à porter. Ça se voyait à son visage profondément mélancolique : chaque fois qu'il pensait à cette blessure et à ce qui l'avait causée, il revivait ce qui ressemblait à un cauchemar.
Pourquoi ne pas lui en parler ? Jimin avait prétendu ne pas vouloir se rappeler, mais n'était-ce pas ce qu'il faisait chaque fois ? N'était-ce pas ce qui l'avait mené à cette fureur l'autre soir ? Jungkook en avait la certitude : il y avait autre chose derrière tout ça, quelque chose que Jimin lui cachait et qui était bien plus douloureux que la blessure avec laquelle il serait condamné à passer sa vie.
Mais ça, ça ne l'avançait pas beaucoup, c'était quelque chose qu'il avait déjà compris depuis un bon bout de temps. C'était simplement qu'avec le temps, ça devenait de plus en plus pesant tant pour Jimin que pour leur couple. Jungkook avait conscience qu'il devait lui laisser du temps mais... son copain était si fermé, c'était difficile pour le jeune garçon de voir Jimin préférer souffrir seul plutôt que de partager sa douleur avec lui. L'étudiant cependant avait compris : Jimin lui parlerait lorsqu'il s'en sentirait capable. Et Jungkook attendrait.
Ça ne cessait pourtant pas de le hanter depuis une semaine : qu'est-ce qui pouvait bien être si grave que Jimin puisse s'énerver de cette manière ? Qu'est-ce qui pouvait expliquer ce refus si catégorique de dévoiler ce qu'il avait simplement qualifié d'accident – l'étudiant n'était même plus certain qu'il s'agisse bel et bien d'un accident tant ce souvenir semblait détruire intérieurement Jimin.
Dans ce cas néanmoins, que lui était-il arrivé ?
Jungkook avait l'impression de ne pas avoir toutes les pièces du puzzle : il lui manquait quelque chose pour comprendre. Sans doute un détail que Jimin n'avait pas mentionné ou bien au sujet duquel il avait cru bon de lui mentir. Car ça ne correspondait pas, il y avait quelque chose qui n'allait pas.
C'était à ça que Jungkook avait l'impression d'avoir passé sa semaine à penser, à son petit ami et à leur situation à tous les deux. L'étudiant en effet savait que son copain avait confiance en lui... mais pourquoi préférait-il cet étouffant silence ? Sans doute faisait-il partie de ceux qui avaient besoin de garder ces choses-là pour eux plutôt que d'en parler, cependant c'était visiblement une telle souffrance pour lui que Jungkook ne pouvait pas croire que le silence soit la solution. À rester muet, Jimin se laissait grignoter peu à peu par ses propres démons, et ça, c'était quelque chose à quoi Jungkook ne supportait pas d'assister sans rien faire.
Malheureusement... que pouvait-il y faire ? Pour sûr, il n'osait plus parler à Jimin de ce sujet, il avait peur de la réaction de son petit ami, peur des conséquences d'une simple discussion. Il pouvait comprendre cette peur d'en parler, lui-même avait bien longtemps caché ses problèmes à ses amis... malgré tout, il avait toujours fini par tout avouer à Jimin. Parce qu'il avait confiance en lui, parce qu'il savait qu'il pourrait l'aider à se sentir mieux. Est-ce que Jimin n'avait pas ce sentiment ? Non, Jungkook savait bien que son copain ne pensait pas à mal en refusant de lui en parler.
Il était sûr d'une seule chose : malgré ce mur de verre entre eux, Jimin lui manquait.
C'était samedi. L'étudiant éprouvait toujours la sensation de ne pas avoir les idées claires. Il était allé au travail avec une mine songeuse et avait donc été surpris de trouver son petit ami en train de l'attendre dans le couloir, juste devant son bureau.
« Kook-ah, je peux te parler ?
- Même pas un bonjour ? s'enquit l'autre avec une moue attendrissante avant de se rendre compte de ce qu'il venait de dire.
- Si, bonjour mon Kook-ah, rigola Jimin, est-ce qu'on peut discuter un instant ? »
Parce qu'il était du genre à être toujours en avance, Jungkook opina : il avait quelques minutes devant lui et le visage de Jimin était détendu, prouvant là qu'il ne s'agissait de rien de très important. Ça serait sans doute vite réglé. La preuve : Jimin ne prit même pas la peine de fermer la porte de son bureau derrière eux, il s'adossa simplement au mur, toisa son copain comme s'il détaillait la moindre de ses courbes, et sourit avec bonheur.
« Toujours aussi mignon, le complimenta-t-il, tu me fais craquer. »
Le plus jeune haussa les épaules et détourna son regard en sentant la gêne s'immiscer bien rapidement en lui. Jamais il ne s'habituerait aux compliments qui lui étaient adressés.
« Tu voulais quoi ? s'enquit-il en enfonçant les mains dans ses poches.
- Simplement te proposer de venir dîner à la maison après le boulot... et cette fois ça se passera bien, je te le promets. Ça te dirait ?
- Mais tu finis à onze heures, non ?
- Ouais, je compte performer. C'est pour ça que je voulais te voir : soit tu rentres chez toi et tu reviens ensuite, soit je te passe les clés de chez moi et tu te mets à ton aise le temps que je rentre, c'est comme tu préfères.
- Je veux bien t'attendre chez toi. »
La réflexion avait été courte pour Jungkook : il aurait très bien pu rentrer, écrire un peu puis revenir, mais il n'avait pas le courage de faire ces deux trajets – et puis la perspective de pouvoir se reposer directement après le travail lui plaisait bien. Jimin sourit puis opina. Il sortit de sa poche son double des clés que Jungkook prit avec un léger rictus.
« Ça me fait toujours bizarre que t'aies une clé, dit-il.
- Un jour je ferai installer des serrures avec un code, mais pour l'instant on fait avec ce qu'on a, rétorqua Jimin non sans malice. Y a Netflix, tu pourras te poser devant un film ou une série, fais comme chez toi. Je commanderai des sushis, ça fait longtemps que j'en ai pas mangé, ça t'irait ?
- Ouais, carrément, merci beaucoup.
- On va passer un super moment, lui promit encore Jimin en venant lui prendre les mains dans un geste délicat, j'ai déjà hâte d'y être. »
Jungkook opina avec douceur et se laissa entraîner dans un baiser délicat qui fut suivi d'une étreinte qu'il apprécia comme s'il redécouvrait l'innocente tendresse à laquelle Jimin l'avait habitué. Son petit ami lui embrassa ensuite le front avec amour et les deux se séparèrent, chacun retournant à ses occupations.
L'après-midi passa rapidement pour Jungkook qui vit le soir arriver sans même s'y attendre, trop plongé à la fois dans son travail et dans ses pensées. Il n'avait pas vu le temps passer et il ne put empêcher un large sourire de se faire une place sur son visage lorsqu'il arriva en salle de repos et y fit face à Jimin qui l'attendait, adossé à son casier et déjà en tenue de performeur.
« Salut, mon cœur. »
Jungkook fut à la fois ravi et gêné à ce surnom. Le petit couple échangea quelques mots suivis d'un baiser, et Jimin laissa son amant accéder à ses affaires. Il s'écarta sans pour autant le quitter du regard, ce dont Jungkook ne se préoccupa pas lorsqu'il retira son polo afin d'enfiler son t-shirt. Il avait à peine esquissé le mouvement pour revêtir son habit qu'il sentit les mains chaudes de son copain sur sa taille, directement sur sa peau. Aussitôt un frisson fit trembler son corps et un soupir lourd lui échappa lorsqu'il sentit le souffle du jeune garçon près de son oreille.
« Je peux ? murmura Jimin.
- Oui... »
Sa réponse ne fut qu'un murmure si bas qu'il fut surpris que son petit ami l'ait entendu. Jimin pourtant se resserra contre lui, plaquant avec douceur son torse contre son dos, et débuta d'agréables caresses sur ses côtes tandis qu'il lui embrassait de manière surfacique la nuque. Un « je t'aime » lui fut susurré qui fit frémir de bonheur le jeune homme.
« On se voit ce soir, termina Jimin en enroulant les bras autour de son copain toujours torse nu, j'ai passé commande pour les sushis, on nous les livrera pour onze heures cinq, tout pile quand je rentrerai. »
En guise de réponse, Jungkook se retourna, l'embrassa et lui sourit en le remerciant. Il s'écarta ensuite pour remettre son t-shirt et quitta la salle de repos en souhaitant un bon courage à son amant. Ce dernier le regarda partir, les yeux brillants d'affection, et alla au travail.
Ainsi, ce fut le cœur léger que Jungkook descendit les marches du Boy's love Café, après quoi il se rendit chez Jimin. Il prit soin de se déchausser et de refermer la porte derrière lui puis alla s'asseoir sur le canapé et alluma la télévision tandis qu'il sortait son portable de son sac. Les trois heures qu'il eut à attendre lui semblèrent passer aussi rapidement que ses heures de service : il regarda bon nombre d'épisodes d'un animé qu'il avait arrêté de suivre deux ans plus tôt et profita de ce repos auquel il avait droit pour aller également sur son portable jouer à quelques jeux qui avaient le don de faire passer agréablement le temps.
Il était exactement onze heures cinq lorsque la porte de l'appartement s'ouvrit sur Jimin qui, parce qu'il était arrivé en même temps que le livreur, avait désormais entre les mains un sac sur lequel apparaissait le logo d'une chaîne de restaurants japonais.
« Je suis là, mon Kook-ah, lança-t-il en même temps qu'il retirait ses chaussures, tu t'es pas trop ennuyé ici ?
- Pas le moins du monde, le rassura son cadet qui avait quitté le canapé pour venir le retrouver dans l'entrée. J'avais Netflix et mon téléphone, je pourrais tenir une journée entière rien qu'avec ça.
- Ravi de savoir que mon absence te rend à ce point indifférent.
- Mais t'es bête, ricana Jungkook en venant enrouler les bras autour de la nuque de son copain, je t'attendais, c'est tout.
- Alors la soirée peut commencer... »
Jimin lui sourit et désigna du menton le petit sac qu'il avait posé près de lui pour se déchausser.
« Kook, tu peux amener ça sur la table ? J'arrive dans une seconde. »
Son copain acquiesça avec une mine réjouie et s'exécuta : leurs plats sentaient divinement bon. Il ignorait ce que Jimin avait commandé mais il avait hâte d'y goûter. Ainsi il alla à la table et y posa le sac qu'il ouvrit pour en sortir plusieurs plats soigneusement emballés.
« Hyung, t'as pas l'impression d'en avoir trop fait ? sourit Jungkook en constatant la quantité de nourriture. On pourra pas tout finir.
- Dans ce cas il faudra sans doute qu'on termine ça demain midi, qu'est-ce que t'en dis ? »
Jimin venait de quitter l'entrée et approchait d'un pas tranquille. Il alla à la cuisine chercher deux verres qu'il remplit d'eau et il rejoignit Jungkook qui venait de s'installer. Les deux garçons échangèrent un regard empli d'amour et attrapèrent leurs baguettes avant d'entamer le dîner, profitant de ce moment de tranquillité pour discuter de leur journée. La conversation fut courte, elle dériva peu après sur ce qu'ils étaient en train de manger : c'était un véritable régal. Ce n'était pas son budget étudiant qui pouvait lui permettre de commander dans un restaurant tel que celui où Jimin avait acheté ce repas, raison de plus pour apprécier à sa juste valeur ce qu'ils mangeaient.
Le dîner fut donc vite terminé et les deux garçons se retrouvèrent à discuter sur le canapé devant la télévision, un mug de thé entre les mains. Agréablement installés, ils le furent plus encore lorsque Jimin se rapprocha pour s'installer tout contre Jungkook qui le laissa faire, un léger sourire au visage. Ces petits contacts de rien du tout lui étaient toujours aussi étrangers que lorsqu'ils s'étaient rencontrés : lui qui avait jadis fui la moindre marque d'affection – excepté avec Taehyung –, il avait toujours la sensation de ne pas être parfaitement à l'aise avec ça. Parfois encore il se crispait lorsque Jimin posait innocemment la main sur sa jambe, le prenait dans ses bras ou bien l'embrassait sur la joue. Pour autant... c'était loin d'exprimer une quelconque répulsion de la part du jeune garçon : c'était simplement qu'il avait encore du mal à s'y habituer.
Au café, devant les clients, cette légère gêne passait inaperçue. Il était désormais capable de mettre une distance entre Jungkook et Kookie, si bien que ça ne le dérangeait plus vraiment de recevoir les marques d'affection de ses collègues. Or le fait de les recevoir en tant que Jungkook, ça continuait de l'intimider, même si ça lui plaisait énormément. Il aimait chaque contact qu'il pouvait avoir avec Jimin, il aimait sentir son petit ami le toucher, l'embrasser. Il demeurait simplement timide, ça passait peu à peu à mesure que le temps passait.
Car il était si bien auprès de Jimin. Ce n'était pas la dispute ridicule qu'ils avaient eue la semaine passée – et qu'ils avaient déjà visiblement tous deux oubliée – qui allait y changer quoi que ce soit.
Leur thé terminé, les deux amants restèrent encore quelques minutes devant la télévision, le temps de finir l'épisode qu'ils regardaient. Les mains désormais libres, ils s'offrirent une étreinte délicate dans laquelle Jungkook se réfugia avec bonheur. Il crut d'ailleurs bien s'y endormir, l'espace d'un instant. Une torpeur caressante l'avait pris et il lui avait fallu s'écarter de Jimin pour ne pas sombrer dans le sommeil. L'aîné s'était alors décidé à aller faire la vaisselle pendant que son copain terminait son épisode.
Une fois la télé éteinte, Jimin n'hésita pas un instant à proposer à Jungkook de rester dormir avec lui – plus les jours passaient moins il aimait dormir seul, il avait besoin de Jungkook auprès de lui. Ce dernier n'hésita pas non plus avant de lui sourire dans un « d'accord » affectueux. Il avait cette semaine eu la sensation d'un manque, ne plus passer de temps avec Jimin lui avait fait un effet désagréable, comme lorsqu'il quittait son appartement sans prendre son sac de cours : il savait qu'il lui manquait quelque chose d'important, et ça le dérangeait.
« Cool, sourit Jimin avec entrain, dans ce cas je vais te chercher des vêtements pour la nuit, tu peux aller prendre une douche, si tu veux. »
Aussi ravi que son copain, Jimin alla à la chambre pendant que Jungkook allait se laver, épuisé par sa journée et bien heureux de pouvoir se détendre sous la douche sans avoir avant ça à subir un trajet que la fatigue lui faisait paraître encore plus long qu'il ne l'était.
Il était sous le jet chaud, en train de rêvasser, lorsque deux coups frappèrent à la porte de la petite salle de bains. Jungkook se tendit imperceptiblement. Il fit cesser l'eau et n'eut pas le temps de poser la moindre question que déjà la tendre voix cristalline de son copain s'élevait :
« Kook-ah, je laisse les vêtements devant la porte, ça marche ?
- Tu peux entrer, j'ai pas fermé, indiqua Jungkook en sentant le rouge lui monter aux joues.
- D'acc, je fais vite, t'inquiète pas. »
Jungkook sentit son cœur palpiter lorsque la porte s'ouvrit. La cabine de douche laissait à peine entrevoir sa silhouette, Jimin ne pouvait pas le voir. Pour autant, savoir que son petit ami était dans la même pièce que lui qui se trouvait nu et le corps dégoulinant, ça lui fit une étrange sensation. Il crut sentir son bas-ventre se serrer, mais c'était loin d'être douloureux. Au contraire, c'était... plaisant.
Jimin, conformément à ce qu'il avait annoncé, ne s'éternisa pas. Il était simplement entré, avait posé les vêtements sur un meuble et avait aussitôt quitté la pièce, peu enclin à faire ressentir la moindre gêne à son petit ami qu'il savait particulièrement pudique. L'effet sur Jungkook avait été double : touché d'une part par cette attention que Jimin avait toujours envers lui, il regrettait pourtant que son aîné ne soit pas resté quelques instants de plus dans cette pièce avec lui. Certes, il aurait été atrocement gêné, néanmoins... c'était une agréable gêne.
Ça c'était ce que lui disait son esprit, car son corps quant à lui avait impérieusement réclamé non seulement que Jimin reste dans la salle de bains, mais également qu'il le rejoigne sous la douche – désir inavouable pour Jungkook. Le jeune garçon avait honte d'avoir eu cette pensée alors même qu'il avait conscience que c'était quelque chose de tout à fait normal : il était amoureux de Jimin, en couple avec lui, et ses hormones étaient de plus en plus quémandeuses à mesure que les jours passaient. Il désirait Jimin, quel mal y avait-il à cela ? Pourquoi en était-il si embarrassé ?
Ce fut des idées plein la tête qu'il quitta la douche quelques instants plus tard et s'habilla sans tarder. Il quitta la salle de bains pour se rendre ensuite dans la chambre où Jimin l'attendait, occupé à ranger quelques petites choses qu'il avait laissées en désordre jusque là.
Une demi-heure plus tard, les deux amoureux étaient en train de se brosser les dents tous les deux, échangeant à travers leur reflet dans le miroir des regards qui n'avaient rien de discret et qui manquèrent de peu de faire rougir Jungkook, amusé de ce petit jeu qu'il avait lui-même initié bien malgré lui : Jimin l'avait surpris en train de fixer ses lèvres avec envie, si bien qu'il avait instantanément posé son regard sur les siennes. C'était ainsi qu'ils s'étaient rapidement retrouvés à échanger de petits regards accompagnés de sourires d'une délicate légèreté.
Ils se glissèrent dans le lit peu après et, sans même prononcer la moindre parole, d'un même mouvement ils se rapprochèrent l'un de l'autre pour s'étreindre avec tendresse. Ainsi, malgré la couverture qui leur tenait chaud, ils profitaient avec bonheur de la température corporelle de leur moitié, les yeux clos et le cœur rayonnant de bonheur. Jimin avait les bras enroulés autour du corps de son cadet qui, quant à lui, était recroquevillé contre son torse, la tête près de son épaule.
« Hyung...
- Oui mon Kook-ah ? »
Rien ne lui répondit, Jungkook demeura silencieux. Son copain, d'abord, ne réagit pas. Il le garda dans ses bras, confortablement serré contre lui, en attendant qu'il parle. En effet, le ton hésitant du jeune homme lui avait indiqué qu'il s'apprêtait à lui dire quelque chose qui le mettait mal à l'aise. Ainsi, patient, Jimin attendait qu'il prenne son courage à deux mains.
Or les secondes s'égrainèrent sans que le jeune garçon n'ose prononcer le moindre mot, si bien que son aîné finit par s'écarter légèrement pour pouvoir le regarder. Il cherchait à déceler sur son visage les traces d'un embarras trop prononcé ou bien d'une réflexion au sujet de ce qu'il allait oser dire. Ce qu'il trouva, ce fut bel et bien cet embarras exacerbé qui, à ses yeux, caractérisait désormais parfaitement Jungkook.
Avec un visage tendre, dans l'espoir de le rassurer malgré l'obscurité, Jimin passa la main sur la joue de Jungkook et attrapa délicatement son menton pour l'attirer à lui et lui voler chastement ses lèvres.
« Qu'est-ce qu'il y a ? lui susurra-t-il. Tu veux me dire quelque chose ?
- J-Je... Est-ce que tu pourrais... enfin... me caresser le dos ? »
Surpris, Jimin néanmoins lui sourit et s'exécuta. Il l'attira à lui de nouveau et passa la main sous son t-shirt pour lui caresser le dos à même la peau. Un soupir répondit à cette douceur que Jimin continua de lui prodiguer de longues minutes durant, attendri de sentir Jungkook se détendre peu à peu.
Ce dernier posa quant à lui ses mains contre le torse de son aîné et le caressa malgré le t-shirt qu'il portait. Jimin lui embrassa le front avec délicatesse et sourit de sentir Jungkook se rapprocher encore un peu de lui. Le jeune homme moula son corps au sien, passant une jambe par-dessus les siennes.
Ce fut précisément à cet instant que Jimin comprit.
« Mon ange... dis-moi réellement ce dont tu as besoin, lui souffla-t-il tout bas.
- J'ai honte... »
Son visage rouge pivoine, Jungkook l'avait enfoui dans le cou de son petit ami dans l'espoir que ce dernier ne puisse pas le voir. Jimin libéra alors une de ses mains qu'il alla passer dans sa chevelure pour le rassurer.
« Pourquoi avoir honte ? C'est normal, tu sais. Je suis heureux que t'aies envie de moi. »
Jungkook resta muet : dans cette position, son érection appuyée contre la cuisse de Jimin trahissait le désir qu'il éprouvait pour lui, impossible de nier. C'était atrocement gênant mais... le jeune garçon devait bien admettre qu'il avait plus que jamais envie de sentir son petit ami tout près de lui. Il avait besoin de lui, de son corps, de sa tendresse et de ses gestes aimants.
Jimin agit : la main qu'il avait posée dans le dos de son copain, il la fit lentement descendre le long de sa colonne vertébrale jusqu'à arriver à son bas duquel il frôla l'élastique. Un « tu permets ? » fut murmuré, auquel Jungkook répondit par un « oui » à peine audible. Alors Jimin reprit ses caresses sur le bas du dos du jeune garçon. Les secondes furent longues pour Jungkook qui le sentit descendre à une lenteur à la fois étouffante et adorable : Jimin faisait tout pour ne pas le brusquer, mais en agissant de cette manière il le faisait plus languir que jamais.
C'était insoutenable, insoutenable mais si bon.
Et ce fut meilleur encore lorsque Jimin commença finalement à lui caresser les fesses par-dessus son bas, préférant pour commencer ne pas s'infiltrer sous ce vêtement. Jungkook, lové contre lui, n'osait pas lever son délicat visage sur le sien : il craignait que rencontrer le regard de Jimin ne lui fasse perdre toute la témérité dont il avait eu la sensation de faire preuve jusque là. Sa respiration, bien que tremblante, ne s'était pas muée en soupirs. Il taisait son souffle du mieux qu'il le pouvait ; il ne souhaitait pas se faire entendre.
Son cœur bondit dans sa poitrine quand il sentit son petit ami déposer quelques tendres baisers dans sa chevelure. C'était doux, les gestes de Jimin semblaient calculés pour lui offrir le plus d'amour possible et Jungkook y était particulièrement sensible. Son copain lui malaxait délicatement les fesses, remontant parfois les mains pour lui caresser le dos à même la peau.
Après quelques instants, Jimin alla titiller l'élastique du short de Jungkook qui, malgré la gêne, se laissa faire, donnant son assentiment lorsqu'il lui donna un baiser. Jimin néanmoins s'assura de son accord dans un murmure, puis il revint lui caresser le dos avant d'arriver de nouveau à l'élastique de son short qu'il ne franchit d'abord que pour lui caresser les reins. Jungkook frémit en sentant ses paumes chaudes remonter dans son dos, impatient de sentir où elles se poseraient la prochaine fois qu'elles redescendraient.
Elles redescendirent. Lentement. Elles glissèrent sous son short. Doucement. Enfin, elles hésitèrent à la frontière de son caleçon. L'hésitation fut de courte durée.
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