Chapitre 6
Vendredi 12 novembre
Après la pluie, le beau temps. Au moins, ce genre de citation avait un sens. Je me rappelais clairement de la France, de ses saisons remplies de flaques d'eau continues et de boue. Comme c'était désagréable !
Le jour précédent, j'avais fait de drôles de choses après son histoire. Aller au café, au restaurant, et de peu, nous serions allés à un parc d'attractions. Je ne suis pas sûr de me sentir malchanceux de savoir que celui-ci se montrerait fermé. Sur le moment, je n'avais pas du tout pensé « heureusement. »
Ce matin-là, ce qui me réveilla fut un ciel admirablement éclairci. J'aurais voulu me teindre les cheveux en jaune pour l'occasion mais me l'imaginer ne m'enchantait pas énormément. Finalement, on pouvait teindre nos cheveux autant qu'on le voulait mais il n'y avait qu'une seule couleur originale pour chacun.
– Jeune maître, entendis-je à la porte.
L'habitude d'entendre quelqu'un me réveiller ne se met pas en place facilement. Ceux qui naissent riches ne doivent pas forcément penser la même chose mais je n'étais qu'un faux à leurs yeux.
– Je suis prêt, mentis-je.
Il se contenta de mes bonnes paroles et tourna les talons.
Je caressais la couleur brune de mes cheveux, pris mon uniforme et me sentais prêt pour commencer ma matinée. L'école allait arriver à son tour.
Je ne pus profiter de mes amis comme j'avais l'habitude de le faire sur la route, au contraire : j'avais été amené en voiture pour l'une des rares fois où je l'avais demandé de mon plein gré. Disons que j'étais plus ou moins pressé.
Je franchis le sol de l'école, l'entrée tristement faite de béton, et enfin la terrasse.
– Salut ! lançais-je.
Black se courba pour me faire signe et remit sa tête dans le vide que cachaient les murs de la terrasse.
– Tu vas rester ici ? demandais-je.
– Changement de programme, dit-elle.
Je lui lançai un regard interrogateur.
– J'ai voulu aller en cours mais les rumeurs sont assez troublantes.
Je n'avais, à ce moment, pas tout à fait compris ce qu'elle tentait de me dire. Mais tout ne tarda pas à s'éclaircir. Ma mère me disait autrefois de ne pas chercher les soucis car c'étaient eux qui viendraient à nous sans qu'on ne les ait cherché.
Je repris les escaliers, puis le couloir avant de dire bonjour à nouveau à ma classe. Aya accourut alors, l'air inquiète.
– Kazune, c'est vrai que tu sors avec Black? me demanda-t-elle avec des yeux pleins d'espoirs.
Que me racontait-t-elle ?
– Je ne crois pas ? répondis-je, confus.
–D'accord ! lança-t-elle.
Elle ne resta plus, et accourut voir ses amies. Toutes firent un cri de protestation fort mais cette fille laissa les remarques passer. Après tout, quels que soient les jugements des autres, ce n'était pas dans cette classe que j'allais y faire attention.
M'insulter en me disant que mon seul ami était Dai n'était pas forcément faux, mais pour me donner un sentiment d'insécurité il aurait fallu devenir pire que mes tous mes traumatismes passés.
Le professeur entra en cours et commença sa leçon. Fatigué, je mis ma tête dans mes bras et commençai à dormir. Des rêves ? Je n'en avais pas fait, ou alors, j'étais totalement incapable de me souvenir des tourments de mon imagination.
– Kazu ! entendis-je à mon réveil.
Je relevai lentement mes yeux et vis Dai tout chaleureux. Il était assis sur la chaise de la table de devant et se pressa de se retourner.
Je fis un grand bâillement avant de lui rendre son regard interrogateur.
– Salut Dai !
Les cours étaient donc finis.
– Mec, il y a un nouveau jeu compatible uniquement avec la toute nouvelle console de l'entreprise de ton père !
– D'accord, répondis-je sans trop comprendre en quoi cela me concernait.
– On serait les seuls à l'essayer à l'école ! Imagine !
Je commençais alors à m'imaginer, demander à mon père d'acheter cette toute nouvelle console, lui dire que je la trouvais bien, que je voulais l'essayer. Au fond de moi, je sentais déjà ses yeux et sa réaction hostile se plonger sur moi.
Finalement, je fis part à Dai de mes inquiétudes. Il comprit et changea de réaction, restant compatissant et gentil. Tant mieux.
– Je vais voir Black sur la terrasse, tu veux venir ? proposais-je à mon ami.
– Quoi ?
Son expression se figea à la seconde même où j'avais prononcé le prénom de la fille. On aurait cru que je venais de lui annoncer la mort de quelqu'un. Il prit un long moment pour s'en reprendre.
Immédiatement, il planta ses yeux dans les miens. Ceux-ci avaient un air effrayé, ronds avec des cernes devenues visibles.
– Tu sors vraiment avec Black ? articula-t-il.
Pourquoi est-ce que tous les élèves s'obstinaient à penser que je sortais avec elle ? Ce n'était pas le cas, et quel serait le problème si jamais on parlait d'une vérité ?
– Non, pourquoi ? lançais-je froidement.
– Ah d'accord..., dit-il soulagé.
On aurait cru entendre dire : « J'espère que tu ne mens pas, cette fille là c'est la pire ». En supposant ses pensées ainsi, j'étais persuadé d'avoir adouci ses véritables opinions.
– Donc tu viens ?
Ou aurais tu préféré rejoindre tes amis qui auraient probablement déjà quitté le collège sans toi ?
–D'accord..., soupira-t-il à ma grande surprise.
Mes pensées se dessinaient peut-être sur mon visage plus qu'il ne le semblait.
– Allons-y, répondis-je en regagnant immédiatement un ton enjoué.
Les escaliers semblaient infinis. Cette impression me vint certainement à cause du temps passé à grimper ces marches. Dai me fit remarquer à quel point je donnais l'impression d'être débile. Je m'esclaffai, tant pis.
J'ouvris la porte qui donnait sur l'espace en hauteur que j'aimais. La porte était bloquée. Je me mis donc à supposer deux choses. Black avait empêché l'accès, ou l'entrée avait été verrouillée. Rapidement, je me décidai de partir.
Dai se plaint immédiatement d'avoir perdu du temps. Pour le rassurer, je l'invitai donc à manger le goûter dans le coin. Il ne refusa pas mais continua néanmoins à se lamenter. Il voulait clairement m'embêter.
– Tu n'as aucun droit ! crus-je entendre de l'autre côté de la porte.
Je me sentais persuadé d'avoir perdu la tête. Pourtant, l'expression de Dai restait toute aussi perturbée. Il avait également entendu la même chose.
Soudain, on entendit la poignée de fer encaisser un choc. C'était si violent que le doute n'était plus possible. Il y avait quelqu'un.
Mon ami et moi nous approchâmes, penchant notre oreille gauche vers les trous d'air.
– Tu te crois où, depuis quand tu dragues ? Qui parle ?
– Je ne drague personne, répliqua une voix glaciale moins familière que d'habitude.
– D'accord, répondit une voix narquoise.
Je regardai Dai, confus. En effet, personne ne pourrait croire un « d'accord » sans réfléchir deux fois.
Je sentis soudain le plancher vibrer, ça venait de l'escalier par lequel nous étions montés. On entendait des crissements de battes de baseball en fer frottant le bâtiment sans aucune retenue.
Nous vîmes apparaître un terminal terriblement musclé : Son uniforme ne pouvait même plus se refermer.
– C'est à cause de vous ? dit-il à notre adresse en grinçant des dents.
– Nous ? demandais-je tout penaud.
Il se rapprocha, sa batte à la main. Je commençai à trembler.
– C'est vous ? répéta-t-il de manière encore plus agressive.
– Non, répliqua Dai.
Immédiatement, je me retournai vers mon ami. Comment avait-il pu être aussi sûr de lui ? Je ne compris même pas la raison pour laquelle nous étions pointés du doigt ainsi.
– Idiot, me souffla mon ami à l'oreille.
– Ah oui ? siffla la brute.
– Nous avons voulu rejoindre nos amis mais la porte est fermée. Je pense que ceux que vous cherchez sont tous là-bas, fit mon ami.
Nous vîmes les narines du plus âgé grossir comme jamais. Il sembla entrer dans une colère noire.
Nous ne pûmes pas voir l'action qu'il enchaîna. Tout se passa terriblement vite. Pendant une seconde, je crus voir Dai se prendre un coup de poing, mais je n'avais pas pu le confirmer. Avant de tomber dans les pommes, la dernière chose que j'avais vue était le corps de celui qui me soutenait, allongé au mur et le sang qui sortait de son crâne.
Accourir, crier de l'aide, ou au moins me sentir coupable ? Je n'éprouvai plus rien, je finis dans la même position. Au moins, si mon ami devait finir mort, il ne serait pas seul.
Mais je ne m'évanouis pas. Mes jambes ne voulaient plus bouger, je ne sentais presque plus mon corps, pourtant mes yeux restaient très légèrement entrouverts.
Je fus effrayé, l'entrée que nous n'avions malgré tout essai pas pu ouvrir sembla être débloquée. La poignée se baissa et laissa place à une personne dont je ne vis pas le visage
– Sérieux, que fait Katashi de sa vie pour toujours pas être là ?
– Tu te débrouilles très bien seule, fit une autre voix.
– Toute façon ce n'est pas dur avec une mauviette pareille, renchérit une autre.
Les pas de ces filles se rapprochèrent.
– Mon dieu ! s'exclama l'une d'entre elles.
– Je crois que ton frère à bien fini par venir après tout.
La première fille prit ma main. La sienne était tellement froide mais me fit du bien. Mon corps avait bien trop chaud pour se plaindre. Elle prit un mouchoir et essuya mon visage. Le papier qu'elle avait utilisé ne tarda pas à se recouvrir de sang. J'avais reçu la même douleur que mon ami.
– Kazune, ça va ? Tu peux parler ?
Alors que j'étais persuadé qu'on me prenait pour quelqu'un d'évanoui, cette fille semblait avoir compris. Je les regardais. J'avais beau avoir du mal à respirer, je semblais complètement mort. Cette fille m'avait pris au découvert.
Ce qui était encore pire.
En comprenant cela, je me sentis mal. Ces filles avaient appelé la personne qui avait mis Dai et moi dans cet état, elles avaient probablement fait quelque chose à Black entre temps. Maintenant, était-ce de la pitié ?
– Casse-toi, articulai-je.
Elle se poussa, de l'eau et commença à former lentement une goutte puis une autre puis une flaque minuscule, des larmes ?
– Pourquoi Kazu je suis désolée, c'était Black, pas toi, je...
Une série d'excuses. La fille chercha ses mots tandis que les autres restèrent silencieuses. Mais ce que j'entendais, restait la même chose. « Je voulais tuer Black, pas toi. » Ne comprenait-elle pas que c'était tout aussi malsain ?
– Black va bien ? demandais-je.
Immédiatement, sa réaction ne fut pas des larmes. Ses poings se serrèrent à côté de ses genoux assis.
– Tu l'aimes ? cingla-t-elle.
Quelle ironie.
Je me trouvais dans un état impossible, mon corps était comme paralysé, on aurait pu me considérer comme un mort et pourtant la seule chose qu'on me demandait était si j'aimais Black.
Être ami avec une fille semblait interdit. Je venais d'apprendre une chose intéressante. Sans compter Dai qui n'avait rien demandé. Je devais me sentir coupable pour lui, mais non. Je ne me sentais pas en tort, je n'avais commis aucune erreur.
– Casse-toi, répétais-je, épuisé.
Je crus voir une main en sang sortir de la terrasse mais je ne compris pas la suite. Mes yeux commencèrent déjà à se reposer. Mes oreilles entendirent des disputes ou des cris mais les engourdirent. Plus rien, le vide.
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