Chapitre 1
Dimanche 7 novembre
Un autre matin, chacun de ces moments où je devais continuer à me lever. Le soleil n'était pas bien doux,il était brûlant. Je supposais ainsi que la journée qui allait suivre se passerait sous une température peu supportable. Dommage...
Je sortis du lit, fis ma toilette, j'aurais bien voulu tout annuler avec un bouton « skip » comme dans les vidéos en ligne... Ma vie n'était pas bien plus passionnante que l'un de ces millions de courts-métrages. Autant l'arrêter un moment si c'était possible.
J'entendis un vacarme dès que j'eus ouvert la porte. Mon père était de retour. Je me préparais en précipitation avant de le rejoindre.
– Kazune, articula-t-il froidement.
Je baissai la tête le plus rapidement possible. Je ne dis rien, pétrifié par la peur infinie.
Le personnel autour semblait plus agité que la normale. J'étais alors certain que mon père ne se sentait pas dans la meilleure des formes.
– Je ne sens pas l'envie de travailler aujourd'hui. Tu veux aller quelque part ?
Soudain, mon esprit s'illumina. Il était bien énervé, le travail représentait sa vie, son honneur, sa prospérité. Ne pas pouvoir y venir le rendait dans la pire des humeurs possibles. En échange, il pouvait s'arrêter.
Aller quelque part avec lui ? J'avais envie oui, devrais-je poser des questions...l'imagine, les règles qu'on m'imposait ? Ça aurait été bien évidemment la pire idée possible puisqu'il n'y pensait pas à ce moment.
– Au zoo, dis-je.
Il me fixa de ces yeux froids. Je relevais alors mes yeux bleus pour les poser sur les siens. Nous avions les mêmes. Ma mère l'aurait encore dit si elle pouvait me revoir .
– J'aimerais aller au zoo, si cela vous convient, répétais-je.
Il sembla réfléchir longuement mais céda.
– Bien, alors allons-y et ne perdons pas de temps.
À ce moment, je ne savais pas pourquoi mon père était pressé, ni pourquoi il avait dit cette phrase toute faite. Pourtant, je n'y prêtais pas attention, profiter du moment actuel était le plus important.
C'était contradictoire avec mon père qui voyait toujours tout à long terme, mais j'avais confiance en ce à quoi je croyais personnellement.
Je pus ainsi sortir avec mon père.
En voiture, tout restait silencieux mais cela nous était assez habituel. Cela paraissait bien différent du paysage extérieur. Les arbres passaient un à un, puis les charmantes maisons de campagne.
Nous n'étions pas à côté, mon père se mettait toujours devant et bien évidemment nous n'étions pas du tout bavards. Même si nous vivions sous le même toit, nous nous parlions si rarement que nous prendre pour des étrangers ne nous étonnerait pas.
Aller au zoo ?
Je savais bien évidemment qu'il s'agissait d'un divertissement pour lui. Me faire plaisir ne faisait pas du tout partie de ses importances majeures. Chacun pour soi, ainsi était notre relation.
– Père, pourquoi n'allons-nous pas simplement au zoo à côté, demandais-je.
– J'ai réservé l'autre. Je n'ai pas envie de rencontrer des gens.
C'était lui tout craché, mais cela m'arrangeait aussi. Les médias étaient toujours cachés autour.
La voiture arriva et nous entrâmes dans le vide. Un court moment suffit pour perdre la personne qui m'accompagnait de vue. Une seconde après me perdit dans une immensité.
Je ne savais que lire un des panneaux qui indiquait « ours », « renards », « tigres » et bien d'autres animaux.
Où voulais-je aller exactement ? Dans quel animal aurais-je pu sentir mon reflet ? Je voulais voir un animal, qui, tel un miroir, pourrait m'expliquer pourquoi j'étais triste.
– Mais en vrai, j'ai juste envie de finir étranglé vivant..., soufflais-je.
Je fixai à nouveau le panneau avant de me décider.
Je suivis le chemin désigné jusqu'à rejoindre l'endroit voulu. Cependant, le panneau extérieur indiquait clairement "défense d'entrer". Je ne pouvais que regarder à travers la fenêtre à l'intérieur.
Je n'y vis rien.
Déçu, j'étais sur le point d'aller chercher mon père mais un détail m'interpella, une silhouette. Elle pouvait être distinguée près de la cage des renards. Je m'approchais, étonné : mon père avait pourtant dit avoir réservé l'endroit pour la journée.
– À bientôt, les ours, dis-je.
Je me rendais alors à la cage des renards.
Une fille qui avait probablement mon âge s'y trouvait. Elle était seule. Elle fixait d'un regard mélancolique la vitre. Le soleil lui frappait le dos, mais elle ne semblait pas y prêter attention. Et alors que j'allais ne pas remarquer, elle fixait la vitre alors que la cage était vide.
– Excuse-moi ? dis-je en lui tapant légèrement l'épaule.
Elle se retourna en sursaut. Ses yeux semblaient en larmes.
– Désolée, dit-elle.
Ses larmes disparurent aussi vite que je les avais aperçues. Son regard était devenu bien plus sec.
– L'endroit est réservé, comment as-tu fait pour y entrer ?
Soudain, son regard sembla rempli de stress. Elle avait l'air de voir un voleur.
– Désolée, répéta-t-elle.
Je ne voulais pas non plus lui faire croire qu'il s'agissait d'un interrogatoire, et tentais alors de changer de sujet.
Tant pis, une seule personne n'allait pas énerver mon père, il suffisait qu'elle ne se retrouve pas dans son champ de vue.
– Pourquoi as-tu choisi de venir voir la cage vide d'un renard malgré tout ?
Elle sembla rassurée mais tout de même étonnée par la question.
– Il y était encore, il y a moins d'une semaine, souffla-t-elle si bas que je crus être sourd.
– Et... tu reviens voir une cage vide ?
Elle me fixa de ses yeux ronds, sombres. Elle avait beau être bien plus petite que moi, elle ne paraissait pas du tout intimidée.
– C'est comme lors d'un enterrement, pourquoi viendriez-vous voir une tombe alors que la personne est morte ?
Comparait-elle juste ainsi parce qu'il s'agissait de la première idée qui venait à ses pensées ?
– Mais c'est un animal, pointais-je.
– Seulement si votre entourage le juge ainsi. Pour moi, ce renard était un être vivant comme les autres.
La fille s'accroupit, laissant sa jupe frôler le sol légèrement. Elle ne lâcha pas ses yeux noirs de la vitre pour autant. Elle laissa ses courts cheveux bruns se poser devant ou derrière tel la nature le faisait avec le mouvement.
Je me posai alors la question. Comment mon entourage me considérait-il exactement ? La solitude vint alors d'une manière totalement imprévisible. Le renard de l'autre bout du monde devait aussi trouver la venue de la fille étrange.
Pour moi aussi, je n'avais jamais pensé rencontrer une personne aussi étrange dans un endroit aussi banal. Chacun avait sa manière de trouver des choses imprévisibles.
– Vous n'aimez pas l'endroit ? demanda-t-elle sans même se retourner pour me jeter un coup d'œil.
L'avait-elle simplement senti ? Était-ce possible ?
– Je voulais me changer les idées.
– Voyez-vous, ces animaux sont capturés et torturés pour vous changer les idées.
Sa voix devint froide.
Je ne savais quoi lui répondre. Elle n'avait pas totalement tort. Mais ce que je ne comprenais pas, c'était la raison. Elle me le demanda comme si elle avait déjà compris à l'avance ce que j'avais pensé.
– Où veux-tu en venir ?
– La vraie vie est exactement pareille. Les gens donnent de l'espoir pour finalement nous jeter dans le monde où l'argent est la vie. L'espoir c'est la torture, l'argent c'est la manière de changer les idées.
Je ne répondis pas, je ne voyais pas pourquoi je devais soudainement prendre un cours de philosophie à ce moment.
– Et alors ? Y-aurait-il une meilleure façon de vivre que de rentrer dans le tas ?
Elle baissa la tête et eut un sourire.
– Je ne faisais que montrer un côté éphémère de la vie.
Cloué sur place, je ne dis rien. Je restai à côté d'elle, étonné par ses pensées bien à elle. Cela, pendant un moment si long et calme que je m'étais presque endormi.
Il ne suffit que de quelques heures pour que la pluie se décide à tomber. Si je restais encore longtemps, je risquerais de me prendre bien des insultes. Je tentai alors de partir malgré la peur de tomber malade à cause de la pluie.
– Attendez, me retint la fille, tenez.
Elle me tendit un parapluie transparent.
– J'en ai deux, vous pourrez me le rendre une prochaine fois.
– Ça reviendrait à être certain de se revoir, pointais-je.
– Si vous n'y arrivez pas, c'est donné.
À ce moment-là, je n'avais pas pensé à ces détails. Mon cerveau me disait de la manière la plus mathématique possible : « ne pas voir son père + tard = se faire gronder ».
J'acceptai alors le parapluie et je partis en courant sans dire au revoir.
– Drôle de personne, crus-je entendre dans le fond.
Je sortis du zoo à toute vitesse. La nuit tombée, je devais m'attendre à rentrer à pied. La boue était de plus en plus difficile à franchir et je ne voyais rien.
– Kazune ! me cria mon père dans mon dos.
J'accourus avec précipitation.
– Excusez-moi...je...
– On a pas le temps pour ça ! Des ours ont fui, on doit rattraper la voiture au plus vite !
Je ne pris pas le temps de réfléchir, et nous nous mîmes alors à courir vers la sortie. À ma grande surprise, celle-ci n'était pas fermée. Je me sentais rassuré de ne pas avoir oublié le chemin : la couleur sombre de la nuit ne m'aidait pas du tout à lire les panneaux.
Mais si je devais voir un côté obscur, c'était un portail bien petit, sauter par dessus ne serait pas la plus difficile des actions. Les ours pensaient-ils aussi de cette manière ? Si c'était le cas, ils seraient capables de sauter par dessus le portail ?
Encore fallait-il qu'ils aient la chance d'y penser.
Au loin je vis la même silhouette qu'avant, j'étais sûr de voir la fille. Un pistolet à la main. Et alors que j'étais parti avec mon père, deux coups de balles étaient encore perceptibles.
J'eus la peur de ma vie. Cette fille qui ne parlait que de vie. Elle semblait triste par chaque détail évoquant la mort, avais-je mal pensé ? J'étais pourtant presque sûr que c'était elle. Elle avait tué les ours.
Mon père soupira de soulagement.
– Plus jamais au zoo, déclara-t-il.
– Je vous comprends, ajoutais-je.
– Ne t'inquiète pas, je ferai un rapport contre eux.
Je baissai la tête.
Évidemment, qu'il allait faire un rapport, je le savais bien avant que nous ayons franchi le portail d'entrée.
4 heures plus tôt...
J'avais encore les yeux entrouverts, mais je ne ressentais plus rien. Tel un « mode pause » je ne dis plus rien.
– Et comme n'importe quel humain, les animaux cachent toujours quelque chose. Qui sait, la vengeance en fait peut-être partie ? souffla-t-elle.
– Parce qu'ils ont des sentiments maintenant ?
N'importe quoi...
Savait-elle quelque chose de plus ? Elle avait un esprit bien philosophique, avait-elle vraiment juste environ mon âge ? Mes estimations me disaient cela, mais il était possible d'être en tort, je suivis cette supposition.
Je finirais bien par comprendre.
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