À mon dernier ami,

Tu es parti lors d'un vendredi soir comme les autres. Une journée de fin juillet, chaude et éternelle, tu es parti seul, sans personne pour te retenir. Tu n'as rien laissé à part des souvenirs qui se fondent dans la foule. J'aime t'imaginer avec un baluchon sur l'épaule et un sourire sur les lèvres, prendre ce chemin dont personne ne revient, j'aime penser que tu es simplement parti explorer un autre monde, là où des fleurs fluorescentes poussent le long du sentier.

Tu es parti mal-aimé, sans jamais avoir eu la chance de te repentir ; j'ai même entendu des bouches cruelles avouer leur soulagement de te savoir de l'autre côté. Comme si tu étais un monstre, un chien enragé, un ennemi à abattre. Mais tu n'étais qu'un enfant en souffrance. Un cristal brisé qui ne pouvait s'empêcher de couper. Ta perte a engendré des séismes dans le cosmos, les dieux ont hurlé de douleur lorsque tu as rendu ton dernier souffle. L'univers, chaos fragile, a trébuché en même temps que ton tabouret. Qui pourrait oser dire que ton âme est plus belle morte que vivante ?

Alors pour tous ceux qui n'ont pas su te pardonner, je porterai ton hommage en moi, je t'offrirai un mot précieux, un mot qui est désormais le tien : mon ami. Le dernier, puisqu'après toi, personne ne pourra combler le vide que tu as laissé dans ces trois lettres. Je continuerai à planter des succulentes autour de ta tombe pour que jamais elle ne cesse de fleurir. Toi que l'on a traité de sans-cœur, je te donnerai le mien. Toi qui n'as connu que la violence, je te construirai le plus doux des souvenirs dans le nuage de ma mémoire.

Chaque larme que j'ai versée pour toi s'est transformée en goutte d'or pour couturer tes morceaux cassés.

Dis-moi, mon étoile : est-ce qu'il fait froid, tout là-haut dans le ciel ? Je t'envoie des astéroïdes de tendresse pour danser avec toi. Comme des papillons nocturnes, mes pensées s'égarent sur la courbe de mon épaule ou dans les rues de Barcelone, à la recherche de ta lumière. Bientôt un an que tu es parti, pourquoi ai-je encore l'impression que c'était hier ?

Mon ami, mon dernier ami, je t'offre l'éternité des mots, je te fais la promesse de ne jamais oublier l'éclat de ton sourire. J'espère que là où tu es, l'air est doux et les oiseaux sont heureux, que les ruisseaux chantent et que la douleur n'est qu'un lointain souvenir, j'espère que tu as croisé tes rêves au détour d'un virage, que le dieu-renard est venu te souffler ses secrets à l'orée de la forêt. Je t'en prie, mon ami, laisse-moi porter tes regrets ; je les transformerai en rage de vivre.

À mon dernier ami, je t'offre un bouquet de poésie pour le vase de ton âme kintsugi.

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