Centre d'intérêt

                           

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— Bonsoir ! m'écris-je, derrière le comptoir du café. Que désirez-vous consommer ?

                        

Je suis vraiment très stressé.

J'essaye de me contenir le plus possible, pour continuer de faire bonne figure devant les clients, mais plus les minutes s'égrènent, et plus mon coeur loupe des battements.

Cet homme va bientôt venir me chercher. Nous allons être seuls et nous allons manger ensemble. Ce genre de moments est censé être chaleureux et convivial, mais j'ai peur que ce ne soit pas le cas.

Il n'a pas l'air méchant, je le pense sincèrement... Mais il paraît tellement désinvolte, tellement assuré et joueur, que je ne peux que stresser. J'ai l'impression qu'il va s'amuser à me rendre mal à l'aise durant tout le repas.

Ce n'est pas que je n'ai pas confiance en lui, mais j'ai tellement peur de faire un faux pas. Tellement peur qu'il me force à en faire un.

J'aime vraiment beaucoup Hyunwoo. Je ne tiens pas à ce que la personne qui lui est le plus proche, ne m'apprécie pas, et donc tente de nous séparer plus qu'on ne l'est déjà.

Je ne veux pas le perdre. J'ai déjà bien trop fait d'erreurs avec lui.

J'espère que tout ira bien aujourd'hui et que dimanche, il m'accueillera avec le sourire, sans trop m'en vouloir.

Il avait tellement adoré nos fajitas... Je vais lui en refaire et le lui apporter. Ça m'aidera sûrement. J'espère qu'avec ça, il me pardonnera plus facilement.

Mon service est fini... J'ai entendu le bruit d'une moto il y a déjà quelques minutes, mais je ne vois personne. Je suis dans les vestiaires, j'ai bien trop peur d'en sortir.

Je dois paraître tellement pitoyable.

Bon... Quand faut y aller, faut y aller !

Après avoir inspiré la plus grande goulée d'air de mon existence, je pousse la porte donnant sur la salle, puis l'extérieur. Il fait bon encore aujourd'hui, c'est agréable.

À peine ai-je tourné la tête du côté droit que déjà, j'aperçois l'homme de tous mes tourments.

Je ne suis jamais aussi stressé quand je suis avec Hyunwoo.

Il faut dire qu'il ne m'intimide pas comme lui peut le faire.

Ça va aller Hoseok, tu peux le faire. Je suis certain qu'il est très gentil. Allons-y !

                                

— Bonsoir, soufflé-je, d'un sourire crispé.

                     

Assis nonchalamment sur sa Ducati, les jambes d'un seul et même côté, il m'observe m'approcher, sans sourciller, les bras croisés.

Son regard finit par s'adoucir quelque peu et il choisit ce moment pour se lever et prendre le casque qui était posé à ses côtés. Le deuxième casque...

                                    

— Bonsoir.

                     

Il me tend ce qu'il a en main, enfourche sa moto et attend que je m'installe.

Je n'avais jamais envisagé l'idée qu'il ne vienne pas en voiture, pourtant, ça me semble évident maintenant... Je n'ai même pas été surpris en entendant le bruit d'une moto... Je suis un idiot.

Je n'ose pas lui dire que j'ai peur. Je ne veux pas qu'il pense que je suis facilement effrayé. Je veux faire bonne impression, pas tout le contraire.

Il sait ce qu'il fait de toute façon, pas vrai ? Alors faisons-lui confiance.

Ça va aller, ça va aller...

À contrecœur, je prends le casque et le pose sur ma tête. Je n'avais jamais porté ce genre de choses, la sensation est étrange, mais on s'y fait vite.

Je grimpe à mon tour et m'installe derrière lui, presque tremblant.

Je ne sais pas quoi faire, je suis, comme prévu, très mal à l'aise.

Dos à moi, je le vois secouer la tête et puis, sans prévenir, il attrape mes poignets, entoure de force son torse de mes bras, et allume le moteur.

Le coeur battant bien trop vite, je resserre ma prise autour de lui, rapproche encore un peu mon corps du sien, et il démarre.

Il ne va pas aussi vite que la première fois où je l'ai vu partir. Je crois qu'il a compris que j'avais peur, alors il roule plus doucement.

Il fait attention à ce genre de choses, je suis content.

Bien sûr qu'il n'est pas méchant. Ça, c'était certain.

Un peu plus détendu, je pose ma tête, ou plutôt le casque, contre son dos, et me laisse bercer par le bruit du moteur, ainsi que les déplacements fluides de la moto.

Il conduit bien, ça me fait vraiment plaisir qu'il soit plus prudent en me sachant derrière lui.

Nous arrivons vite à destination. Je descends, bien moins tremblant qu'avant de démarrer, enlève le casque et le pose sur la moto, après qu'il soit descendu à son tour.

Il me couve de son regard pendant quelques secondes, puis enlève l'un de ses gants, pour venir replacer quelques mèches de mes cheveux, sûrement en désordre à cause de ce que j'avais sur la tête pendant le trajet.

Ce petit geste tendre suffit à me réchauffer le coeur et c'est avec le sourire que j'entre dans le restaurant.

Nous nous attablons rapidement et commandons tout aussi vite.

                         

— J'ai trop faim ! m'écris-je, d'un dernier regard vers la serveuse qui s'éloigne.

                   

Lorsque j'entends mon compagnon de ce soir pouffer discrètement, je me tourne par instinct.

Ils ont le même sourire ! Ce sourire qui contamine leurs petits yeux rieurs !

Comment peut-il paraître si adorable ?

L'un des bras appuyé nonchalamment sur le dossier de la chaise à ses côtés, il plonge ainsi totalement dans mon regard. Sa veste en cuir – posée à présent sur la chaise – et ses nombreux tatouages, lui donnent un air de méchant garçon, mais il est certainement tout sauf ça.

Le piercing qui trône fièrement le côté droit de sa lèvre inférieure me fascine.

Ça lui ajoute un réel côté... Sexy.

Il est vraiment très, très beau. Mais ça, c'est normal, pas vrai ? C'est tout à fait légitime, étant donné qu'il ressemble comme deux gouttes d'eau à l'homme que j'aime.

Il arque un sourcil ! Alerte rouge ! Je répète, il arque un sourcil !

Ce petit sourire en coin, mon Dieu, je ne le sens pas du tout !

Nerveux, je tourne la tête vers le centre du restaurant, après un petit rire gêné.

Moi qui m'étais détendu, maintenant, c'est foutu.

                                 

— Comment s'est passé ta journée de travail ? lance-t-il soudain.

— Il y a eu pas mal de monde, mais tout s'est passé à merveille, souris-je. Et la tienne ?

— Sais-tu au moins ce que je fais dans la vie ?

                                      

Ce petit air narquois, joueur... Il va me taquiner ainsi durant toute la soirée.

Mais si ce n'est que ça, alors, ça me va.

                   

— Hum, je ne sais pas... Tu es tatoueur ? tenté-je.

                                   

Il rigole à nouveau et c'est sans aucune honte que je me délecte de cette image.

Ses dents magnifiques, ses beaux yeux à peine visibles, sa peau hâlée, cet anneau autour de sa lèvre...

                 

— Tu crois que les gens tatoués n'ont que cette possibilité ?

— Non ! Non, bien sûr que non ! J'essayais simplement de deviner...

— Ne boude pas, Seokkie, je te taquine.

                                    

Il est vraiment trop sûr de lui, comment ne pas être déstabilisé ?

Et cette façon qu'il a de susurrer mon petit nom.

Bon sang, mais à quoi suis-je en train de penser ?

                                           

— Je travaille avec Hyunwoo.

— Oh ? Vraiment ?

— Vraiment.

                   

Je n'avais même pas pensé à cette possibilité !

                      

— Je ne te vois jamais à la boulangerie, pourtant.

— C'est normal, souffle-t-il du nez. Je suis souvent à l'arrière et puis, je commence bien plus tôt que lui.

— Tu es...

— Le boulanger.

— Oh ? Oh ! m'écris-je, fasciné. Alors c'est toi qui fais ces si délicieux croissants ?

— Oui, c'est moi, pouffe-t-il.

— Tu es très doué en tout cas, ma mère et moi, on en raffole !

— Ça me touche beaucoup de le savoir, merci.

                                                          

Ce sourire n'est plus du tout taquin. Il est sincère et chaleureux. Le plus magnifique des sourires.

Comment est-ce possible d'envisager qu'un jour, je puisse avoir ces deux hommes tout simplement parfaits, dans un seul et même endroit ?

Rien qu'à les imaginer l'un à côté de l'autre, en train de sourire, comme il le fait actuellement...

Mon Dieu, il faut que j'aille me rafraîchir les idées.

                                        

— Je reviens, je vais vite aux toilettes.

— Ne traîne pas, les plats ne vont pas tarder à arriver.

— Oui, je fais vite !

                              

Bon sang, bon sang, bon sang !

Calme-toi Hoseok, il faut que tu te calmes...

Pense à Hyunwoo. Il faut que tu te concentres !

Il n'est pas Hyunwoo, alors cesses de faire dériver tes pensées !

Contrôle-toi !

Passe un peu d'eau sur ton visage, respire une bonne fois, et ensuite, tu y retournes !

N'oublie pas ce qu'on vient de se dire, Lee Hoseok... Contrôle !

Oh, les plats sont à table !

                                      

— J'ai failli commencer sans toi, s'enquit-il, la viande déjà placée sur le grill.

— Tu n'aurais pas osé.

                    

Il me regarde alors, un air de défi dans les yeux, puis continue de s'occuper du repas.

Je n'ai absolument rien à faire, il cuit toute la viande, et place ma part dans mon assiette, une fois qu'elle est prête.

Avec lui aussi, la conversation est agréable. Je l'ai jugé trop vite. Je pensais que j'allais être mal à l'aise toute la soirée, mais en fait, pas du tout.

On a discuté de tout et de rien. Son petit masque de méchant garçon s'est très vite dissipé et nous avons ainsi appris à nous connaître.

Il ressemble beaucoup à Hyunwoo sur certains points, mais diffère également sur beaucoup d'autres. De son style vestimentaire à ses goûts musicaux, en passant par ses petites manies et côtés de sa personnalité.

Il reste néanmoins très doux et adorable. Je ne sais pas s'il est comme ça avec tout le monde, mais même avec son style peu conventionnel, il reste aussi simple et tendre que son jumeau.

On n'a pas énormément parlé de ce dernier, d'ailleurs.

Finalement, j'ai su avant même de venir ici qu'il tenait bien plus à moi que je le pensais, alors ça me suffit amplement. Je sais aussi que Byunwoo ne fera rien qui puisse entacher notre relation, alors il m'est inutile d'en apprendre plus sur ce qu'il dit à son frère.

J'ai hâte de le revoir dimanche.

                                      

— Tu as bien mangé ?

— Très bien mangé, oui, merci ! souris-je, l'estomac plein. C'était délicieux.

— N'est-ce pas ? J'adore venir manger ici. On vient souvent avec Hyun.

                                           

Bon, on dirait bien que ma curiosité a dépassé les limites que je m'étais fixées...

Je ne voulais pas le harceler de questions par rapport à son frère, parce que je ne voulais pas qu'il se sente mal à l'aise ou déçu, parce que je l'aurais invité uniquement pour ça, mais je ne peux pas m'en empêcher.

Plus encore qu'en apprendre plus sur Hyunwoo, c'est en apprendre plus sur eux deux qui m'intéressent.

                                                        

— Vous semblez faire énormément de choses ensemble.

— Travaillez déjà, sourit-il. Vivre ensemble aussi... Partagez les mêmes amis, les mêmes centres d'intérêt...

— Oui, énormément de choses, répété-je, distrait. Il n'a pas l'air de faire de la pâtisserie, ni d'aimer la moto... Quels sont vos centres d'intérêt communs ?

— La natation, le sport en général, la nourriture... Il y a pas mal de choses qu'on aime faire, et surtout faire ensemble.

— C'est vraiment mignon, vous avez une très belle relation.

— Et tu veux savoir quel est notre nouveau centre d'intérêt commun ?

— Oui vas-y, dis-moi.

                                                                    

Son sourire en coin s'agrandit et bizarrement, ça ne me dit rien qui vaille.

Le menton posé sur ses mains, il continue de me fixer, avant d'enfin se prononcer.

                        

— Toi.

                                    

Mes oreilles doivent être bien plus rouges que la purée de piment posée sur la table.

J'ai failli m'étouffer avec ma propre salive !

Je toussote encore légèrement, alors qu'il parle à nouveau.

                                           

— Ne fais pas ton étonné. Tu vois mon frère tous les dimanches et tu l'as même invité chez toi. Ne sois pas surpris que j'utilise le terme centre d'intérêt, parce que c'est ce que tu es.

— Je ne suis pas, une distraction !

— Tu es la plus intéressante des distractions, ne dis pas le contraire.

                     

Pourquoi semble-t-il si taquin en parlant ainsi de moi ?

J'ai l'impression que toutes ses phrases sont à double sens, mais je ne veux pas chercher à les comprendre. Non, je ne veux pas.

                     

— Très bien, je suis d'accord pour dire qu'il est également mon centre d'intérêt, marmonné-je, les joues s'échauffant à vue d'oeil.

— Et moi ? Nous avons appris à nous connaître, ne suis-je pas une distraction pour toi ?

                     

Il redevient malicieux et joueur... Le Byunwoo de tout à l'heure me manque.

                      

— C'est la première fois qu'on se parle réellement, je ne peux pas encore te considérer comme tel, marmonné-je.

— Voyons-nous plus souvent, dans ce cas.

                  

Je n'arrive pas à savoir s'il est sérieux, ou s'il aime juste s'amuser de mes réactions. Est-ce qu'il m'apprécie au point de vouloir manger à nouveau avec moi ? Et moi ? Est-ce que je me sentirais à l'aise de devenir plus proche de lui, de devenir son ami ?

                           

— Si je deviens plus proche de Hyunwoo, nous nous verrons de toute façon un peu plus souvent.

— Oui, mais dans ce cas, nous ne nous verrons jamais seuls tous les deux.

— Et c'est ce que... Tu voudrais ?

                    

Je ne sais pas trop quoi dire ou faire ! Tout ça est bien trop déstabilisant !

Son sourire charmeur et tout son être entier, concentré sur moi, me désorientent complètement !

J'ai l'impression qu'il me drague, alors qu'il sait combien je tiens à son frère. Je ne comprends plus rien !

                     

— C'est ce que je veux.

                 

Je ne peux pas lui dire non...

Je n'y arrive pas...

Je veux me rapprocher de lui, tout en étant proche de Hyunwoo.

Je suis complètement perdu. Je sais que ce qui est en train de se passer est mal. J'ai l'impression que Byunwoo veut qu'on devienne plus qu'amis, alors qu'il sait que j'ai envie d'être avec son frère.

Pourtant... Envisager être plus qu'un ami pour ce boulanger...

Mon Dieu, qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez moi ?

                    

— On peut continuer de se voir pour sortir manger, soufflé-je, d'un sourire rigide. Toutes les excuses sont bonnes pour manger de bonnes choses, pas vrai ?

                             

Je veux partir d'ici.

Je ne me sens pas bien.

J'ai envie de pleurer, de crier, d'être seul chez moi... Je ne sais pas du tout quoi faire, je suis totalement perdu.

                         

— Tu n'as pas l'air bien, Seok, s'enquit-il alors, toute trace de malice disparue en un instant. Je vais te ramener chez toi.

— Tu sais où j'habite ?

                 

Je n'ai rien trouvé d'autres à dire...

Bien évidemment que je n'ai pas l'air bien. Mon cerveau et mon coeur sont en pleine guerre...

                

— Note l'adresse ici, conclut-il, à présent debout, son téléphone posé devant moi. Je vais payer, je reviens.

                            

Je hoche la tête, d'un sourire mêlé de dizaines d'émotions, et m'exécute.

                        

— Allons-y, entends-je, peu après.

                        

Je me pose sur mes jambes légèrement tremblantes, puis me dirige avec lui vers sa moto. Presque naturellement, je place le casque sur ma tête, m'installe correctement et enlace son corps de mes bras.

Nous démarrons rapidement et arrivons vite sur place.

Je descends, enlève ce que j'ai sur la tête, et reste debout devant lui.

Il ne bouge pas de son véhicule, mais éteint le moteur. Il fait monter la visière de son casque, pour m'observer et parler plus facilement, même en le portant toujours.

                

— Tu as passé une bonne soirée ?

                 

Il semble presque coupable. Mais pourquoi ?

Est-ce qu'il pense qu'il a fait quelque chose de mal ?

Il semblait me draguer, alors que j'apprécie son frère, alors oui, peut-être qu'il a compris...

Cependant... Il semble si peiné. Je n'aime pas ça.

                                   

— J'ai passé une belle soirée, souris-je, le plus sincèrement possible. Merci de m'avoir emmené là-bas, c'était vraiment délicieux. Et merci d'avoir payé.

— Tant que tu es heureux, c'est le principal. J'y vais, conclut-il. La prochaine fois, c'est toi qui payes.

                                           

Il démarre avant que je n'aie le temps de répondre et je le regarde ainsi s'éloigner, le corps en proie à de légères angoisses.

Je me traîne ensuite jusqu'à mon appartement et m'allonge de tout mon long dans le canapé, le regard perdu sur le plafond.

C'est bien ça le problème, finalement...

Cette soirée était justement trop belle...

Bien trop belle pour que je ne puisse pas culpabiliser...

                              

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