CHAPITRE 8


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PARTIE 1 : Un nouveau point de vue

HARRY


J'ouvre les yeux et aussitôt, soupire face à mon mal de crâne. Je me redresse et vois dans mon immense lit Xander, allongé là. La couette le couvre mais je le devine en caleçon. Il dort toujours comme ça, de toute manière.

Je me passe les mains sur le visage et regarde autour de moi. La chambre est relativement rangée, mais je constate tout de même dû à la fête d'hier. Lucia ne doit pas encore être passée faire le ménage.

- Qu'est-ce que tu fais, marmonne Xander, encore endormi, en passant son bras autour de moi.

- Je me lève, je dis. Je meurs de soif et je veux voir qui il y a encore dans le salon.

Probablement déjà rendormi, il ne me retient pas davantage. Je me lève, torse nu mais en jogging, et traverse l'immense couloir lumineux pour atteindre la cuisine ouverte sur le salon.

Cette maison est bien trop gigantesque, pour une seule personne. Car oui, même si c'est la propriété de mon père et que je vis avec lui, de par son métier et ses obligations, il n'est jamais là.  Je considère davantage vivre avec Lucia, la femme de ménage récurrente - et avec Liam,

Aussi, c'est pratique pour faire ma vie. Pour faire venir Xander, pour faire des grosses fêtes comme le bon capitaine de l'équipe de baseball que je suis.

Je me dirige dans la cuisine et ouvre le frigo pour me prendre de l'eau fraiche. Tout en buvant à la bouteille, je m'avance dans la plus grande pièce, et trouve Liam, tranquillement installé sur le canapé, avec des chips, la télé allumée.

- Oh, salut H, dit-il en se tournant vers moi. J'ai fait comme chez moi, comme vous dormiez.

- Ouais, t'as bien fait. Il est quelle heure ?

- 15 heures.

Je grimace. Heureusement que nous n'avons pas entraînement, aujourd'hui.

Je regarde tout autour de moi. Rien n'est cassé, mais on sent qu'une tempête de jeunes sont passés ici tout de même. Pourtant, ils ne sont plus là.

- Ils sont tous partis ?

- Ouais, petit à petit. Certains ont dormis là évidemment, je les ai virés vers midi, pour les derniers. Et j'ai commencé à ranger, mais j'ai fait une pause - il y avait ce programme sympa à la télé, et il restait des chips.

- Merci.

Liam fait totalement comme chez lui ici, et il a bien raison. Du haut de ses 21 ans, vu le salaire annuel qu'il se fait en jouant dans l'équipe nationale avec moi, il vit seul, et même si son loft est génial, ma villa - celle de mon père - l'est bien plus.

- Xander est encore là ? Demande Liam.

- Oui, il dort, je m'avachis dans le sofa à ses côtés. Il a pas mal bu hier, je pense.

- C'est clair. Et toi aussi. Il était quand même vachement tactile, même devant les autres. Et même si t'avais bu, tu ne l'étais pas autant que lui. Ça parait évident qu'il a des sentiments pour toi.

- On a été clairs, on n'est pas ensemble. C'est juste pour s'éclater. On joue dans la même équipe, donc comme c'est notre métier on est collègues, on se voit beaucoup, et ça tombe bien, il est beau et on aime les mecs tous les deux.

- Tu essaies de rassurer qui là ? Rigole Liam. Je connais l'histoire, Harry. Mais ce mec dort dans ta chambre actuellement, est tendre avec toi, et vous passez des soirées tous les deux sans qu'il se passe rien.

- Parce que je suis souvent seul et que nous en avons l'occasion.

- Parce que vous êtes des petits-amis, H.

Comme réponse, je grogne. Nous avons été très clairs lorsque nous avons commencés il y a huit mois de ça - j'ai été très clair, lui disant que je ne m'attache pas, que c'est juste physique. Et il était ok. Mais c'est vrai que depuis, cela a évolué.

- Je sais que t'as raison, je reprends.

- J'ai pas envie de m'en vanter mais, ouais, je crois aussi.

- Mais je tiens à lui, tu sais. Il est plutôt intelligent, il est beau, il est sportif, on partage la même passion, il respecte le fait que je sois pas out et que notre relation soit secrète, et je sais qu'il n'est pas avec moi pour le statut de mon père ou pour le business. Je sais pourquoi tu me lances ce regard - on dirait que je fais une liste de courses, mais ce n'est pas le cas. Il est, cool. Peut-être que ouais, on est comme ensemble, mais c'est ok.

- Tu fais comme tu le sens Harry. Tu sais que j'adore Xander, je l'adorais avant votre relation en tant que joueur, et il me pose zéro problème. Mais ouais, vous devriez parler. Tu gèreras ça.

J'hoche la tête. Je ne vais peut-être pas faire ça aujourd'hui cependant.

Je tourne la tête vers la grande table de réception, qui ne sert jamais. La quasi totalité des meubles ici ne sont que décoration et trophées, de toute manière. Lorsque je suis seul, je mange sur le bar dans la cuisine, et lorsque je suis avec Liam, Xander ou Lucia, aussi. Il n'y a pas besoin d'une si grande table familiale pour manger, comme il n'y a pas de réelle famille sous ce toit.

C'est pour ça que sur elle sont posées toutes les boites de marchandises, tous les carnets de suivis, toutes les cargaisons.

Liam change de chaîne et je suis attiré par le son de la chaîne d'info principale du pays. La présentatrice présente les informations du jour, et évidemment, à la une, ma photo et mon prénom, lié à un autre : Zayn. Et le gros titre : Harry Styles, enfant prodige meurtrier ?

Je n'entends que ça, en ce moment - à la radio, à la télé. Je ne vois que ça, dans les journaux, sur les réseaux sociaux.

- Éteins ça, je soupire à Liam.

- Attends, j'ai les mains grasses à cause des chips -

- Éteins, je reprends plus fermement.

De moi-même, je lui prends la télécommande des mains et appuie fermement sur le bouton afin d'éteindre la télé. C'est mieux comme ça.

C'était mon ami, merde.









*

PARTIE 2 : La famille Tanson

JIM TANSON


Je vois mon agent quitter mon bureau, puis le poste, sous les regards interrogateurs de celles et ceux qui ignorent encore ma décision mais peuvent probablement la deviner. Je tourne la tête vers les agents restants dans mon bureau.

- Retournez au travail, je leur dis alors.

Ils s'exécutent et l'agent White ferme la porte de mon bureau derrière elle. Je m'assois sur ma chaise, soupirant.

Je ne regrette pas ma décision. Je ne remets absolument pas en question les compétences de l'agent Carter, qui est un bon élément. Mais il s'est trop attaché à cette enquête, il s'est trop pris personnellement dedans. Le manque d'objectivité peut devenir problématique, cela peut par exemple entraîner une envie de pister le fils du Secrétaire d'Etat alors que ce n'est vraiment pas évident. J'ai bien fait de lui retirer l'enquête, et peu importe si je passe pour le méchant vieux chef.



× × ×



- Chérie ? Je lance en fermant la porte d'entrée derrière moi.

Je m'avance dans la cuisine, où se trouve ma femme, au téléphone. Elle parle à un client pour les commandes je crois. Etant en charge de sa propre pharmacie, elle doit se charger de ces choses-là.

Je me fais discret et m'assoit directement à la table, préparant la table. Il va être l'heure de manger. On passe généralement à table dès que je rentre du travail.

- C'est bon, je suis à toi, me dit Madison après avoir raccroché.

- Tu as passé une bonne journée ?

- Compliquée, elle confie. J'ai eu une jeune fille paniquée qui m'a posée plein de questions sur la pilule du lendemain, elle avait l'air terrifiée et je crois que face à mon visage ridée elle a eu peur que je sois de la vieille école et la juge. Évidemment, non. Je lui ai tout expliqué, tout devrait bien aller pour elle.

Madison a depuis des années tellement d'anecdotes à me raconter sur ses journées de travail. Parfois c'est drôle, parfois non. Elle est profondément bienveillante et fait bien contraste avec l'homme froid et grisonnant que je peux être. Mais c'est essentiel, de la bienveillance de la part de quelqu'un qui touche à la médecine. Ça, je le pense fermement, même si je suis froid et grisonnant.

-Et toi alors ? S'intéresse t-elle en m'aidant à mettre le couvert.

- Compliqué aussi je crois. Un des agents de l'équipe a un peu dépassé les bornes et je lui ai retiré l'enquête. Il s'y était trop attaché.

Je ne raconte pas plus en détails le projet qu'avait Mike Carter pour Harry Styles. Je porte une entière confiance à ma femme mais je préfère taire ce détail qui restera entre nous. Madison souffle un peu, compatissante.

- Oh... Il reviendra encore plus efficace. Mais ça avance cette enquête d'ailleurs ? Je n'aime pas trop savoir qu'un jeune qui allait dans le même lycée que notre fils a été tué et que le responsable court toujours.

- Je lis dans les rapports qu'ils ont quelques pistes, ils explorent tout et font du bon boulot. On espère que ça se règle rapidement.

Comme toutes les enquêtes. Pour les familles, pour rassurer la collectivité et aussi pour faire justice.

- C'est dingue quand même... elle souffle. Je veux dire, notre pays n'est pas connu pour son manque de crimes, mais dans notre propre ville, à Boulder, c'est... ça fait froid dans le dos. Surtout pour un pauvre adolescent.

Madison semble affectée en me disant ça et je m'approche pour lui donner un peu d'affection. Par cette étreinte je lui dis qu'il n'arrivera rien à notre famille, c'est quasiment une promesse.

- On va trouver qui a fait ça. Mais tu sais, ça prend du temps. Je ne pense pas que ce soit un tueur en série, on n'a pas trouvé de mode opératoire alertant ou de signe bizarre sur la scène qui pourrait être sa signature. Sûrement un crime isolé. On va trouver le coupable, ça va aller.

- Oui... D'accord, conclut ma femme. J'espère que ça va vite se régler...

J'acquiesce. Le plus vite sera le mieux. Le sujet de conversation change totalement quand Madison lance, fort :

- Josh, tu viens manger ?


× × ×



Un silence de plomb règne sur le dîner de famille. C'est une habitude que nous tenons à garder, mais ce soir est particulièrement pesant. Je décide d'y faire quelque chose :

- Comment s'est passée ta journée ? Je demande à Josh.

Il regarde son assiette et n'en a mangé que la moitié. C'est un grand garçon, avec un appétit imposant, qui a besoin de tout ça vu son gabarit et le fait qu'il fait du sport. Là, il ne mange rien. Il ne nous regarde même pas.

- C'était... normal.

- Est-ce que tu veux en parler ? Propose Madison, douce.

Elle est toujours tellement douce avec lui. J'ai un peu le rôle du père strict, et elle de la mère un peu poule et adorable. Ce doit être car c'était vraiment la dernière chance, Madison avait 42 ans quand elle est tombée enceinte de Josh. Alors nous sommes de vieux parents pour un garçon de 18 ans, et elle est très protectrice.

- Vous savez, mon ami Nick, tout le monde parle de lui parce qu'apparemment il a été découvert petit-ami de Zayn, le mec mort.

- La victime, je le corrige.

- Oui, comme tu veux, il soupire et je me retiens de le reprendre. Tout le monde le regarde, c'est hyper bizarre, et je comprends même pas, c'est sûr que tes employés se sont trompés parce que Nick n'est pas pd.

- Mon chéri, ce n'est pas un mot qui se dit, reprend tendrement Madison.

- Mais c'est vrai maman, il s'énerve tout seul. Tout le monde est au courant de ça et tout le monde regarde Nick.

- C'est un fait, Josh, je dis fermement. Ce n'est pas parce que ton ami n'a pas voulu te dire qu'il fréquentait ce jeune homme que toute la police est en tort. Les analyses l'ont prouvées et il a avoué. Il n'y a pas à chercher plus loin.

- Tu veux toujours me contredire de toute manière, se plaint-il.

Et tu veux toujours une confrontation entre nous, je rétorque. Cette enquête nous bouleverse tous mais le fait qu'on découvre tous de nouvelles choses est normal et il ne faut pas avoir une réaction de rejet. Nous ne pensons pas que ton ami Nick a tué le garçon, mais ils se fréquentaient et c'est un fait.

- Zayn était un connard, dit Josh en se levant.

- Ne parle pas comme ça ! Depuis quelques temps, je ne te reconnais plus. Qu'est-ce qu'il te prend ?

Il se braque et se lève, comme pour me surplomber.

- Tu ne me reconnais plus ou alors tu n'as jamais été capable de connaître ton fils ?

Il m'accuse et je ne peux m'empêcher de froncer davantage les sourcils. Je sais ses propos faux, j'ai toujours été présent, mais ça n'empêche qu'ils demeurent douloureux.

- Ne fais pas l'enfant martyre ! Tu sais que ce que tu dis est de la pure provocation et que c'est faux ! Tu es mon fils et je te connais, Josh.

- Et pourtant tu ressembles plus à mon grand-père.

- Josh ! Je gronde.

- Chéri, doucement... Souffle Madison.

Le cadet ne nous répond pas et quitte finalement la table pour ensuite monter l'escalier, direction sa chambre. Madison me regarde, dépitée, tandis que je reste stoïque et énervé face à l'attitude de mon adolescent.

- Laisse couler, me dit-elle.

- Il est de plus en plus insolent, et se mêle de ce qui ne le regarde pas, je dis. Remettre en cause quelque chose que son propre ami a avoué et s'énerver ? Sérieusement ?

- Mais tu comprends, tout ça le dépasse...

- Non, arrête de le défendre comme ça Madi. Qu'il reste dans sa chambre sans avoir fini son dîner, j'espère qu'il va comprendre que tout ce que les adultes disent et surtout les qualifiés sur le sujet n'est pas faux et n'est pas de la provocation.

Elle soupire et finit par hocher la tête, décidant visiblement cette fois de ne pas défendre son fils jusqu'à devenir déraisonnable.



× × ×



Je m'allonge dans le lit et soupire – d'aise d'y être enfin posé, et d'ennui par la situation actuelle.

Madison, qu'est-ce qu'il se passe, je soupire et me redresse pour la regarder même si elle est dos à moi, face à sa coiffeuse. Je te connais, je sais que quelque chose te tracasse et nous avons passé l'âge de ne pas se le dire.

- Tu sais... Je pense à Josh. Est-ce que... Est-ce que tu n'as pas été trop dur avec lui?

Je me laisse de nouveau tomber sur le matelas, passant mes mains sur mon visage.

- Madison... Je souffle.

- Non, je ne dis pas que tu étais en tort et qu'il avait raison, elle reprend en se tournant vers moi. Juste... Est-ce que la manière de lui dire n'était pas trop forte ?

Ma femme ne trouvera jamais que je suis assez tendre pour Josh, elle est comme ça. Cela peut devenir énervant parfois, de devoir réellement endosser le rôle de méchant pour rattraper le fait que l'autre parent est laxiste au possible. Elle l'aime, de tout son coeur, tout comme j'aime notre fils, mais elle ne le brusquera jamais.

- Il n'est pas fait de sucre, je dis. Il essaie d'ailleurs tellement de faire le gros dur, j'ai été très gentil avec lui en le laissant partir dans sa chambre sans le punir.

- Je sais mais... Est-ce que ce n'est pas juste... dur pour lui ? Toute cette histoire de son ami...

J'ai peut-être 60 ans mais je ne suis pas de la vieille école de l'homophobie tout comme tu as beau avoir 60 ans, tu n'es pas contre la pilule du lendemain, Madison. On a plein de défauts mais pas ça. On ne peut pas laisser notre fils remettre tout en question sous prétexte qu'il ne veut pas accepter que son ami fréquentait un garçon.

- Il a insulté la victime, Madi, je rappelle. Il s'est même quasiment battu avec un garçon lié à l'enquête. Le proviseur t'avait appelé.C'était peut-être sur le coup de la colère, du débordement.

- Ce qui se dit sur le coup de la colère est pensé et tu le sais. Il mène un petit jeu depuis plusieurs semaines, il est même insolent avec toi mais tu ne lui en tiens même pas rigueur.

Elle baisse les yeux et hoche lentement la tête. Ce n'est pas simple mais au moins elle reconnaît.

- Je veux juste que tout aille bien pour lui... Qu'est-ce qui pourrait bien le mettre dans cet état ? Une crise d'adolescence tardive ?

- Je ne sais pas.

- Tu pourrais discuter avec lui ?

- Madi... Je soupire. Je sais que... Je sais qu'il est têtu et qu'il a envie de te tenir tête, je le vois, mais... Peut-être que tu devrais essayer de lui parler... Peut-être qu'il a besoin de ça, d'en parler...

C'est vrai que je ne reconnais plus mon fils depuis quelques temps. Je n'ai pas inventé cela, je ne le reconnais vraiment plus. Lui et moi n'avons certes jamais été les meilleurs amis du monde, lui me trouvant comme un père droit et stricte de par mon travail et ma carrure, mais je le connais. Je sais qu'il est du genre à se faire discret, à la maison du moins ; et il n'y a plus de ça depuis plusieurs mois. Il est étrange. Toujours dans la confrontation. Avec sa famille, et les personnes extérieures. Il semble s'isoler des gens, mais pourtant il semble aimer toujours autant le baseball.

Et tout ça me préoccupe. Sincèrement. Plus que Josh ne peut le croire.

- J'essaierai de lui parler, je cède.



× × ×



Je termine mon café alors que Madison embrasse mes cheveux et part au travail. Elle ouvre tôt, car selon elle "des horaires plus larges, plus de gens soignés". Et c'est très noble. Heureusement qu'elle n'est pas toute seule à tenir cette enseigne.

Je regarde ma montre. 8 heures. J'ai une bonne demi-heure devant moi, mais ce qui m'étonne est que Josh n'est pas encore là. Je soupire en pensant que c'est peut-être lié à la dispute d'hier, mais je ne l'imagine pas sécher les cours pour ça. Il ne raterait pas le baseball. Je repense également à ce que Madison m'a demandé : lui parler.

Je me décide alors à monter dans sa chambre. J'ouvre à peine la porte que je constate la pénombre. Il ne s'est pas réveillé.

- Josh, tu vas louper ton bus, je dis.

- Hm...

Bizarrement, quand c'est sa mère, il est plus réactif. J'ai du mal à saisir cette idée - elle est tellement douce, elle laisse tout passer, et pourtant, quand elle lui demande quelque chose, même qui ne lui plaît pas, il obéit.

- Josh, je suis plus ferme.

- Oh laisse moi, grogne t-il.

Je soupire, semblant impuissant. C'est fou, ce contraste ; si sévère au travail, et pourtant si dominé à la maison. Par un adolescent irrespectueux un peu rebelle.

Tournant la tête vers son bureau, j'aperçois son ordinateur, l'écran allumé.

- Arrête de te foutre de moi, Josh, ton écran est allumé, c'est que tu l'as utilisé il y a pas longtemps.

- Ah tu utilises la technologie toi, il grogne.

- Bon, ça suffit.

Dans un élan d'autorité, du moins le maximum que je puisse atteindre avec mon fils unique, je m'approche de son appareil portable, prêt à le fermer et l'emmener avec moi.

- Qu'est-ce que tu fais - non !

Et à partir de là, cela se passe très vite. Josh se lève à une vitesse éclaire, tandis que je m'approche de son ordinateur pour le fermer et le prendre.

Il m'attrape le bras de sa main, tandis que la mienne se retrouve sur l'appareil – et même si Josh le récupère dans la seconde, cela suffit. J'ai vu.

- Ne touche pas à mes affaires, grogne t-il, rangeant aussitôt l'ordinateur fermé dans son sac à dos.

Je ne réponds pas, songeur. Cela interpelle mon fils :

- Qu'est-ce que tu as vu ? Il demande, puis répète la question, plus fermement.

Il y a quelque chose de particulier dans sa voix, outre le ton dur. Comme une crainte, et je ne dirais pas une menace, mais sur le coup, je le ressens. Mais je n'ai pas peur de mon fils. Il est en rebéllion, il agit n'importe comment, fait ses erreurs et se cherche probablement. Mais je ne me sens pas menacé par sa présence, je n'en ai pas peur. De ce que j'ai vu, en revanche, oui.

Je demeure silencieux quelques instants, ayant du mal à réaliser. Coïncidence morbide, me répète mon âme de parent. Lien, veut me crier ma conscience professionnelle. Rapidement, gardant la tête haute et froide, devant prendre le contrôle de la situation, je me reprends :

- Ne me parle pas comme ça, je parle très lentement, ma voix dure. Tu poses cet ordinateur ici, maintenant.

- Papa –

- Il n'y a pas de Papa qui tienne. Nous ne sommes pas amis, Josh. Je suis déjà très gentil avec toi malgré ton comportement. Maintenant, tu m'écoutes.

À nouveau, le cadet essaie de me tenir tête, mais cette fois, je ne laisse rien passer. Et cet aspect semble le déstabiliser, autant que le dépasser.

- Tu vas le mettre dans ce tiroir, j'indique. Que je vais fermer à clés, et je vais garder le seul exemplaire. Je ne veux pas le garder pour le fouiller, il restera dans ta chambre, tu pourras le surveiller, mais toi non plus, tu n'y auras pas accès.

Nos regards s'affrontent quelques secondes. Finalement, Josh capitule, sortant quelques jurons au passage. Il pose l'ordinateur dans le tiroir en question, qu'il claque violemment avant de quitter la chambre puis la maison, prenant un air dramatique.

Une fois seul dans l'espace, je soupire et me passe les mains sur le visage. Je peux voir le point positif, au moins, il est en direction du lycée, ne manquant pas son entraînement de baseball, et pour une fois, il m'a écouté.

Mais également, il y a du négatif, que je ne peux me sortir de la tête. Le principe même du comportement de mon fils ces derniers temps, comment il s'adresse de l'affaire actuelle bouleversant notre ville, et à cela s'ajoute ce que j'ai vu sur son ordinateur.

Une simple page de recherche, du moins j'ose l'espérer, de laquelle je n'ai reperé qu'un seul mot. Je suis probablement le père naïf, et probablement aveugle ; mais je suis également le dirigeant de la section criminelle de Boulder. Et je ne peux me permettre de négliger aucune piste.

Les mots de mon agent, Mike Carter, me reviennent en tête. Son idée totalement déraisonnable, aussi. Et je suis incapable de détailler ce ressenti extrêmement étrange qui me foudroie alors, de peur, de déception, de choc, d'incompréhension.

C'est une coïncidence ?

Un seul mot, sur une page Internet.

Xénon.

Ou Josh a quelque chose à voir dans cette affaire ?



× × ×



La journée qui suit est affreuse - et celle d'aussi également. Je ne sais pas comment me sentir, je ne sais pas quoi penser. Au travail, je n'ai la tête qu'à une chose : la découverte malencontreuse que j'ai faite.

J'ai envie de croire que c'est une coïncidence, mais cela me semble évidemment que non. Cela serait beaucoup trop hasardeux, que mon meilleur détective me lâche cette information, concernant un trafic à Boulder - et que mon fils fasse des recherches sur cette drogue purement innocemment, alors qu'il ne sait même pas que nous en avons trouvés sur la victime.

Il ne sait rien. Alors, il n'y a qu'une seule explication. Josh a fait quelque chose. Josh a eu un rôle à jouer dans tout ça.

Et le soir, quand je rentre chez moi, je ne pense aussi qu'à ça. Lorsque je le vois rentrer à la maison, que je le vois passer pour aller dans la cuisine ou que nous dînons tous les trois, je ne peux m'empêcher de le fixer. Mon rôle de père est toujours là - mais mon coeur d'enquêteur aussi.

Il ne suffit que de 48 petites heures pour que je sois à bout. Pour que toutes les questions qui tournent dans ma tête me donnent des migraines sévères - pour que cela commence à impacter bien trop ma vie de famille, et de couple.

- Qu'est-ce qu'il y a Jim ? Souffle Madison lorsque nous sommes couchés dans notre lit. Tu n'es pas très bavard en temps normal, mais là...

- Il ne se passe rien, Madison.

- Et en plus tu nies... Rien ne va avancer si tu n'en parles pas.

Sans le savoir, ma femme vient de mettre les mots précis sur la situation dans laquelle je me trouve. Si je n'en parle pas, si je ne prends pas en compte cette piste pour l'enquête, alors rien n'avancera. Alors moi-même, je boucherais cette possibilité de résoudre le meurtre d'un gamin.

Je me redresse de manière à être assis sur le bord du lit puis, mes mains viennent entourer ma tête.

- Je suis inquiète.

Toujours ces mots. Elle est inquiète ; je suis perdu. Elle a peur, je suis terrifié.

- Qu'est-ce que tu ferais si tu apprenais quelque chose de vraiment important - de vraiment grave, concernant une seule personne. Mais que dire cette chose, ça pourrait en aider des dizaines... Je me tourne vers elle. Qu'est-ce que tu ferais ?

- Eh bien... C'est une question délicate - mais si j'en fais appel à mon instinct de personnel soignant, je pense que si c'est seulement une personne contre plein d'autres, il est mieux d'aider la majorité. C'est horrible à dire mais, je crois que c'est le plus logique.

Je savais qu'elle répondrait ça. Et je crois que j'avais besoin de l'entendre. Lentement, je baisse les yeux. Je ne sais pas dans quoi on s'embarque.

- Pourquoi Jim ?

Je relève les yeux vers elle et elle semble lire ce que j'y dis. Au bout de tant de temps de mariage, c'est une faculté acquise. Son visage se décompose, mais malgré tout, je le précise oralement :

- J'ai découvert que Josh avait certainement un lien dans l'enquête en cours.

- Quoi ? A sa voix, je comprends que son coeur est comme tombé.

- Moi non plus je ne comprends pas - je ne sais pas quoi en penser. Je ne pense pas qu'il l'ait tué... Non - c'est impossible. Il était là ce soir là et nous avons déjà un gros suspect qui a toutes les caractéristiques pour ce profil. Mobile, pas d'alibi. Mais... Josh a quelque chose à voir dans une histoire de drogue sûrement liée au meurtre.

Voir même à plusieurs meurtres - un gros trafic, lié à Boulder, ou au Colorado plus généralement.

Ma femme secoue la tête, encore et encore.

- Ce n'est pas possible, dit-elle.

- Ça l'est. J'ai trouvé des recherches sur son ordinateur portable. Je sais que tu n'as pas envie d'y croire, et moi non plus - mais ça expliquerait plein de choses. Pourquoi il est si dur avec nous, pourquoi il est si bon au baseball.Notre fils n'est pas un drogué, Jim !Nous n'en savons rien. Mais aucune hypothèse ne doit être mise de côté. Le fait qu'il fasse des conneries, qu'il soit lié à d'horribles choses ou qu'il joue au rebelle ne nous fait pas moins l'aimer. C'est notre fils. Mais s'il a quelque chose à voir là-dedans, je ne vais pas ignorer simplement parce qu'on lui a donné la vie. Je l'aime aussi, mais on ne peut pas faire comme si de rien était - le laisser continuer à nous manquer de respect et s'en tirer quand il fait de mauvaises choses...

Même si Madison a un instinct maternel très prononcé, qu'elle aime son fils et le protège, elle semble comprendre que cela va au-delà de ça. Une autre mère a perdu son bébé dans cette histoire, si le nôtre a quoi que ce soit à voir là-dedans, il devra répondre de ses actes.

Elle baisse les yeux, puis hoche lentement la tête.

- S'il a vraiment quelque chose à voir là-dedans, prouve-le. Je ne le croirais que comme ça.

- Je le ferai.

Dès le matin qui suit, je me mets en quête de savoir très simplement si Josh retient des informations. Et je pense d'abord à la manière la plus simple du monde : communiquer.

Alors, le matin, je vais dans sa chambre en essayant de capter son attention.

- Josh, nous devons parler.

Mais il se contente de me lancer un regard noir et simplement, de partir. A son comportement, il pourrait presque être le suspect idéal, mais il était bel et bien chez nous ce soir-là, je peux le confirmer. Il joue juste à l'adolescent con et ça me sidère.

Je soupire en entendant la porte de la maison claquer, comme quasiment tous les matins. Madison n'assiste jamais à ce genre de scènes étant qu'elle part encore plus tôt que moi au travail.

Alors, face à la seule solution me restant, je m'approche de son oreiller et minutieusement, y prélève quelques cheveux.


× × ×


- Henry, tu as du nouveau pour moi ?

Je demande directement en entrant dans la morgue. A l'entente de mes mots, le médecin légiste se retourne et sa blouse est couverte de... je n'ose même pas deviner ce que c'est.

- Le chef m'honore de sa présence, il s'étonne. J'étais déjà étonné de recevoir un appel directement de votre part pour travailler sur une analyse, mais que vous veniez chercher les résultats en personne... Je dois bien avouer que Mike commence à me manquer.

- Je suis venu parce que c'est personnel, je réponds.

- Je sais. Les cheveux appartiennent à votre fils.

- Oui. Alors ?

Henry se met à faire quelques manipulations que je ne cerne pas du tout, avant de finalement m'apporter le petit flacon contenant les cheveux que je lui ai donné quelques jours auparavant.

Dire que je ne suis pas stressé serait un pur mensonge. J'ai passé les derniers jours à dormir deux heures par nuit, soucieux et concerné. J'ai toujours eu un poste exemplaire, une vie de famille rangée, jusqu'à ce que Josh commence à se rebeller et à devenir ce qu'il est aujourd'hui.

Ai-je raté quelque chose dans son éducation ?

Où est-ce que j'ai pu merder comme ça ?

- Alors vous aviez raison Monsieur le chef.

- Ne plaisantez pas à m'appeler comme ça, Monsieur suffit. Qu'est-ce que ça signifie, que j'avais raison ?

- J'ai l'air de rigoler ?

Henry a tout d'un savant fou, les cheveux en pétard et les expressions faciales impossibles à cerner. Je grimace.

- Non. Il y avait bien du Xénon dans ses cheveux ?

- Tout à fait. J'ai pu en tracer une certaine quantité. Mais comme c'est dans les cheveux, cela peut dater de cinq mois qu'on n'en saurait rien. Pour les prises plus récentes, l'urine ou la salive sont bien mieux.Je sais. Mais le temps importe peu, c'était juste... pour être sûr.

Et maintenant je le suis. Je tombe de haut, j'ai mal, j'ai peur - mais je suis sûr que mon fils possède des informations concernant ce trafic de Xénon. Car s'il en a pris à un moment, c'est que quelqu'un lui en a donné - ou même vendu.

Le nom de Tanson figurera dans le rapport de mort du jeune Zayn Malik.

- Merci Henry.

- Oh, pas de quoi.

Il retourne à ses expériences étranges tandis que je remonte au poste. Je me dirige vers l'agent White et les deux autres membres de l'équipe, étant donné que Carter est toujours congédié.

- Todd, Ernie. J'aimerais que vous alliez arrêter un nouveau garçon à interroger dans le cadre de l'enquête, je leur indique. A l'adresse 556 West Road. Il nous faut être discrets pour ne pas attirer la presse et communiquer à Styles des informations. Vous Andrea, vous ferez l'interrogatoire.

- Bien-sûr Monsieur, répond-elle.

- Vous allez aussi aller chercher l'agent Carter chez lui. Annoncez-lui qu'il va devoir procéder à l'interrogatoire avec vous. Je vous donnerais les directives avant. Vous devrez être ferme avec lui. Pas plus qu'avec les autres - mais surtout pas moins. Il nous faut les infos.

- Évidemment. Et qui on devra arrêter ? Elle interroge en mettant son manteau, comme si elle était pressée d'aller retrouver Mike.

C'est comme si je lâchais une bombe, qui me fait sauter moi seul.

- Josh Tanson.

Puis, je claque la porte de mon bureau derrière moi.






*

PARTIE 3 : Mike et Andrea

MIKE


En quittant le poste, je rejoins ma voiture et claque la porte. Ma tête vient se poser sur le volant, et je soupire tout ce que j'ai dans les poumons.

L'air pollué de la ville, le poids pesant de cette enquête, des souvenirs qu'elle remue, tel un couteau dans une plaie.

En me redressant, je prends mon téléphone. Je consulte alors, enfin, les messages que j'ai reçu de la part d'Andrea.

Andrea White

Nous avons du nouveau concernant l'enquête. Du Xénon, une drogue dopante, a été retrouvé dans l'organisme de la victime. Cela pourrait donc être lié à un trafic de drogue

Puis, un deuxième. Plus personnel. Qui bien-sûr, me fait plus de bien.

J'espère que tu vas bien, Mike.

Je suis alors pris de pensées négatives. J'ai l'impression de rater énormément de choses dans ma vie - ma vie rangée avec ma femme, ma relation avec ma fille, les enquêtes qui me sont confiées et même ma relation professionnelle avec mon équipière.

Parce que c'est ce que c'est, pas vrai ? Elle est polie, c'est une coéquipière polie et dévouée, et je ne l'apprécie pas à sa juste valeur.

Tous les psychologues que j'ai dû consulter m'ont bien dit que je devais me défaire de ce sentiment de culpabilité, et avec le temps, celui-ci s'est atténué. J'ai commencé à voir des aspects de ma vie différemment, mais l'essentiel persiste.

Je n'ai pas de doute dans le fait que je suis un bon détective, même si j'ai mes défauts et mes limites dans la profession.

Mais une chose est sûre : je suis un terrible être humain.



× × ×




Les jours qui suivent, j'ai l'impression de redevenir un adolescent. Je me réveille à 11 heures, je ne fais rien de consistant de mes journées, et je n'ai pas de vrais repas, si ce n'est des chips. Sans parler du fait que je suis constamment en peignoir. Cela a le don d'énerver Judith, qui pour une adolescente elle-même, a une vie plus remplie.

Je reconnais avoir honte de moi. Avoir honte de m'être fait retirer l'enquête - d'avoir eu cette idée sote. J'ai tellement honte d'en être arrivé là que je ne vais même pas voir Abigail au cimetière. Je crois qu'elle trouverait le moyen de m'envoyer un signe de l'au-delà, pour me mettre un coup de pied au derrière et me motiver.

Ou peut-être que c'est parce que, petit à petit, je la laisse partir. J'ai l'impression de moins regarder les cadres photos dans la maison quand je passe devant eux. Je n'oublierai jamais mon amour, la mère de ma fille ; mais il y a quelque chose de différent, ces derniers temps.

Malgré tout, j'essaie de voir certains aspects positifs, à mes vacances forcées. Je vois davantage Judith que les 6 derniers mois additionnés, et elle commence de plus en plus à me parler de ses journées. Même si je n'ai rien à détailler sur les miennes, j'aime qu'elle me raconte des choses.

Je suis le dernier parent qui lui reste, et elle est mon unique enfant. J'aimerais qu'on ait un lien, d'une certaine manière - et j'espère être à la hauteur, un jour.

Heureusement, ce mode végétatif extrême ne dure que quatre jours pour moi. Je suis tranquillement posé dans le canapé devant une émission américaine ridicule, paquet de chips sur les genoux, lorsque cela sonne à la porte. En pleine journée. Je me lève pour aller ouvrir.

Mais, c'est Andrea qui se tient devant moi. Dans sa tenue de travail classe. Et moi je ressemble à ce mec de quarante ans qui ne s'est pas rasé depuis quatre jours.

Ça me gêne qu'elle me voit comme cela.

- Bonjour, commence-t-elle.

- Ouais, salut Andrea... Je me râcle la gorge. Tu veux entrer ?

- Je veux bien - merci.

Je la laisse passer. Dieu merci, la maison est plus entretenue que moi ces derniers jours.

- Tu veux boire quelque chose ?

- Non merci.

Tout en hochant la tête, je me pince les lèvres. Ce n'est pas tellement dans mes habitudes de recevoir du monde ici - je n'ai pas vraiment d'amis, à vrai dire. Je suis un homme très seul. M'entendre bien avec la personne avec qui je vis, qui plus est avec qui je partage du sang, est déjà complexe pour moi, alors entretenir des amitiés

Sans parler des relations amoureuses. Je n'ai évidemment eu personne depuis Abigail. Je n'y pensais même pas, à vrai dire.

Je vois Andrea regarder autour d'elle. Elle semble apprécier la décoration simple et la maison entretenue, malgré tout. Je la vois poser son regard sur les photos familiales, et aussitôt se tourner vers moi :

- Je ne savais pas que tu étais mariée, dit-elle. Je ne savais pas que tu avais quelqu'un.

- Non, je secoue la tête. Je n'ai personne.

Et alors j'ajoute les mots difficiles :

- Je suis veuf.

Son visage change totalement, et je la devine gênée. Déjà que je ne suis pas doué avec elle, elle va sincèrement penser qu'elle n'arrange pas son cas.

Mais Andrea n'a rien à se reprocher. Elle est... Tout ce qu'une femme devrait être, je crois. Elégante, sympathique, professionnelle, classe, déterminée et indépendante.

- Je suis désolée, je ne voulais pas être indiscrète. Mon dieu ce que je suis gênée.

- Oui, ça se voit, tu as les joues rouges... Ne t'inquiète pas. Ce n'est pas grave. Ça fait des années.

Elle ne sait pas quoi ajouter et dès lors, c'est moi qui sent la gêne dans l'atmosphère. Dans ma propre maison. De mieux en mieux.

- Excuse-moi pour la tenue, je parle alors. Je ne suis pas... très en forme, ces derniers temps.

- Je sais... je me doute.

- Vous avez du nouveau sur l'enquête ?

Je ne peux pas m'empêcher de me poser la question. Je sais que je ne dois pas le faire, que si elle m'a été retirée, c'est parce que je ne dois pas m'impliquer davantage. Cependant je le fais.

- C'est pour ça que je suis là... Répond Andrea. Ainsi que pour voir comment tu vas.

- Je crois que tu as la réponse, je soupire.

- Ouais... Monsieur Tanson m'a envoyé te chercher pour qu'on procède à un interrogatoire, ensemble. Le garçon devrait nous attendre au poste, Todd et Ernie ont pris en charge l'arrestation.

Je fronce les sourcils et prends appui sur le plan de travail de la cuisine. J'ai sur mon visage un air sérieux, et pour contraster cela, je suis en peignoir. Ça change drastiquement de mes tenues en costard.

- Pourquoi pas te confier la tâche ? Il m'a retiré l'enquête, et tu es un super agent.

- Il a confiance en moi - mais il sait que tu seras bon. Il te remet l'enquête, on est tous les deux sur ce coup-là.

- Attends - tu me suis ?

- Je te suis.

Entre équipiers, une notion, une des plus essentielles, est la confiance - ultime, au mieux. Et Andrea et moi avons parcouru du chemin c'est évident, pour en arriver là. Je ressens une fierté, un baume au coeur. Peut-être que même si je suis maladroit avec elle, j'ai au moins accompli ça ces derniers temps.

- Alors - allons-y, je m'enquis.

- Tu devrais peut-être te changer, elle rigole.

Je baisse les yeux sur mon peignoir marron. Un doux sourire tire le visage d'Andrea :

- Je t'attends dans la voiture, ok ?

Après que je lui ai confirmé, elle quitte la maison et je reste statique quelques secondes. Avant de monter en courant et en chantonnant à l'étage, tel un enfant, pour enfiler une tenue digne de ce nom.


× × ×


- Votre fils ?

Devant moi, derrière la vitre sans tain me permettant de voir le garçon sans que celui-ci ne puisse le savoir, j'ai les sourcils froncés et je ne comprends pas. J'essaie de faire des liens dans ma tête, mais j'ai du mal à saisir. Lier Styles au fils de mon chef, ainsi qu'à un gamin à qui il ne parlait pas du tout dans le lycée, est complexe.

Et si je m'étais planté ?

Et si nos pistes, depuis le début, étaient fausses ?

J'ai du mal à le croire. Je reste intimement persuadé que tout a un lien. Mais, le ressenti d'un seul enquêteur qui a certes le soutien de son équipière ne suffit pas à faire avancer une enquête criminelle.

- Mon fils, confirme Jim Tanson. J'ai trouvé des éléments... compromettants. J'ai d'abord pensé à une coïncidence, mais vous avez raison, c'est trop gros. Puis j'ai envoyé un échantillon au médecin légiste, qui m'a confirmé qu'il avait du Xénon dans l'organisme. J'espère sincèrement qu'il n'a rien de sérieux à voir dans cette histoire - mais je crains qu'il ait un lien, ou au moins des informations.

Lentement, j'hoche la tête, digérant tous ces éléments. L'espace d'une seconde, je m'imagine découvrir que Judith aurait fait quelque chose de compromettant dans cette enquête et mon coeur se serre. Puis, je chasse d'un coup cette idée. Ne pas être personnel vis à vis d'une enquête.

- Le but c'est de le faire parler, m'indique mon chef. Je ne peux pas l'interroger, de toute évidence, c'est mon fils et il est trop... distant, avec moi. Il utiliserait notre lien familial. Avec vous il devrait être intimidé, et j'espère, parler. Dire où il se fournit la drogue, serait le mieux.

J'hoche la tête et lance un regard à mon équipière. Sans que j'ai besoin de parler, elle me comprend, et nous quittons la petite pièce annexe pour rejoindre celle où se trouve le jeune Tanson.

Aussitôt, il lève les yeux vers nous. Nous sommes deux, c'est intimidant, mais ce gamin a un visage de marbre. Je reconnais des traits à son père, mais là n'est pas le sujet.

- Je ne sais pas pourquoi je suis là mais je n'ai rien fait. Allez dire à mon père que ce sont des conneries.

- Ce n'en sont pas, je dis en m'asseyant. Josh, je suis le détective Carter et je vais simplement te poser des questions. Il faut que tu nous dises la vérité, c'est très important.

- C'est une erreur, je ne devrais pas être là. Mon père est haut placé, d'accord ?

Andrea ravale un sourire et je fais de même. Autant Harry Styles avait été intimidant et difficile à cerner lorsque nous l'avons interrogés, autant Josh Tanson, est ridicule. Il essaie de faire le dur alors que ses mains tremblent et que son front suinte.

- Ton père a ordonné que tu te retrouves ici, parle alors Andrea. Nous avons effectués des analyses, et ton organisme contenait de la drogue dopante, du Xénon.

Vu l'effroi qui traverse le visage de l'adolescent, nous devinons qu'il n'avait pas prévu ça.

- Et nous en avons également retrouvés dans l'organisme de la victime, Zayn Malik, je dis. Je pense que tu sais très bien de quoi on parle.

- Je ne l'ai pas tué, ok ?

- Nous ne t'accusons pas de ça.

- Mais je ne l'ai pas fait. Il faut que vous me croyiez - je ne l'ai pas fait.

- Tu n'es pas là pour ça, dis-je. On sait que tu as un alibi ce soir-là, nous avons prêtés attention à tout ça. Tu es là pour nous parler de la drogue. Le Xénon.

D'un adolescent rebelle se donnant un genre, il est passé à un gosse terrorisé. Et je me pose mille et une questions, car ce n'est pas habituel.

C'était comme s'il avait peur de quelqu'un, de quelque chose, de conséquences.

- Je ne peux pas vous dire qui me fournit.

Bingo.

- Pourquoi ? Demande Andrea. Est-ce que cette personne te fera du mal ?

- Non - mais vous ne comprenez pas. Ça me retomberait dessus, ça se saurait. Il n'est pas... Il n'est pas n'importe qui. Je ne peux pas.

Interpelé, je m'avance pour venir poser mes coudes sur la table et regarder attentivement Josh.

- Qui te fournit Josh ?

- Je ne peux pas - non. Est-ce que mon père regarde, là ?

- Oui, il regarde. Mais personne ne te fera aucun mal ici, et personne en dehors.

- Vous ne comprenez pas, il plante ses yeux dans les miens. Il saurait que c'est moi.

Un frisson glacial traverse intégralement ma colonne vertébrale. Je ne saurais pas expliquer pourquoi, mais cela me fait cet effet très étrange. Je commence à avoir un mauvais pressentiment, et pourtant, je m'enfonce dans l'idée que j'ai raison.

Harry Styles. Haut-placé, avec toutes les portes lui étant ouvertes.

J'ai envie de l'entendre le dire.

- Tu lui achètes de la drogue ? Je tente.

- Ouais - et j'en vends pour lui. Avec Zayn, on... On en vendait. On n'était pas potes - mais on ne se détestait pas tant que ça... C'était pour garder une crédibilité auprès des autres au lycée. Pour pas être soupçonnés.

- Avec Zayn ? Je réagis aussitôt.

- Oui il... Il vendait aussi pour le capitaine - ouais.

Comme réalisant qu'il en a alors trop dit, il se rattrape :

- Mais je ne dirais pas qui nous a mis là-dedans. C'était un surnom. C'est juste - il m'a fait... beaucoup de promesses. Il est - il est puissant dans ce monde, vous comprenez pas.

A partir de ce moment-là, sans même réaliser, Josh Tanson vient d'avouer qu'Harry Styles est impliqué dans cette histoire de drogues. Car avec la logique d'un enquêteur,

Des promesses, comme concernant un sport qu'ils ont en commun,

Puissant, tel quelqu'un de lié au monde politique,

Et dans ce monde, tel que dans celui du baseball.

Sans oublier le fameux surnom "capitaine", qui est littéralement le poste de Styles dans son équipe.

Un regard échangé avec ma partenaire, et nous nous comprenons. Il ne nous a pas donné tant de fil à retordre que ça.

- Depuis quand Harry Styles te demande de vendre pour lui ?

- Quoi ?

Devant nous, Josh pâlit et j'ai presque l'impression pendant une seconde qu'il va s'évanouir. Nous restons de marbre, ne devant surtout pas perdre la face. C'est ainsi que nous pouvons déstabiliser les gens interrogés.

- Je n'ai pas dit que c'était lui, il se rattrape aussitôt. Je n'ai donné aucun nom.

- Indirectement, tu l'as fait, je parle. Je vais te faire part de notre théorie, pour le moment... Harry Styles vous fait vendre pour lui du Xénon, drogue dopante dans le monde du sport, que vous partagez. Il y a un petit business facilement montable dans cet environnement. Toi et Zayn, donc, vous en vendiez pour lui. Le soir du meurtre de Zayn, ils se sont vus, comme l'a confirmé notre témoin. Les choses ont sûrement dégénérées entre eux... Peut-être que Zayn voulait arrêter la vente, peut-être qu'il y avait autre chose. Et il s'est fait tuer plus tard dans la nuit.

- Nous ne disons pas que tu as quelque chose à voir dans le meurtre, reprend Andrea. Nous voulons juste savoir ce qui concerne la vente de drogues.

Et même si je ne pensais pas cela possible, il devient encore plus blanc et cette fois, baisse les yeux. Il n'est pas aussi malin qu'il pense l'être. Tenir tête aux plus âgés et jouer au plus futé ne suffit pas toujours.

Il demeure silencieux quelques secondes. Je devine que c'est sûrement pour mettre de l'ordre dans sa tête, qui doit plus que crier. Et doucement, d'une petite voix frêle, il finit par parler :

- Je ne sais pas ce qu'il s'est passé ce soir-là.

- Mais Styles vous fournissait. Il faut que tu l'avoues.

- Je ne peux pas dire son nom.

- Pourquoi ? Ma voix monte.

- Parce qu'il est puissant ! Parce que son père va trouver le moyen de le faire s'en tirer et de me laisser croupir en prison !

Je me passe une main sur le visage. A nouveau, le côté personnel reprend le dessus. Je me ressasse le coup de fil reçu lorsque j'ai appris la nouvelle, le moment où j'ai été face à son corps pour confirmer l'identité, l'enquête classée sans suite à cause de la trop grosse histoire de trafic de drogues.

Une fois, pas deux.

Andrea semble comprendre que quelque chose ne va pas et prend le relais.

- Tu nous as confirmé que c'était lui, lui dit-elle, et sa voix est douce est rassurante. Même si tu ne nous as pas dit son nom, nous le savons, Josh. Tu peux le dire, c'est tout ce qu'il manque.

Il s'apprête à ouvrir la bouche mais elle reprend :

- Il ne saura pas que c'est toi, et il ne te fera aucun mal. Nous y veillerons personnellement. Fais-nous confiance, nous sommes policiers.

Et je me dis que ça ne va jamais fonctionner - qu'il va encore se braquer, demeurer silencieux et rebondir sur le sujet.

D'abord, il ne parle pas, garde les yeux baissés et semble réfléchir. Je ne sais pas ce qu'il y a derrière tout ça, mais pour qu'il ait si peur, c'est qu'il y a quelque chose de gros.

De vraiment gros.

Finalement il semble que les mots d'Andrea lui ait suffit. Car même s'il parle doucement, comme pour garder une minime chance que nous ne l'entendions pas, il lâche l'information.

- C'est bien lui. C'est bien Harry Styles.

Mike Carter 2 - Harry styles 1.


× × ×



De retour dans le bureau de Monsieur Tanson, celui-ci reste dos à nous, les mains liées dans le dos. Il regarde l'agitation dans le poste à travers les stores à ses fenêtres, ou peut-être qu'il est simplement perdu dans ses pensées.

Andrea et moi ne parlons pas. Nous comprenons qu'il se sente mal. Nous lui laissons le temps ; jusqu'à ce qu'il se retourne vers nous.

- Vous aviez raison Carter, il parle alors. Avant même que nous ayons toutes les preuves suffisantes, vous aviez raison et j'avais tort.

- Merci Monsieur, je dis.

- J'ai commencé à appeler d'autres gens, haut-placés. Nous avons le soutien de certains sénateurs, certes opposés à Desmond Styles, mais ce n'est pas important. Cela prendra plusieurs jours pour mettre en place les détails, avant même de soumettre l'idée à Louis Tomlinson.

Je fronce les sourcils.

- Alors on le fait ? Je demande. Quand c'est personnel pour vous on le fait, mais quand ça l'est pour moi, c'est excessif ?

- Je sais que je n'ai pas eu la bonne réaction, il avoue peu fier. Et je m'en excuse. J'avais peur que l'issue soit aussi tragique, que ça ne mène à rien. Mais je vous comprends mieux, sur votre plan.

Peut-être que parfois, ne pas être objectif vis à vis d'une enquête est finalement la meilleure chose qui peut nous arriver, comme me l'a dit Judith. Car on veut se battre pour celle-ci.

- Nous ne reproduirons pas les mêmes erreurs, il continue. Nous avons beaucoup appris de ce qu'il s'est passé avec Abigail Carter. J'acquiesce.

- Abigail... Carter ? Réagit Andrea.

Il fallait bien que ce moment arrive - que j'ouvre mon coeur et mon passé à mon équipière. Je crois que le moment est venu.

Notre supérieur commun ne répond pas à sa question, et attend que je le fasse. Comme je le faisais plus tôt, il me laisse le temps, se mettant enfin à ma place.

- C'était ma femme, je parle. Elle est décédée il y a des années dans une affaire où elle était sous couverture. Nous pensons que le trafic de drogue est étroitement lié. L'affaire avait été classée sans suite, parce que le corps politique semblait être impliqué. Autant te dire que ça a pas mal de similarités avec notre enquête actuelle.

Je baisse les yeux en parlant à Andrea. C'est difficile d'affronter son regard de pitié. Mais lorsque je relève le regard vers elle, je constate que ce n'est pas de la pitié. Elle ressent de la compassion, oui,

Mais surtout de la colère.

Elle est en colère contre le système de m'avoir infligé ça.

- Et si nous le faisons, reprend Tanson, j'aimerais vous avoir sur la continuité de cette enquête. Cela sera sûrement long, tout ce travail sous couverture... Mais j'aimerais que vous travailliez dessus.

- On suit, rétorque aussitôt Andrea.

Elle se tourne vers moi, déterminée, et un petit sourire étire mes lèvres. Je réponds, mais en la regardant elle, et non Monsieur Tanson :

- On suit.


× × ×



En rentrant chez moi tard le soir, je me retrouve quasiment seul sur les routes américaines de notre petite ville. Et je me perds dans mes pensées.

Je ne sais pas ce que cela donnera, cette histoire d'enquête - je ne sais pas comment cela se terminera, surtout.

Si Louis Tomlinson échoue ?

Si l'un de nous y reste, malgré le fait que nous aurons essayé de l'éviter ?

Si j'y reste ?

Pire, si Andrea y reste ?

Je secoue la tête, ne voulant même pas penser une seule seconde à cette éventualité. Je ne sais même pas pourquoi ça me traverse l'esprit, mais je l'en débarrasse vite, en me garant dans l'allée de mon garage.

Comme il est 22h passé, je fais attention à ne pas faire de bruit pour ne pas réveiller Judith. Mais évidemment, en allumant la lumière, je la trouve assise dans la cuisine en train de grignoter. Cela me fait rire.

- Je ne suis même plus étonné de te trouver ici.

- Et moi j'étais étonnée de ne pas te trouver comme un légume dans le canapé en rentrant des cours, elle rétorque en se tournant vers moi. Tu étais avec ton équipière sexy ?

- Quoi ? J'écarquille les yeux.

Au moment où Judith fait ça, j'ai une sorte de suite d'images dans ma tête et je les chasse automatiquement. C'est tellement inapproprié.

- Quoi quoi ? Elle est belle, appelons un chat un chat...

- Andrea est une très belle femme, mais nous sommes collègues.

- Tu vois, tu l'appelles par son prénom. Il y a plusieurs semaines c'était encore encore agent White.

- Je n'aurais carrément pas cette conversation avec toi Judith.

- Comme tu veux, elle hausse les épaules. Mais tu sais, Maman est morte il y a des années et même si ça sera toujours elle ma mère et personne d'autre, ce serait normal que tu songes à refaire ta vie.

Refaire ma vie. Oui, j'y ai pensé ; parfois du réveil au coucher, jusqu'à la nuit complète. J'ai pensé à retrouver quelqu'un, mais c'était trop compliqué - je comparais trop à Abigail, tout le temps. Je cherchais une copie, et ce n'était pas sain.

Même si j'ai passé ce stade glauque il y a longtemps, je n'y ai jamais réellement pensé à nouveau, de manière sérieuse. Trouver quelqu'un ? Où est-ce que je trouverais quelqu'un ?

- J'étais au travail, je dis finalement à ma fille. On m'a remis l'enquête.

- Oh, c'est cool.

- J'étais en train d'interroger ton ex petit ami. Il a un lien avec l'affaire de drogues.

Elle arque un sourcil.

- Tu n'en as jamais pris, hein ? Je rajoute.

- Papa, elle roule des yeux. Josh est un cretin et il se drogue s'il a envie, je n'étais pas au courant, je suis pas assez bête pour laisser faire un mec ou pire, faire les mêmes conneries.

À son ton certain, je suis rassuré.

- Bien. Et je sais que je suis rentré tard ce soir mais... j'essaierai quand même d'être plus présent pour toi, Judith. C'était exceptionnel, ce soir. Je veux qu'on se voit beaucoup plus qu'avant.

Elle m'offre un petit sourire, et semble bien vouloir me donner une chance, parce qu'elle hoche la tête. J'ai beaucoup de chance d'avoir une fille comme elle.

Je tourne la tête vers l'entrée lorsque j'entends la sonnerie retentir. Je fronce les sourcils.

- Tu attends quelqu'un ? Je demande.

- Moi ? Elle s'étonne. C'est peut-être ta coéquipière sexy, qui sait.

Je roule des yeux, ravale mon sourire amusé et vais ouvrir la porte. A nouveau, mon expression faciale change drastiquement ; en une sorte d'incompréhension.

Judith, curieuse comme elle est, vient à mes côtés pour voir qui c'est. Et elle aborde le même visage que moi.

- Louis ? Dit-elle. Qu'est-ce que tu fais ici ?

Louis Tomlinson se tient sur le palier de notre porte d'entrée, sa capuche sur la tête, à cause de la pluie dehors. A plus de 22 heures, en soir de semaine, il se trouve ici.

- Tu vois Judith, je dis à son attention. C'était pour toi.

- Non, répond le jeune. Je suis venu pour vous, détective.

Ma fille lève les yeux vers moi, comme si j'avais fait quelque chose de mal, alors je lève les mains, pour ajouter un côté comique à la situation. Evidemment, j'invite aussi l'adolescent à entrer. Je ne peux pas laisser un gamin sous la pluie au début de la nuit.

Je l'invite à enlever sa veste, ses chaussures. A être, plus à l'aise.

- Pourquoi pour mon père ?

- Parce que... J'ai été chez Zayn, l'autre jour. Et j'ai trouvé... des choses. J'ai hésité plusieurs jours et... Je sais que j'aurais dû venir avant mais, c'était... bizarre.

Sans que je n'ai besoin de demander, il sort de son sac une boîte en carton. Et alors que je l'ouvre, je découvre encore une fois du Xénon. Je ne suis pas tellement étonné, étant donné que Josh nous a confirmé aujourd'hui. Mais cela apporte quand même un gros élément à l'enquête, et nous empêche de procéder à la perquisition.

J'ouvre le carnet, y découvre une suite de chiffres. 17/02 - 27
28/02 - 30 + V
15/03 - 26 -
02/04 - 3
Des dates, je devine. Avec ce qu'il a vendu, je suppose.

Dans les yeux de l'adolescent, je remarque une sorte de détresse. Même si j'ai connu des choses difficiles dans ma vie, je crois qu'il est en train de s'écrouler sous le poids de ses problèmes, petit à petit. C'est triste à voir.

- Merci Louis, je dis. Tu aurais pu venir nous l'apporter au poste demain cependant.

- Ouais, je sais...

Je le soupçonne de tout de même être venu pour passer un peu de temps avec ma fille. Et alors, cette idée est alimentée par la conversation qui a lieu entre eux l'instant d'après :

- Je vais rentrer, dit-il alors.

- Tu pourrais rester dormir là.

A ce moment-là, Louis et moi avons la même réaction : se tourner vers Judith avec les sourcils arqués au possible. Je rêve où mon petit bébé est en train de demander à un garçon de dormir avec elle, sous mes yeux ?

- Je parie que ton père est au travail, pas vrai ? Demande Judith. Alors tu as qu'à rester. En plus, il pleut, il fait nuit... On peut pas te laisser rentrer comme ça.

- Eh bien... Il dit.

Il ne sait pas où se mettre vis à vis de moi, et je le comprends. Je regarde ma fille et soupire. J'ai en face de moi une jeune femme, que je n'ai même pas vu grandir à cause de mes absences constantes. Mais il faut que je me rende à l'évidence. Elle a grandi.

Je me contente d'hocher la tête et de partir rejoindre ma propre chambre. Et ayant finalement accepté cette idée, que je suis le père que je suis et que Judith est ma fille malgré tout, même si elle est désormais grande et responsable, je dors paisiblement.

Lorsque je pars le matin suivant, bien plus tôt que les deux jeunes, je lance quand même à ma fille :

- À ce soir, Judith.

Ce à quoi elle répond : À ce soir, Papa.

À ce soir.

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