CHAPITRE 7


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PARTIE 1 : Chimie et révélation

LOUIS



Je tourne en rond devant l'adresse que Judith m'a renseignée en SMS. Un SMS si... bref et mystérieux, d'ailleurs. Comme elle. C'est bien la fille de son père. Pas quelqu'un de méchant, mais d'impossible à cerner. Heureusement, pour un flic.

Alors me voilà, à tourner en rond devant cette grande maison. D'extérieur, elle ressemble un peu à la mienne ; une architecture de maison de Boulder, où des résidences typiquement américaines se trouvent à perte de vue. Seulement, la sienne est merveilleuse même de l'extérieur. Entretenue ; clichée. Probablement confortable d'ailleurs, mais je ne me sens pas ainsi. C'est pour cela que je tourne en rond.

Je sais que je ne dois pas associer Judith à son père. Qu'elle n'est pas lui, qu'il n'est pas elle ; cette dernière m'a même avoué ne pas être proche de lui. Et je vais ici pour Judith, pour travailler avec elle, dans un cadre scolaire. Tout de même, savoir que je rentre dans cette maison, dans l'environnement de l'homme qui enquête sur la disparition de mon meilleur ami... J'ai comme un blocage.

Je baisse les yeux vers mes jambes qui tremblotent. Ouais, j'ai définitivement un blocage.

- Putain, je souffle, ma bouche exprimant ma pensée.

Je me trouve ridicule, à attendre là, et en même temps il m'est difficile de faire autrement. Mais par sorte de fierté, et sûrement car je ne sais pas trop si on est réellement amis car la vie n'est pas si facile pas vrai ?, je n'ose pas en informer Judith.

Sentant au même moment mon téléphone vibrer dans ma poche, je me dis que ça y est, elle m'a cramé. Elle doit se tenir par la fenêtre et me voir attendre planté là depuis dix bonnes vraies minutes. Alors je m'attends à devoir subir l'humour précis de cette fille, ou à devoir justifier les questions sur le pourquoi du comment - mais il n'en est rien.

Je n'en aurais pas besoin, car sur mon écran réside un tout autre nom, une toute autre famille, une toute autre histoire. "Maman Zayn". Ce genre d'amis dont on a toute la famille dans nos contacts. Zayn est ça. Était, putain. Était.

Inutile de préciser qu'une vague d'émotions m'envahit. Du bas de mes reins à ma nuque, un grand frisson glacial me traverse, hérissant chaque poil de mon corps. Je le sens, en surface, dans chaque recoin. Je sais qu'en décrochant, cela deviendra un moment très émouvant, entre deux personnes ayant perdues quelqu'un de très cher, même si différemment.

- Oui ? Je dis doucement, la touche "décrocher" enclenchée.

- Louis ? Demande t-elle.

J'ai vu juste. Elle a beaucoup d'émotions dans la voix, certainement des larmes dans les yeux. La contagion de ce triste sentiment se ressent et j'absorbe tout.

- Oui c'est moi Sofia, je dis doucement.

- Comment... tu te sens ?

Nous savons tous deux que la réponse à cette question est à la fois évidente et extrêmement floue et compliquée. Je ne sais pas trop comment je me sens ; et elle, je ne peux que supposer que c'est pareil, pire même. Pour une mère, perdre un enfant est probablement la pire des choses. Surtout d'une telle manière...

- Non, c'est une question stupide, se reprend-elle avant que je n'ai répondu. Il doit terriblement te manquer.

Par réflexe, ou protection, je serre la mâchoire afin de contenir les larmes, de les empêcher d'envahir les pistes lisses que sont mes joues. Mais je ne peux pas les retenir éternellement.

- Oui, il me manque, je parviens à dire à haute voix ; ce qui n'est réellement pas évident.

- Il me manque aussi... terriblement...

Un silence s'installe quelques instants et je le laisse faire. Je ne pense pas être en mesure de rassurer la maman de Zayn ; je suis déjà incapable de me faire une raison, alors tenter de rassurer une mère qui a perdu son bébé ; non, ce n'est pas possible. Après quelques secondes de silence lourd mais c'est normal, Sofia Malik reprend la parole. Sa voix est toujours tremblotante ; ma gorge commence à me serrer.

- Je t'appelais pour... Elle se racle la gorge. Je sais que tu étais très proche de mon fils, c'est sûr... Et... Comme tous les adolescents, sa chambre est... enfin tu sais comment elle est.

- Oui, en bordel, je ris, bien que mes yeux soient humides.

- Exactement... elle rit timidement, émue elle aussi. Je sais que vous y passiez beaucoup de temps, à jouer aux jeux vidéos, à discuter... Est-ce que... Est-ce que tu voudrais passer à la maison ? Passer dans cette chambre et récupérer ce que tu veux. Nous n'avons pas encore le courage de la ranger, de la débarrasser, c'est... impossible, mais... Si tu veux venir...

Je sais que c'est quelque chose qui se fait chez les défunts. Vider ses affaires. Les disperser. C'est dur, mais ce doit être fait oui. Et je me dois d'avoir un souvenir matériel de mon meilleur ami.

- Je peux passer en fin d'après-midi ? Je demande. Je dois travailler un peu avant, j'ai un devoir à rendre rapidement.

- Bien-sûr, bien-sûr. Tu sonneras avec la cloche enfin... Tu connais la maison...

Oui, je la connais. Je la connais bien. J'y ai passé tant de temps. Je vais y retourner dans un cadre totalement différent, et ça me fait peur. J'ai peur de tout ces derniers temps. J'ai du mal à affronter tout ce que je vis, je me sens perdu, vide ; flottant.

Nous n'avons pas grand chose de plus à nous dire. Parler de l'école, de ma famille ou du jardin de Madame Malik ne serait pas trop adapté à la situation. Je sais qu'elle pense la même chose lorsqu'elle écourte l'appel, disant :

- À toute à l'heure alors Louis.

- Oui, à toute à l'heure.

Je suis celui qui raccroche, car j'ai besoin d'aussitôt vider intégralement mes poumons. Tout ça me stresse, m'angoisse ; et le contexte empire probablement les choses.

Mes paupières se ferment quelques instants. J'ai besoin de me retrouver dans le noir, de ne pas voir tant de choses autour de moi. J'ai besoin de calme visuel juste quelques instants. Quand mes pupilles rencontrent de nouveau la lumière naturelle, je fixe la maison de la famille Carter.
Une nouvelle expiration quitte mes poumons, puis mes pieds se mettent en marche.


× × ×


J'avais raison. L'intérieur de la maison est exactement comme l'extérieur. Si propre, si clean, si élégant. Ça aussi c'est un mystère - qui entretient cet endroit si le père de Judith n'est jamais là ?

- Désolé, j'ai mis du temps à me décider à venir, je dis à Judith.

Nous sommes dans sa cuisine alors je pose mon sac à dos sur le sol, dans un coin. J'ai évidemment pris mes affaires de cours. Je n'ai pas réellement envie de travailler, mais il faut bien.

- Je savais que ça serait compliqué pour toi, rétorque t-elle. T'inquiète pas.

J'hausse les épaules.

Encore une fois, je ne suis pas très bavard. Je regarde brièvement autour de moi, sans non plus devenir gênant et insistant. Judith me propose à boire, mais je décline poliment, déjà que je ne suis pas très à l'aise. Mais alors cela atteint des sommets lorsque la porte d'entrée s'ouvre - et évidemment, ça ne peut être qu'une personne.

Le voir entrer, comme ça, me fait bizarre. Je suis dans un coin intime de sa vie, dans un cadre totalement hors professionnel pour lui, et je ne sais pas comment je dois me sentir vis à vis de ça - mais je crois que je ne le vis pas très bien.

- Papa ? S'étonne Judith. Tu ne travailles pas ?

- Je suis -

Le détective tourne la tête vers moi, probablement étonné de me voir dans sa cuisine. Moi non plus je suis pas super confortable, on partage ça.

Il a de beaux yeux bleus, qui donnent bien un air froid à son regard. C'est un homme intimidant, je pense que même s'il n'était pas flic je ne me sentirais pas super à l'aise en sa présence.

- J'ai pris une sorte de pause déjeuner, il finit de dire à sa fille avant d'enchaîner : on peut parler en privé Judith ?

- Je n'ai rien à cacher à Louis, tu peux parler ici.

- Et, depuis quand tu n'as rien à cacher à ce garçon ?

Je ne dis rien, ne fais aucun bruit, même si j'ai envie de dire "Eh, je suis là".

- Depuis que je l'ai décidé, elle rétorque, sûre d'elle, puis elle soupire face à la neutralité de son père. Louis et moi sommes en cours de chimie ensemble. On a un devoir à faire ensemble, je lui ai proposé de venir à la maison pour qu'on le fasse.

- Oh, eh bien... reprend le détective.

Il me regarde et j'ai envie de déguerpir. Je ne pense pas être un froussard ou quoi mais là...

- Je ne veux pas déranger, je parle finalement. On peut faire le devoir ailleurs, si jamais.

- Non, pas de ça, intervient Judith. Tu es un adolescent comme les autres, enquête ou pas tu restes un lycéen qui a des devoirs, point barre.

Je crois que je remercie le ciel d'avoir mis Judith Carter sur mon chemin. La seule personne à me traiter comme les autres. Même si je regrette éternellement le pourquoi du comment nos routes se sont croisées.

Monsieur Carter me regarde, puis sa fille, puis moi, à nouveau. J'ai tellement envie d'essayer de discerner quelque chose dans ses yeux mais ça semble impossible. Il n'a pas l'air méchant, il a juste une prestance particulière.

- Très bien, soupire t-il finalement. Faites votre devoir alors.

- Merci père, dit Judith avec un ton ironique.

Elle reprend la route vers l'étage donc j'opte pour la suivre. Je ne me vois pas trop rester planté dans la cuisine, avec l'enquêteur froid comme de la glace.

- Et laisse la porte ouverte, lance t-il lorsque nous sommes à l'étage.

Judith se contente de lever les yeux au ciel et ferme la porte de sa chambre. Bon, je ne me suis jamais retrouvé comme ça, seul avec une fille dans sa chambre. Mais vu la situation, je n'ai même pas la tête à penser à ça. Puis on se connaît pas assez, je crois... Je suis un peu vieux jeu là-dessus.

- Désolée, il est un peu lourd parfois, me dit Judith.

- Non, t'inquiète pas. Il a l'air... J'hausse les épaules. Normal.

- Pas de ça avec moi, pouffe t-elle. Il était pas fait pour être père solitaire je crois, il est carrément maladroit.

- Ça ne fait pas de lui quelqu'un de méchant.

- Depuis quand tu es ami avec mon père ? Elle rit.

- Je ne suis pas ami avec lui, il a même pensé que j'étais le coupable de l'enquête sur laquelle il travaille... Ça serait un drôle de début d'amitié. Non, j'ai un peu peur de lui mais... Il n'a pas l'air d'être un tyran non plus.

La jeune fille hausse les épaules et viens s'asseoir en tailleur. Sur le sol. Il y a un lit, des chaises, mais elle opte pour le sol. N'étant pas chez moi, j'imite son geste et me retrouve dans une position identique, face à elle.

- Non, il n'est pas méchant, juste absent. Et tu sais, tu serais surpris de comment les relations commencent et peuvent évoluer parfois.

- Ouais, je sais pas... Je ne suis pas très convaincu. Je crois que la vie n'est pas un film.

- Pas aussi bien réalisé et esthétique, c'est sûr. Mais on peut retrouver des trames.

Elle sourit. Comme d'habitude. Comment fait-elle pour sourire tout le temps ? Pour avoir des dents si droite, si blanches - pour être une adolescente parfaitement hollywoodienne ? Elle a un sourire envoûtant. Sa personnalité entière l'est, je crois. Je détourne le regard.

- Bref, je relance. Tu as une idée pour le devoir de chimie ? J'ai apporté mes cahiers...

Je regarde autour de moi, cherchant du regard mon sac. Évidemment je l'ai laissé en bas, dans la cuisine. J'en informe Judith qui me donne le feu vert pour aller le chercher.

Donc je le fais. Je me lève, je traverse le couloir, descends l'escalier et arrive dans cette cuisine typiquement américaine. J'ai le réflexe de regarder autour de moi, de m'assurer que je suis seul. Non, je ne veux rien voler, mais je sens que croiser le père de Judith serait un petit peu gênant. Même si je ne vais pas le fuir non plus.

Mes affaires se trouvent dans le coin, où je les ai laissées. Je me baisse pour récupérer mon sac, et en me redressant, je tombe nez à nez avec des cadres photo que je n'avais jusque là pas remarqué. Il n'y en a que trois, et je crois que ce sont les seules de la maison - celle-ci étant très glaciale.

Je reconnais deux visages ; celui de Judith - même s'il y a une photo d'elle très petite, et une autre qui a au moins trois ans - et celui de son père. Il était plus jeune aussi sur les photos, et plus... souriant. Étonnant.

Avec eux se trouvent une femme, que je devine être la mère de Judith. Elle est jeune. Ils avaient l'air d'être la famille parfaite, les américains typique, avec les grands sourires. Ils semblaient soudés. Heureux. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- Qu'est-ce que tu fais ?

Je sursaute, et en me retournant, je suis face au détective. Pris en flagrant délit en train de fixer les photos de famille, bravo Louis.

- Je... Pardon Monsieur, je suis venu chercher mon sac.

- Sur les cadres photos ? Il demande, septique.

- Je... Pardon. Je suis trop curieux.

Il va penser que je suis intéressé par ses biens ou je ne sais pas quoi, que je ne suis pas net, alors que pas du tout. Merde.

Ses yeux me détaillent, et il hoche très lentement la tête. Il laisse couler, ouf. Bon, en même temps, il n'allait pas m'arrêter parce que je fixais des photos. Mais quand même...
Il ne dit rien de plus, il se tourne pour se faire un sandwich, je crois. Il ne dit rien, je suis planté là, j'ai été pris dans un excès de curiosité pas cool, et maintenant je me sens con, penaud et je n'ose pas bouger.

Je me pince les lèvres, baisse un peu les yeux. Je mets mon sac sur mon dos et commence à repartir vers l'étage.

Pourtant je m'arrête. Un pied posé sur la première marche, l'autre encore sur le parquet du rez-de-chaussée. Une question brûle mes lèvres.

Je suis intimidé par Monsieur Carter, je n'aime pas la sorte de lien qui nous unit, tout cela me fatigue réellement. Mais je puise une ambition, quelque part. Car je retourne vers lui et parle, étonné de moi-même :

- Vous avez interrogé Harry Styles, pas vrai ?

Mike Carter se tourne vers moi. J'arrive tout de même à voir qu'il est étonné que je m'adresse à lui, surtout pour poser une telle question. Ça m'étonne moi-même je dois reconnaître. Mais il paraît que dans certaines circonstances, on fait des choses qui nous dépassent complètement. La mort de Zayn doit être une de ces circonstances pour moi.

Son regard se recentre sur ce sandwich qu'il prépare. Extrêmement basique, même pas de sauce. Je doute qu'il soit un grand cordon bleu.

- Tu es bien curieux, il parle finalement. Tu regardes les photos de famille des gens, et tu poses des questions sur mon travail alors qu'on est chez moi, dans un cadre tout autre.

- Désolé, je rétorque aussitôt. Que dire d'autre ? Je suis très intéressé par cette enquête, enfin... il était mon meilleur ami. J'ai envie de savoir qui a fait ça... et vite.

Il ferme le sandwich et commence à le manger, désormais adossé contre le plan de travail. Il a une chemise blanche rentré dans un pantalon de costume. Ça porte des costumes les flics d'ailleurs ? Il a classe, mais pour les courses poursuite et tout ça, c'est vraiment pratique ?

- Et tu penses qu'Harry Styles pourrait être le coupable ? Il me demande.

- Je ne sais pas ? À vous de me le dire je crois.

Un petit rire quitte ses lèvres, mais une sorte de bref rire nerveux je dirais. Il ne semble pas réellement amusé.

- Je pense que ce serait du gâchis pour le monde du Baseball, je reprends. Il a un don... un vrai don. Je pense que c'est pour ça qu'à seulement 19 ans il est capitaine des Colorado Rockies de toute façon. Mais s'il a tué Zayn, merde à ça. Il doit croupir en prison.

- Tu t'y connais en baseball ? Me demande le détective.

J'hoche la tête.

- J'y joue depuis 6 ans, et même avant j'en rêvais. J'adore ça c'est... ouais. Une passion. Zayn et moi on... était dans la même équipe.

- Je le savais déjà, j'ai interrogé votre coach. Mais il y a une différence entre en faire car il faut choisir un sport au lycée, et aimer ça.

- J'aime ça, je confirme. J'aimerais intégrer les Colorado Rockies, un jour.

Peut-être qu'une place va se libérer bientôt, vu qu'Harry Styles est soupçonné. Ce garçon que j'envie tant, qui a une vie rêvée... Que j'ai tant idolâtré... Comment peut-il se retrouver impliqué ?

À ces pensées, mon visage se ferme. Tout paraît si fou, si irréaliste. Je soupire silencieusement, dépassé.

- Sérieusement, je reprends sur ce ton, vous le pensez coupable ?

- Je ne peux pas savoir. L'enquête n'est pas assez avancée dans un sens pour le déclarer coupable.

- Je ne cherche pas une certitude, mais un ressenti. J'ai besoin d'un ressenti.

De nouveau, ses yeux bleus rencontrent les miens, et dans son silence il semble réfléchir, m'analyser le visage et même l'âme.

- Je pense qu'il a quelque chose à cacher, c'est sûr, il avoue. Le meurtre, peut-être, mais au moins quelque chose autour.

- Alors il faut le prouver, je m'enquis.

- Garçon, c'est le fils du secrétaire d'État, un des hommes les plus puissants du pays. Les choses ne sont pas si faciles.

- Alors parce qu'il a une famille puissante il va juste s'en sortir ? Je m'emporte un peu.

Je soupire. Je ne suis pas énervé, juste dépassé.

- Je ne pourrais pas supporter que cette affaire ne soit jamais classée, j'ajoute plus calmement. Je ne peux pas croire qu'une telle injustice puisse arriver.

- Toutes les enquêtes ne finissent pas résolues. Beaucoup plus que tu ne le crois sont classées sans suite, beaucoup de coupables échappent à des condamnations. Parfois des gens qui ont fait des choses horribles, détruit des familles même. Le monde n'est pas rose.

Ce discours est dur à entendre, parce que j'ai envie de croire que justice sera rendue à Zayn. Mais en même temps, où puiser cet espoir ? Où trouver cette haine d'Harry Styles ? Dois-je le blâmer, intégralement ? C'est très dur de savoir ce que je ressens.

Et je crois que Mike Carter ne peut pas m'aider dans cette quête. Il est extrêmement rationnel, me dit les choses. Peut-être que le meurtrier de Zayn ne sera jamais arrêté. C'est difficile à encaisser.

Je me remets à penser à mon ami, à nos souvenirs ; à nos secrets. À tellement qu'il ne m'a pas dit, finalement. Devant moi se trouve un homme qui en a su plus que moi, alors doucement, je demande :

- Est-ce que Zayn et Harry Styles se connaissaient ?

J'ai besoin de savoir. Je veux savoir jusqu'où Zayn m'a caché ces éléments.

Continuant son sandwich, il me détaille. Toujours aussi intimidant, mais j'affronte cela. Ma curiosité me permet d'affronter ça.

- Je ne suis pas réellement censé te donner ces informations, rétorque t-il.

- Pourquoi ? Parce que vous pensez que je l'ai tué ? Je vous ai donné mon alibi, mon père l'a confirmé. Je ne dors presque pas, je me fatigue au lycée... Je n'ai pas les épaules de tuer quelqu'un, de cette importance en plus ? Je n'ai pas tué mon meilleur ami.

Mes mots sont durs, mon ton ferme. Peu importe si j'ai en face de moi un agent. Je ne peux pas réellement supporter qu'on m'accuse ainsi. Jamais, jamais je n'aurais fait ça. Je ne suis qu'un lycéen passionné de Baseball merde.
Alors il me regarde. M'analyse. Pour le coup, il peut le faire autant qu'il veut ; je n'ai rien à cacher. Et je pense que la conclusion est bonne, car il parle :

- Selon lui, non, ils se sont rencontrés ce soir-là. Mais je ne sais pas si on doit le croire.

- Il a utilisé une immunité diplomatique ?

- Pas tout de suite. Il est d'abord venu pour nous faire son numéro, à jouer avec nous. Et après il a parlé d'appeler l'avocat de son père. Il soupire. On va savoir très vite si ça s'arrête là de toute manière.

- Et là, on ne pourra rien faire ? Plus rien ?

Son silence résigné est ma réponse. Je devine que lui aussi, ça le perturbe. C'est probablement difficile de ne pas pouvoir aller au bout de son travail comme ça, à cause de pouvoir. D'inégalités.

C'est difficile, en tant que proche, de laisser partir quelqu'un en sachant qu'il n'aura finalement jamais la paix.

Est-ce même possible ?

Y arriverais-je ?

Le silence qui prend place entre l'adulte et moi me donne des frissons. Parce que je réalise que c'est la merde, cette enquête. Qu'un mec que j'ai idéalisé longtemps a peut-être tué mon meilleur ami. Qu'il ne sera sûrement pas puni. Que peut-être, désormais, chaque fois que j'allumerais la télé et tomberais sur un match de Baseball, il hantera mon esprit. Avec son sourire, son visage de Monsieur parfait. Son visage de mec qui aura cassé ma vie d'adolescent banal.

- Tu devrais aller faire ton devoir.

C'est la voix du détective qui me sort de ces pensées. Je me contente d'acquiescer. Le devoir de chimie, ouais. C'est les seules choses en mon pouvoir de toute façon.


× × ×


Debout, droit comme un piquet dans la chambre vide de Zayn, je suis silencieux. Ça me fait plus que bizarre, de me retrouver ici, dans cette pièce dans laquelle nous avons passés tellement de moments, jusqu'à des heures pas possibles.

Si je tourne juste un peu la tête sur la droite, je peux nous voir, en train de jouer aux jeux-vidéos, de jour comme de nuit, à rire comme les gosses qu'on était - surtout quand je le battais.

Si je tourne la tête vers la gauche, je peux nous voir en train d'essayer de réviser, pour lamentablement échouer et finir sur sa console, vite repris par sa mère quand je dormais chez lui.

Et si je ferme les yeux suffisamment forts, et que j'y crois, je peux presque nous voir, là, maintenant, en train de discuter, comme si rien ne s'était jamais passé. Comme s'il était toujours là, pour encore tellement longtemps. Seulement il n'en est rien. Debout dans sa chambre, nous sommes tous deux vides.

- Tu peux regarder, fouiller... Parle Sofia derrière moi. Et prends ce que tu veux... Je te laisse un moment.

- Merci Sofia.

Une fois mes mots prononcés, elle est hors de la chambre, la porte fermée délicatement derrière elle. Je me retrouve alors dans cette espace, rempli de souvenirs et d'émotions flottantes dans l'air, ne sachant pas réellement par quoi commencer.

Je fais quelques pas, osant à peine frôler du bout des doigts les objets. C'est ridicule, pas vrai ? Cette chambre n'a pas du tout changée - rien n'a changé de place, il y a toujours le même désordre, les mêmes emplacements, la même décoration, absolument rien n'est différent ici. En revanche, à l'extérieur de cette pièce, tout, absolument tout, a changé. Et pourtant, mon blocage se passe ici.

J'hésite. Devant moi, tellement d'objets, de tailles variées, et j'ai une multitude de choix pour savoir ce que je garde - ce que j'afficherai dans ma chambre, et plus tard dans mon appartement, pour conserver le souvenir de ces années de ma vie.

Il doit venir de là, le blocage.

Comment je peux résumer ça à un objet ? Ou deux, même trois ? Est-ce que ça me rappellera les bons souvenirs avec mon meilleur ami ? Ou l'horrible tragédie de sa fin de vie ?

Pourtant, quand je tourne le regard vers son gant de baseball, ça me paraît évident. Le sien. Son gant usé, qu'il avait depuis des années. Je me souviens encore lorsqu'il l'a eu par ses parents à ses 14 ans, heureux, et qu'il jouait fièrement avec alors que clairement, la taille ne lui était pas encore adaptée. Je ressens une grande vague d'émotions. Le baseball, ouais, ça, je crois que ça nous unira pour toujours.

- Qu'est-ce que tu me manques Z, je parle, tout seul, prenant son gant dans la main.

Stupidement, j'ai le réflexe de l'amener à mes narines, pour espérer retrouver son odeur et sa présence. Je me retrouve simplement face à une odeur de vieux cuir travaillé, mais ce n'est pas grave. C'était son gant.

Je me retrouve alors à chercher quelque chose de plus, quelque chose de particulier, pour moi, qui avait un rôle particulier, dans sa vie. Et en même temps, je n'étais pas le plus important. Zayn avait un petit-ami, qu'il aimait probablement. Même si ça m'échappe totalement, c'est les faits.

Je suis peut-être trop bon trop con, après tout. Je ne connais pas vraiment Nick, et je n'ai pas envie de le connaître. Mais je crois que, s'il aimait vraiment Zayn, comme il le prétend, quelque chose venant de lui, peu importe quoi, fera l'affaire.

C'est en cherchant sous son lit que je trouve, au fond, une boîte en carton, comme recouverte par d'autres choses. Un vrai bordel d'adolescent, c'est normal, je suis pareil. Et j'hésite, à ouvrir cette boîte - me disant que c'est peut-être personnel. Et puis, je me demande : est-ce que les morts ont encore des effets personnels, étant donné que la famille doit s'en débarrasser, ou stocker ?

Mais, j'aurais dû la laisser fermée, cette boîte. Parce qu'une fois ouverte, j'ai l'impression qu'elle me fait l'effet de la boîte de Pandore. A chaque jour qui passe, j'ai l'impression que je découvre des choses qui vont me faire imploser.

- Putain, je souffle, celui-ci pourtant coupé.

Car même si j'ai toujours été clean, j'ai dû avoir des dizaines de cours pour nous sensibiliser à l'anti-dopage, surtout dans le cadre sportif, ainsi que celui de nos études.

Et putain, Zayn aussi les a eu, ces cours. Toute l'équipe.

Alors pourquoi je suis face à une boîte rempli de minuscules bombones de gaz ? A côté se trouve un carnet, et dès la première page, je peux voir quelque chose de très clair. Xénon. Ce nouveau gaz dopant menaçant les sportifs. Non, non non non. Pourquoi Zayn en a ?

Et les pages qui suivent, c'est presque pire. Une sorte de langage que je ne sais pas comprendre.

17/02 - 27

28/02 - 30 + V

15/03 - 26 -

02/04 - 3

Je dois m'asseoir sur le lit parce que mes jambes me lâchent. Et je crie, fort, laissant les larmes inonder mes joues. Comment suis-je supposé me sentir ? Comment dois-je réagir ? Que dois-je croire ?

- Louis ? J'entends Sofia derrière la porte. Louis... Tu veux que j'entre ?

- Non, je me reprends. Ça va - c'est juste, difficile. Je vais sortir.

Je referme la boîte en carton, forçant le gant à tenir dedans. Je souffle un bon coup, ne prenant même pas la peine d'essuyer mes joues. Je n'en ai plus rien à foutre.

- Tu as déjà fini ? S'étonne la femme.

- J'ai pris... son gant de baseball. Si ça ne vous dérange pas, toi et Malik.

- Non, bien-sûr que non, elle

- Et je l'ai mis dans cette boîte en carton qui traînait sous son lit, j'explique, ou plutôt, je mens.

- Oh, d'accord...

Elle me prend dans ses bras, en ressentant sûrement le besoin. Comme je le peux malgré mes mains encombrées, je lui rends son étreinte, mais je ne suis pas dans l'instant.

Qu'est-ce que ça veut dire, cette putain de boîte ?

Est-ce que je devrais lui dire ?

- Merci d'être venu, elle ajoute en se reculant du câlin. Tu sais... La maison te sera toujours ouverte. Je sais que... Je sais que ça va être difficile, pendant longtemps, pour nous tous... Mais tu es chez toi ici, Louis.

Je la remercie, sincèrement, même si mon esprit est ailleurs. Oui, ici ça sera toujours ma maison, pour elle peut-être. Mais connaissais-je vraiment l'adolescent y habitant ?

Me retrouvant désormais hors de la maison, dos à celle-ci, je me prends la pluie. Et pourtant, je reste statique, fixant quelques secondes la boîte entre mes mains.

De la drogue.

Bordel, je fais quoi maintenant ?







*

PARTIE 2 : L'agent récidive

MIKE


Ce n'est pas une bonne journée. Définitivement pas. Je me fais congédier à la maison, ce qui n'arrive jamais et n'est pas spécialement bien, et en plus je me tape les bouchons pour rentrer chez moi.

Rentrer chez moi, en pleine journée, sans but de repartir... ça fait tellement longtemps que ça ne m'est pas arrivé. Et aussi stupide soit-il, je sens que je vais m'ennuyer.

J'ai la quarantaine, et je vais m'ennuyer. Je soupire à cette idée - et encore davantage lorsqu'un appel d'Henry apparaît sur l'écran de contrôle de la voiture.

- Je ne suis pas au poste, je ne serai pas d'une grande aide, je commence à parler.

- Bonjour Mike, rétorque t- il avec son ton si spécial. Ta mère ne t'a donc pas appris à dire bonjour ?

Je me passe une main sur le visage tout en soufflant.

- Excuse moi. Comment tu vas ?

- Oh, pas de banalités, je vais aller droit au but veux-tu.

- Je ne sais pas, fut un temps on était plus amis que ça.

Il ne répond pas.

- Ça concerne l'enquête ? Je reprends.

- Oui.

- Alors contacte directement Andrea. J'ai été renvoyé chez moi pour le reste de la journée.

- Je sais. Mais ça concerne également Abigail.

Étant au volant, je me dois d'avoir une entière concentration sur la route, les autres conducteurs, les piétons, et tout ce qui va avec. Je suis un agent de l'ordre, je me dois de tenir une particulière attention à tout ça.

Pourtant je reconnais qu'à l'entente du prénom de ma défunte épouse, et de son cas tragique, mon corps entier se raidit. Des années qu'Henry et moi n'en avions pas parlé. Des années que je n'ai pas mêlé vie privée et travail, ou du moins, essayé.

Et aujourd'hui, c'est de nouveau le cas. Mon attention est alors complètement portée sur les mots de mon collègue.

- Alors même si ça a un lien avec votre enquête commune, j'ai pensé que ça te concernerait, et non pas Andrea, reprend le légiste. Je n'ai rien contre cette dame, mais même si j'aime répéter que nous ne sommes pas les meilleure amis du monde, nous étions en école ensemble. J'ai connu Abigail, je connais la suite aussi. Ce que j'ai trouvé m'a fait penser à ça.

- Qu'est-ce que tu as trouvé ? Je me risque à demander.

- De la drogue, répond-il. J'ai appris que les analyses du téléphone n'ont pas donnés grand chose, si ce n'est d'étranges messages, comme à un dealer. Mais étant donné que c'était d'un téléphone prépayé... Vous ne pouvez rien faire.

J'acquiese en silence, même si Henry ne peut pas le voir. Plein de pistes sont en train de mener sur du vide, ce qui fait qu'on change de direction. Et petit à petit, l'étau se referme et j'ai peur de la finalité. Où est-ce que ça va mener ?

Je sais que Styles a quelque chose à voir dans sa mort. Je le sais. Je le sens.

- Et donc, reprend-il. J'ai poussé les analyses - tu sais que les cheveux conservent les substances ingurgités pendant des mois ?

- Oui.

- Autant je n'ai rien trouvé dans son estomac, il n'avait rien consommé le soir de sa mort ni même la veille. Dans ses cheveux... c'est une toute autre histoire. Il y avait beaucoup de trace de drogue, plus précisément de (drogue dopante).

- Ce n'est peut-être qu'une coïncidence, je lance alors.

- Oui, peut-être que c'en est une. Mais depuis la tragédie, nous travaillons ensemble Mike. Et jamais je n'ai eu à nouveau à faire à de Xénon en 12 ans. Jamais.

Je ne réponds pas. Un silence prend place dans mon véhicule, et cela laisse la porte grande ouverte pour l'étalement de mes songes. Du Xénon. Henry a raison, je n'avais plus entendu ce terme mêlé à une enquête depuis longtemps, surtout à Boulder. Depuis ces terribles événements.

Je l'ai lu, des centaines de fois, sur des rapports de police. Je l'ai dit, des dizaines de fois, à mes proches, à mes psychologues. J'en ai fait une étrange obsession, jusqu'à rêver de ces lettres, jusqu'à être attiré par ça, pour comprendre comment il était possible d'en vendre, d'en prendre ; pour éventuellement saisir du bout des doigts le pourquoi ma femme m'avait été retirée. Puis j'avais effacé ce terme de mon esprit, ne croisant plus sa route, n'en tirant rien, me torturant.

Jusqu'à aujourd'hui.


× × ×


Aussi stupide cela puisse paraître, je me sens un peu honteux, au fond. J'ai l'impression d'être ce gosse qui a fait une connerie et est puni. Et en même temps, je ressens cette sorte d'injustice, typique des enfants punis et ronchons également. C'est injuste, la hiérarchie de pouvoirs. Mais peut-être que je dis juste ça uniquement car je suis assez bas dans celle-ci. Ou peut-être, parce que les crimes irrésolus me rendent absolument fous. Parce que ma femme n'a jamais eu la justice qu'elle méritait.

Garé dans l'allée de ma maison, je sors du véhicule pour rentrer. Maintenant j'ai l'impression d'être l'adolescent qui rentre honteux et va se faire gronder. Eh, oh, faut que j'arrête, c'est moi le parent.

A peine la porte passée, j'entends ma fille.

- Papa ? S'étonne Judith. Tu ne travailles pas ?

- Je suis -

Je commence à répondre mais je m'arrête lorsque je vois qu'elle n'est pas seule. En effet, dans notre cuisine se trouve Louis Tomlinson. L'espace d'une demi seconde je me demande si ce n'est pas moi qui hallucine, voulant voir notre enquête partout, mais je réalise très vite que non, je ne rêve pas.

- J'ai pris une sorte de pause déjeuner, je finis par répondre à ma famille. On peut parler en privé Judith ? J'ajoute.

- Je n'ai rien à cacher à Louis, tu peux parler ici.

Alors ça, c'est nouveau.

- Et, depuis quand tu n'as rien à cacher à ce garçon ? Je m'étonne.

- Depuis que je l'ai décidé, elle rétorque, puis souffle. Louis et moi sommes en cours de chimie ensemble. On a un devoir à faire ensemble, je lui ai proposé de venir à la maison pour qu'on le fasse.

- Oh, eh bien... j'ajoute, plus que surpris.

- Je ne veux pas déranger, Louis parle finalement. On peut faire le devoir ailleurs, si jamais.

- Non, pas de ça, intervient Judith. Tu es un adolescent comme les autres, enquête ou pas tu restes un lycéen qui a des devoirs, point barre.

Et dans ses mots, ma fille a raison.

Oui, peut-être qu'elle a un peu ce rôle de parent entre nous deux, finalement. Et je m'en veux qu'elle se soit elle-même imposée cette responsabilité si jeune.

- Très bien, je cède. Faites votre devoir alors.

- Merci père, se moque t-elle en commençant à monter les escaliers.

- Et laisse la porte ouverte, je parle fort.

Évidemment, j'entends la porte se fermer et je souffle. Je sais que Judith ne va pas contre mes propos parce que c'est amusant, parce que c'est à la mode, ou ce genre de choses. Notre relation est tumultueuse et je justifie totalement sa rancune. A ma manière, en ne réussissant pas à sauver sa mère, en ne résolvant pas son assassinat, je lui ai volé son enfance.

Je pars m'enfermer dans mon bureau, et immédiatement, face à ma solitude, les mots d'Henry tournent dans ma tête. Je me fais bataille, mène un réel conflit à l'intérieur de moi-même, pour ne pas y prêter attention, mais c'est pourtant impossible. Me convaincant toujours de laisser couler, d'arrêter, je me retrouve à ouvrir les tiroirs de mon bureau pour en sortir tous les documents que j'ai entreposé, depuis le temps.

Tous ces articles sur la drogue montante qu'est le Xénon, toutes ces coupures de presse parlant du meurtre irrésolu d'une jeune agent de police, Abigail Carter. Je vis avec son fantôme tous les jours, mais aujourd'hui particulièrement, replongé dans tous ces souvenirs, je me vois revivre chaque instant. La découverte de son corps, le classement de l'affaire, l'abandon des poursuites. La perte irréversible de la mère de ma fille.

Et c'est de ma faute.

Si je n'avais pas tenté à tout prix de m'attaquer à une grosse affaire pour me démarquer des autres agents débutants, si je n'avais pas embarqué Abigail dans mes conneries, si je ne l'avais pas convaincue de passer sous couverture pour être crédible et démanteler tout ça, si je ne l'avais pas jetée dans la gueule du loup.

Elle serait encore là.

Je secoue la tête pour remettre de l'ordre dans mes idées. Après toutes ces années et un gros travail de psychologie, j'ai appris à canaliser tout ça. A ne pas trop broyer du noir, à ne pas ressasser le passé. Même si c'est terriblement dur.

Je me lève et pars dans ma cuisine pour me faire un café, mais je tombe sur Louis, qui observe mes photos de famille encadrées. L'espace de quelques secondes, je reste stoïque, confus sur ce que voient mes yeux.

- Qu'est-ce que tu fais ? Je réagis, et il sursaute.

- Je... Pardon Monsieur, je suis venu chercher mon sac.

- Sur... les cadres photos ?

- Je... Pardon. Je suis trop curieux.

D'un hochement de tête, je confirme ses mots. Si je n'étais pas en total manque d'objectivité, je dirais qu'il est presque suspect d'autant s'intéresser à mes biens personnels. Mais je crois que maintenant qu'Henry m'a parlé de Xénon, je ne penserai à rien d'autre qu'à Harry Styles et sa culpabilité dans l'histoire. Louis est hors jeu, selon moi.

- Vous avez interrogé Harry Styles, pas vrai ?

Il lit dans mes pensées ou quoi ?

Lentement, je fronce les sourcils.

- Tu es bien curieux. Tu regardes les photos de famille des gens, et tu poses des questions sur mon travail alors qu'on est chez moi, dans un cadre tout autre.

- Désolé, il se justifie. Je suis très intéressé par cette enquête, enfin... il était mon meilleur ami. J'ai envie de savoir qui a fait ça... et vite.

- Et tu penses qu'Harry Styles pourrait être le coupable ?

- Je ne sais pas ? À vous de me le dire je crois. Je pense que ce serait du gâchis pour le monde du Baseball, je reprends. Il a un don... un vrai don. Je pense que c'est pour ça qu'à seulement 19 ans il est capitaine des Colorado Rockies de toute façon. Mais s'il a tué Zayn, merde à ça. Il doit croupir en prison.

Ce Louis Tomlinson et moi avons au moins deux points communs ; nous fréquentons tous deux Judith, et en plus, nous voulons voir ce gosse de riche derrière les barreaux.

- Tu t'y connais en baseball ? Je m'intéresse.

- J'y joue depuis 6 ans, et même avant j'en rêvais. J'adore ça c'est... ouais. Une passion. Zayn et moi on... était dans la même équipe.

- Je le savais déjà, j'ai interrogé votre coach. Mais il y a une différence entre en faire car il faut choisir un sport au lycée, et aimer ça.

- J'aime ça. J'aimerais intégrer les Colorado Rockies, un jour.

Durant le petit silence qui suit, je réfléchis brièvement. Plein d'éléments se fraient un chemin, dans mon crâne. Il veut donc intégrer la même équipe que Styles, malgré tout. Au fond, je n'imagine pas quel bouleversement ce doit être, pour ce jeune garçon. Les mensonges, les révélations, l'impuissance... J'ose dire que personne ne mérite de se retrouver dans une telle situation.

- Sérieusement, il parle à nouveau, vous le pensez coupable ?

Oui. Mais je ne peux pas trop en dire.

- Je ne peux pas savoir. L'enquête n'est pas assez avancée dans un sens pour le déclarer coupable.

- Je ne cherche pas une certitude, mais un ressenti. J'ai besoin d'un ressenti.

Besoin. Ce mot est dur, fort. Et pourtant, tellement compréhensible. Il s'accroche au fait de devoir ressentir quelque chose, de nécessiter un mot, un acte, une solution. Et peut-être qu'il va tomber de haut. A ma manière, je lui donne quelque chose pouvant le nourrir :

- Je pense qu'il a quelque chose à cacher, c'est sûr, j'avoue. Le meurtre, peut-être, mais au moins quelque chose autour.

- Alors il faut le prouver, il rétorque, les yeux quasiment brillants.

- Garçon, c'est le fils du secrétaire d'État, un des hommes les plus puissants du pays. Les choses ne sont pas si faciles.

Putain non, ce n'est pas simple.

- Alors parce qu'il a une famille puissante il va juste s'en sortir ? Il s'énerve, je le sens. Je ne pourrais pas supporter que cette affaire ne soit jamais classée, rajoute t-il. Je ne peux pas croire qu'une telle injustice puisse arriver.

- Toutes les enquêtes ne finissent pas résolues. Beaucoup plus que tu ne le crois sont classées sans suite, beaucoup de coupables échappent à des condamnations. Parfois des gens qui ont fait des choses horribles, détruit des familles même. Le monde n'est pas rose.

- Est-ce que Zayn et Harry Styles se connaissaient ?

- Je ne suis pas réellement censé te donner ces informations, je réponds.

- Pourquoi ? Parce que vous pensez que je l'ai tué ? Je vous ai donné mon alibi, mon père l'a confirmé. Je ne dors presque pas, je me fatigue au lycée... Je n'ai pas les épaules de tuer quelqu'un, de cette importance en plus ? Je n'ai pas tué mon meilleur ami.

Je secoue très légèrement la tête, lui donnant ainsi la réponse sur le fait que non, je ne le soupçonne pas. Je ne sais même pas si je l'ai réellement fait ne serait-ce qu'une minute, à vrai dire. Mais je ne sais pas s'il remarque ce petit geste considérable.

- Selon lui, non, dis-je, ils se sont rencontrés ce soir-là. Mais je ne sais pas si on doit le croire.

- Il a utilisé une immunité diplomatique ?

- Pas tout de suite. Il est d'abord venu pour nous faire son numéro, à jouer avec nous. Et après il a parlé d'appeler l'avocat de son père. Il soupire. On va savoir très vite si ça s'arrête là de toute manière.

- Et là, on ne pourra rien faire ? Plus rien ?

Effectuant une pression entre mes dents, ma mâchoire se serre. Je déteste admettre ça - alors, il est plus simple pour moi de ne pas le faire. Peut-être que d'ici quelques semaines, Louis Tomlinson connaîtra ce sentiment d'échec, et que comme moi, il portera cette douleur très particulière éternellement.

Perdre quelqu'un est déjà dur. D'une certaine manière, encore plus. Et je ne veux pas hiérarchiser les peines, mais s'imaginer une seule seconde perdre quelqu'un des mains de quelqu'un d'autre, sans que cette personne ne paie jamais et vive paisiblement après coup, est probablement la pire des tortures.

- Tu devrais aller faire ton devoir, je finis par lui dire.

Ses yeux transmettent quelque chose de poignant, de bien trop familier à mon goût. Et c'est en ressentant mon cœur se serrer dans ma poitrine que je me rends compte que déjà, c'est allé trop loin. Je suis attaché à cette affaire, à ce qu'elle me rappelle, et à la fin similaire que je veux à tout prix éviter.

L'adolescent remonte à l'étage, et je retrouve la direction de mon bureau. D'un coup de bras, je pousse la paperasse qui croupit dessus depuis des jours, et pose tous les morceaux conservés depuis tant de temps - tout ce qui porte le mot de la drogue, tout ce qui concerne ma femme, tout ce qui a un rapport avec l'enquête postérieure que j'avais mené, puis tristement abandonné.

Je me creuse l'esprit, trace des traits de droit à gauche, fais des liens. Je n'avais pas été aussi inspiré depuis tellement longtemps. C'est comme si le meurtre de Zayn Malik avait un rapport - comme si Harry Styles était la pièce manquante à tout ce trafic de drogue qu'Abigail et moi allions démanteler.

Dans ma tête, ces recherches acharnées viennent seulement de commencer. Je veux tellement trouver des éléments concluants, je veux tellement avoir matière, que je cherche dans chaque détail, entre chaque ligne, des preuves. Mon téléphone affiche la notification d'un message, deux fois, de la part d'Andrea. Je ne prête pas attention.

C'est lorsque Judith toque à ma porte de bureau et entre, que je réalise. Car en levant le nez de ces pages éparpillées, je constate qu'il commence à faire sombre derrière les fenêtres.

- Ton ami est parti ? Je demande.

- Oui, il y a longtemps Papa, me dit-elle, calmement. Ca fait presque cinq heures que t'es là-dedans, sans être sorti une seule fois.

- Il est déjà 17 heures ? Je demande, et elle acquiesce. Je souffle. Excuse-moi, je suis... pris dans tout ça.

Ma fille s'approche, et regarde les gros titres des journaux posés, ainsi que mes notes. Le nom de sa mère est redondant. Je la laisse regarder. Judith sait tout ce qu'il s'est passé, je n'ai jamais cherché à être héroïque et lui cacher. Elle méritait de savoir ce que j'avais fait.

- Pourquoi tu fais ça maintenant ? Ca fait des années, je ne vois pas pourquoi cela avancerait maintenant.

- On a du nouveau, je soupire en me faisant tomber sur ma chaise.

Je réalise à ce moment-là que oui, je suis debout depuis longtemps. Ou peut-être que je me fais juste vieux.

- Du nouveau ?

- Je ne devrais pas te dire ça Judith.

- Tu as commencé, et si ça concerne Maman, tu dois me le dire.

- Tu as raison, j'admets. Henry m'a appelé, il a retrouvé des traces de Xénon dans l'organisme capillaire de la victime. Et il me l'a dit, parce que la seule enquête concernant un gros trafic de cette drogue à Boulder, il n'y en a eu qu'une, et c'était celle de ta mère. Et je suis juste... Je soupire. J'ai besoin de comprendre.

Ma fille réfléchit quelques instants, et elle est probablement une des seules personnes que je ne sais pas lire du tout.

- C'est pour ça qu'ils t'ont congédiés chez toi ?

Je lève les yeux vers elle, impassible. Pendant quelques instants, je reste de marbre également ; surpris qu'elle puisse deviner ce qu'il se passe. Je suis incapable de me souvenir de sa matière préférée à l'école, ni même de si elle a rompu avec son petit-ami ou non, mais elle, peut lire sur les traits de mon visage ce qui me contrarie. J'ai du travail à faire, tellement de travail, et je ne parle pas de celui au poste.

- Non. Monsieur Tanson l'a fait parce que j'ai mal parlé à Harry Styles.

- Ton chef t'a puni parce que tu as mal parlé à un adolescent ?

Judith se met à rire, et dans la communication du moment, moi aussi. Je ne sais pas depuis combien de temps cela n'était pas arrivé. Elle ressemble tellement à Abigail.

- Tu ne peux pas laisser passer ça, reprend-elle ensuite. Peut-être que ça a un rapport avec la mort de Maman. Peut-être qu'on pourrait arrêter qui l'a tuée.

- J'y ai pensé Judith, je t'assure. Mais il n'est pas question de ta mère dans cette affaire. Je ne peux pas laisser mes sentiments personnels prendre le dessus. Je ne peux pas la ramener à tout ce que je vois.

Pourtant, c'est déjà ce que je fais. Je la vois dans mon parquet qui craque, dans le vent qui souffle, dans la pluie qui tombe. Abigail est partout, et même si j'ai fait mon deuil, celui-ci s'achèvera définitivement le jour où le responsable paiera pour ce qu'il a fait. Si seulement je pouvais juste savoir qui c'est. Si seulement c'était si simple.

Judith baisse les yeux. La décevoir à nouveau, cela devient difficile à porter.

- Je sais, dit-elle. Les mecs comme Harry Styles ils s'en sortent, et les mecs qui tuent les mères aussi.

- Judith...

- C'est pas ta faute Papa. Je sais que tu penses que c'est ta faute, mais ça l'est pas. C'est pas toi qui l'a tuée, c'est pas toi qui l'a forcée à faire tout ça. Elle l'a choisie aussi, et ça s'est mal fini. Tu méritais pas plus de mourir qu'elle. Y'a pas de ça qui tienne. T'es pas la personne responsable de ce qu'il s'est passé, de l'affaire sans suite. Par contre, t'es la seule personne capable de résoudre cette enquête.

Elle marque une pause de quelques secondes, me regardant. Je ne saurais expliquer ce que je ressens, là tout de suite. C'est comme si tout à coup, j'avais finalement entendu la seule chose que j'avais besoin d'entendre depuis tant d'années. Ce n'est pas ta faute, Papa.

- Alors, oui tu n'es pas objectif, reprend Judith, oui tu es trop concerné dans cette enquête, et oui, ça peut être problématique. Mais moi je pense... Que les autres ils en ont rien à foutre. Pas autant que toi. Pour être passionné à fond, il faut être concerné. C'était Maman, c'était ta femme. Il y a que toi qui peut avoir suffisamment la rage pour enfin savoir ce qu'il s'est passé, même des années après.

- Ça ne dépend pas que de moi. J'ai essayé – tu sais que j'ai essayé.

- Tu n'es qu'un détective, je sais. Mais t'as toujours été le seul qui pouvait donner justice à Maman. Et oui ça ne dépend pas que de toi... Mais sans toi, ça sera juste impossible.

Résigné, je baisse le regard. Oui, si je ne fais rien, Zayn Malik subira sûrement la même injustice qu'Abigail.

Ce soir-là, je le passe dans mon bureau, penché sur mes théories et avancements éventuels. Je suis frustré, énervé et pensif. Puis j'y passe également la nuit, endormi sur la surface en bois.

- Debout là-dedans, crie Judith en ouvrant violemment la porte de mon bureau.

Je sursaute, et me retrouve avec une feuille collée sur la joue. Je l'enlève immédiatement. Oh, j'ai mal à la tête. Ce n'est plus vraiment de mon âge, de me coucher si tard.

- Merci Judith, je grogne de ma voix matinale.

- Pas de quoi. Allez, à plus Papa.

- À ce soir Judith, je parle fort, pour qu'elle m'entende.

À nouveau, je souffle et amène mon dos au dossier de la chaise. Aujourd'hui est un nouveau jour.


× × ×


Arrivant au poste, je n'ai qu'une idée en tête : le fait que les deux affaires sont liées. J'ignore foncièrement comment c'est possible, douze années les séparent, et plein d'éléments diffèrent. Mais les rapports sont trop flagrants. Styles est une piste essentielle, et si nous négligeons celle-ci, si nous le laissons nous balayer, tout se terminera.

- Mike, dit Andrea en me voyant arriver. Comment tu te sens ?

- Déterminé, je réponds. J'ai bossé toute la nuit.

- Henry m'a appelé, dit-elle.

- Moi aussi. Il m'a parlé du Xénon.

- Et qu'est-ce que tu en penses ?

Je réfléchis quelques instants. Andrea n'est pas au courant qu'Abigail était ma moitié – car même si l'histoire de son meurtre avait fait du bruit dans le Colorado, très vite, tout avait été étouffé par le corps politique étant impliqué.

Et peut-être que je devrais lui dire, tout lui expliquer, afin qu'elle ait les éléments et puisse s'en faire un avis. Mais c'est trop difficile, et trop symbolique, de s'ouvrir à quelqu'un de la sorte. Je la regarde, un instant, et finis par parler.

- Je t'expliquerai tout. Mais est-ce que t'es avec moi sur ce coup là ?

- Est-ce que je vais risquer mon poste en te suivant ?

- Pour être honnête, je grimace, tu risques quelque chose, oui.

Ses yeux restent figés sur les miens pendant quelques instants. Je la sens plus qu'hésitante, et à juste titre. Dans ce moment à nous, je remarque les différentes couleurs de ses yeux. Merde, elle est belle, en fait.

- Mike... Elle commence.

- Non, je la coupe. Tu as raison. Je ne peux pas te demander un tel sacrifice, mais comme tu es mon équipière, je me devais d'au moins t'en parler. Je me lève.

- Tu vas faire quelque chose d'imprudent ?

Serait-ce de l'inquiétude que je discerne dans sa voix ?

- Non, je rétorque en tournant la tête vers le bureau de Monsieur Tanson. Je vais faire quelque chose d'important.


× × ×


- Monsieur, je peux vous parler ?

- Agent Carter, dit-il en s'asseyant. Je viens juste d'arriver, mais, oui.

- Je sais, je vous attendais.

Derrière moi, je ferme la porte du bureau, pour nous laisser de l'intimité. C'est mon choix, c'est mon acte – je ne peux pas me permettre d'embarquer qui que ce soit d'autre là-dedans. La première fois, ça a trop mal fini.

- Alors, de quoi s'agit-il ? Demande mon supérieur, ne me regardant pourtant pas, mais sa paperasse.

- Le médecin légiste a trouvé de la drogue dans l'organisme de Zayn Malik.

- Un adolescent de 18 ans qui consomme de la drogue, oui, ça ne m'étonne pas vraiment.

- Non, vous ne comprenez pas Monsieur. C'était du Xénon.

Cette fois, il lève les yeux pour rencontrer les miens. Immédiatement, je peux lire dans son regard une certaine colère, et je sais que ça ne va pas être simple. Celle-ci se confirme par ce qu'il dit ensuite :

- Votre après-midi d'hier ne vous a pas suffi pour vous remettre les idées en place ?

- Monsieur, je fais un pas en avant. Je sais que je sonne comme un obsédé avec cette affaire, mais du Xénon. Tout ça avec le fait qu'un politique est encore une fois impliqué. Ce n'est pas un hasard.

- Douze ans, Carter. Ca fait douze ans. Il soupire. Je comprends que le meurtre de votre femme vous interpelle toujours autant, dans votre cas je serai sûrement pareil. Mais vous voyez des liens là où il n'y en a pas. Il n'y a pas de trafic de Xénon à Boulder.

Monsieur Tanson a connu Abigail en même temps que moi. En sortant de l'école de police, étant inséparables, nous avons tous deux intégrés l'ancien poste de police criminelle de Boulder, où il était déjà. A sa mort, j'ai changé. Je la voyais trop, partout. Et peu après, Jim Tanson a été promu dans mon poste, nous faisant à nouveau travailler ensemble.

- Vous vous trompez, je suis catégorique. Nous avons commencés à trouver quelque chose de gros il y a toutes ces années, Abigail et moi, quand ça touchait un politicien. Et là, nous retombons sur une affaire où quelqu'un de très important, le secrétaire d'Etat, est impliqué, avec un rapport au Xénon ? Harry Styles est la clé, Monsieur.

- Agent Carter...

- Vous ne comprenez pas, j'hausse la voix. Ces affaires sont liées, je ne l'ai pas inventé. Qu'est-ce qu'il vous faut de plus ? Qu'on nous force à classer l'affaire, et que les preuves finissent entassées avec celles du meurtre d'Abigail ? A force, on va devoir changer de boîte, si on continue à fermer les yeux sur ce qu'il se passe.

Je soupire face au visage neutre de mon supérieur, et reprends :

- Il faut qu'on fasse quelque chose. Styles ne nous parlera pas et ne nous ouvrira aucune porte s'il sait qu'on enquête sur lui. Il faut mettre un agent sous couverture, moi par exemple.

- Sous couverture ? Son ton monte, à lui aussi. Déjà, il sait totalement qui vous êtes étant donné que vous avez orchestré son interrogatoire. Ensuite, vous n'apprenez pas de vos erreurs, Mike ? Je refuse de perdre le dernier agent Carter qui me reste de la même manière, ou n'importe qui d'autre !

J'ai conscience de l'imprudence de l'acte, des risques encourus. Je pourrais y perdre la vie, si cela finit aussi mal que pour ma défunte épouse.

- Il doit bien y avoir un moyen, je tente, ma voix redescendant. On ne peut pas laisser passer ça. Je refuse de laisser passer ça.

- C'est impossible de faire ça au fils du secrétaire d'Etat. Ce serait une attaque direct à son père, à notre gouvernement actuel. Vous voulez que notre poste perde toute sa crédibilité ?

Et là, c'est comme trop.

- Alors c'est ça ? Je demande. Tout est une question de réputation pour vous ?

- Carter, vous partez trop loin. Vous perdez totalement le contrôle de votre impartialité. Je ne peux pas vous laisser travailler sur cette enquête.

- Je suis votre meilleur élément sur cette enquête et vous le savez.

- Oui, vous avez raison, vous êtes un de mes meilleurs éléments. Alors je travaillerai avec des moins bons, quitte à aller moins vite, en respectant les règles et la sécurité de tous.

Les mots qui sortent ensuite de sa bouche sont le cauchemar de tout agent de l'ordre. Cela signifie une défaite, une impuissance, un arrêt. Je me prends tout ça en pleine face.

- Je vous retire l'enquête.

- Vous n'êtes pas sérieux.

- Je le suis, Mike. Je vous retire l'enquête. Rentrez chez vous maintenant.

Face à son visage qui ne bouge pas, je devine que oui, il est sérieux. Que pour moi, sur cette affaire, c'en est fini. Qu'encore une fois, j'ai échoué – que l'histoire va être classée sans suite. Que quelqu'un d'autre dans cette ville va connaître l'horrible sentiment que de se réveiller la nuit tout en hurlant à l'injustice.

- Alors c'est ça être flic maintenant ? Je demande à mon chef. Se plier aux bons vouloirs des plus puissants parce qu'on a rien à dire ? Laisser des gamins mourir dans des ruelles sombres et froides sans jamais chercher à comprendre ? Je secoue la tête, déçu. J'ai jamais signé pour ces conneries. Mon erreur dans cette histoire c'est d'avoir pensé que vous étiez plus juste.

Touché, énervé, il me répond, envoie des mots en restant courtois, mais je ne l'écoute pas. J'ouvre la porte de son bureau que je quitte, l'allure rapide et la respiration également.

Je sais qu'à ce moment précis, l'intégralité des agents présents au poste, me regardent. Mais je ne prête attention à personne.

- Mike ? Demandent Todd et Ernie, que j'ignore.

- Mike – attends, Mike, parle Andrea en me suivant. Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Mike !

Elle attrape mon bras et je m'arrête net. Car dans ma colère immense, elle prend tout de même le temps de m'arrêter en restant délicate. Je me tourne vers elle. Elle, je ne l'ignore pas.

- Tu es toute seule maintenant, je réponds.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Je secoue la tête.

- Bon courage Andrea. Je sais que tu y arriveras.

Sur ces mots, je quitte le poste.

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