CHAPITRE 5

///
Réagissez avec #BornTDieFic
///

PARTIE 1 : Nouvelle amitié

LOUIS



Je regarde le contenu de mon casier, pas très rangé mais plein de souvenirs. Des photos, des feuilles volantes, des souvenirs de Zayn et moi. Je me souviens quand on est arrivés au lycée et qu'il m'a fait une scène parce que pour lui, les casiers devaient être personnalisés, comme dans les séries.

Un petit sourire triste prend place sur mon visage à cette pensée, puis la colère, une colère que je ne peux pas cibler sur quelqu'un. Et c'est ça qui est le plus frustrant. Ne pas savoir contre qui je dois être en colère. Je claque la porte du casier.

Je sursaute en voyant Judith Carter adossée à côté. Je mets mon sac sur mon dos.

- Tu m'as fait peur, je fais remarquer. Qu'est-ce que tu veux ?

- Voir comment tu vas.

J'hausse les épaules. Je crois que ça répond à la question.

- Ouais, je m'en doutais, grimace t-elle. Tu veux que je te tienne au courant des avancées de mon père ?

- Je ne peux pas t'utiliser juste pour ça Judith.

- Tu m'utilises pas, si je te propose... Regarde, c'est un bon compromis. On est amis, comme ça je fais chier Josh parce qu'il t'aime pas, et au passage je peux te donner des informations sur l'enquête qui avance.

- Pourquoi tu voudrais faire chier Josh ? Je demande, confus. Tu veux le reconquérir ?

- Oh dieu non ! Souffle t-elle. C'est une stupide raison, Louis. Si je peux l'embêter c'est cool mais je veux avant tout pas te laisser seul dans tout ça.

Judith Carter, une fille bien clichée, avec un corps bien trop adulte pour son âge, des habits parfaits et une queue de cheval haute lisse comme pas possible. Elle est belle, et elle est gentille. Enfin, elle a pitié de moi.

Je souffle un peu et commence ma marche dans le couloir en direction de la salle de chimie. J'ai une constante impression qu'on me fixe dès que j'avance, qu'on s'arrête juste pour me regarder. Je me sens comme une bête de foire. On me dit et répète que la vie doit continuer, pour tout le monde, qu'il ne faut pas s'arrêter de vivre – mais je marche simplement dans les couloirs de mon établissement scolaire, et tout le monde se sent obligé de me regarder.

La vie de Zayn a cessée, et la mienne a drastiquement changée.

- Louis, attends, dit Judith en me suivant.

- J'apprécie l'intention mais je n'ai pas envie que tu sois amie avec moi par pitié, je soupire. Tu ne te serais jamais intéressée à moi avant tout ça, tout comme tous les autres ne me regardaient pas avant que mon meilleur soit...

J'ai un rictus et ne termine pas ma phrase.

- Vous vous en fichiez, et je ne vois pas pourquoi ça changerait maintenant, je conclus.

- Ne me compare pas à tous ces vautours qui te regardent juste parce que c'est le mouvement. Ils ne sont même pas capable de te présenter des condoléances, ils te regardent juste par plaisir, et je ne suis pas comme ça. Regarde, qui est venu te parler sans hypocrisie depuis l'incident ?

- Je déteste l'admettre, mais Josh. Et toi.

- Voilà.

- Vous avez plus en commun que ce que tu penses.

- Oh, épargne moi ça, grogne t-elle.

J'hausse les épaules et tourne dans le couloir. Ma salle est juste là, j'entre dedans et vais me poser à une place au fond. Judith se retrouve à côté de moi. Je soupire de plus belle.

- Tu me suis jusque dans mon cours ?

- Je suis dans mon cours aussi, gros malin. C'est un nouveau trimestre, les classes de matières ont changées.

Ah.

Elle soupire.

- Écoute Louis, je sais que tous ces idiots te regardent parce qu'ils se disent que tu es le mec qui a perdu son meilleur ami, que tu es triste et tout seul, et pour une raison qui m'échappe totalement, ça semble les intéresser. Et moi je suis la fille que les gens regardent un peu d'habitude parce que je sors avec des cons ou parce que je m'habille avec des jupes et que pour eux c'est de la folie, mais ces derniers temps ils me fixent tous parce que je suis la fille du détective qui interroge la moitié du lycée sur un meurtre. Elle soupire. Toi et moi on est tous les deux soumis à des regards vraiment pas cool. La différence entre toi et moi, c'est que j'ai les informations de l'enquête en direct. Mais le combat face au regard des cons irrespectueux, on a le même.

- Je... Je ne l'avais pas vu comme ça, j'avoue, peu fier.

- Ouais, je sais. Mais alors, réfléchis. Je te donne des informations que mon père récolte parce que c'est cool, que je t'aime bien, que tu mérites de savoir, et on n'est pas tout seuls face aux regards des gens trop curieux. Marché conclu ? Demande t-elle en me tendant la main ; j'arque un sourcil.

- Je ne vais pas te serrer la main, Judith.

- Comme tu veux malpoli, sourit-elle en se rétractant. Je considère quand même que le marché est conclu. Tu vas devoir me supporter.

× × ×

- Tu vas te faire à ma présence, dit Judith en mangeant sa salade de pâtes devant moi. Je suis pas méchante.

- Jamais dit que tu l'étais.

- Mais au fond tu le penses. Parce que tu es en colère contre tout le monde.

Je soupire et pousse mon assiette, signe que j'ai fini de manger. Mon dos vient se coller au dossier de ma chaise en plastique peu confortable. C'est fou, comme ces derniers temps, toutes les petites choses désagréables me sautant aux yeux, alors que je n'y avais jusque là pas prêté attention. Les chaises pas confortables, les bruits de ventilation trop forts, les chuchotements et messes basses incessantes, les toilettes dégueulasses, le manque de respect de tous. Tout me semble si disproportionné.

À la cantine, tout est bruyant autour de nous, le réfectoire étant le meilleur moyen au monde d'avoir mal à la tête. Ils me donnent tous mal à la tête.

- Ton père est flic et toi tu veux te spécialiser dans la psychologie alors ? Je rétorque finalement.

- Oh, si drôle. Tu m'excuseras quand même j'ai oublié de rire.

Encore une fois, je souffle et passe les mains sur mon visage. Je n'ai jamais autant expiré d'air que ces derniers temps je crois. Judith n'est pas de mauvaise compagnie - elle me supporte, du moins veut me supporter, et c'est cool. Je manque sûrement juste de sommeil et d'énergie. Comprendre. C'est tout ce que je demande.

- Est-ce que ton père a du nouveau ? Je tente quand même.

- Ah, tu vois que le marché te plaît déjà, sourit-elle. Mon père et moi on n'est pas super proches, alors jusqu'à maintenant je fouillais pas trop donc je sais pas grand chose – j'en saurais plus demain. Mais ce matin au petit-déjeuner il a évoqué Nick je crois.

Je fronce les sourcils. Je lui ai parlé de Nick et Josh comme les garçons fouteurs de trouble, mais je ne pensais pas que cela aurait une suite.

- Qu'est-ce qu'il t'a dit à ce propos ?

- Qu'il fallait l'interroger je crois. Ça paraît logique.

- Judith, tu m'aides pas beaucoup là.

- Hey cow-boy, le marché date de ce matin. Je sais pas si tu as remarqué mais entre temps, j'ai pas vu mon père et je lui ai pas posé des questions sur l'enquête.

- Ouais, désolé, je souffle. Je ne comprends juste pas ce que Nick vient faire dans tout ça.

- C'est peut-être juste la procédure, si tu as donné son nom c'est normal qu'ils l'interrogent. Elle hausse les épaules, nonchalante. Ou alors il l'a tué.

- Judith !

Je passe mes mains dans mes cheveux, blessé.

- Tu défends Nick ? Demande t-elle, perdue.

- Non, ça n'a rien à voir avec Nick. C'est juste... Trop tôt.

Trop tôt pour parler de Zayn avec autant de détachement, trop tôt pour utiliser le verbe conjugué de tuer à côté de son prénom à haute voix. C'est trop tôt. Je suis pas prêt.

- Désolée, dit Judith, sincère. J'étais pas proche de lui et avec mon père, je suis très détachée de toute ce genre d'affaires... Désolée.

- Ouais... Ouais. T'inquiète.

- Le tueur sera arrêté, c'est sûr. Ou la tueuse, qui sait. T'en fais pas, mon père et son équipière sexy vont l'arrêter.

- J'espère. C'est... Zayn le mériterait.

Justice doit être faite. Je sais, je ne suis absolument pas objectif car cela concerne directement mon meilleur ami. Je le sais. Mais je pense que lui ou quelqu'un d'autre, la personne responsable d'un tel acte doit payer. Sa gorge a été tranchée, c'est cruel, et pas accidentel, c'est sûr. Il mérite justice. Je mérite de savoir où placer ma colère. Ses proches méritent de faire un deuil concret. La ville entière mérite de dormir sur ses deux oreilles.

- Mange un peu, suggère Judith.

- J'ai déjà mangé.

- Joue pas sur les mots, tu as mangé trois bouchées.

- Judith, il me semble qu'on essaie ce truc d'amitié pour se rendre service, pas pour que tu joues le rôle de ma mère.

- Râle encore tu deviendras presque crédible.

Un tout, tout petit sourire se dessine sur mes lèvres. Elle a de la répartie, et malgré mon malheur actuelle, elle me traite comme elle traite les autres. Elle parle avec humour, avec piques ; elle est avec moi comme avec les autres. Je n'ai pas tant que ça de traitement de pitié, finalement. Je suis comme les autres.

Je reste dans mes pensées un court temps puis quand je relève la tête, je vois Judith avec les sourcils froncées, fixant sur la droite. Elle se lève et je me tourne. Je vois les détectives Carter et White. Dans le réfectoire. Ah, merde.

- Pourquoi il est là ? Je demande à Judith.

- J'en sais rien.

J'examine leurs mouvements. L'agent White part dans une autre direction, et Carter, le père de Judith, vient dans notre direction. Vers nous.

- Papa qu'est-ce que tu fais là ? T'es obligé de faire une entrée triomphale au lycée, comme si on nous faisait pas assez chier comme ça parce qu'on n'est les plus proches de l'histoire ?

- Ju, il n'est pas question de ça, soupire t-il.

- Si tu veux me parler, tu sais, les gens ont des téléphones. Pas besoin de venir jusqu'ici pour avoir un contact humain.

- Il n'est pas question de toi Judith.

Il se tourne vers moi et j'ai l'impression que mes jambes tremblent.

- Louis Tomlinson, merci de nous suivre au poste. On dirait que vous ne nous avez pas donné toute la vérité, et on a quelques questions supplémentaires pour vous.

Ouais, elles tremblent définitivement.

× × ×

Là je ne suis pas dans la petite salle confortable, jolie. On ne me propose pas de boisson chaude, je ne suis pas assis sur une banquette, il n'y a pas une agréable luminosité. Je suis dans une salle d'interrogatoire, carrée, petite, face à l'agent de police White, debout et intimidante.

- Je n'ai pas tué mon meilleur ami, je dis aussitôt.

- Ce n'est pas l'accusation directe que l'on vous fait, dit l'agent White.

     - Pourquoi je suis là ?

Je n'ai rien à voir avec le meurtre de Zayn. La seule chose dont je suis coupable, c'est de l'avoir laissé seul ce soir-là, de l'avoir laissé partir au Heaven seul, d'avoir privilégié mon envie de solitude. J'ai été égoïste, je m'en veux – mais je ne suis au courant de rien à propos des événements.

- Louis... elle commence doucement en ouvrant un dossier, toujours debout. Je n'ose pas le regarder, souvent il y a des photos difficiles là-dedans. Est-ce que tu nous as menti ?

- Quoi ? Non - non, je ne vous ai pas menti !

Je suis très vite paniqué, parce que tout ça c'est sérieux. Et ils pensent que je mens. Peut-être qu'ils me suspectent - bordel. L'agent en face de moi semble réfléchir.

- Tu es celui qui nous a parlé de Nick c'est ça ? Demande t-elle en s'installant en face de moi.

- Oui, Nick Grimshaw, que vous avez arrêté en même temps que moi. Pourquoi ?

- Est-ce que tu nous as dit toute la vérité le concernant ?

Mon cœur s'alourdit. C'est ce moment où je ressasse dans ma tête toutes les conneries que j'ai pu faire dans ma vie ou les mensonges que j'ai pu dire, au cas où j'aurais oublié un élément sur ce qu'ils me demandent. Mais j'ai beau fouiller, rien ne vient. Car je n'ai pas menti.

- Non, j'ai dit la vérité. Nick est juste un mec qui nous a un peu toujours fait chier... euh, embêté, avec sa bande. Mais je ne pense pas qu'il soit capable de tuer quelqu'un, je veux dire... Pourquoi je suis là ? Je demande désespérément.

Je la vois aborder un regard et je n'ai aucune idée de ce qu'il peut signifier. Je suis vraiment paniqué. Je ne comprends pas pourquoi je suis là. Je me sens mal. En plus, je suis apparemment là pour parler de Nick. Double peine.

- On ne va pas passer par Quatre Chemins, souffle t-elle. Nous avons appris que cet individu, Nick, était le petit-ami de Zayn. Ou du moins, ils avaient des relations sexuelles consenties, et récurrentes.

- Pardon ? Je lâche aussitôt, et ça vient du cœur.

Je crois que je vais m'évanouir.

- Qu'est-ce... que... vous venez de dire ? Je reprends, très lentement.

- Pour faire simple... Les analyses de sperme ont révélés son nom, et l'analyse générale a révélée que les relations sexuelles étaient consenties. Un témoin a affirmé qu'il les voyait souvent tous les deux aussi, agir comme un couple.

- Non, pas ça, j'ai très bien compris ce que vous avez dit, juste...

Je recroqueville ma tête entre mes mains et ferme les yeux. Je n'arrive pas à croire tout ça. Ça ne peut pas être réel. Tout ce que j'apprends semble si tiré par les cheveux. Si impossible.

- Ce n'est pas possible, je relève les yeux vers la femme, et je suis catégorique dans mes mots ainsi que dans mon regard.

- Pourquoi donc ? S'intéresse t-elle.

- Comme je vous l'ai dit, il nous menait la vie dure - on se manquait constamment de respect mutuellement, et même si c'était plus visé envers moi que Zayn, j'aurais vu s'il y avait quelque chose - j'aurais vu. Je l'aurais vu, détective. J'étais son meilleur ami.

Et c'est en disant ces mots que ça fait "tilt" dans ma tête, que je réalise. J'aurais dû le voir, et pourtant je ne l'ai pas vu. C'est vrai, c'est réel, et je n'ai rien vu.

Ces gens, ils en savent plus que moi. Des enquêteurs totalement inconnus de la personne en savent plus que moi sur mon propre meilleur ami. Ils en savent plus que moi... Il était avec... Ou du moins il fréquentait... Nick...

- Je suis désolée de t'apprendre ces choses, parle l'agent White. Je sais que ça peut être beaucoup.

- C'est plus que beaucoup. Ils se détestaient, je dis en tournant le regard. Comment ça peut être possible... Comment ils ont pu jouer la comédie autant de temps ?

Maintenant je me retrouve à lui poser des questions à elle, comme si elle allait savoir me répondre. Elle n'a jamais vu Zayn de son vivant.

- Tu n'étais pas au courant alors, déclare Andrea.

- Non ! Je n'étais pas au courant de... évidemment que je n'étais pas au courant.

Comment Zayn a pu me le cacher ? Comment il a pu fréquenter Nick ? Coucher avec Nick ? Aimer Nick ? J'ai trop de questions. Beaucoup trop de questions, éternellement sans réponse de sa part. J'ai mal à la tête. J'ai tellement, tellement mal à la tête...





*

PARTIE 2 : Je l'aimais !

MIKE


     - C'est difficile de voir ça, souffle le père de Louis, à ma gauche.

J'acquiesce en silence. Je ne me suis jamais retrouvé ici, derrière la vitre vers la salle d'interrogatoire, en tant que proche observant que son proche passe un moment là-dedans. Etant dans la police, ma famille ne doit posséder aucun casier judiciaire. C'est complexe.

     - Je sais qu'elle peut paraître dure avec lui mais c'est pour être sûr qu'il nous dit toute la vérité, j'explique.

     - Oui... Je comprends - mais, il l'a dit, vous savez.

Il pleure un peu, et tremble presque, en regardant son enfant répondre, même si celui-ci semble aussi chamboulé. C'est logique, ça peut être impressionnant tout ça. Alors je ne prête pas plus attention que ça à la réaction triste de Monsieur Tomlinson.

     - Je suis sûr qu'il n'était pas au courant, reprend-il en regardant toujours devant lui. Regardez comment il est mal... Et il m'a déjà parlé de ce garçon, Nick. Il ne l'aime vraiment pas.

     - Il aurait pu mentir dans ce sens.

     - Il n'est pas comme ça monsieur l'agent, je vous l'assure.

Je tourne la tête vers lui. Il veut me convaincre, comme désespéré. Malheureusement je ne peux pas le croire sur parole comme cela, je ferai tout pour vérifier chaque petite piste qu'offre cette enquête– et il y en a, plein. Mais c'est le désespoir d'un père. Je pense que si Judith était à la place de ce Louis, je perdrais également toute forme d'objectivité.

- Nous essaierons de prouver ça alors, je lui réponds.

Il hoche la tête et continue à regarder ce qu'il se passe dans la pièce devant la vitre à sens unique.

Andrea ne fait pas durer cela longtemps. Elle ne semble pas en avoir besoin, et elle a parfaitement raison. Elle dit à Louis qu'il peut sortir, que son père est là pour l'attendre. Le pauvre gosse a les larmes aux yeux. Il est très touchant. J'espère rendre justice à son ami.

J'indique le chemin à l'homme à côté de moi. Nous quittons la petite salle annexe à celle d'interrogatoire pour nous retrouver dans le "hall"principal, là où tous les bureaux sont droitement placés. Andrea et Louis sortent en même temps que nous.

     - C'est tout pour cette fois, dit Andrea à Louis. Si on a du nouveau qui nécessite ton aide on te le dira. Et n'oublie pas, si tu as des éléments qui te reviennent, n'importe quoi qui pourrait nous aider, n'hésite pas.

     - Oui, d'accord, dit-il en hochant mollement la tête.

Je lui accorde un petit sourire un peu brouillon puis son père passe son bras autour de ses épaules et le dirige vers la sortie. Ils s'éloignent doucement.

     - Tu penses qu'il dit la vérité ? Me demande Andrea. Qu'il ne savait pas pour le petit-ami ?

     - Pour avoir regardé, je pense qu'il était sincère oui. Ça ne semblait pas simple pour lui.

Elle acquiesce d'un signe de tête et je vois l'adolescent et son père disparaître face aux portes de l'ascenseur qui se ferment. Il semblait chamboulé des révélations qu'il a entendu. Pauvre gosse.

     - On va interroger le petit-ami ensemble ?

Je m'apprête à lui répondre par la positive, mais je fixe toujours l'ascenseur et je le vois s'ouvrir sur un visage m'étant très familier. Ma fille. Qui semble énervée, je le reconnais à sa démarche. Elle me repère et vient, décidée, jusqu'à moi.

     - Attends Andrea, je dis à son intention puis ma fille se retrouve devant moi. Qu'est-ce que tu fais là Judith ?

     - Pourquoi tu as arrêté Louis ? Elle demande en croisant les bras sur sa poitrine. Si tu interroges en boucle les mêmes personnes innocentes on n'est pas prêt d'avoir le meurtrier c'est sûr !

     - On l'a arrêté pour lui poser des questions sur ce qu'il savait ou non, pas par rapport à une accusation, je me justifie puis soupire. Écoute Judith – je suis au travail là. On en parle ce soir.

     - Mais toi tu n'as pas attendu –

     - Judith, je dis avec la mâchoire serrée. Retourne au lycée. On en parle ce soir.

Elle me défie du regard pendant plusieurs secondes et finalement tourne les talons pour commencer à partir. Elle a un sacré caractère. Elle ressemble beaucoup à Abigail. Mais en même temps, je ne peux pas lui reprocher. Je suis tellement dans mon travail qu'elle s'est quasiment affirmée seule. Notre relation conflictuelle est de ma faute.

     - Et fais-moi le plaisir de mettre moins de centimètres de talons, tu n'as que 18 ans, je lance plus fort alors qu'elle marche dos à moi vers l'ascenseur.

     - Je ne lèverais pas un certain doigt du milieu parce que tu restes mon père mais je n'en pense pas moins. Libérons les femmes du patriarcat.

Je souffle puis elle se retrouve hors de ma vue. Je me pince les lèvres alors que mes collègues me regardent quelques instants.

     - Allons les gars, elle n'a que 18 ans !

Aussitôt tout le monde se repenche sur son travail. Ah, sacrée Judith.

     - Si tu veux en parler... commence Andrea timidement. Tu sais, il n'y a pas de raison que... Qu'on parle quand je vais pas bien et pas que ce soit réciproque. Si tu veux parler de ta fille...

C'est moi ou Andrea fait un pas vers moi là ?

     - Merci, mais ça va, je réponds. Elle a juste un caractère assez fort, et elle a du mal avec mon travail alors le fait qu'on ait débarqué à son lycée pour arrêter le mec avec qui elle mangeait n'a pas dû lui plaire. Je réglerais ça ce soir, je conclus. Je pense qu'on devrait aller interroger le petit-ami avant qu'il devienne fou, seul dans la salle.

     - Ça pourrait être un moyen de le faire parler, rit-elle doucement.

Je rejoins brièvement son rire et lui ouvre la porte de la seconde salle d'interrogatoire, la laissant entrer avant de suivre.


× × ×


     - Où étiez-vous le soir du 24 avril ? Demande Andrea.

     - Ah ouais donc direct on me pose cette question, sans sel sans sucre sans rien ? Répond le jeune garçon.

J'arque un sourcil. Andrea, assise à côté de moi, soupire.

     - On n'est pas là pour rigoler ou faire les malins, Nicholas, j'interviens. On parle du meurtre d'un adolescent et il semblerait que tu étais très proche de lui.

     - Je ne l'ai pas tué, dit-il aussitôt.

     - Pourquoi ne pas être venu aussitôt nous parler de lui si tu te savais innocent ? Souligne Andrea.

     - Parce que je savais pas, il souffle.

Je l'observe en silence. Je remarque en baissant un peu les yeux qu'il bouge sa jambe à un rythme rapide, signe de nervosité. Il a une main dans sa nuque aussi, qui n'a aucun intérêt à part montrer un autre signe de stress.

     - Toi et Zayn avez eu des relations sexuelles le soir du meurtre, je reprends.

     - Oui, oui, on était... Il déglutit. Oui.

     - Pourtant notre témoin nous a dit que tu n'étais pas avec lui au bar avant. Ce qui signifie que tu l'aurais vu après ? Vers l'heure du meurtre, par exemple ?

     - Non. Non non non, non... Il répète encore et encore en secouant la tête.

Andrea s'apprête à renchérir mais d'un signe de main je lui indique que non. L'adolescent secoue encore la tête quelques secondes et finit par la relever. J'ai de l'expérience et généralement dans ce genre de cas, c'est qu'il faut leur laisser du temps pour que des choses remontent et qu'ils parlent.

     - J'ai le droit à un avocat, non ?

Merde.

     - Oui, tu y as le droit, je rétorque en me levant pour m'asseoir sur la table. Tu y as le droit et tu dois le savoir. Mais ça fait vraiment très suspect, d'appeler son avocat pour ne pas parler.

     - Je n'ai pas tué Zayn ! Il panique.

     - Prouve-le nous.

     - Je ne l'ai pas tué ! Il faut que vous me croyez !

     - Ça ne marche pas toujours comme ça. Il faut qu'on se fasse confiance mutuellement, je suis d'accord. Pour ça, il faut que tu me le dises... Tu peux me dire si tu l'as tué. Peut-être qu'il t'a énervé ce soir-là ? Et dans un excès de violence tu -

     - Non... Il secoue la tête. Non, non...

     - - lui as tranché la gorge, je termine.

     - Mais - je ne lui aurais jamais fait de mal ! Il explose. Je l'aimais !

Il fond en larmes et nous restons silencieux. Lui laisser le temps. Le fait qu'il craque comme ça est plutôt bon signe. Cela peut paraître monstrueux, mais c'est vrai. La spontanéité est très souvent la vérité.

     - Je l'aimais... Répète t-il.

     - On te demande juste ce qu'il s'est passé ce soir-là, reprend Andrea, plus douce déjà.

     - Je sais pas, il... Il m'a demandé de venir, vers 1 heure du matin, sur le parking du lycée.

     - Là-bas ? Pas dans la ruelle près du bar ? Je m'intéresse.

     - Non, absolument pas là-bas. C'était près du lycée. C'était notre endroit habituel. On... On se voyait et on... on couchait ensemble. Il ne voulait pas que notre relation se sache, alors c'était les conditions. Le secret.

     - Tu es resté de quelle heure à quelle heure ?

     - Je sais pas, je crois... Je crois que je suis parti vers 1h45. En tout cas j'étais chez moi à 2 heures, c'est sûr. Mon père peut confirmer.

Je laisse Andrea noter ces informations. Je continue à examiner le garçon, semblant mal au point. Je lui laisse quelques secondes de silence, comme du répit. Je n'exclue pas la possibilité qu'il soit coupable, mais je ne l'incrimine pas totalement non plus.

     - Selon toi, qui aurait pu vouloir du mal à Zayn ? Demande finalement Andrea.

     - Je ne sais pas... Zayn était tellement, gentil... Tout le monde l'aimait. Ou alors les gens ne lui prêtait pas attention. Je ne vois pas qui aurait pu lui vouloir du mal. Vraiment.

Généralement c'est quelqu'un de l'entourage plutôt proche, quelqu'un qu'il voyait et fréquentait. Mais selon tout le monde, le garçon n'avait de différends avec personne. L'adolescent parfait. Peut-être le crime parfait, la hantise de tous les flics. Quel bordel.

     - Pourtant on nous a dit que tu avais des tendances à se moquer publiquement de lui et son ami, j'informe.

     - J'ai... J'ai été un con avec Louis - je ne voulais pas éveiller les soupçons sur Zayn et moi, et puis... Louis était dur avec moi, aussi. Il m'a fait des sales crasses, c'est une guerre qui remonte à tellement loin, qui a commencé par lui, à la base, c'était un gosse turbulent. Mais on sait faire la paix quand il faut - je ne suis pas un mauvais gars, je vous promets.

J'hoche la tête, lentement. Oui, je suppose qu'il y a toujours deux versions à une histoire, c'est évident. Leur gueguerre n'étant pas le sujet principal, je reprends :

     - Alors, aucun ennemi ?

     - Je ne vois pas... réfléchit l'adolescent.

     - Fouille dans ton esprit. Est-ce qu'il t'a dit quelque chose de suspect ce soir-là ?

     - Non, non... On s'est rejoint, on a discuté rapidement de sa journée mais je crois qu'il n'avait pas passé une super journée. On a... couché ensemble, il m'a dit de se dépêcher parce qu'il devait partir.

     - Partir où ? Je réagis.

     - Je ne sais pas ? Reprend Nick, confus. Chez lui, je suppose ? On avait cours le lendemain.

Nous n'en sommes pas si sûrs.


× × ×


     - Si tu as des choses qui te reviennent ou un élément qui te paraît important, n'hésite pas à nous en faire part, dit Andrea au jeune garçon.

Il acquiesce en silence, les yeux baissés. Son père, un homme semblant très droit,est venu le chercher et a confirmé qu'il est rentré un peu avant des heures du matin, donc hors des heures du crime. C'est difficile de savoir si le père est sincère ou s'il veut couvrir son fils.Nous gardons chaque possibilité, mais en attendant nous devons explorer chaque piste avant d'éventuellement y revenir.

Nick et son père quittent nos locaux. Nous n'avons pas dit à son père pourquoi nous l'avons interrogés, son fils lui cachant probablement sa relation avec un autre garçon. Notre but est de rendre la justice à une victime qui a perdue la vie, pas de gâcher celle d'autres personnes vivantes.

    - Alors on en est où ? Je demande face au grand tableau qui contient chaque piste.

     - Honnêtement, votre enquête semble tirée par les cheveux, intervient Todd, un membre de notre unité.

Dans une équipe de la criminelle, il y a plusieurs équipes, toutes constituées de quatre. Mais cela est divisé, car dans cette équipe de quatre, il y a deux duos. Donc, Andrea et moi, puis Ernie et Todd. Ernie est un Haïtien d'1m85 etTodd est un Irlandais, tout roux, tâches de rousseur, et 1m68 par contre. Mais ils ont tous les deux un physique avantageux, et ils ont d'ailleurs entre eux une espèce de petite bataille de qui se fera le plus draguer par les stagiaires annuels.

     - Je te l'accorde, je dis. Le fils du secrétaire d'Etat est impliqué, c'est quand même pas anodin.

Nous soupirons tous suite à ma phrase. Le fils du secrétaire d'Etat, quoi. Ça va être tellement galère, d'avoir ce garçon comme pion. Il va certainement tout bloquer. Nous allons nous retrouver dans une situation d'impasse super délicate. J'aime la justice, je n'aime pas le fait que les puissants puissent la contrer.

     - Comment vous allez l'approcher ? Demande Ernie, le coéquipier de Todd.

     - On va le convoquer en même temps comme les autres, dit une voix en plus.

Nous nous tournons tous les quatre vers celle-ci. C'est notre supérieur, Monsieur Tanson. Il ne sort pas souvent de son bureau, il y lit tranquillement nos rapports d'enquête mais ne fait pas souvent de commentaires. Aïe, quand il sort pour en faire, ce n'est pas super bon signe.

     - Son équipe sera convoquée et lui aussi, continue notre chef. S'il ne vient pas parce que son père utilise son immunité politique, nous n'y pourrons rien.

     - C'est injuste. C'est juste extrêmement injuste.

     - Rentrez tous chez vous maintenant. Les bureaux sont presque vides et vous pouvez parler autant que vous voulez de cette enquête, elle n'avancera pas tant que les membres de l'équipe ne viendront pas pour être interrogés.

Nous acquiesçons. Nous savons pertinemment que cela va prendre quelques jours avant que nous puissions les recevoir, le temps qu'ils se libèrent et viennent jusqu'ici pour une audition. Je soupire à cette pensée. Monsieur Tanson retourne dans son bureau, puis Todd et Ernis nous saluent avec un "bonne soirée". J'enfile ma veste.

     - Je te raccompagne ? Je propose à Andrea.

Après avoir parlé je me rends compte de ma proposition anodine-mais-pas-tant-que-ça et me racle un peu la gorge. Si j'étais un adolescent je serai quasiment en train de rougir. Ah, j'ai la quarantaine et je suis à deux doigts de rougir.

     - Pourquoi pas, répond-elle simplement.


× × ×


Je pose mes clés sur le meuble dans l'entrée et ferme délicatement la porte.Il fait noir. Je récupère le courrier posé et regarde brièvement ce que c'est : relevé de compte, publicité, bulletin de Judith. Oh, bulletin de Judith. J'avance dans la cuisine et allume la lumière.Je sursaute.

     - Tu m'as fait peur, je souffle à l'intention de ma fille. Pourquoi tu étais assise là dans le noir ?

     - Ça faisait mystérieuse, répond-elle en haussant les épaules.

Je pouffe et tire une chaise pour m'asseoir autour de la table ronde. La mère de Judith disait toujours que cette table aurait dû être ailleurs, car elle encombrait le passage. Désormais je suis incapable de la bouger car elle me fait penser à elle.

     - J'ai reçu ton bulletin, je dis.

     - Il est excellent, ne perds pas ton temps avec ça. Pourquoi tu rentres si tôt ?

    - Hey, c'est moi le parent ici, pas toi. Je soupire. On a rédigé les rapports et fait tout ce qu'on pouvait pour aujourd'hui donc le chef nous a invité à rentrer.

Elle hoche la tête et je déballe son bulletin. Effectivement, ses notes sont super. Je suis fier d'elle. Elle bat les clichés de la jolie fille qui s'habille sans tabou et qui a de super notes.

     - Alors pourquoi tu as arrêté Grimshaw ? Elle s'intéresse.

     - Il était le petit-ami de Zayn.

Elle écarquille les yeux et je me rends compte que c'était vraiment un secret au lycée alors. Même si je m'en doutais déjà. À cet âge ça peut être encore plus compliqué qu'à un autre.

     - Sérieux ?

     - Oui, on a retrouvé du sperme frais pendant l'autopsie et les analyses ont menées à lui.

     - Et bah dis donc... elle souffle. Et Louis ? Qu'est-ce qu'il avait à voir là-dedans ?

     - Je voulais juste savoir s'il nous avait dit toute la vérité en disant détester Nick.

     - C'est toute la vérité. Ils ne peuvent pas se voir.

     - Je ne peux pas me contenter de te croire sans vérifier, je dis, mais je crois que Louis nous a bien montré que c'était vrai. Tu es amie avec ce garçon depuis quand ?

     - Quelque chose comme aujourd'hui. On se connaît depuis plusieurs année. C'est un garçon très discret. Il se retrouve tout seul et j'ai pas envie.

     - C'est gentil de ta part.

Judith hausse les épaules et ne dit rien de plus. Je me passe les mains sur le visage et soupire.

     - C'est quoi la prochaine piste ? S'intéresse ma fille en ramenant ses jambes sur la chaise, contre sa poitrine.

     - Harry Styles, le fils du secrétaire d'Etat. Ou le capitaine des Colorado Rockies, ça dépend.

     - Sans déconner ?!

J'hoche la tête, et dans un sens ça me fait rire mais de l'autre je suis désespéré. C'est assez incroyable – littéralement – que le fils du premier ministre soit impliqué, un garçon si médiatisé,semblant si parfait. Mais en même temps, quelle galère pour la procédure.

     - Oui, je dis. On a un témoin qui l'a vu ce soir-là avec d'autres de l'équipe de Baseball. On va les convoquer pour les interroger.

     - Mais il a le droit de refuser, pas vrai ?

     - Malheureusement oui. Mais les gosses de riche dans son genre, c'est assez redondant. Il va quand même venir au poste, comme pour montrer qu'il n'a rien à se reprocher. Mais certainement pas pour répondre aux questions.

     - Et s'il refuse de répondre et que le reste ne mène à rien, vous faîtes quoi ?

S'il ne veut pas répondre, s'il utilise l'immunité politique de son père pour faire plonger cette histoire dans l'oubli le plus total... Je soupire :

     - On devra classer l'affaire.








///
Réagissez avec #BornTDieFic
///

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top