CHAPITRE 4
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PARTIE 1 : Mais qui ça peut bien être ?
LOUIS
Je suis sur le cul. Vraiment, il n'y a pas d'autres termes. Ce n'est pas pour être vulgaire ou quoi, mais je suis sincèrement sur le cul. Il y a des connexions qui ne se font pas dans ma tête et des liens qui n'ont aucun sens.
Zayn était gay. Zayn, mon meilleur ami, était gay. Et je n'en avais aucune idée. Enfin, officiellement, je ne sais pas s'il était gay, bisexuel, pansexuel, ou juste en pleine exploration de sa sexualité, je ne sais pas précisément et ne saurais jamais – mais il aimait les garçons. Il aimait un garçon apparemment, avec qui il avait des relations sexuelles, enfin des trucs de couple quoi. Je n'arrive pas à croire qu'il... Wow. Il ne me l'a jamais dit, jamais parlé de ses préférences. Et puis, merde, je n'arrive pas non plus à croire qu'il m'ait laissé croire qu'on était tous les deux puceaux alors que j'étais le seul.
Plus sérieusement, je remets tellement de choses en question. Une seule entrevue avec la police criminelle et j'apprends déjà une énorme bombe sur mon défunt meilleur ami. Je ne sais pas comment prendre ça, comment l'interpréter. Zayn est décédé et j'ai l'impression de continuer à apprendre à le connaître à titre posthume, alors que pour moi nous n'avions aucun secret l'un pour l'autre.
J'ai une sorte de pressentiment que cette enquête va sincèrement remettre en doute certaines choses, en amener d'autres, et changer des vies.
- Comment tu te sens ?
Dan prend la parole alors qu'il me conduit en direction du lycée. Mon regard est fixé sur la vue mobile à travers la fenêtre du siège passager. Je suis silencieux comme un mort. Ah, ironique.
- Bizarre, je réponds.
Je ne mens pas. Je ne me sens pas bien, mais je ne me sens pas mal non plus. Je pense que mon état actuel se rapproche plus du "mal", mais ce n'est pas totalement ça. C'est juste... Bizarre. Je n'arrive pas à mettre de mots sur ce que je ressens, ce qu'il y a dans ma tête, tout comme je n'arrive pas à répondre à mes questions. Pourquoi Zayn ne m'a rien dit ? Avait-il peur que je le juge ? S'il est mort avec la peur que moi, son propre meilleur ami, ne l'accepte pas pour sa sexualité, alors je ne peux que me sentir minable. Qu'est-ce que je m'en fous de ce qu'il aime, le monde est tellement diversifié. Mais maintenant je ne peux plus lui tenir ce discours. Et surtout, qui était ce mec, son petit ami ? J'ai beau réfléchir, même en ayant connaissance de cette information, je ne l'ai jamais vu être proche de quelqu'un d'autre, on était vraiment un binôme un peu fermé même si pas introvertis. Ce qui veut dire qu'il faisait vraiment ça dans le secret le plus total...
- C'était dur ? S'intéresse Dan, dans sa perpétuelle bienveillance.
- C'était... Bizarre.
Vraiment, je ne vois pas d'autres adjectifs pour décrire ce moment que j'ai passé avec le détective Carter et l'agent White.
- Tu veux en parler ? Propose t-il doucement.
- Je ne sais pas, je rétorque honnêtement.
- Ne te sens pas obligé. C'est juste pour extérioriser que je te propose de le faire. N'hésite pas.
Je baisse les yeux. Mon beau-père est très présent pour moi et je ne peux pas le remercier suffisamment pour tout ce qu'il fait ; même s'il juge cela normal, je trouve que c'est juste gentil. Et pour le coup, même s'il ne le dit pas clairement, il a raison : actuellement je n'ai que lui pour me confier, pour extérioriser ce qui m'embaume l'esprit. Mais...
- Je n'ai pas trop envie d'en parler. Tu verras bien vite aux infos locales de toute manière.
... Je suis fermé. Ce n'est pas spécialement une bonne chose, je le sais, mais je ne suis pas forcément celui que les gens veulent que je sois. Dire ce que je pense, ce que je ressens, si tôt après la disparition de mon plus cher ami, je n'y arrive juste pas. Et si les gens du lycée ou d'ailleurs me prennent pour un, je cite"dépressif", ou encore un "malpoli qui ne parle même pas à son propre beau-père", eh bien soit. Les gens parlent toujours sans savoir de toute manière, sans avoir affronté l'horreur de la situation.
Un deuil, on le vit tous différemment. Et moi pour le moment je le vis... Tout simplement. Je n'ai pas de mots pour compléter, je le vis juste. Personne ne peut juger ma manière d'affronter les événements ; parce que moi-même j'ai du mal à comprendre. En même temps, il faut dire que j'aurais clairement préféré ne jamais me retrouver face à tout ça.
Mon beau-père acquiesce en silence et quelques minutes de trajet en voiture se déroulent sans un bruit supplémentaire. Dan comprend que je n'ai pas envie de parler et c'est parfait. En effet, je n'en ai aucune envie et aucune force non plus. Je ne veux pas dire que j'ai envie d'oublier ce que j'ai appris aujourd'hui car pas du tout, c'est juste que c'est trop tôt selon mon esprit pour en parler sans que je craque. Je dois assimiler et comprendre.
- Tu es sûr que tu veux que je te dépose au lycée ? Me demande Dan.
- Oui.
- Avec ce qu'il s'est passé ce matin, tu peux prendre une pause et rester à la maison Louis...
- Je sais Papa mais... Je veux quand même y aller, s'il te plaît.
Je tourne finalement la tête vers lui, qui est concentré sur la route. Il fait quand même un écart d'une rapide seconde pour croiser mon regard, reste sans réaction un moment, continue juste à conduire ; puis finalement, il hoche la tête en soupirant.
- D'accord, je vais t'y conduire, reprend mon beau-père, mais je veux que tu m'appelles s'il y a quoi que ce soit. Je ne veux pas qu'il y ait encore de bagarres avec quelqu'un, je ne veux pas que tu fasses n'importe quoi. S'il se passe quelque chose qui te fait te sentir mal, ou si tu te sens juste mal comme ça, tu m'appelles.
- Oui, je le ferai.
- Vraiment Louis, insiste t-il. Je ne dis pas ça dans le vent et s'il te plaît, j'aimerais vraiment que tu le fasses. Je sais que je ne peux pas... Je sais que je ne peux pas faire revenir Zayn, mais je ne veux pas te laisser seul.
- Je te promets que si je me sens vraiment trop mal, je ne me force pas et je t'appelle, j'assure.
Dan hoche la tête, m'accordant sa confiance.
Je sais qu'il se sent aussi dépassé et qu'il ne comprend pas pourquoi j'insiste autant pour aller dans mon établissement scolaire, je sais qu'il a peur pour moi, que je ne me repose pas assez, que je me renferme trop, que j'ai de graves problèmes, que je n'en parle pas et que cela ne fasse qu'empirer. Mais il n'a pas à avoir peur de tout ça, ce qui n'est pas ce qui m'arrive. Ce n'est pas ce qui va m'arriver. Je suis fort ; enfin, peut-être pas en fait, mais du moins je veux l'être, pour Zayn. Et même si je n'aurais jamais pensé dire ça un jour, le lycée m'aide dans cette mission personnelle. Je suis triste, un peu fermé certes, mais au moins, je pense à autre chose qu'en restant cloîtré dans ma chambre à inonder mes joues de larmes salées.
Mais j'ai promis que si vraiment c'est insupportable ou que Nick, Josh et/ou Tom se ramènent et m'énervent, j'appellerai ; et je le ferai. Les vivants sont trop précieux pour qu'on leur promette des choses sans les tenir. Je n'ai plus vraiment de proches à part... À part Dan. Mais je veux le chérir, et même si c'est trop dur pour moi de juste m'ouvrir et parler à cœur ouvert, je vais le faire avec des petits gestes qui veulent tout de même dire beaucoup ; comme par exemple tenir mes promesses.
× × ×
Rédiger des voeux, c'est pour les mariages. Mais alors c'est quoi pour un enterrement ? Un discours ? Non, ça fait trop cérémonie officielle d'Homme politique. Alors quoi ? Un éloge funèbre ? Je trouve ce terme tellement stupide. «Éloge funèbre ». Pourquoi faire un éloge à un mort ? Pourquoi faire un éloge à quelqu'un qui est déjà parti ? Pourquoi les Hommes ont cette faculté incroyable à embellir la relation qu'ils avaient avec une personne défunte ? Pourquoi ils ne sont pas capables de faire des éloges aux vivants et de profiter de leur présence ?
Je suis chargé d'écrire les... mots que je vais dire à l'enterrement de mon meilleur ami. Ça peut paraître logique au final, j'étais la personne lui étant la plus proche. Enfin, en théorie. Car apparemment il avait des secrets assez conséquents pour moi. Et c'est terrible, de me dire que je ne connaissais pas réellement mon propre frère de coeur, et que de penser qu'il ne me connaissait apparemment pas assez car il avait peur de me faire un aveu que j'aurais considéré comme tellement normal. Mes pensées tournent en boucle, je le sais. Mais ce n'est pas facile. Quelle claque piquante.
Assis dans les tribunes du stade, je regarde mes équipiers jouer – enfin, s'entraîner. Je suis "dispensé" aujourd'hui, le coach me l'a dit. Je ne suis pas sûr de vraiment vouloir de sa pitié, mais il est mon supérieur. Et puis peut-être qu'il a raison finalement. Si je joue actuellement j'ai plus de chance de me prendre la balle en pleine face que de la frapper avec ma batte.
Je sais que je pourrais rentrer. En soit, c'est un peu pour ça que le coach Clayton m'a ménagé, pour rentrer chez moi et me reposer, surtout après l'entretien que j'ai eu ce matin avec la police. Mais je ne suis pas rentré. Je suis là, assis dans ces gradins peu confortables. Et il pleut. Énormément. Alors je suis assis dans ces gradins depuis une bonne heure, ma capuche de sweat enfoncée sur mon crâne, les mains dans mes poches. Et je suis trempé, mais c'est le cadet de mes soucis. Au moins, à sentir la pluie contre mes vêtements puis finalement contre ma peau, je sens que je suis vivant. C'est un luxe je crois, et j'en profite.
Je pense à Zayn. Aux nouvelles choses que j'ai appris à son sujet, aux mots que je pourrais lâcher à la cérémonie de ses funérailles. Je sais que cela ne va pas être de suite, que cela ne sera qu'à la fin de l'enquête. Cependant, j'y pense déjà. Et je sais qu'à ma place, il aurait fait pareil. Même si c'est tellement, tellement dur de trouver les bons mots, de les aligner en trouvant que ça sonne juste. Je déteste le fait d'être chargé de ça. Mais pour Zayn, je vais le faire. Je vais m'en charger et faire un discours si beau que les anges pleureront avec lui.
- Qu'est-ce que tu fais là ? À être assis là, sous la pluie ?
Je tourne la tête vers la personne qui s'adresse à moi, et je la reconnais aussitôt. Une belle brune qui se fait constamment des couettes avec ses longs cheveux raides mais qui ne fait pas du tout bébé avec cette coiffure, il n'y en a qu'une. Et c'est Judith Carter.
- J'écris ce que je vais dire à l'enterrement de Zayn, je réponds.
Pourquoi m'en cacher ? Tout le monde sait que Zayn a été assassiné, tout le monde en parle, et tout le monde semble savoir que j'étais son ami le plus proche. Alors je ne fais pas là un grand aveu. Mais Judith ne s'attarde pas sur le sujet et remarque autre chose :
- Mais tu n'écris pas là.
- J'écris dans ma tête.
- Woaw, pouffe t-elle. J'avais oublié ton humour hyper particulier.
J'hausse les épaules. Un silence s'installe entre nous, alors que je continue à fixer devant moi. Contre toute attente, je suis celui qui parle à nouveau.
- Tu es là pour encourager ton petit-ami ?
- Quoi ? Demande t-elle, puis elle semble réaliser. Attends, tu veux dire Josh ? Louis, on a rompu il y a six mois déjà...
- Ah.
Je n'ai jamais trop suivi les potins du lycée. Zayn et moi n'étions pas "anti société", "anti gens", "wow je n'aime que mon lit et la bouffe". Non. Mais qui sort avec qui, qui rompt avec qui, qui trompe qui... On n'a jamais été très calés là-dessus. On partait du principe que cela ne regardait que les concernés et que contrairement à ce qui était dit au collège, en réalité les gens au lycée sont toujours aussi fouines.
- Désolé pour toi alors, je suppose.
- Tu n'as pas à t'excuser, rit-elle, et je me demande comment elle fait pour paraître si heureuse alors que le ciel est si gris. Je l'ai quitté, il y a déjà six mois comme je t'ai dit. Ça va. Je n'aimais pas comment il se comportait avec les gens.
- Tu m'étonnes !
Petit con de Josh.
Un nouveau silence s'instaure. Ce n'est pas non plus insupportable car en soit, le silence n'est pas complet. Il y a le bruit de la pluie qui vient s'écraser sur diverses surfaces qui se fait entendre, et puis plus loin, les bruits que font les joueurs à l'entraînement. Bon nombre d'entre eux sont d'ailleurs couverts de boue, et je me dis que ce n'est pas si mal que j'échappe au jeu d'aujourd'hui. Je suis un peu soigné comme garçon, je le reconnais.
- Mon père n'a pas été trop dur avec toi ?
Je la regarde alors, mon visage étant présentement l'allégorie de la compréhension. Mais avant que la brune à côté de moi prenne la parole pour m'expliquer, mon cerveau fait la connection. J'hoche donc lentement la tête et celle-ci se tourne, de manière à de nouveau regarder le terrain en face de nous.
- Judith Carter, Détective Carter... Ok, je vois. Non, il n'a pas été dur. J'ai juste pas aimé qu'il me considère comme un des suspect, mais je suppose que c'est normal.
- Oui, c'est normal. Tu étais le meilleur ami de Zayn, ils sont obligés de te mettre comme suspect potentiel. Mais tant qu'ils te trouvent pas de mobile, c'est bon. T'es un suspect, mais c'est juste le protocole. T'es carrément pas leur priorité, et ils vont vite t'exclure de la liste.
J'apprécie qu'elle assume sans aucun doute que je suis innocent. Évidemment que je le suis... Mais je suis sûr qu'un beau pourcentage de personnes dans mon lycée et même dans la ville pensent que je suis celui qui a fait ça. Cette simple pensée me fait frissonner.
- C'est quand même flippant qu'à 18 ans tu saches autant de trucs sur la police criminelle, je rétorque.
- Je suppose que ouais, c'est un peu un tue-l'amour, rit-elle. Mais crois pas, je regarde plus de séries policières que je ne parle avec mon père.
Je ne rebondis pas sur ses propos parce que je pense au fait qu'elle n'a peut-être pas envie que je le fasse. Certes, elle en parle et lance le sujet, insinuant que sa relation avec son père n'est pas brillante. Mais cela ne veut pas dire qu'elle veut en parler, qu'elle veut que je fasse mon curieux éventuellement indiscret. Alors je ne le fais pas. Je suis triste, détruit, vide, en pleine incompréhension... mais malpoli, ça, je ne pense pas l'être. En aucun cas.
Mes yeux regardent Nick, qui s'apprête à taper dans la balle. Je ne suis pas de mauvaise foi et reconnais facilement qu'il est bon joueur, même si clairement, il n'est pas si bon humainement parlant. Comme s'il sentait que mon regard était sur lui, il relève les yeux. Nous sommes à de très nombreux mètres l'un de l'autre, surtout que je suis tout en haut des gradins. Mais il me regarde, et je le regarde. Ses yeux parlent mais je ne les comprends pas. Il se reconcentre finalement quand la balle est lancée, cela ne prend qu'une fraction de seconde. Et il la frappe parfaitement. Le coach et les quelques équipiers concentrés l'applaudissent. Mentalement, je le fais aussi. S'il nous sort ça pendant un match, on a un bon coup de circuit – ou homerun, qui est un terme plus répandu.
Ce n'est que l'entraînement alors nous ne faisons jamais tous les coups, c'est-à-dire par exemple quand nous envoyons la balle au loin, et habituellement, en baseball, s'ensuit le moment où le frappeur doit courir et atteindre une certaine case (ou parfois faire un tour complet). En l'occurence, en entraînement ça nous prend du temps et donc, on ne le fait pas. On entraîne notre endurance car c'est très important, mais avec de la course à pieds. L'entraînement est plus centré sur le positionnement de l'équipe, comment doivent se tenir les frappeurs, les réceptionneurs, et on s'entraîne aussi sur la frappe avec la batte. Ce n'est pas si épuisant que ça finalement, mais qu'est-ce que j'aime ce sport. Il coule dans mes veines alors qu'aucun membre de ma famille ne le pratique ou ne s'y intéresse.
- Et toi ? Je relance la conversation. Qu'est-ce que tu fais là, assise dans ces gradins à côté du mec flippant, sous la pluie ?
- C'est sincèrement ce que tu penses de toi-même ?
Je tourne la tête vers Judith et hausse brièvement les épaules. Elle aborde une expression assez concernée. Bon, c'est une jolie fille, je l'ai toujours pensé.
- Je n'en sais rien, j'avoue en regardant droit devant moi. Je suppose que je suis cette personne, oui. Tout le monde me regarde comme si je faisais peur.
- Tu ne leur fais pas peur. Ils ont juste pitié.
- Je ne veux pas de leur pitié...
- Je sais. Mais tu ne peux pas le contrôler. Elle va juste s'estomper, ou alors peut-être pas, mais au moins tu apprendras à ne plus te concentrer sur ce que les autres pensent de toi.
- Je suppose, j'hausse les épaules. Je ne veux pas de ta pitié à toi, par exemple.
- Oh, tu ne l'as pas, rit-elle doucement. J'attends simplement mon père sous la pluie parce qu'il travaille tellement qu'il m'a oubliée, comme d'habitude.
Oh, c'est donc la raison de sa venue ici. Je suis tout de même rassuré, dans un sens. J'apprécie qu'elle soit venue me parler mais j'apprécie encore plus qu'elle ne soit pas venue me parler juste par pitié. Je subis trop cela ces derniers temps et sincèrement, c'est probablement pire que tout le reste. J'ai l'impression d'être une bête de foire, et je ne souhaite à personne, au monde, de ressentir ça un jour. Je ne le souhaite même pas à Nick, alors c'est pour dire...
Judith m'adresse un petit sourire et on reste dans ce silence jusqu'à ce qu'elle doive partir. Mais ce n'était pas gênant. Aujourd'hui, le regard d'autrui sur moi ne m'a pas trop dérangé.
× × ×
Le stade désormais vide, les joueurs tous rentrés chez eux, Judith ayant pris son bus, je me lève doucement des tribunes. Mon pas est lent, je descends sur la pelouse mouillée et boueuse. Je marche jusqu'au centre du terrain, environ. La pluie est toujours battante. Peut-être que je vais tomber malade. C'est le cadet de mes soucis.
Mon bassin touche le sol, puis mon dos ainsi que l'arrière de mes jambes et de ma tête. Je sens aussitôt sur toutes ces parties la consistance désagréable du sol mais encore une fois, ce n'est pas ça qui me fait grimacer. Je n'y prête pas attention, cette dernière étant uniquement portée sur le ciel gris uni au dessus de moi.
Allongé sur ce terrain que j'ai tant de fois foulé, que mon meilleur ami et moi avons parcouru dans tous les sens, je me laisse être vulnérable. Silencieux, j'observe l'étendue qu'est le ciel, je sens chaque goutte sur moi, elles s'échouent sur mon corps entier, et je garde la bouche entrouverte.
J'ai tellement d'émotions négatives en moi mais celle qui prime actuellement est que je suis perdu. Je remets beaucoup d'élements en question. Et surtout... Je me demande qui était le petit-ami de Zayn.
Mais qui ça peut bien être ?
*
PARTIE 2 : Harry Styles
MIKE
J'arrive, sifflotant, dans les locaux de police de Boulder après ma visite matinale habituelle. J'ai arpenté ces couloirs mille fois et je ne peux pas dire que je m'en suis lassé, mais ce serait également mentir de dire que je savoure chaque pas ici.
Il n'y a pas grand monde, et c'est bien silencieux. Je cherche ma coéquipière du regard et vais vers elle. Je m'assois sur la chaise libre à côté de son bureau et pose un café dessus.
- Bonjour, je dis. Tiens.
- Hey, merci, dit-elle.
Elle ne semble pas très à l'aise. Elle a un rapport écrit devant les yeux et est plongée dedans. Elle ne me regarde pas, ni même le café que je viens de lui apporter.
- Nuit agitée ? Je demande.
- Quoi ? Demande t-elle en relevant la tête, et je comprends à ce moment-là que ma question sonnait peut-être un peu déplacée. Non, non. C'est juste, ça me prend la tête, je suis sur ces rapports depuis deux bonnes heures. Je déteste le côté paperasse de ce travail.
J'acquiesce vivement. Je m'installe plus confortablement sur la chaise et réfléchis un peu à ce que je pourrais dire. Dans le genre « échelle de la diplomatie et de la personne qui trouve ses bons mots », j'en suis tombé depuis bien longtemps.
- C'est... le mauvais côté de ce travail oui, je dis alors.
- Je sais, répond-elle simplement. Je ne suis pas si débutante que ça.
- Non, je ne voulais pas insinuer ça.
Face à son manque de réaction - et à juste titre, j'ai parfois été bien dur avec elle, et peu accueillant, je rajoute :
- Ouais... Bref. Je me pince les lèvres. Du nouveau sur les résultats des analyses de l'enquête criminelle ?
Le sujet de notre cas actuel semble l'intéresser davantage et faire disparaître toute gêne éventuelle. Elle ferme son dossier de papiers et me regarde pour répondre. Repousser la paperasse à plus tard : une grande passion chez la police, je reconnais.
- Toujours pas. Je me suis renseignée ce matin, ça devrait arriver dans l'après-midi. Je t'attendais pour te consulter, mais je me suis dit qu'on pourrait aller interroger le type qui tient le bar du Heaven, juste à côté de la ruelle où Malik a été retrouvé.
- Ça me paraît être indispensable pour avancer oui, j'hoche la tête. On peut y aller maintenant ou il faut finir ce dossier ?
- Oh non, couine mon équipière. On y va maintenant.
À peine finit-elle sa phrase qu'elle est debout en train de mettre son manteau long qui match avec son tailleur pantalon. Très classe. Je souris un peu, et me lève à mon tour.
× × ×
- Nous sommes tout près du bar, non ? Me demande Andrea.
J'acquiesce d'un hochement de tête, concentré sur la route même si nous sommes à l'arrêt. En effet, le trafic catastrophique américain a raison de nous.
- On ferait peut-être mieux de se garer et de marcher 300 mètres, ajoute t-elle.
- Nous ne sommes pas à quelques minutes près, ça ira.
- Ça reste du temps de perdu.
Son ton n'est absolument pas froid, purement normal, mais je sens qu'elle aimerait que j'aille dans son sens. Nous avons tendance à avoir soit des rapports très secs, soit des désaccords aiguës. Sentant son regard vers moi, et ayant un véhicule à l'arrêt à cause de la circulation, je tourne la tête vers elle.
- Dans mon expérience de détective, j'ai appris que les trajets en voiture ont également leur importance. Nous pouvons passer à côté d'une poubelle dont quelque chose dépasserait, nous pourrions voir des choses parce que notre véhicule est banalisé. Ne négligeons pas ça.
- Carter, tu es juste flemmard.
- Je ne le suis pas, je rétorque. C'est mal me connaître.
- En effet, je ne te connais pas. Tu ne parles jamais de toi et juges constamment le fait que je vienne des stupes, ce qui expliquerait que je suis pas assez qualifiée pour la criminelle. Nos échanges ne vont pas plus loin.
Je me pince les lèvres. Elle touche un point - même si je ne l'admets pas. Les paroles constantes de ma fille me reviennent en tête, elle-même qui me trouve trop mystérieux.
Puis ceux de ma défunte épouse. Qui lors de nos premiers rendez-vous, luttait à tenter de percer ma carapace. Lorsqu'elle aperçut un sourire sur mes lèvres la première fois, son regard s'était illuminé.
- Tu as quand même des bonnes idées parfois, je dis finalement.
- Oh, super, merci, pouffe t-elle ironiquement. J'ai parfois des bonnes idées, ouais, on parle d'un poste de policière ou d'un exposé là ?
Entendant qu'elle a un ton plutôt chaleureux, mes yeux retournent à son visage, et j'y trouve un sourire. Elle a, pour une fois, pris quelque chose de maladroit que j'ai dit, à la rigolade. Peut-être que sa nuit n'était pas si agitée que ça.
J'affiche une expression légèrement troublée, car je réalise que c'est sûrement la première fois que je l'entends rire, même si que brièvement - et qu'elle m'adresse un sourire amusé, à moi, Mike Carter. C'est... je ne sais pas, probablement étrange. Je crois que l'espace d'un instant, le coin de mes lèvres se soulèvent d'un ou deux millimètres.
- Tiens, tu as qu'à te garer là, dit-elle en faisant un signe de tête vers une place libre.
Je tourne la tête, et mon être entier se crispe. Cela se ressent à ma poigne qui vient faire grincer le cuir du volant. Andrea le remarque, d'autant plus quand je dis :
- Non, pas ici.
Mon équipière ne s'oppose pas à ma volonté, probablement gênée par ce qu'il vient de se passer. Et malgré le bref instant quasiment agréable que nous venons d'échanger, nous continuons le trajet en silence.
× × ×
À peine la porte d'entrée du bar poussée, la première chose qui m'alerte – outre le bruit strident de l'alerte d'entrée – est la forte odeur. Un mélange de gingembre, et de tabac – pas de tabac froid et consommé, non, le vieux tabac à rouler. Pourtant, fumer dans les espaces publiques est interdit depuis un moment. J'hausse un sourcil à cette idée. Ce bar n'est certainement pas très clean niveau législation - mais nous ne sommes pas là pour ces détails.
- L'odeur n'est pas super, repère aussi Andrea.
J'hoche la tête. C'est peut-être un facteur de vieux bar ; je n'y ai pas traîné depuis quelques temps, je ne suis pas sûr.
Nous nous avançons jusqu'au comptoir, où un homme fort, adulte, arrive. Il y a des tables, bar restaurant oblige, mais aucun client n'est là. Le meurtre ayant eu lieu juste à côté ne doit pas faire office de très bonne pub.
- Qu'est-ce que je vous sers ? Demande l'homme ; Barney, selon nos recherches.
Et il a un fort accent. Je dirais un Texan.
- Police criminelle de New-York, établit aussitôt Andrea en sortant son insigne. Je suis l'agent White et voici mon équipier, l'agent Carter.
Je fronce un peu les sourcils. Hey, c'est ma ligne ça normalement, vu que je suis le détective et elle l'équipière. Andrea me fait juste un signe style "pas maintenant".
- Wow, ok, réagit l'homme, pas rassuré.
- Est-ce que vous connaissez ce garçon ? Je demande en sortant une photo de Zayn.
- Euh... Oui, je l'ai souvent vu, et j'ai vu aux informations locales qu'il est mort, à côté... Mais hey, je ne veux pas de problèmes avec la police. Je ne fais pas ça souvent, vendre de l'alcool aux mineurs.
Oh, évidemment, il pense qu'on est là pour ça.
- Ce n'est pas le but de notre visite, j'assure. On ne veut même pas parler de ça, même si vous devriez arrêter. On veut juste des informations sur lui, ce qui pourrait nous aider dans l'enquête sur son meurtre.
- Ouais, ça... Ça craint, souffle le type.
C'est peu dire.
- Donc des informations sur lui ? Il demande puis il hausse les épaules. Je le connaissais pas vraiment. C'était un habitué, avec un autre garçon, un ami avec qui il venait souvent. Parfois avec un autre garçon encore, son petit-ami je crois... C'est pas mon genre hein - mais je suis pas aveugle non plus. C'était ça, à en juger comment ils se comportaient. Mais ils n'étaient jamais là tous les trois en même temps.
Je n'ai même pas besoin de tourner les yeux vers Andrea. Je sais qu'elle comme moi, on a fait le rapprochement avec Louis, l'ami. Et personnellement, je fais un rapprochement supplémentaire : le meilleur ami n'était pas au courant de l'existence du petit-ami si Zayn lui cachait entièrement.
- Et il était avec cet ami ce soir-là ? Ou le petit-ami ? Reprend ma coéquipière.
- Non, c'était assez bruyant ce soir-là... Mais je suis presque sûr qu'il n'était pas là avec l'ami non, ni le petit-ami.
- Est-ce qu'on pourrait avoir une description ?
- Oh, ça... Je passe pas mon temps à regarder mes clients. Mais je dirais qu'il est brun, quand même assez grand... Jeune. Très tactile aussi. Absolument pas honte de mettre le bras autour de son copain. J'ai toujours pensé qu'ils auraient des soucis un jour, avec des gens un peu bourrés qui seraient violents vis à vis de ça... Mais je crois que ça a jamais dégénéré, pas pour ça du moins.
S'il n'avait pas fait la distinction entre l'ami et le petit-ami, j'aurais pu croire que ce dernier est Louis et qu'il est juste un menteur manipulateur. C'est tragique mais en tant que flic, on apprend assez vite – suite à une déception généralement – qu'on ne peut pas connaître quelqu'un d'impliqué dans une enquête, peu importe à quel point il paraît sincère. Donc j'aurais pu douter du jeune Louis. Et la vérité, c'est que je m'en méfie encore malgré tout.
- Mais comme je vous ai dit, j'échangeais pas trop avec le petit-ami en question, conclut le barman et gérant de l'endroit. C'était l'autre, Zayn c'est ça ? Qui s'adressait à moi. Qui venait commander à nouveau et tout ça. Il traînait souvent ici... C'était un bon gamin. Je saurais pas en dire davantage sur son petit-ami.
Ce n'est pas grave. Nous n'avons pas besoin de lui demander de se creuser les méninges pour établir un portrait robot car il y aura bientôt les résultats d'analyse du sperme récolté, qui amèneront un prénom et un nom. Cela sera largement plus simple et plus rapide.
- Donc vous nous confirmez bien sa présence ce soir-là ? Demande Andrea.
- Oui, il était là, mais pas le petit-ami.
- Vous êtes sûr ? Je reprends.
- Alors là, à 100% Monsieur. Ils étaient tout le temps collés d'habitude, je l'aurais vu même si c'était bondé ce soir-là. Il n'était pas là.
Comment le sperme a pu atterrir là s'ils n'ont pas passés la soirée ensemble ? Ils se seraient vus encore plus tard, donc se rapprochant de l'heure de la mort ?
- Ce soir-là était agité, il y avait le match à la télé, et je les passe sur l'écran, ça attire du monde, il continue à expliquer. Le gamin était là, sans son ami, ni son petit-ami, il regardait le score, il a mangé quelque chose, puis plus tard il a sympathisé avec une bande de jeunes, que j'avais jamais vu mais je les ai tout de suite reconnus. C'était les membres des Colorado Rockies, qui venait fêter leur victoire après le match. C'était un honneur pour moi de les recevoir, j'ai fait mon chiffre du mois vu l'ambiance que ça a attiré. Ils ont payés des tournées, ils se sont éclatés, ils ont parlés avec Zayn, ils étaient dans la même tranche d'âge et j'ai cru comprendre qu'ils avaient le baseball en commun. Ça criait tellement dans ce bar que j'entendais ce qu'ils disaient.
Mon intérêt pour ses explications grandit. Oh, c'est intéressant. Une bande de jeunes célébrités, heureuses de leur match remporté, qui sympathise avec un adolescent assassiné peu après. Ils sont peut-être les dernières personnes à avoir vues Zayn en vie.
- Vous auriez les noms des concernés ? J'interroge.
- Les noms des joueurs avec qui il discutait plus qu'avec les autres ? Non, absolument pas, désolé. Je sais juste que vers 1 heure du matin, quelque chose comme ça... Peu avant la fermeture en tout cas, et on ferme à 1h30 les soirs de match, il se disputait avec l'un d'eux. Le seul que je connais, parce que c'est pas n'importe qui, c'est le fameux capitaine de l'équipe.
- C'est quoi son nom ? Reprend Andrea.
- Harry Styles, je réponds à sa place, le ton neutre et lent.
- Ouais, c'est ça, confirme le professionnel de l'endroit. J'entendais pas ce qu'ils disaient, j'étais dans le rush avec mes employés et je me concentre pas sur les conversations privées de mes clients. Je surveillais juste d'un œil pour intervenir si jamais ça dégénérait trop. Des jeunes, de l'alcool... Là, c'était juste une dispute, des jeunes qui semblaient se provoquer. Quand le bar a fermé ils sont juste partis, j'en sais pas plus. Mais c'est sûr, c'est avec Harry Styles qu'il s'est pris la tête. C'est quelque chose dont on se souvient ça.
Andrea fronce légèrement les sourcils, et se tourne vers moi.
- Je ne m'y connais pas trop en baseball, mais Harry, Styles ? Comme...
- Oui, je la coupe. Harry Styles comme Styles.
Le capitaine de l'équipe nationale de baseball. Une gueule d'ange, un beau sourire, des beaux yeux ; tout pour lui. Capitaine d'une bonne équipe à un âge très précoce, bon joueur, actif sur les réseaux sociaux, présent dans la presse pendant les bonnes actions de son père, et surtout le fils du secrétaire d'Etat des Etats-Unis d'Amérique, Desmond Styles.
× × ×
- Oh pitié Henry dis-nous que tu as un autre nom que celui que le fils du secrétaire d'Etat, je souffle quand on entre dans la grande salle de morgue.
Le médecin légiste se tourne vers nous, un flacon de je ne sais quoi dans les doigts, mais ce n'est pas attirant à voir. Il le pose et enlève ses gants afin de nous saluer de la main.
- Le fils du secrétaire d'Etat actuel ? Styles ? Il demande avec un sourcil haussé.
- Oui. C'est apparemment le nom qui ressort dans les dernières personnes à avoir vu le gamin en vie le soir même, et même à s'être disputé avec lui.
- Oh, wow, un suspect, s'étonne le médecin et Andrea et moi acquiesçons. Comment vous allez faire pour l'atteindre ?
- Bonne question, nous soupirons en chœur.
Le secrétaire d'Etat, étant la deuxième figure la plus forte du pays, est intouchable politiquement. C'est une des plus grande injustice de ce monde, l'invincibilité de ces personnes qui finalement ne sont pas bien différentes à part sur le salaire. C'est vrai que je ne cracherais pas dessus.
Mais par déduction, son fils sera intouchable aussi. Son très cher papa va le protéger, qu'il soit innocent ou non, mettant l'immunité politique sur le nom de famille et notre enquête va terminer dans une impasse. Ce gosse n'a que 19 ans, mais il est le capitaine de l'équipe nationale, son père est une tête de ce pays – on ne va rien en tirer. Et je commence à avoir peur pour la justice du jeune Malik.
- On verra, je conclus. On n'a pas le choix. Tu as un nom à nous fournir pour le petit-ami alors ?
- Oui, j'en ai un. Je vous ai envoyé son dossier au bureau. C'est un gosse, il avait déjà un casier judiciaire pour un vol de bonbons quand il n'avait que 12 ans, soupire le médecin.
Pas très malin. Mais on ne va pas s'en plaindre. Grâce à ce petit casier judiciaire, on peut avoir un nom.
- Nicholas Peter Grimshaw, reprend-il. Il a 18 ans aujourd'hui si je me souviens bien. Vous en trouverez plus dans le dossier.
Andrea hoche la tête et commence à parler un peu avec Henry pendant que je réfléchis. Je fronce les sourcils. Nicholas Peter Grimshaw... Nicholas Grimshaw... Ces prononciations me sont familières. Je me creuse le cerveau, la mémoire, et ça arrive, comme une coupure d'électricité qui cesse et ramène la lumière.
- Louis nous a parlé de lui, je dis soudainement. Le meilleur ami, il nous a dit qu'un certain Nick Grimshaw était un peu un con avec eux.
- Tu... As raison, ajoute Andrea, les sourcils froncés par la réflexion.
- Et là on apprend que la victime et le supposé mec qui était le seul suspecté de ne pas l'aimer étaient ensemble ? Et en plus de ça, le fils du secrétaire d'Etat débarque dans l'affaire ?
- Alors là, ça se complique pour vous, conclut Henry.
Andrea et moi échangeons un regard désespéré. Cette enquête s'annonce plus profonde que prévu. Soit Louis nous a menti car il ignore certaines choses, soit il l'a fait pour couvrir ses arrières. Et maintenant Nicholas, le petit-ami, est un suspect important. Nous devons arrêter les deux.
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Réagissez avec #BornTDieFic
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Harry est introduit doucement et la vie de Zayn est de moins en moins énigmatique...
En espérant que vous aimiez toujours autant ❤️
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