CHAPITRE 28

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PARTIE 1 : Remonter la pente

LOUIS

Je suis réveillé par la sensation de lèvres sur la fine peau de mon cou. Je ne peux m'empêcher de frissonner et de laisser un léger sourire prendre possession de mes lèvres.

Je devine que celles d'Harry sont contre moi. Il n'y a rien de déplacé dans son geste, juste quelques baisers qui éveillent mon être dans tous les sens.

- Salut, je dis avec ma voix débraillée du matin.

- Salut, rétorque t-il avec sa voix rauque.

À l'entendre, un nouveau frisson parcourt ma colonne vertébrale. Je me tourne et ouvre les yeux doucement, ébloui par la lumière dans la chambre.

Quelle idée de ne jamais fermer ses volets aussi.

- Pourquoi tu ne fermes jamais tes volets ? J'exprime ma pensée à voix haute.

- Oh, je fais face au toi grognon du matin maintenant ? Il s'amuse.

L'ambiance qui règne dans la pièce est si douce que j'en oublie quasiment les scénarios durs de la veille. Son rire est peut-être la solution à tout.

- Je n'aime pas être dans le noir total, il confie ensuite. Je n'aime pas l'obscurité. Je n'ai pas le contrôle.

- L'obscurité n'a jamais tué personne.

- L'obscurité tue tout le monde, il rigole. Quand tu meurs, c'est la chose dans laquelle tu te retrouves pour toujours. Le noir total. Je peux bien profiter de la lumière tant que je suis sur Terre.

- Qui sait, ça se trouve tu iras au paradis, là où la lumière règne, je dis avec une voix exagérée.

Le bouclé roule des yeux, ce qui me fait rire.

- Toi et moi, on va tout droit en enfer, dit-il en s'approchant de mes lèvres.

- Parle pour toi, je rétorque. Je suis un saint.

Harry se recule et arque un sourcil. Il fait exprès de prendre un visage sérieux, mais il est incapable de chasser le petit sourire qu'il a au coin des lèvres.

- Quoi ? Je rigole.

- Tu n'échapperas pas aux flammes de l'enfer, Tomlinson.

- Le retour du capitaine qui veut avoir le contrôle.

- J'aime avoir le contrôle constamment, il hausse les épaules.

Amusé, totalement comblé ; probablement parfaitement amoureux, je lève les yeux au ciel. Je serai prêt à sacrifier beaucoup de choses pour que nous vivions encore et encore des scènes comme celle-ci.

J'ai envie de croire que c'est ce qui nous attend, dans un futur. Je n'ai pas la prétention de l'imaginer proche, avec tout ce qui nous tombera dessus, mais j'ai envie d'y croire.

Ses yeux, l'éclat à l'intérieur, me donnent tous les éléments pour y croire.

- Je te manquerais, en enfer ? Je le taquine.

- Pas besoin de me manquer.

- Tu as l'air si sûr de toi, je ris. Pourquoi ?

- Parce que, Louis,

Il se redresse dans le lit et viens tirer mes jambes pour me tirer vers lui, ce qui me fait pousser un petit cri de surprise. Les muscles de ses bras sont en action et je ne peux m'empêcher de me mordre la lèvre à cette vue. J'ai l'impression que chaque détail, chaque partie de son corps, sa personne, me rend de plus en plus fou.

Harry se penche vers moi, son corps surplombant totalement le mien. L'espace d'une seconde, j'oublie comment respirer.

- Le simple fait que nous fassions... ça - pour appuyer ses mots il vient m'embrasser, langoureusement, ce qui me fait lâcher un couinement - signifie que tu seras en enfer avec moi.

- Hey, embrasser un homme n'est pas puni dans la Bible, je me défends. C'est simplement le sexe avec un homme.

- Et donc ? Il rigole.

L'information remonte immédiatement à mon cerveau et je croise les bras sur mon torse, affichant un air blasé.

- J'avais oublié, je réponds.

- Pas moi, il sourit.

Je rigole et décroise les bras. Mes yeux détaillent ce qui se trouve pile devant eux : soit le torse nu du bouclé. Je peux voir ses clavicules, le peu de poils qui s'y trouve, sa peau parfaitement lisse. Je n'ai même pas besoin de la toucher pour savoir qu'elle est chaude, ni de l'embrasser pour savoir qu'elle a un goût de sel et de plage.

Mon index trace délicatement les formes du gros papillon ancré en bas de son sternum. Je peux voir la peau du jeune réagir sous mon contact, ses pores se dilater. Je n'essaie même pas de chasser mon petit sourire. C'est agréable, de m'imaginer que je puisse faire de l'effet à quelqu'un, et surtout quelqu'un qui m'en fait autant.

- Est-ce qu'il t'a fait mal ? Je demande en parlant du tatouage.

- Non, pas du tout.

- Ça ne fait pas mal, sur cette zone ?

- Je ne suis pas douillet. La douleur m'a parue superficielle.

Je ne peux m'empêcher de me dire que peut-être il n'a pas eu mal car il a déjà tellement souffert dans sa vie, sur tellement d'aspects, qu'un peu de douleur physique est le cadet de ses soucis. Mais face à ses yeux, je chasse toute idée négative de mon esprit.

- Est-ce qu'ils ont une signification ? Je reprends. Tu n'es pas obligé de répondre. Il parait que c'est super personnel.

Le bouclé hausse les épaules et change de position pour me libérer de son « emprise ». Il vient s'installer à côté de moi, sur le flanc de manière à me faire face, appuyant sa tête dans sa main, elle-même tenue par son coude contre le matelas.

- Le premier que je me suis fait, c'était à 16 ans. Mon père était sénateur, j'ai pu faire du chantage au tatoueur sans soucis. C'était une étoile, sur le bras. Là.

Il me la montre. Elle est toute noire, sur l'intérieur de son bras gauche, au milieu de dizaines d'autres.

- Vis à vis de ma mère, tu sais, l'étoile, tout ça.

- Oui, je réponds.

- Pour être très honnête, je ne savais pas pourquoi je me faisais tatouer. Je ne m'attendais à rien. Elle n'était même pas morte depuis un an, et c'était une période très sombre pour moi, plus sombre que tout le reste. Je voulais juste ressentir quelque chose, de nouveau, que tout le monde dit douloureux. Mais quelque chose qui reste - contrairement à 99% des autres choses. Alors j'ai fait ça.

Instinctivement, je lève ma main pour venir la poser sur sa joue. Harry ne flanche pas au contact, et je souris.

- Tu es un peu fleur bleu, je dis doucement.

J'utilise l'humour car je sais que cela lui fait du bien, le détend. Tout n'a pas toujours besoin d'être sérieux, lorsque nous sommes dans notre bulle. Il est en sécurité. Face au sourire qu'il me rend, je comprends qu'il sait.

- Et après, j'ai juste enchainé les tatouages. Il y en a certains qui ont quelques significations oui, et d'autres, c'est juste... comme ça.

- Ils sont tous très beaux.

- Pas tous, il rigole. Certains sont quasiment partis tellement ils étaient minuscules ou ratés de base. Je veux dire, j'ai le mot « gros » tatoué sur le gros orteil.

- Ah, je rigole. On peut pas être bon partout.

Nos rires s'harmonisent et je m'étire enfin.

- Je t'ai déjà dit, il rétorque. Je suis bon partout.

- Genre, tu ne te trompes jamais sur rien ?

- Jamais.

- Tu n'as jamais recouvert un tatouage par exemple ?

Le bouclé semble réfléchir et hausse les épaules. Il me tend ses bras.

- Si. J'avais tatoué « les choses que je peux » ici, et parallèlement, « les choses que je peux pas ». Ça résumait bien beaucoup de choses.

- Pourquoi tu as fait recouvrir alors ? Je demande en voyant un aigle et une bible là où les écritures étaient auparavant.

- Pour que ce soit moins flagrant, que les gens parlent moins. À la place des « choses que je peux », j'ai fait un aigle, qui symbolise la liberté. Et à la place des « choses que je peux pas », la Bible. Vis à vis de ma sexualité, ça représente bien l'aspect de ce que je ne peux pas faire.

J'acquiesce et viens toucher ses tatouages. Cela se voit qu'ils ne sont pas tout récent, les traits sont plus épais qu'à l'accoutumée, l'encre est déjà bien dans sa peau, ayant même viré au bleu foncé. Cela ne leur enlève pas leur beauté, cela montre simplement le vécu.

Je relève les yeux vers le jeune homme.

- Tu es définitivement fleur bleue, je souris tendrement.

- Sûrement, il rigole.

Sur cet échange, Harry finit par se lever et aller enfiler son fidèle jogging avec un t-shirt. Je commence à bien connaitre toutes ses petites habitudes.

Depuis le lit, je le regarde faire. Il est encore tôt. Une fois ses vêtements sur le corps, Harry se tourne pour me faire face.

- Je dois être au stade avant tout le monde, me dit le bouclé. Pour voir l'organisation.

- Je sais, je rétorque.

- Tu veux venir avec moi, ou rester ici en attendant ?

- Tu me laisserais rester ici sans toi ? J'arque un sourcil.

À son visage, j'ai l'impression que ma question est stupide et que la réponse est évidente. Il hausse les épaules.

- Pourquoi tu ne pourrais pas rester ici sans moi ? Je te passe les clés, c'est ok.

- Tu laissais Xander rester ici ? Je le taquine.

- Louis, tu es bien plus important que Xander l'a été un jour.

Je ne peux m'empêcher de me mordre la lèvre. Je me redresse et pose les pieds au sol, puis enfile mon t-shirt gisant au sol. Je viens me lever et voler un baiser à Harry. C'est juste tendre, sans réel mouvement. C'est très nouveau pour moi, de donner de l'affection de la sorte à quelqu'un, mais cela devient de plus en plus naturel.

Avec ce geste, je le remercie de me porter dans son coeur probablement au même niveau que je le porte. Je suis chanceux.

- Je vais venir avec toi, je réponds.

Si Mike m'entendait, il me maudirait de ne pas rester pour tout fouiller de A à Z. Mais il n'y a plus de ça qui tienne. Je ne veux pas trahir Harry davantage - plus jamais. Il m'ouvrira ses secrets les plus noirs quand il sera prêt. Personne d'autre ne peut le forcer, et surtout pas moi-même.

Je l'attendrai, le temps qu'il faudra. Et ils attendront aussi.

Ce genre de mission peut durer des années, ils m'ont dit. Alors très bien.

Le bouclé me vole de nouveau un bécot et nous quittons sa chambre, traversons le couloir jusqu'à arriver dans la cuisine. Comme si c'était ainsi depuis des années, je m'assois sur un tabouret haut du bar et Harry ouvre le frigo pour sortir de quoi manger avant le match d'aujourd'hui.

- Stressé ? Il me demande.

- J'essaie de ne pas trop y penser. J'ai trop réfléchi ces derniers temps, et plus je me mets la pression, moins j'y arrive.

- C'est comme tout.

J'hoche la tête tandis qu'il se met à couper des fruits frais, pour les mettre dans des assiettes avec des galettes d'avoine. Le petit-déjeuner cliché du sportif de haut niveau, mais quand je vois son corps, je me dis que ce n'est pas si mal.

Je l'observe faire, ne pouvant m'empêcher de penser au match qui approche maintenant que nous avons lancé le sujet. Je me mordille nerveusement la lèvre et finis par parler :

- Tu devrais peut-être me mettre sur le banc de touche.

Harry cesse tout mouvement pour planter ses yeux dans les miens. D'un coup, il aborde vraiment le rôle du capitaine face à son joueur.

- Pourquoi je ferai ça ?

- Ça serait plus sûr pour nos résultats. On ne peut franchement pas dire que j'ai été un atout pour l'équipe ces derniers temps.

- Sur quelques matchs Louis, pas sur une saison entière.

- Heureusement.

- Tu as marqué le public directement en arrivant. C'était évident que ça allait remonter. Un peu lorsqu'un artiste fait un premier album qui cartonne, le deuxième est toujours beaucoup plus dur.

J'hausse les épaules. Je suppose que ça a du sens, oui.

- J'ai juste peur que ça m'achève, je souffle. J'ai l'impression que si je fais encore une performance terrible, ça va m'achever.

- Tu vas encore me demander de rester loin de toi ? Il sourit tout en reprenant la préparation.

- Non. Ça, je veux plus le faire.

Pour montrer ma sincérité, je maintiens le contact visuel. Face au petit sourire timide qu'il esquisse, je me dis qu'il me croit. Et il fait bien.

Le bouclé termine de dresser les assiettes et m'en tends une, puis fais le tour pour venir s'installer à côté de moi.

- Je te mettrai sur le banc si vraiment tu ne le sens pas une fois là-bas, il termine. Mais je ne veux pas que tu le fasses juste parce que tu as peur de ce que les gens pourraient penser.

- Tout n'est pas à propos de ça, finalement ?

- Non. Pas du tout. Regarde - l'autre jour, après le match, les journalistes sportifs m'ont demandés ce que ça faisait d'être un mec qui payait pas pour ses crimes. Et c'est pas pour autant qu'aujourd'hui je ne vais pas participer.

À peine sa phrase terminée, il prend un morceau de kiwi et mâche tranquillement, comme si de rien était. Je sais que c'est une question de survie, de faire en sorte que de tels sujets ne l'atteignent plus tellement, mais cela me fait tout de même de la peine.

- J'avais vu, je réponds. Et tu as raison de ne pas te laisser atteindre.

- Par eux, non, jamais.

- Je suis fier de toi, je souris.

Harry semble se crisper à l'entente de mes mots, cessant tout mouvement. Je mets ma main sur sa cuisse, et en effet, je le sens tendu, même si à mon contact ses muscles semblent se calmer. Il tourne la tête vers moi, les sourcils légèrement froncés. Je sais très bien qu'il ne s'agit pas de colère - simplement de la surprise, peut-être même de l'incompréhension, comme si c'était impossible d'être fier de sa force, comme si cela n'avait pas de sens. Cela en a tant pourtant.

Je me doute qu'il l'a déjà entendu. Par Lucia de toute évidence - coach Cox aussi, et peut-être même Liam. Mais venant de quelqu'un qui partage ses journées et ses nuits, comme moi, je suppose que cela fait un effet différent.

Non, j'en suis sûr. Face à ses yeux pétillants me regardant, je le vois parfaitement.

- Je suis fier de toi, je répète. Ce n'est pas un gros mot tu sais.

- Je sais. C'est juste...

Il met quelques temps à finir sa phrase.

- Je sais.

J'aborde un grand sourire, le genre qui vient faire plisser mes yeux, créant de petites pliures aux bords de ceux-ci. Harry détaille mon visage un court instant, comme ayant besoin d'imprimer mon expression, ce qu'il vient d'entendre.

Il m'embrasse, d'un coup, d'une manière encore inédite. Je me demande s'il existe encore beaucoup d'autres façons de s'embrasser, comme ça. Je sens mon ventre papillonner alors que ses grandes mains serrent ma taille.

- Wow, je souffle contre ses lèvres. Je devrais te dire ce genre de choses plus souvent alors.

Avec une simplicité percutante, les bras d'Harry passent sous mes cuisses et me soulèvent de manière à venir m'asseoir sur le plan de travail. Ses lèvres ne quittent pas les miennes. Je finis par passer mes jambes autour de sa taille, ce qui le rapproche encore davantage de moi.

Nos corps étant collés de la sorte, cela réveille le mien. Une vague de chaleur me percute, venant contraster avec le marbre froid de l'ilot central. Je me mords la lèvre tandis qu'Harry embrasse la délimitation de ma mâchoire, puis mon cou. Tout le monde dit que les sensations de cette zone sont folles, mais je ne croyais pas si bien dire.

D'un seul coup, la passion ardente du baiser se transforme de nouveau en tendresse absolue. Les bras d'Harry sont autour de moi, et j'ai l'impression qu'il me dit les plus beaux mots du monde avec ses mouvements de lèvres.

Je lis ça comme un remerciement, de le voir comme il est, probablement de l'aimer ainsi.

- On devrait terminer le petit-déjeuner, il murmure.

- Oui, je souris.

Un dernier bécot, et nous sommes de retour à manger nos fruits, échangeant quelques rires.


× × ×


Les yeux fermés, je compte jusqu'à cinq après chaque inspiration et expiration. Je me créé ainsi une bulle résistante à tout élément extérieur. Je sens ma cage thoracique se soulever, et les battements de mon coeur pulse dans mon être entier. J'essaie de calmer la rapidité des pulsations, et coordonne ma respiration.

J'ouvre de nouveau les yeux. D'un coup, tout ce qu'il se passe autour me revient en pleine face. Je n'entends plus les bruits de mon corps, les cris des milliers de personnes installées en gradin surpassant tout. Je jette un oeil : je vois des bannières aux couleurs de notre équipe. Comme nous jouons à domicile, nous sommes les favoris, c'est souvent ainsi que ça marche.

Par ci par là, j'entends des gens crier le nom de leurs joueurs favoris. Je pourrais jurer entendre mon nom quelques fois, et un mélange d'honneur et de stress nait.

Stupidement, je cherche Niall et Judith dans le public, les seuls étant autorisés à venir m'encourager publiquement. Je ne les trouve évidemment pas, mais me dire qu'ils sont sûrement là, quelque part, m'aide un peu.

Sur le terrain, les Indians passent à l'entrainement. Je vois les joueurs habillés de rouge s'échauffer, arborant une coordination d'équipe impressionnante.

De nouveau, je ferme les yeux afin de me créer un espace à moi, rien qu'à moi. La pression redescend, tranquillement. Je repense à de bons souvenirs, à des choses purement banales. L'odeur de ma maison à Boulder, le rire de ma mère, les yeux d'Harry. Mon rythme cardiaque s'adapte à la douceur de ces moments.

- Ça va ?

La voix de Liam atteint mes oreilles. J'ouvre alors les yeux, mais ne me tourne pas vers lui. Nous restons côte à côte, à observer les adversaires prendre leurs marques sur notre pelouse.

- Ils sont forts ? J'évite sa question avec une autre.

- Pas plus que les Yankees.

- Tant mieux, parce qu'ils m'ont littéralement marchés dessus.

Cela fait pouffer le brun et je ne peux pas lui en vouloir.

- En te concentrant, tu vas pouvoir y arriver, il répond. C'est clairement de ton niveau.

- J'ai du mal à me vider l'esprit sur le terrain. Je pense que c'est ça qui me joue des tours.

- Tu n'as pas besoin de te vider la tête pour être à fond. Au contraire. Certains sont encore meilleurs avec la tête pleine. Peut-être que tu as besoin de trouver ce qui va te motiver.

J'acquiesce. Devant moi le capitaine des Indians de Cleveland ne rate pas un seul lancer, et je déglutis.

Je sens une présence à ma gauche, et reconnais à son odeur qui c'est avant même qu'il ne parle.

- Ça va être à nous, dit Harry. Louis, est-ce que je te mets sur le banc ou pas ?

Je soupire longuement et finis par lever les yeux vers le bouclé. Il est sérieux, totalement prêt à se battre sur le terrain.

- Qu'est-ce que tu en penses, toi ?

Son avis a peut-être plus d'importance que le mien après tout.

- Je pense que tu es largement capable de le faire. Tu as juste besoin de trouver quelque chose auquel t'accrocher. Certains joueurs ont besoin de ça.

- Liam n'est pas ton meilleur ami pour rien, je m'amuse. Il vient de me vendre la même chose.

Les deux jeunes se tapent dans la main avant de se souhaiter bonne chance. Liam part plus loin et je souffle en regardant l'entraînement des autres joueurs toucher à sa fin.

Pour répondre à Harry, j'hoche lentement la tête, puis plus vivement, essayant de me motiver par tous les moyens.

- Ok, je souffle. J'essaie une dernière fois.

- Ça va aller.

Harry s'approche et embrasse ma tempe, tellement brièvement que j'ai l'impression de l'avoir rêvé. Après ce geste rapide, il retourne près du coach, probablement pour signer la feuille de match.

Je ne peux m'empêcher de regarder autour de moi, dans les gradins, au niveau des autres joueurs ou des supporters, si quelqu'un a vu ce geste - mais personne ne semble me regarder.

Et c'est réel. Plus il y a de foule, plus il est facile d'agir sans se faire repérer, même en plein jour.

À notre tour de nous entrainer. Xander passe en premier, et fait de bonnes performances, comme d'habitude. Je peux lui enlever beaucoup de choses, mais pas le fait qu'il est un très bon joueur, bien meilleur que moi.

Harry et Liam passent toujours en même temps - inséparables jusqu'au bout. Ils manient leurs actions différemment, avec une souplesse qui n'a rien à voir. Liam est plus brute, dur, sans jamais rater. Harry, lui, tourne son corps comme si c'était naturel. Il pourrait esquiver une balle, j'en suis sûr.

Je passe et fais de bonnes performances à mon tour. J'essaie au maximum de ne pas me mettre la pression dès maintenant, car cela ne compte pas réellement. Je préfère être mauvais maintenant, et bon lors du match. Le temps semble s'écouler bien - trop - rapidement, car la seconde suivante, tout est prêt et je sens que mon coeur pourrait sortir de ma poitrine.

Nous nous installons tous sur le terrain. Pour la première manche, nous sommes en attaque. Les Indians se placent sur le reste de la pelouse, et je suis placé comme premier batteur. Sur la case blanche, je souffle un bon coup.

Je tourne la tête vers Harry, qui se tient près du coach, à côté du banc de notre équipe. Il a les bras croisés et ne regarde que moi. Il m'adresse un petit signe de tête, geste professionnel que je devine pourtant tellement tendre.

Je me reconcentre sur le joueur en face de moi, qui fait jongler la balle dans sa main. Il m'adresse un signe de bonne chance, que je lui rends. Jouer l'un contre l'autre ne veut pas dire se détester, du tout.

- Au jeu !

Le cri de l'arbitre retentit et un silence de plomb s'abat sur le stade entier. Je plie les genoux et amène la batte à la distance suffisante.

L'homme se baisse aussi, envoie son bras en arrière pour prendre de l'élan, et d'un seul coup, lâche la balle que je vois arriver à toute vitesse.

Je souffle un bon coup, et l'espace d'un instant, j'ai l'impression que le temps ralentit. Je vois la trajectoire de l'objet au millimètre près, et serre davantage ma batte entre mes paumes. Le moment venu, je commence le mouvement pour venir taper la balle ;

Que je rate.

- Putain, je souffle.

Je me redresse et secoue la tête. Le public exprime sa déception, tandis que les supporters des Indians en profitent pour crier pour leur équipe. Je ne peux que comprendre.

Je baisse les yeux vers mes chaussures de terrain et fais craquer ma nuque. Le moment venu, je me remets en position, genoux pliés, batte en l'air, yeux rivés sur la balle à venir.

Mon adversaire s'assure que je suis prêt, et recommence son mouvement. Il effectue un envoi rapide. Alors que je vois la balle arriver vers moi à toute vitesse, je ferme les yeux.

Le temps s'arrête à nouveau. Les grains de sable viennent se coincer dans le sablier, et je me permets de me concentrer sur de bons souvenirs que j'ai. Les moments passés au parc avec ma mère en tant qu'enfant, les délires avec Zayn, la répartie de Judith, le fait que j'ai eu mon diplôme. Je ne vois que les bonnes parties de ma vie, peu importe qu'elles appartiennent à mon passé. Je ne vois que le positif.

J'ouvre les yeux et tape de toutes mes forces avec la batte. Je touche le projectile, qui s'envole. Une touche de fierté m'habite enfin ; jusqu'à ce qu'un joueur la rattrape en plein vol, faisant ainsi un « Out », qui ne compte donc pas comme point.

- Plus qu'un lancer, indique l'arbitre.

- On enchaine, je dis directement. Qu'on en finisse.

À peine mes mots finis, je me remets en position. Je ne regarde pas les tribunes, ni même mon équipe. Je veux juste terminer avec ce passage, et probablement rejoindre le banc.

J'attends que tout soit remis en place pour le dernier lancer, et le processus se répète. Positions, bras en arrière, balle projetée dans les airs.

Mes yeux ne la quittent pas, puis, je les ferme. Une dernière fois ; une dernière tentative.

Je visualise Harry. Je visualise ses yeux verts magnifiques, son sourire perçant, ses tatouages que j'effleurais encore ce matin. Je ressens ses baisers sur le bout de mes lèvres, sa peau chaude contre la mienne. Je pourrais presque sentir sa main sur ma hanche, son souffle sur ma nuque, sa voix me murmurant que j'en suis capable, que putain, oui, je peux le faire.

Il n'y a aucun bruit autour de moi. Je me sens seul, au milieu de cette immense structure. J'ai l'impression de m'envoler de cette pelouse - de n'être qu'une cellule dans l'air, au milieu du vide, mes battements de coeur rythmés par les images d'un joli garçon aux boucles rebelles.

Sans rouvrir les yeux, comme instinctivement, mes bras se mettent à bouger, réunissant la force que me donnent ses images ; que me donne Harry.

Et alors que je fais le mouvement, je sens que ma batte entre en contact avec quelque chose - la balle, de toute évidence. Je l'envoie valser et souffle, longuement.

Je reste ainsi quelques instants. Lorsque j'ouvre de nouveau les yeux, je regarde autour de moi. Les gens sautent partout, et je suis la trajectoire de la balle déjà bien loin - qui dépasse les gradins sans problème.

J'entends l'arbitre crier, sans comprendre ce qu'il dit. Le bruit semble étouffé, comme si j'étais dans l'eau. Je fronce les sourcils.

- Quoi ? Je parle doucement.

- Tu as fait un hors-limite, sourit le joueur des Indians qui vient me serrer la main.

- J'ai - quoi ?

- Un hors-limite. Bravo. Je sais pas comment tu as fait avec les yeux fermés, c'était très impressionnant à voir.

Je lui rends son sourire, fier, et ravi qu'il y ait une telle cohésion entre joueurs. La seconde suivante, les bras de Liam me soulève dans les airs en criant que je l'ai fait, qu'il en était sûr, que je suis le meilleur. Je lui rends son étreinte tandis que d'autres joueurs de l'équipe me serrent, heureux.

Tout le bruit du stade m'atteint de nouveau - le public qui crie mon nom, les banderoles qui sont brandies en l'air, fièrement.

Je l'ai fait.

Je regarde Harry, qui me regarde également de loin, un grand sourire fier aux lèvres.

Ma motivation.

Ma réponse, à tout.


× × ×


Cette fois, avec le bon match que je viens de produire, je ne peux pas échapper aux encouragements de la foule et à la conférence de presse qui suit. C'est beaucoup moins impressionnant que cela ne parait - je ne fais que parler de ma passion, à des gens qui vont écrire mes mots et les publier à grande échelle. C'est quand même incroyable, de se dire que je vis de mon rêve, peu importe le contexte.

Les questions m'étant adressées sont assez basiques, et le moment passe vite, le stress aidant probablement. Harry n'est pas à mes côtés, évitant la presse pour l'instant pour des raisons évidentes, mais je sais qu'il m'accompagne par la pensée, un peu comme sur le terrain plus tôt. Et stupidement, cela m'aide vraiment.

Par la suite, le bouclé doit faire son débrief habituel avec le coach, et je l'attends. Nous n'en avons pas vraiment discutés, mais je considère un peu ça comme une sorte d'habitude, maintenant. Depuis le retour sous la pluie et le moment tragique qui a suivi, j'aime l'attendre pour redorer ce souvenir. Je n'ai pas envie qu'à chaque fois que je l'attende après un match, on se dispute ou je ne sais quoi.

Et encore moins aujourd'hui. Après un bon match. Enfin, une bonne performance.

Le sourire que j'ai aux lèvres ne me quitte pas. J'ai l'impression d'entendre encore et encore les supporters crier mon nom, me féliciter - mes équipiers aussi, même les adversaires. Tout le monde a semblé si fier de moi, mais avant tout je le suis de moi-même. Et c'est encore une autre victoire pour aujourd'hui.

- Hey, souffle Harry en sortant du bureau du coach. Tu n'as pas attendu trop longtemps ?

- Non, c'était rapide J'ai été faire un tour sur Twitter... pour booster mon égo.

- Alors ? Sourit-il.

- Les gens ont l'air de vraiment m'apprécier.

- Évidemment qu'ils le font.

Nous nous mettons automatiquement à avancer dans le couloir vide du stade, en direction de nos vestiaires - déserts. Les joueurs sont tous partis, et les spectateurs ont quasiment tous évacués les tribunes. Cet exercice prend toujours davantage de temps, vu le monde qu'il y a.

Je m'assois sur le banc en bois pendant qu'Harry réunit ses affaires dans son casier.

- J'ai pensé à toi, aujourd'hui, je confie.

- Hm ?

- Sur le terrain. Tu m'as dit que j'avais besoin de quelque chose pour me motiver - j'ai pensé à toi.

Je remarque qu'un petit sourire se dessine sur ses lèvres, qu'il n'essaie même pas de chasser. Cela donne un côté si tendre à son visage, qui se lie parfaitement avec ses cheveux encore mouillés de la douche qu'il a prise après le match. Il a un look détendu, et j'adore ça.

- Tant mieux si je peux t'aider, il rétorque.

- En tant que capitaine, et en tant que petit-ami, tu assures, je souris. Sur le terrain, au lit. C'est super.

- Il n'y a qu'une seule discipline que je ferai devant des gens par contre, Harry rigole.

- Oh, ouais, je grimace. L'angoisse.

- Bien que - il ferme son casier et met son sac sur son dos - faire l'amour au milieu du stade vide, c'est tentant.

Un frisson parcourt mon corps entier en entendant ses mots. Je me lève tandis qu'Harry s'approche.

- C'est vrai que... c'est excitant, je me mords la lèvre.

- C'est lier deux passions, finalement, sourit mon petit-ami.

- Passion carrément ? Je roule des yeux, amusé. Pervers.

Nos sourires s'écrasent l'un contre l'autre lorsqu'Harry vient m'embrasser, ses mains prenant appui sur mes hanches. J'ai remarqué qu'il fait beaucoup cela, et c'est le genre de détail que je savoure complètement.

C'est un baiser bref, tendre, mais j'en ai bien besoin. Même si les émotions d'aujourd'hui étaient toutes positives, il y en a tout de même eu beaucoup à la fois, et je crois comprendre qu'un simple baiser d'Harry m'aide à décompresser.

En me reculant, je me mords la lèvre.

     - Tu m'as fait un bisou toute à l'heure, je dis.

     - Oui, peut-être. Pourquoi ?

     - J'étais étonné. Devant tout le monde - devant le stade.

     - Plus il y a de monde, plus nous passons inaperçus, m'explique Harry.

Je réfléchis un instant et finis par acquiescer.

     - Ça te dérange ? Rajoute le brun.

     - Je sais pas... je sais pas. Peut-être que c'est risqué, qu'on devrait pas tenter. Je sais pas si je suis encore très à l'aise à l'idée que - ouais, je termine en haussant les épaules, peu à l'aise.

     - Ok, t'as raison. À ton rythme, en restant prudents.

Je m'étonne presque face à la manière qu'a Harry à s'adapter aux situations entre nous. Cela me fait sourire alors qu'il me vole un dernier bécot.

- On garde quand même l'idée du stade pour plus tard, sourit-il en se reculant. Je te ramène chez toi ?

- Ouais, je souris.

Le bouclé ouvre la porte blindée qui nous fait sortir du stade, et la referme à clés derrière nous. Sa voiture est toujours garée à l'arrière, une zone protégée de la presse ou des fans. L'air me frappe le visage alors que je me dirige automatiquement vers sa voiture.

Harry me suit au pas et je tourne la tête lorsque je suis attiré par du mouvement. Je fronce les sourcils en voyant Judith arriver vers moi à toute vitesse, Niall trainant derrière. Je n'ai le temps de comprendre qu'elle me pousse violemment les épaules, son visage tiré par ce qui semble être de la colère.

- Qu'est-ce que - qu'est-ce qu'il te prend ? Je demande, confus.

- Wow, qu'est-ce qu'il se passe ? Intervient Harry, prudent.

Mon regard se tourne vers Niall, qui passe son bras devant Judith comme pour lui dire que ça suffit. Je regarde le blond, puis la jeune femme, perdu.

- Tu comptais me le dire ? Elle peste.

- Te dire quoi ? Je rétorque.

- Me dire quoi, Louis ? Me dire que tu te tapes Harry !

Je n'ai pas besoin de regarder ce dernier pour deviner la surprise sur son visage. Il est absolument épuisé par la performance d'aujourd'hui et la paperasse qui en a suivie, mais il trouve quand même l'énergie de faire un pas en avant et de s'annoncer diplomate envers mon amie.

- Judith, tente t-il.

- Non, dit-elle au quart de tour en le regardant. Cela ne te concerne pas.

- Si tu veux mon avis, ça me concerne un peu si c'est à propos de notre vie privée.

- Harry, non, je souffle doucement. Ce n'est pas... non. Ne t'inquiète pas.

Le bouclé me regarde, les sourcils froncés par l'incompréhension que je l'évince ainsi. J'essaie de lui faire comprendre dans mes prunelles que j'ai besoin qu'il soit à mes côtés, mais que je me dois de répondre à la colère de Judith. Juste, moi. Et je pense que Niall comprend aussi, car il n'intervient pas réellement, veillant juste de loin à ce que la jeune ne me saute pas à la gorge.

Je souffle et détourne le regard de celui d'Harry pour regarder Judith. Je n'ai jamais vu ses yeux si noirs. Si blessés.

- J'allais te le dire, je me défends calmement. J'allais te le dire, je te jure. C'est juste, si nouveau pour moi.

- Tu n'as aucune excuse. Tu n'en as aucune - il y a sept milliards de personnes et tu le choisis lui ?

- Judith, je souffle.

- Non, tu n'as pas le droit de jouer à la victime. Tu n'as pas le droit. Je suis là, devant tes yeux, tout le temps. Et tu n'as même pas le courage de me dire que tu es... tu es quoi, d'ailleurs ? Gay ?

À l'entente de ce mot, je palis. Il n'y a rien de négatif et je le sais bien, mais s'en rendre compte, l'assimiler, le penser et même pire, le dire à haute voix sont des étapes bien dures à franchir. Ma relation avec Harry est naturelle, même si complexe, mais c'est encore si récent. Si, délicat.

Je baisse brièvement les yeux vers mes chaussures mal lacées. Mes mains s'enfoncent nerveusement dans mes poches, comme si cela me protégeait de cette situation que j'ai pourtant totalement mérité.

- Je suis juste, avec lui, je réponds.

- Et pourquoi tu ne me l'as pas dit ? Pourquoi tu ne me l'as pas dit plus tôt - ou juste pas du tout ? Elle rétorque, la voix désormais basse et déraillée.

- Vu ta réaction, je crois que je comprends pourquoi, intervient le bouclé.

Je lui lance un regard noir mais ne peut pas lui reprocher de penser ainsi. Il me protège un peu et je reconnais que j'apprécie malgré tout.

- C'est récent, j'explique à la femme. C'est très récent et... j'allais le dire.

- Pourquoi Niall sait et pas moi ?

- Parce que je les ai vus, le blond parle enfin. Louis ne m'a rien annoncé. Il n'était pas prêt.

Comme on en a discuté tous les deux, je ne pense pas que j'aurais un jour été prêt à annoncer une telle bombe. Et face à la réaction de mon amie, je comprends de quoi j'avais peur. C'est donc si dur, tout le temps, de simplement dire qu'on aime les mecs, et un mec en particulier ? Avec la situation, il n'est pas le meilleur choix, mais cela vaut vraiment une telle scène dramatique ?

Je me mords la lèvre. Probablement, oui. Judith est blessée, et je le comprends. Sa position est aussi délicate que la mienne.

- Tu sais ce qu'il a fait, reprend Judith. Tu sais, et pourtant, tu fais ça.

- Il n'a rien fait, je défends.

- Et comment tu peux savoir ça ? Comment tu peux dire ça, alors que tu es dans son lit ?

- Sérieusement ? Reprend Harry, cette fois en colère. Tu t'appuies réellement sur ce que la presse me reproche parce que ton ex sort avec moi ?

- Peut-être que je le fais oui, peste t-elle.

- Ça suffit Judith, parle Niall.

Je secoue la tête et me passe ma main sur le visage, totalement dépassé. Elle est à deux doigts de lâcher des éléments primordiaux et heureusement que Niall est là pour canaliser.

- Je sais que tu es en colère Judith, je tente, mais -

- Tu sais quoi, dit-elle. Je n'en ai rien à foutre de ce que tu penses, Louis. Si on doit être égoïste dans cette histoire, je vais m'y mettre aussi. Agir dans mon propre intérêt.

À mesure qu'elle parle, elle se rapproche de moi. Sa colère est encore plus dure à supporter, de près.

- Tu as tout gâché. Tu es en train de tout gâcher.

- Ça suffit.

Le blond parle durement et cette fois, vient croiser ses bras sur la cage thoracique de la jeune femme pour la soulever. Elle est dans une colère noire, totalement dépassée par ses sentiments, et cela ne nous mènera nul part. Je la vois se débattre dans les bras du blond à mesure qu'il avance, s'éloignant de nous. Je l'entends même éclater en sanglots, à la fin, et mon coeur se serre.

Niall ouvre la voiture et pose Judith à l'intérieur, puis quitte le parking rapidement. Je reste béant quelques instants, je n'ose pas bouger, à peine réfléchir. La main d'Harry sur mon épaule me sort de ma rêverie.

- Je suis désolé, je parle automatiquement.

- Désolé de quoi ?

- Que tu aies dû assister à ça.

- C'est ton ex Louis. Elle a appris par ton cousin que tu es avec un homme, et certainement pas celui qu'elle aime le plus. Elle est en colère, elle se sent triste, trahie, et c'est normal.

Je sais qu'il a raison, et c'est peut-être ça le plus douloureux. Je me tourne vers le bouclé et trouve refuge dans ses yeux verts.

- Mais est-ce que c'est mal ? Je demande, doucement.

- De quoi ?

- Ça. Nous. Est-ce que sous prétexte que... tout ce qu'elle me reproche - est-ce que c'est mal pour autant ? De tenir autant à toi ?

D'en être amoureux.

Un petit sourire tendre lève le coin de ses lèvres et il secoue la tête en venant mettre ses bras dans mon dos, m'entrainant dans une étreinte. Je ne la savoure pas à cent pour cent, mais elle fait du bien tout de même.

- Il n'y a rien de mal à ce qu'on fait. On le fait peut-être mal, et c'est peut-être un peu fou oui, de se faire confiance... mais il n'y a rien de mal. Personne n'a le droit de te dire que c'est mal, d'être avec un garçon.

Et je pense qu'Harry essaie de se rassurer également en sortant ses mots. Mais dans notre manque d'équilibre commun, nous essayons d'en trouver un mutuel.

- Je ne l'ai... je reprends. je ne l'ai encore annoncé à personne. Niall nous a vu, mais je n'ai pas - fait de coming-out. Je ne sais pas ce que je suis, je confie, rêveur. Gay, bi, curieux...

- On s'en fout de ça. On s'en fout, Louis. Tu es qui tu veux, qui tu choisis d'être. On n'a pas tous cette chance, mais essaie de te la donner. Parce qu'on s'en fout de l'étiquette sur ton front, si t'aimes embrasser les mecs, c'est ok. On s'en fout.

Peut-être que dans la finalité, on a le droit de s'en foutre un peu oui. Ou peut-être que j'ai juste besoin d'un peu plus de temps pour réfléchir à tout ça, que c'est ok. J'hoche la tête mollement et serre enfin Harry en retour. Son odeur envahit mes narines et je me sens bien.

- Tu veux dormir chez moi ? Prendre un bain, regarder un film, dormir. Il propose doucement.

- Non. Je vais rentrer. Je vais... ouais. Peut-être qu'elle acceptera de parler plus calmement.

Je me recule et Harry acquiesce.

- Je te laisse rentrer à pied alors ?

Cela semble un automatisme pour lui. Quand nous n'allons réellement pas bien, quand notre vulnérabilité est affichée, nous nous isolons. Et il y a un très court temps de cela, après un moment si dur, je l'aurais clairement repoussé.

Mais les plus grands changements s'opèrent parfois en une fraction de seconde. Et je n'ai plus envie de repousser Harry. Judith a raison, c'est de la folie, c'est peut-être gâcher certaines choses. Mais je veux lui faire comprendre, réaliser, que je ne reculerai pas.

Je secoue la tête pour montrer la négation à mon petit-ami.

- Non. Tu peux me ramener, me déposer au parc pas loin.

La surprise est lisible sur son visage, mais j'y distingue du positif. Il s'approche pour m'embrasser, avec une tendresse insoupçonnée chez sa personne.

Cela n'efface pas tous mes problèmes, mais cela les rend un peu plus supportables pour l'instant.







*

PARTIE 2 : Libération

NIALL

Je n'ai pas pu la retenir de courir ici après le match. Je n'ai pas pu la retenir de venir s'énerver contre Louis, de venir exposer ses sentiments meurtris. J'assiste à la scène avec un peu de recul, examinant le mal-être sur les visages de Louis et Harry.

La blonde ne lâche rien sur l'enquête. Mais je sens que cela commence à lui échapper, qu'elle se fait du mal en lui reprochant quelque chose pour lequel il n'y peut rien. Qu'elle lui fait du mal, en étant si dure pour quelque chose qu'il n'a pas contrôlé.

Je me décide à presser mon torse contre son dos, et lit mes mains sur son ventre afin de la soulever et quitter l'allée. Elle ne me suivrait jamais, sans cela. Elle se débat entre mes bras, me supplie de la laisser y retourner, qu'elle est si en colère.

Puis, elle cesse de bouger et se met à pleurer dans mes bras. Mon coeur se serre, sa détresse étant contagieuse. Je l'installe côté passager de la voiture et prend directement le volant. Sans attendre, je mets le contact et m'enfonce dans la ville plongée dans la nuit.

- Tu n'avais aucun le droit de me prendre comme ça, elle dit, les larmes sur ses joues mais la colère dominant toujours.

- Cela t'échappait totalement Judith. Tu aurais pu parler de la mission devant Harry.

- Je n'en ai rien à foutre, de lui !

- Exactement, je rétorque dur. C'est pour ça que je devais t'emmener loin.

Je roule bien trop vite dans les rues, mon rythme cardiaque étant lui-même accéléré. En quelques minutes nous sommes hors de Denver, sur les routes montagneuses sombres.

- Il ne peut pas faire ça. Il ne peut pas rester avec lui comme ça - il ne peut pas.

- Et qu'est-ce que tu veux y faire ? Je demande.

- Les séparer, je n'en sais rien.

- Judith, tu parles en tant que femme blessée. On ne peut pas lui refuser le bonheur.

- Avec le mec suspect d'avoir tué son meilleur ami !

Elle articule drôlement bien, pour une femme en larmes qui hausse la voix. Mais je vois malgré tout que les émotions lui échappent totalement. Elle qui, d'habitude, sait si bien les gérer, ou du moins les cacher, aujourd'hui elle échoue complètement. Et cela l'énerve probablement encore plus.

La voir ainsi est étrange, je reconnais. C'est une femme extrêmement forte pour son âge, et savoir que quelque chose peut l'atteindre au point de briser ses murs si hauts, fait un pic au coeur.

- Il a été innocenté, je garde mon calme. Et tu le sais. Tu as soutenu Louis quand il a dit la première fois qu'il pensait Harry innocent.

- Peut-être que je remets en cause ce qu'il a dit maintenant...

- Non, Judith. Tu as mal au coeur, alors tu cherches tous les prétextes. Mais il a un alibi - pour le meurtre, du moins. Tu peux ne pas l'apprécier, il n'est pas ma personne préférée non plus

Mes mots ont du sens, mais cela semble lui faire du mal tout de même. Difficile de ne pas s'en vouloir face à son mascara qui coule sous ses yeux. Mais je crois en mes mots. La vérité blesse parfois plus que les mensonges, et Judith fait les frais d'une vérité qui explose. Louis probablement aussi. Cette situation n'est simple pour personnes, à différentes échelles.

La blonde à ma droite lâche un long soupir.

- Mais pourquoi ?

Sa tête est désormais tournée vers moi. Je suis concentré sur la route mais me permet quelques regards d'une milliseconde.

- Pourquoi ? Répète t-elle. Pourquoi lui, et pas... moi ?

Elle sonne désespérée et je ne peux que comprendre. Nous passons tous par là, un jour. En arrivant dans cette mission, me retrouvant face à Andrea refaisant sa vie, je me suis brièvement posé la question.

J'attends une ligne droite pour établir un contact visuel un peu plus long. Ses yeux clairs ressortent un peu plus, avec son maquillage noir.

- Parce qu'on ne choisit pas qui on aime.

J'examine un peu plus son visage, les toutes petites tâches de rousseur qu'elle a près du nez, que je n'avais jamais remarquées. Le temps de notre regard, ses sanglots s'arrêtent. Ou peut-être le temps, je ne sais pas bien.

Je tourne de nouveau la tête pour me concentre sur la route peu éclairée. Dans ma vision périphérique, je constate que Judith fait de même, concentre son regard à travers la fenêtre. Un léger silence s'ensuit, où elle est beaucoup plus calme, mais je sais que ce n'est qu'à l'extérieur.

- On devrait pouvoir, elle dit. Choisir qui on aime.

- Quand on est malheureux, on dit tous ça. Et quand on est heureux avec quelqu'un, on se dit que la vie fait bien les choses.

- Ma mère a été assassinée dans une ruelle, mon père a toujours été absent, mon premier petit-ami est un abruti et le mec dont je suis tombée amoureuse s'en fout de moi et se tape un mec. La vie ne fait pas bien les choses.

Je me pince les lèvres et la laisse défouler ses nerfs sur moi. Dans ma profession, j'ai plutôt l'habitude.

- On dit tous ça, je reprends. À un moment de notre vie.

- Je n'ai pas besoin de ton discours classique où tu me dis de ne pas perdre espoir. Je n'ai pas envie de me dire que je vais trouver ma personne ou je ne sais quelle connerie. Ça viendra peut-être, peut-être pas. J'en ai juste marre de m'afficher comme cette femme forte alors que ma vie est un désastre.

À peine ses mots lâchés, Judith soupire et baisse les yeux vers ses mains qui tremblent à cause des nerfs.

     - Je ne sais même pas si je suis en colère qu'il m'ait caché quelque chose de si personnel - je suis en colère de l'apprendre comme ça, de savoir que je lui confierais ma vie et lui même pas un secret qui lui est important - il aurait pu, dû, me le dire, le jour où il m'a repoussée, je méritais de savoir, je mérite. Ma mère est motte - ma mère est morte à cause de cette histoire de traffic et il est là à embrasser un joli garçon pendant qu'on souffre en attendant des réponses, et je souffre, et je suis tellement en colère et je ne comprends rien -

Puis, elle soupire pour marquer la fin de son monologue.

- Et je ne sais même pas pourquoi je te raconte tout ça, souffle t-elle.

- Tu extériorises.

- Je n'extériorise pas avec les gens.

- Il y a un début à tout.

- Un début signifie qu'il y a une fin. Ça ne m'intéresse pas.

Mes sourcils se froncent alors que je tourne la tête vers la jeune femme. Et aussi stupide cela soit-il, cela me frappe. C'est comme un éléphant dans un couloir, ou un point en plein milieu de la figure et pourtant nous n'y prêtons pas attention, jusqu'à le remarquer et sentir bêtes.

Judith a l'apparence parfaite, la personnalité piquante mais assez culottée pour s'ouvrir des portes. Mais derrière cette façade du parfait cliché, se cache une jeune femme pleine de souffrance qu'elle a du mal à surmonter. Elle garde tout pour elle, car elle est ainsi plus forte, ou du moins croit l'être.

Et je sais qu'à cet instant, elle déteste s'ouvrir de la sorte sans le contrôler. Elle déteste le montrer à quelqu'un, à moi. Et je ne suis pas non plus le plus à l'aise.

Ma main droite quitte le levier de vitesse pour appuyer sur le bouton qui ouvre le toit ouvrant de la voiture. L'air vient immédiatement décoiffer la blonde.

- Qu'est-ce que tu fais ? Demande t-elle.

- Monte.

- Quoi ?

- Détache toi, et monte. Passe le haut de ton corps.

Judith n'a pas de réaction alors je tourne la tête vers elle. Elle me regarde l'air « tu te fous de ma gueule, là? ».

- Fais-moi confiance, je tente.

C'est peut-être lui en demander beaucoup. Lui accorder ma confiance, lui demander de donner la sienne, n'est pas anodin. Judith met un temps avant de réagir, mais j'insiste encore un peu plus avec mon regard.

- Je commence sérieusement à croire que vous avez eu vos badges dans des Kinder Surprise, soupire t-elle en se détachant.

Prudemment, elle se lève et passe sa tête et son torse. Je ralentis afin que le vent ne l'assomme pas. A peine installée, elle sent le vent atterrir sur son visage, faisant voler sa queue de cheval brouillon.

- Et maintenant ? Crie t-elle afin que je l'entende.

- Lève les bras.

Après une hésitation certaine, elle s'exécute. Je fais attention à bien regarder la route, et ne jette des regards à la femme que lorsque je suis sûr que c'est prudent. Je la vois d'abord prudente, très peu convaincue, ses bras mous. Je prends un visage et Judith tremble un peu sur ses jambes.

- Attention, dit-elle.

- C'est bon, je réponds en passant ma main sur son mollet. Je te tiens.

Ma prise se serre un peu sur sa fine jambe, pour la rassurer. Je sais que c'est compliqué pour elle d'accepter de compter sur quelqu'un d'autre, à tous niveaux, mais finalement, elle semble réussir. Elle tend bien ses bras, et laisse le vent la transporter. Elle regarde autour d'elle, les arbres ou plutôt leurs ombres à cause de l'obscurité, défiler à toute vitesse. Les montagnes lointaines, le paysage calme et naturel.

- Tu peux crier, je parle. Crie ce que tu veux. Au monde. Ta colère. Tu as le droit de crier.

- C'est ridicule, souffle t-elle.

- Non. Crie dans le vent, ça va résonner, mais personne ne s'en rappellera.

- Tu t'en rappelleras.

- Mais je ne dirais rien, je n'ai aucun intérêt à parler de ce que tu ressens. Donc on dirait bien que tu vas devoir me faire confiance, ne serait-ce qu'une petite minute.

Je me permets de lever les yeux vers les siens, qui me regardent, d'en haut. Quelque chose de différent y est véhiculé cette fois, une faiblesse que je crois n'avoir jamais vu chez elle.

- Andrea t'a fait confiance, elle aussi ? Elle demande.

Un sourire nerveux tire mes lèvres.

- Ne te compare peut-être pas à elle, je rétorque.

Le silence qui suit me fait penser que Judith va se rassoir, et choisir de ne pas m'écouter. De toute évidence, elle n'a rien à y gagner, à s'ouvrir de la sorte.

Mais au lieu de cela, je l'entends prendre une profonde inspiration, ouvrir un peu plus les bras, et crier de toutes ses forces sa colère, sa tristesse, ses espoirs vains et les choses dont elle rêve. Au début, elle semble peu sûre, puis se laisse rapidement rattraper par la bonté du moment.

Sa voix résonne, portée par les milliers d'arbres qui ornent la route, ses cries font écho entre les montagnes et je pense que l'espace d'un instant, elle se sent moins seule, plus légitime avec cette accumulation étouffante. Judith n'est pas malveillante, Judith n'est pas égoïste ; elle est juste trop écorchée, et aujourd'hui, laisse du baume s'appliquer sur ses blessures.

Inconsciemment, je souris en assistant à ce spectacle de délivrance, et elle continue à se laisser aller, jusqu'à vider ses lourds bagages émotionnels.

Et pendant ce temps, je continue à rouler, et surtout ; ne la lâche pas.


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Comment allez-vous ?
Moment tendre entre Harry et Louis (oui, c'est important d'en avoir aussi !)
Judith désemparée face à la nouvelle.
Et Niall l'aide un peu à gérer ces dures émotions.

Comprenez-vous la réaction de Judith ?
À sa place, comment auriez-vous réagi ?

Bonne soirée ❤️

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