CHAPITRE 24

///
Réagissez avec #BornTDieFic
///

PARTIE 1 : Une liste décisive

LOUIS

C'est difficile de l'admettre et à la fois impossible à nier : ma nuit n'avait rien de comparable avec les paisibles que je peux passer chez Harry. Je peux mettre ça sur le dos de son lit hors de prix et son matelas divin, ou simplement être réaliste et accepter que je me sens malgré tout mieux en sa présence, que j'apprécie sentir son odeur en m'endormant ainsi qu'en me réveillant.

J'aime aussi quand il trace des petites formes sur ma peau ; mon corps réagit très bizarrement à cela, et parfois je me prends à avoir des pensées intimes à son égard.

Parce qu'on y sera peut-être confrontés à un moment donné ;

Et parce que j'en ai plutôt envie, surtout.

À cette pensée, alors que je me dis que j'échoue lamentablement avec mon « j'ai besoin d'air et de penser à autre chose », un long soupir quitte mes lèvres et Judith me donne un coup d'épaule.

- Aïe, je dramatise en me frottant l'épaule.

Mon amie roule des yeux, amusée.

- Tu as été silencieux pendant tout le trajet du bus, ajoute t-elle alors que le véhicule s'arrête enfin devant l'établissement scolaire.

- Ouais, mais ça va mieux, je t'assure.

- Il y a intérêt. On a tout mis en oeuvre pour te faire passer une bonne soirée hier. Je me suis même abonnée au mois gratuit Netflix pour ça.

- Wow, plus belle chose qu'on ait fait pour moi, je m'amuse.

- Je sais, rétorque Judith fièrement, avec un sourire. Tu me devras sûrement 7 euros du coup quand je serai prélevée de la mensualité parce que j'aurais oublié de résilier.

- Et le charme est rompu, je rigole.

Nous descendons du bus pour nous retrouver devant le lycée, le soleil tapant déjà bien fort pour une heure matinale comme cela. Je regrette instantanément d'avoir mis un t-shirt noir, je sens déjà ma peau chauffer et mes yeux clairs font que je suis obligé de les plisser à fond pour y voir quelque chose.

J'observe brièvement autour de moi, tous ces groupes formés, qui fument leur cigarette, écoutent de la musique sur l'herbe ou encore prennent des photos pour leurs réseaux sociaux. Le soleil a l'air de mettre tout le monde de bonne humeur, de leur faire oublier le stress des résultats d'examen et du changement de vie qui sera effectif d'ici deux mois.

Tout le monde en fait toute une histoire, de la fac. Certains y voient comme une renaissance totale, et peut-être que je devrais commencer à raisonner aussi également. M'offrir cette opportunité, si d'ici deux mois tout est fini. Repartir de zéro. Si un jour ce sera possible.

Judith et moi commençons à avancer dans la grande allée en brique, zigzaguant entre les groupes de lycéens. Quelques regards se tournent vers nous, mais je n'y prête pas attention.

La blonde à mes côtés aborde un sourire radieux, comme si c'était sa journée. Je reconnais que c'est motivant et agréable à voir. Elle se penche vers moi pour me pousser l'épaule avec la sienne.

- Allez, dit-elle. Souris un peu.

- Je n'ai pas vraiment de raison de sourire, là. Je ne comprends pas comment tu peux être si optimiste.

- Et moi je ne comprends pas comment tu peux être si lunatique sans avoir ta photo à côté du mot dans le dictionnaire. Un jour tu souris à la vie malgré les merdes qui te tombent dessus et le lendemain tu es...

Judith utilise sa main pour me montrer tout entier.

- Ça.

- Sympa, je réponds en ne pouvant m'empêcher de lâcher un petit rire.

Nous passons les portes principales du lycée, et je ressens aussitôt la fraicheur due à la climatisation du bâtiment. Cela fait du bien. Nous continuons notre route jusqu'à mon casier, que j'ouvre nonchalamment.

- Je vais bien, en soit, j'assure. J'ai juste du mal à trouver ma place en ce moment.

Et surtout, pas la bonne.

- C'est un problème qui va te suivre toute ta vie ça, rétorque Judith en s'adossant à côté de moi.

- C'est ce que je me dis, et du coup, c'est pas rassurant.

- Quand on veut voir du mal sur quelque chose, on le trouve. Quand on veut relativiser, on le peut aussi. Même si c'est plus compliqué.

- Tu m'étonnes.

Je prends brièvement les livres dont j'aurais besoin pour la journée et pose les autres. La fin de l'année étant là, les cours ne servent plus vraiment, mais j'ai bien appris une chose ici : impossible de négocier avec Mike Carter contrairement le lycée. C'est jusqu'au bout.

- Tu sais, je reprends à l'intention de la blonde, je vois clairement que je n'ai pas le niveau pour l'équipe. J'ai beau avoir fait du baseball pendant toute mon adolescence, et avoir buché avant d'arriver ici, je ne fais pas le poids.

- En même temps c'est une énorme équipe Louis. On n'est pas dans un conte de fée où tu allais être le héros parfait directement. Ce n'est que la fiction, ça.

- Mais c'est pas mal les fictions, non ? J'esquisse un sourire.

Comme simple réponse, Judith hausse les épaules.

- Ça permet de s'imaginer notre réalité préférée, je suppose. Et c'est rarement la vraie vie.

- Je sais. Et si tu veux mon avis, ça craint. Ça aurait quand même été super cool que j'arrive, que je sois un dieu du baseball et que je prenne même du muscle.

- Et plus sexy. Quoi ? Ajoute t-elle alors que je la regarde amusé. C'est vrai. Énormément de groupies doivent raisonner comme moi, là. Oh - mais c'est vrai, ça. Tu dois avoir tellement de groupies qui bavent sur toi !

Judith ne termine même pas sa phrase qu'elle a déjà son téléphone dans les mains, Twitter d'ouvert et mon prénom dans la barre de recherche. Je roule des yeux et ferme mon casier.

- Je ne veux pas savoir ce que tu trouves, je parle.

- Oh mon dieu, souffle Judith.

- Je ne veux pas savoir.

- Il faut que tu regardes ce montage -

- Non, je rigole et place mes mains sur mes oreilles. Je ne sais rien, ne vois rien.

Je reste bien quelques secondes ainsi avant de réaliser que Judith me faisait marcher et n'avait pas l'intention de me montrer quoi que ce soit.

- Plus sérieusement, beaucoup de gens t'apprécient sur les réseaux apparemment. Et beaucoup de filles. Tu pourrais tenter ta chance. Bien qu'il semble y avoir beaucoup de filles dans mon genre et... de toute évidence, ce n'est pas ton genre.

La jeune blonde me fait un clin d'oeil amusée et je lui réponds en lui tirant la langue. Cela me fait beaucoup de bien, de pouvoir rire de ça. Cela a apporté de la légèreté à la situation, et peut-être que nous nous sommes même rapprochés après cet épisode gênant. Comme quoi, on peut toujours trouver du bon dans le mauvais.

- Il doit aussi y avoir beaucoup de critiques assassines, j'ajoute.

- Il y a des cons partout.

- Ça veut dire que oui ça, je grimace.

- Bien-sûr. Chaque personnalité publique a des haters Louis. Tu es une sorte de star, maintenant.

- Ouais... Je soupire. Espérons juste que les flics ont bien fait leur job et fait en sorte d'effacer toute trace de ma vraie vie sur Internet.

- C'est sûr à 100% que Xander a déjà essayé de te chercher sur Google. S'il avait trouvé un truc, il l'aurait dit. T'inquiète, il faut croire que l'Etat sait être bon quand il le veut vraiment.

- C'est déjà ça je suppose, je pouffe.

Je m'adosse à mon tour contre les casiers, de manière à être à côté de Judith. Je pose les yeux sur son écran et parviens à lire quelques tweets. Il y a en effet du bon, du bizarre même - et du mauvais, du gratuit. Comme dans tout, elle a raison.

- Je vais me faire griller un jour tu sais, j'ajoute. C'est de ça dont j'ai peur. Qu'à force d'être trop mauvais, ils crament que je suis un débutant.

- Tu n'es pas débutant.

- Mais je ne suis pas à leur niveau non plus. Et ça me pend au nez, de me faire repérer, et si je me fais virer de l'équipe, le reste va dégringoler. J'ai peur de ça, et de faire du mal aux gens aussi. Ce n'était pas le but de tout ça - le but, c'était justement d'apporter de la justice et du bien. Pas de faire du mal aux gens autour de moi.

- Tu ne fais du mal à personne Louis, rigole Judith. N'aie pas peur.

- C'est inévitable, tu sais.

- Mais à qui ? A Harry ?

Face à mes yeux qui veulent tout dire, le sourire de la jeune femme tombe doucement.

- Cette idée ne me plait pas, je parle.

- S'il est innocent comme tu le dis, tu ne lui feras pas de mal.

- Je lui mens, Ju. Depuis le début, sur beaucoup de choses.

- Mais pas sur tout.

- Non, je secoue la tête vigoureusement. Pas sur tout.

Sur certains plans, beaucoup même, je suis plus que sincère et transparent avec lui.

- Tu t'inquiètes trop de ce qui pourrait arriver ou arrivera dans on ne sait pas combien de temps, plutôt que de profiter du moment présent.

- C'est vrai.

- Ce qu'il pensera à la fin n'a pas tant d'importance, parce qu'il y aura la justice, et le bien, comme tu dis.

À l'entente de ses mots, je n'ai aucune réaction. Ma tête se pose contre le métal froid des casiers peins de bleus, et je fixe le vide. Je sens tout de même le regard de la jeune femme sur moi, insistante.

- Pas vrai, Louis ?

Nous parlons doucement, précautionneux, même si personne n'est autour. A cette pensée, je fronce les sourcils et tourne la tête vers le couloir.

- Pourquoi les couloirs sont vides ?

- Tu as raison... note Judith. C'est bizarre.

Le téléphone de Judith indique l'heure, et les cours n'ont même pas commencés. Tout le monde ne peut pas être dehors, nous sommes énormément dans cet établissement.

En tendant l'oreille, j'entends du bruit plus loin, sûrement dans le second hall principal, bien plus grand. Sans avoir besoin de se concerter, le bruit des talons de Judith résonne dans le couloir à mesure que nous nous rapprochons de la source de bruit.

Au détour du couloir nous faisant arriver dans le hall, je remarque une immense foule de lycéens, tous réunis au même endroit. Il y a quelques petits groupes à l'écart, avec des expressions très marquées : joie immense, pleurs, inquiétude.

- Qu'est-ce que c'est que ça ? Je demande, plus dans le vide qu'à l'adolescente à mes côtés qui n'en sait rien non plus.

Nous faisons quelques pas supplémentaires afin d'essayer de voir ce qu'il y a au milieu de cet amas de lycéens. Et alors que cela me frappe, un lycéen sort de nul part en nous criant :

- J'ai réussi !

Avant de disparaitre plus loin. Cela m'arrache un bref rire et je tourne la tête vers Judith, qui affiche la même mine que moi. Aussitôt, nous nous frayons tous deux un chemin entre les gens collés afin d'arriver devant cet immense tableau avec des listes accrochées.

Je tombe nez à nez avec Liam, qui m'a l'air bien neutre et calme. Il porte sa veste de l'équipe, aux couleurs violacées, qui lui font des épaules carrées et imposantes. Son visage chaleureux donne l'effet inverse.

- Hey, je souffle. C'est les résultats des examens ? Je pensais qu'ils ne tombaient que dans trois jours.

- Ouais. Ils ont réussi l'effet de surprise.

- J'ai peur de regarder, j'avoue en un soupir. Je n'ai pas été brillant cette année.

- Tu pourras toujours repasser ton diplôme, au pire. Faire une année de plus dans l'équipe si tu es pris pour la saison prochaine.

- Vu mes performances ? Je pouffe. Le coach doit juste chercher un moyen de me dégager, en ce moment.

- Il t'apprécie. Et il ne va pas juger sur un coup de stress passager.

J'hausse les épaules. Tout tourne autour de ça en ce moment, et ça devient pesant. De toute manière, je ne compte pas sur le fait de rester dans cette équipe pour toujours, et c'est pour cela que réussir mes examens a son importance.

- Et toi ? J'ajoute une fois sorti de ma rêverie. Tu as passé les deux matières que tu avais à rattraper ?

- J'ai tout eu ouais. C'est bon, tout est bon.

Le brun devant moi se pince les lèvres et l'espace d'un moment, les cris de joie ou de déception autour de moi ne semblent plus si forts. Je détaille mon ami, qui feinte un petit sourire, que je devine être le parfait sourire timide pour les journalistes et les caméras. Je commence à connaitre un peu ce monde, et je sais reconnaitre le vrai du faux.

- Tu n'es pas heureux comme tout le monde autour, je note.

- Ils ont l'euphorie du lycée qui se termine, contrairement à moi.

- Tu n'as pas envie d'y aller, pas vrai ?

Liam se contente d'hausser les épaules, comme si cela n'avait pas d'importance. Cela en a pourtant. Tellement.

- Maintenant que je suis face au fait que c'est acté, que si je veux je peux quitter l'équipe définitivement, je ne suis plus sûr que tout est blanc, que je ferai bien de partir.

- Est-ce que tu l'as vraiment voulu de base ? Je demande.

Je ne fais plus attention à Judith, qui est je ne sais où - probablement en train d'essayer de voir si elle a eu la mention très bien ou encore celle au dessus. Je ne serai absolument pas étonné.

Face à moi, le jeune ne semble pas quoi répondre d'autre que son légendaire haussement d'épaule léger.

- Ton père n'a pas à te dicter ce que tu dois faire tu sais, je tente ensuite, bienveillant. Ce n'est pas comme si tu ne réussissais pas ta vie déjà.

- Non Louis, ce n'est pas ça. Je suis sûr que j'ai envie de rejoindre Harvard, oui. J'ai adoré jouer dans l'équipe pendant deux saisons, et peut-être même qu'ils me proposeront un poste en tant que remplaçant, parce que je pourrais trouver le temps pour ça. Je ne suis pas triste de quitter l'équipe après deux superbes saisons, ce n'est pas ça.

- Alors quoi ? Je m'étonne. Si tu as tant envie d'y aller que ça, pourquoi tu es triste ?

Sans même que le brun ne me réponde, je me mets à imaginer toutes les possibilités, pour tenter de l'aider à ma manière. Avec ne serait-ce qu'un mot, un conseil, ou une tape amicale sur l'épaule.

Mais je ne parviens pas à trouver. Je reste buté dans l'idée que son père l'a trop bassiné, qu'il vit dans l'ombre d'un aîné, ou une sorte d'intrigue tragique comme cela. Alors que je me perds dans mes pensées, ma vue se brouille et ma tête se tourne très lentement, sans que je ne puisse trop le contrôler.

Alors que tout redevient clair de nouveau, je vois Harry se tenir plus loin. Il ne m'a pas vu, il est concentré sur un autre tableau, plus loin dans le hall, probablement en train d'essayer d'y lire le nom de son meilleur ami, car il est comme ça. Il s'intéresse aux gens, peu importe à quel point il tente de montrer l'inverse.

Son masque est très fragile, en fin de compte. De la vraie porcelaine, ancienne. Une pichenette, et elle éclate.

Ou peut-être suis-je juste spécial.

Même dans une hall de lycéens en furie plus bruyants qu'un stade entier, je parviens à le voir lui, et rien que lui.

Et là, cela me frappe. Mes yeux se redirigent vers Liam.

- Tu ne veux pas le laisser, je parle.

Les yeux tristes du brun me répondent avant qu'il ne le fasse. Un léger souffle quitte ensuite ses lèvres, avant qu'il hoche très lentement la tête.

- Je sais qu'il a postulé à la fac tout de même, il me l'a dit. Et c'est incroyable qu'il ait fait ce pas déjà. Est-ce qu'il a été pris d'ailleurs ?

- Oh, eh bien... On ne sait pas. Il m'a confié l'enveloppe d'Harvard. Il n'a pas voulu l'ouvrir. Il a trop peur d'être -

- Déçu, je sais. Et c'est déjà un pas immense, qu'il ait décidé d'envoyer son dossier à une fac. Il y a un moment de ça, jamais il n'aurait osé faire ça dans le dos de son père. Et en temps normal il aurait été pris, et aurais peut-être au moins considéré le fait de partir, même si ça aurait été difficile de le convaincre qu'il vaut quelque chose et mérite son propre chemin. Il excelle partout. Il est excellent, il est bourré de charisme.

Oh que oui.

- Mais... je poursuis. Son nom est terni en ce moment.

- Et Harvard ne peut peut-être pas se permettre d'accepter un élève si connu avec tout un bagage sombre comme ça. Il y a beaucoup trop de facteurs qui font qu'il est coincé ici.

À l'entente de ces mots qui font mal, de par leur vérité glaçante, je tourne les yeux vers le garçon. Je le vois sourire face au tableau, et je devine qu'il vient de lire le nom de Liam, à côté de la mention d'admission.

Harry est intelligent. Il pense toujours à tout, il semble toujours avoir une longueur d'avance, et cela fait de lui le candidat idéal pour toute cette histoire de drogue, oui. Mais outre cela, je suis persuadé qu'il a calculé tout cela - qu'il a très bien conscience qu'avec ce qui lui tombe dessus, peut-être même ce qui l'attend, il ne quittera pas Denver. Deux voies s'offrent à lui, le monde populaire du baseball, ou la vie plus calme d'un étudiant en fac. Mais il sait, il a calculé - aucun de ces deux chemins ne lui sera adapté.

- Il sait, je partage alors ma pensée à Liam. Il sait et il ne te retiendra pas.

- Évidemment qu'il sait. Il placera toujours le bonheur de ceux qu'il aime sincèrement avant le sien, peu importe s'il reste lui en prison tout le reste de sa vie.

La métaphore de la prison me serre encore plus le coeur.

- Mais, ne t'inquiète pas pour moi, reprend alors le joueur en me tapant l'épaule, ce qui me fait presque sursauter. Toi, tu ne comptes pas quitter l'équipe, ni partir à l'autre bout du pays. Je le laisse entre de bonnes mains.

- On est un peu en froid, en ce moment, j'avoue, penaud.

- Je sais, il m'a dit que tu avais besoin d'espace. Ça ne veut pas dire que j'ai changé d'avis sur toi. Tu as un bon fond, et si je dois laisser Harry seul, je suis content de savoir que tu seras dans les parages.

Pour une fois, je n'ai pas envie de penser à toutes les manières tristes de détourner sa phrase pour me démoraliser. Je sens simplement mon coeur embaumé dans une chaleur, provoquée par l'amitié.

Et oui, cela me motive. A devenir encore meilleur, à me dépasser davantage, pour aider le bouclé.

Mes pensées sont abruptement interrompues par Judith qui surgit, surexcitée. Elle me prend directement dans ses bras, puis ensuite Liam, qui la fait tourner sur elle-même. J'arque un sourcil à cette vue, et encore plus quand la blonde affiche une mine légèrement gênée alors qu'elle se recule de l'étreinte.

- Judith l'imperturbable est perturbée, je note alors.

- Absolument pas, feint-elle. Même si, désolée Liam. C'était bizarre.

- T'inquiète pas, sourit-il doucement.

Et cet homme est si bienveillant que je me prends à penser que peut-être serait-il parfait pour elle. Si elle m'a apprécié, elle ne pourra qu'apprécier la version encore mieux : Liam Payne.

Judith pose ses mains de part et d'autre de mes épaules, affichant un sourire radieux comme je ne l'avais pas vu depuis des jours.

- On a passé, Louis.

- C'est génial Judith, je parle automatiquement, puis je réalise ce qu'elle a dit. Attends - « on »

- Oui, elle sourit encore plus désormais. On ! Ton nom y est aussi !

- J'ai eu mon diplôme ? Je répète, comme pour rendre les choses réelles.

- Oui ! Tu l'as eu !

J'ouvre la bouche, la referme, lève les yeux vers Liam qui rigole, puis de nouveau vers Judith.

- On a réussi ! Je lance alors.

À ce moment-là, nous rejoignons alors les dizaines d'autres étudiants qui sautent en criant. Judith et moi nous serrons dans les bras tout en sautant sur nous-mêmes. Nos rires éclatent dans l'habitacle, et je me sens vivant, fier de moi et de ce que je parviens à accomplir malgré la pression des dernières semaines, malgré les expériences inimaginables.

Je ne sais pas encore où je veux aller, ce que je veux faire et encore moins ce que je vais pouvoir faire - mais au moins, une nouvelle porte s'ouvre. Et c'est tellement bon.

Au bout d'un petit moment, nous nous calmons, bien que nos sourires restent scotchés à nos visages. Alors que je relève la tête, de loin, je remarque Harry, toujours près du tableau - mais cette fois, il y est adossé, bras et jambes croisées, me regardant. Un petit sourire en coin tire ses lèvres, et il m'adresse un hochement de tête en guise de salut.

J'hésite un moment avant de lui rendre, absorbé par la compréhension dont il fait preuve à mon égard.

Puis, Judith et moi quittons le hall pour aller en cours.

× × ×

Alors que nous poussons la porte de la maison en rentrant, les cris de joie envahissent immédiatement l'endroit entier. Les agents fédéraux se ruent dans le salon, d'abord inquiets, avant de voir nos sourires radieux.

     - Nous avons réussi nos examens, annonce Judith. On a réussi !

Le bruit dans la maison devient général - les agents nous félicitent, comme si c'était une victoire pour eux, aussi. J'entends même Nick dévaler les escaliers pour nous rejoindre, ayant entendu le cri de notre amie jusqu'à l'étage.

     - Mais c'est super ! S'exclame Andrea en venant enlacer la jeune fille, puis moi ensuite.

Mike affiche une mine plus choquée, totalement fier de sa fille je devine. Il semble ne pas savoir quoi faire de ses bras, ni même de son expression faciale. C'est amusant, et touchant.

     - Il faut que j'immortalise ça, dit-il alors en sortant son téléphone de la poche. Comment on fait déjà...

     - Attends, rit Andrea. Comme ça.

Judith se met alors à poser, radieuse comme jamais. Je me décale afin de lui laisser tout l'espace.

     - Oh, non, parle Mike. Viens sur la photo, Louis.

     - Non, je te laisse prendre une photo de ta fille.

     - Louis, insiste gentiment l'homme. Je te dis de venir.

Je n'essaie même pas de cacher l'émotion que je ressens à ce moment-là. Je me place aux côtés de Judith, passant mon bras autour d'elle. Et je n'ai absolument pas à me forcer pour sourire. Cela vient tout seul - cela ne veut même pas quitter mon visage, en réalité.

Là, cela me passe par la tête. Ce moment, je devrais le partager avec mon père - la seule famille qu'il me reste.

Qu'il me restait, avant tout ça.

Car devant eux, souriant sincèrement pour la photo de Mike qui la regarde ensuite sur son téléphone avec fierté, je me dis que j'ai gagné des liens plus que forts dans cette histoire.

Ensemble, nous nous surpassons sur un terrain que nous n'aurions jamais imaginé devoir traverser - et honnêtement, nous sommes excellents. Le facteur humain pèse sur nous constamment, car nos sentiments interfèrent, et Mike et moi sommes le parfait exemple de cela. Mais nous nous en sortons à brio.

Je lève les yeux vers l'agent et m'approche de lui pour le serrer dans mes bras. Je ne suis pas tactile, ni démonstratif - mais dans ma joie actuelle, dans l'euphorie et la chance d'être en vie que je ressens, j'en ai besoin.

Il me rend mon étreinte, et oui, on a définitivement fait tellement de chemin pour arriver jusqu'ici. La route est encore longue, mais c'est agréable de pouvoir se retourner en se disant que la ligne de départ est tout de même assez loin.

Trop loin pour faire demi-tour, de toute manière.

Je me recule et regarde brièvement les visages de tout le monde. Chacun affiche un sourire radieux, et cela réchauffe le coeur, pour une fois.

     - Il va carrément falloir qu'on prépare un repas spécial pour fêter ça, parle Ernie.

     - Hawaïen ? Le taquine Niall.

     - Évidemment.

Un petit rire collectif passe et je me tourne vers Nick, bien silencieux jusque là.

     - Et toi ? Je m'intéresse. Tu étais censé avoir tes résultats aujourd'hui aussi, non ?

     - Oui, je les ai eu.

     - Et donc ? Reprend Judith.

Tous les regards sont désormais braqués sur le brun, car il fait aussi partie de cette petite famille étrange. Il se tient toujours au milieu de l'escalier, nous regardant un par un.

Au bout d'une dizaine de secondes, mon sourire commence à retomber. Puis, Nick secoue légèrement la tête.

     - Oh non. Tu n'as pas réussi ?

Nick baisse les yeux, puis je remarque un sourire au coin de ses lèvres. Il relève la tête, un immense sourire illuminant son visage.

     - Si, dit-il. Je voulais faire une blague.

     - C'était pas drôle, ronchonne Todd. Mon ego de prof à domicile en a pris un coup l'espace d'un instant.

     - Sans parler de tous les gâteaux que j'ai préparé pour te motiver, ils se sont retournés dans ton estomac... ajoute Ernie.

     - Relax les gars, rigole Nick puis il vient les enlacer, chacun leur tour. Vous avez été excellents.

C'est vrai qu'il leur doit beaucoup. Ils ont été super, avec lui, ici. À faire tout en sorte que Nick se sente suffisamment à l'aise, entre les murs de cette propriété.

Puis, mon ami arrive à mon niveau et s'arrête juste devant moi. Il sourit, fier de lui - fier de moi aussi, je devine. Il en est de même pour moi. Je lui tends la main, tout en continuant à le regarder dans les yeux.

     - Bien joué, Grimshaw, je souris, ému.

Tous ces moments de rivalité me reviennent en tête, je revois toutes ces horreurs que nous nous balancions l'un à l'autre, sans réfléchir à la gravité des choses ni au fond du problème. Ces deux gamins torturés qui étaient incapables de se poser pour s'expliquer les choses.

Et nous voilà, aujourd'hui. La vie nous aura bien bousculé pour en arriver ici, jusqu'à nous écraser au sol et nous tabasser dans les côtes - mais chaque jour est un nouveau pas en avant et son amitié m'est précieuse.

     - Belle performance, Tomlinson, répond-il sur le même ton.

Et je sais qu'il en est de même pour lui.

     - Il nous faut une photo de vous trois maintenant, parle Niall.

     - Oh, oui, c'est évident, répond Mike. En place, les jeunes !

     - Wow, Papa, tu t'approches carrément de la cinquantaine, rigole Judith.

Cela ne semble pas amuser le détective, ce qui est encore plus drôle.

Tous les trois, nous nous plaçons sans discuter, affichant des sourires nous faisant mal aux joues. C'est une victoire - la première de tout ça, finalement. Et quel soulagement.

À peine la photo prise, Judith nous saute dessus, nous entrainant dans un câlin à trois, criant « on va à la fac! », et nos rires heureux font écho dans toute la maison.


× × ×


Un long soupir quitte mes lèvres et je sens les paires d'yeux de mes deux amis se tourner vers moi. Judith est assise à ma gauche, plus loin sur mon lit, et Nick est à ma droite, avachi sur un pouf.

La pièce est sombre, seulement illuminée par les écrans de nos ordinateurs, posés tous trois sur nos genoux respectifs.

     - Qu'est-ce qu'il y a ? Demande Nick.

     - Je ne comprends pas tout à ce qu'il y a écrit sur les sites internet des facs.

     - Tu es sur lequel là ? S'intéresse Judith.

     - Celui de la fac de Denver. Je ne me fais pas d'illusion, quand tout ça sera fini, c'est tout ce que je pourrais viser.

     - Ouais, enfin, tu auras quand même des chiffres avec quelques zéros sur ton compte en banque, rigole Nick.

J'hausse les épaules, toujours autant dépassé par cette information. Je n'ose à peine aller regarder sur mon application bancaire, par peur d'être totalement halluciné. C'est fou.

Je tends la main pour saisir mon téléphone, et arrive directement sur mon fond d'écran : une photo de mon père et moi, avec Zayn. Je me pince les lèvres. Je ne peux pas partager ce moment avec Zayn, mais je pourrais le partager avec mon père, merde.

Je me tourne vers le brun à ma gauche.

     - Tes parents t'ont demandés de tes nouvelles, toi ? Je demande.

     - Non, il y a eu quelques SMS courtois, mais rien de plus. Ce n'est pas très étonnant vu les relations qu'on a depuis qu'ils ont appris pour Zayn, tu sais.

     - Ouais...

     - Pourquoi ?

     - Je n'ai pas de nouvelles de mon père. Très, très peu. Quand j'en ai, c'est très courtois aussi - on parle de l'enquête principalement, ou on se dit « j'espère que tu vas bien ». Il ne me demande pas comment ça se passe au niveau des cours, il ne m'appelle pas si je ne l'appelle pas, tu sais.

À mesure que je parle, on peut lire la confusion sur mon visage.

     - On est en très bons termes, et je suis en colère. Il rate des choses, beaucoup trop de choses. Je veux dire - son fils est en train de faire une mission sous couverture, c'est quand même assez fou, non ? Il devrait être plus présent.

     - Il est peut-être très occupée, tente Judith. Les pères qui délaissent leur gosse, je connais. Souvent, c'est ça.

     - Oui, j'ajoute. Évidemment qu'il est très occupé. Mais c'est qu'il a toujours pris le temps avant. Je suis juste... en colère, je crois.

     - Et c'est normal, reprend Nick. À ta place, je le serai aussi. Tout le monde le serait.

Judith plussoie. Pour répondre, je me contente d'hocher la tête et déverrouille mon téléphone. Je vais directement vers les messages avec mon père, et lui en envoie un très simple :

Salut Papa. Appelle-moi quand tu as le temps - et par le temps, j'entends plus que deux minutes. A bientôt, X

Je pense qu'il va comprendre que je suis un peu saoulé, et c'est le but.

     - T'en fais pas, sourit Judith en tendant sa main vers moi. Ça va s'arranger. Ça finit toujours, par s'arranger. Même quand on n'y croit pas.

Et c'est exactement le conseil dont j'ai besoin.

Je pose ma main sur la sienne ; geste amical, évidemment. Les choses sont claires entre nous, alors j'ai rapidement oublié l'épisode gênant. Je crois qu'elle aussi. Ça ne devait être qu'un petit crush de rien du tout, de toute façon.

     - Tiens Louis, parle le brun. Je suis sur le site d'une fac en Californie.

     - C'est dans un autre Etat, je pouffe. Et pas voisin, en plus.

     - Mais c'est sur la côte ouest. C'est sympa. Il y a la mer, tu pourrais bronzer un peu cette peau blanche.

     - C'est loin, je grimace.

     - Ouais - mais il y a un programme de baseball universitaire, là-bas.

Mes doigts tapent sur mon clavier pour arriver sur le site, que je commence à détailler, et particulièrement la section sport qu'ils proposent. La bourse va dans le sport - le baseball, évidemment -, et le cursus est beaucoup concentré là-dessus. Il est évident qu'avec mon expérience dans une grande équipe comme les Colorado Rockies, je pourrais facilement trouver une place.

     - C'est vrai que le programme est intéressant... je note.

     - J'ai littéralement envoyé mon dossier partout, personnellement. Mais ouais, cette fac me plait bien. Et toi Judith ?

La blonde reprend sa main pour faire claquer le bruit de ses longs ongles sur son clavier.

     - Je voulais viser haut, à la base. Mes parents ont mis de l'argent de côté toute ma vie pour me payer des grosses études supérieurs. Je voyais les clichés : Harvard, Stanford.

     - Liam va surement aller à Harvard, j'ajoute. Tu aurais un repère, là-bas.

     - Pourquoi pas, elle hausse les épaules. Je le connais à peine.

     - Il est très gentil.

     - C'est l'ami de Styles, quand même, reprend-elle.

     - Et Harry est un mec bien.

Mes deux amis se tournent vers moi, arborant la même expression : sourcils arqués.

     - Vous m'avez suivi dans mon idée de le penser innocent, alors pourquoi ça vous étonne ? Je demande.

     - Il y a un fossé entre penser quelqu'un innocent, et devenir son ami.

     - Je ne suis pas son ami, je roule des yeux.

Je suis encore plus, je crois.

     - Et il a des airs de Judith, parfois. Dans sa manière d'être, avec le sarcasme, la manière de voir les choses. Tu t'entendrais bien, avec lui.

     - Peut-être oui, capitule la seule femme présente.

     - Et tu adorerais Liam, j'insiste.

     - Je te crois Louis. Mais je ne veux pas faire ma vie en fonction des autres quand même.

Nick et moi acquiesçons, et nos recherches reprennent tranquillement. Ce ne sont même pas des recherches à proprement parler - plutôt de la collecte d'informations, afin de tout savoir sur la vie qui nous attend.

     - Vous imaginez, sourit Judith. Dans, je sais pas, cinq ans de ça ? On sera diplômés, on aura sûrement chacun une maison.

     - Tu seras peut-être même maman, s'amuse Nick.

     - Oulah, non, grogne la jeune femme. Je ne veux pas d'enfants.

     - Ah oui ? Je m'étonne.

    - Pourquoi, Louis ? Une femme accomplie ne peut pas avoir une vie merveilleuse sans mari ni enfant ?

Son sourire en coin me montre qu'elle plaisante, tout en gardant ce côté sérieux. Je roule des yeux, amusé.

     - Évidemment que si Ju.

     - J'aime bien les enfants, mais je n'en veux pas. J'ai connu ce que c'était, d'avoir des parents géniaux, puis un jour, tout s'écroule, et plus rien ne va.

     - Ça va maintenant, rétorque Nick.

     - Ouais, genre, 12 ans plus tard, rigole la blonde. La pause était un peu trop longue.

     - Disons que c'était un hiatus, j'hausse les épaules. Une coupure entre deux moments.

     - Sacré long hiatus alors, reprend mon amie.

J'hoche la tête, ne pouvant qu'imaginer sa peine et pas la partager. J'ai perdu ma mère aussi, oui - mais mon père ne m'a jamais délaissé au point de ne plus me connaitre.

Enfin, ça, c'était avant d'arriver ici. Je semble être passé au second plan pour lui, et même si je me déteste d'être aussi égoïste avec cette situation, la petite douleur dans ma poitrine demeure.

Une image me traverse l'esprit et un petit sourire prend place sur mon visage. J'en fais part à mes amis :

     - Peut-être que dans quelques années, on sera le genre de potes qui se font un barbecue le dimanche.

     - Oh, ouais, s'illumine Nick. Chez toi Louis. Parce que tu seras pété de thunes suite à l'équipe et la renommée que tu y auras gagné, donc tu auras genre, une immense piscine.

     - Ouais, c'est ça, je rigole. Je fais plus confiance à Judith pour réussir sa vie, personnellement. Elle sera genre, présidente des Etats-unis.

     - La première présidente en mini-jupe qui crie au féminisme, parle t-elle, dors et déjà fière d'elle. C'est carrément ma destinée.

     - Je voterais carrément pour toi, affirme Nick.

     - Ça te fait déjà deux votes, je souris avec un clin d'oeil.

Mes yeux se concentrent à nouveau sur mon ordinateur, où j'ouvre de nouveaux onglets, lit différents programmes. Je n'ai encore reçu aucune réponse de fac, mais comme j'ai postulé tard, je ne me fais pas trop de soucis.

     - J'ai du mal à me dire qu'un jour, tout sera fini, je reprends.

     - Que je pourrais enfin retourner me promener, pouffe Nick.

     - Ouais... qu'on sera tous de retour à la maison. Comme avant.

     - Oh tu sais Louis, parle Judith, je pense que rien ne sera jamais comme avant.

J'hoche la tête. Inutile de nier ce fait.

     - Mais ça aura une fin, reprend-elle. Et on aura une vie cool, après, quand tout sera rentré dans l'ordre.

     - J'ai toujours rêvé dans un espèce de chalet, dans la foret, dit Nick. Mais un chalet luxueux.

     - Genre comme dans Twilight ? Demande Judith.

     - Ouais. Et si j'ai Robert Pattinson en prime, je dis pas non.

     - Moi non plus, je réponds en riant, sans réfléchir.

Mes deux amis m'adressent un regard et je me rends compte de ma gaffe.

     - Je parlais de Kristen Stewart moi, je me rattrape.

     - Elle est lesbienne Louis.

     - Oui, je sais. Peu importe.

Nick pouffe, alors que Judith plisse les yeux afin d'examiner mon expression gênée. Ils n'insistent pas davantage, se concentrent de nouveau sur leurs ordinateurs, et intérieurement je les en remercie.

Je me mets à imaginer dans quel type de maison j'aimerais vivre. C'est vrai que l'histoire d'une maison moderne, grande et lumineuse au milieu de la nature me plait bien. Pouvoir être posé dans un canapé confortable, face à une baie vitrée où la pluie s'échoue.

Un dimanche. Car c'est le meilleur jour, et que les dimanches pluvieux sont les meilleurs.

Je me prends à sourire en repensant à Harry qui rigole de ce fait sur moi. Je l'imagine bien, à mes côtés dans ce canapé confortable, avec son téléphone entre les mains - ou un livre. Je l'imagine très bien me dire que finalement, ouais, ce n'est pas si mal.

Ou alors, peut-être que je me contenterai d'une maison en brique, typique américaine, avec un immense terrain, sans vis-à-vis. Plein d'arbre, de fleurs, pour que ça soit tous les jours joyeux. Un jardin un peu comme celui d'Harry finalement, mais entretenu.

Je l'imagine très bien dans ce schéma aussi, râler que c'est long de jardiner, et qu'il faut définitivement embaucher quelqu'un.

Je me pince les lèvres alors que je reviens à la réalité, tapé par celle-ci. Je ne suis même pas capable de m'imaginer un scénario pour le futur sans Harry. Cela a dépassé les frontières du réel, même de l'imaginaire désormais.

Et à quoi bon lutter ?

Dans cette pièce avec les deux êtres étant devenus mes meilleurs amis, je me dis que oui, j'ai trouvé ma place. La bonne. Auprès des bonnes personnes, toutes celles présentes dans cette maison. Peut-être également Liam.

Mais une autre en plus.

Et j'arrête de lutter.

Je me mords la lèvre et prends mon téléphone. En un rien de temps, je me retrouve à écrire un message à Harry, et à cliquer sur envoyer.

Est-ce que tu vas bien ?

Mon message passe en distribué, et je me dis que je ne vais pas recevoir de réponse de suite. Seulement, à peine mon téléphone reposé, une notification du bouclé s'affiche.

Est-ce que tu vas mieux ?

Cette réponse est tellement... lui. Cela m'arrache un petit sourire alors que je rédige ma réponse.

Tu sais que répondre à une question par une autre est un signe qu'on est déstabilisé ?

Là, sa réponse met un peu plus de temps à arriver. Deux petites minutes seulement, qui me paraissent bien longues, comme je suis scotché à mon téléphone. Lorsque la notification arrive, je me retiens de me mordre la lèvre.

Et je suis supposé le cacher ?

Je me crois de marbre face à mon écran mais je redresse les yeux vers mes deux meilleurs amis qui me regardent, les sourcils haussés. Je leur adresse un simple regard mine de « je ne vous dirais rien car il n'y a rien à dire », et encore une fois, ils ne forcent pas davantage.

De toute évidence, ils sont à mille lieux de s'imaginer que c'est Harry qui me procure cet effet, et bien d'autres encore.

J'hésite sur mon prochain message, en écrit deux autres versions avant de rester sur mon propos de base :

Alors, est-ce que tu vas bien ?

La demi-heure qui suit, je continue mon occupation sur mon ordinateur, tout en discutant de tout et rien avec les adolescents à mes côtés. Nous finissons par nous égarer en mettant une série, mais la détente est toujours au rendez-vous et je le sens dans mon corps entier.

Avant de me concentrer sur la sitcom, je reprends mon téléphone, et vois qu'Harry a lu mon dernier message il y a un moment, quasiment dès que je l'ai envoyé. Je me résigne et ne m'attends pas à un retour pour ce soir. Je ne peux pas lui en vouloir - après tout, je lui ai demandé de l'espace, pour réfléchir, me poser, respirer.

Mais je ne respire qu'avec lui dans les parages.



*

PARTIE 2 : Un million de possibilités intouchables

HARRY



La brise du soir vient s'échouer contre ma nuque et je souffle d'aise. C'est le seul moment où nous pouvons espérer un peu de fraicheur. Les étés, ici, sont terribles.

Le silence règne totalement dans le stade vide. Je trouve le Coors Field peut-être encore plus impressionnant comme ça, de nuit, totalement vide. Il est si grand que nous ne pouvons même pas voir les rangés du fond, plongée dans le noir.

Je lève les yeux vers le ciel visible, grâce à l'immense stade non couvert. Aucun nuage n'est présent, alors je peux remarquer les étoiles, qui m'attirent depuis toujours. Là-bas il y a un autre monde, peut-être même littéralement. Tellement d'autres possibilités, tellement d'autres manières de se réinventer.

Je baisse de nouveau les yeux afin de me concentrer sur Liam, en face de moi. Il enfile ses gants, s'étire un peu, lève sa batte. En l'attendant, je lance la balle dans les airs, la rattrape ; ainsi de suite.

     - Ça fait longtemps qu'on n'a pas fait ça, parle mon meilleur ami. Se faire des lancers tranquilles dans le stade le soir.

     - C'est vrai.

     - On le faisait genre... toutes les semaines, avant ?

     - J'ai eu pas mal à faire ces derniers temps.

Sur ces mots, je me place et bouge mon corps entier afin d'effectuer un lancer : une balle rapide. Liam la contre directement et l'envoie valser dans les airs, jusqu'aux gradins, à en juger par la résonance.

     - Ouais, rit Liam. Belle manière de dire que Louis a débarqué.

     - C'est plus honnête que de compter de la drogue.

     - C'est clair.

     - Mais je suis avec toi ce soir, je souris.

     - Parce qu'il t'a demandé de l'espace, continue t-il.

Je grimace un peu, hausse les épaules et me baisse afin de prendre une autre balle dans le panier.

     - Tu trouves que je te consacre moins de temps ? Je demande sincèrement.

     - Non, pas du tout Harry. À aucun moment je ne vais faire partie de ces potes qui te font une scène parce que tu passes plus de temps avec la personne avec qui tu es - ou quelque chose comme ça du moins. C'est normal que tu passes autant de temps avec lui.

J'acquiesce, soulagé. Liam est bien une des seules personnes qui n'a pas besoin de me réconforter éternellement ; quelques mots, sincères, et je parviens à enregistrer ses propos et à les comprendre.

Je me place de nouveau, et en un mouvement similaire au précédent, effectue un envoi à mon meilleur ami, de toutes mes forces. Celui-ci manque la balle et ne peut s'empêcher de rire.

     - T'énerve pas, tranquille, s'amuse t-il.

     - Désolé, j'y ai été un peu fort.

     - C'est le cas de le dire.

Je souffle un coup et cette fois, envoie une nouvelle balle rapide, que mon ami touchera à coup sûr. Le but ici est juste de s'amuser en se faisant des petits lancers, pas de dépasser nos limites.

Liam fait une très belle frappe, encore. J'essaie de suivre la trajectoire de la balle, mais la perd de vue quand elle s'enfonce dans l'obscurité à quelques dizaines de mètres dans le stade.

     - Alors, tu vas partir quand pour la fac ? Je demande en prenant une nouvelle balle.

     - Je ne sais pas. Je n'y ai pas trop réfléchi.

     - Tu parles que de ça depuis des semaines, tu ne vas pas me faire croire que tu n'as pas réfléchi à quelle date tu vas déménager et ce genre de choses.

Liam hausse les épaules, relâchant la position de frappeur.

     - Je suis censé partir début août. Le 4 au matin. C'est ce jour là que j'ai les clés de mon appartement, alors c'est parfait.

     - Dans un tout petit peu plus d'un mois, je note.

     - Ça va passer vite.

     - Bien-sûr, et tant mieux. Tu vas rapidement prendre ton nouveau départ, c'est super.

Une chance que beaucoup envieraient. Et je l'envie un peu, aussi. Mais ma joie pour mon meilleur ami dépasse tout.

Je me prépare à lancer, ce qui force Liam à se remettre à l'affut. Je lance, il frappe ; envoie la balle loin, encore.

     - Et toi ? Rétorque le brun. Tu comptes ouvrir ta lettre pour Harvard ?

     - Oui, à un moment oui.

     - Ça serait bien de le faire rapidement H. Pour te préparer à l'éventualité de partir. On pourrait peut-être - tu sais. Etre colocataires.

     - Dans une chambre étudiante ? Je rigole.

     - Non, dans mon loft. Ça fait deux ans que j'économise avec mon salaire de joueur pro tu sais.

J'acquiesce, et me prends à penser que ça n'aurait pas l'air si mal, comme vie. Se lever tous les matins, suivre des cours, rencontrer des nouvelles personnes, probablement saines. Peut-être même faire partie des gens qui adhèrent une association, ce genre de choses.

Cela parait banal pour énormément de gens, pour chaque jeune diplômé américain. Pour moi, cela semble intouchable. Tout comme mon mode de vie pour eux.

     - Ça m'embête de partir sans toi, reprend Liam. De te laisser ici. Parce que tu m'avais promis d'y réfléchir, mais tu ne le fais pas.

     - Je t'assure que j'y ai réfléchi. J'y réfléchis encore.

Sans laisser le temps à Liam de comprendre, je bouge à toute vitesse afin d'effectuer un lancer. Le brun n'étant absolument pas en position ne peut pas riposter, et n'essaie d'ailleurs même pas. Il sait que je fais ça pour me défouler.

     - Il ne me laissera jamais partir, j'ajoute, parlant de toute évidence de mon père. Plus j'y pense, et plus c'est concret. Et il ne me laissera jamais partir. Ou alors si, pour agrandir le trafic jusqu'au Massassuchets. Ce n'est pas ce que je recherche.

     - Tu pourrais partir, et laisser ça derrière toi.

     - Il a besoin de moi.

     - Il pourrait te remplacer.

Je grimace.

     - Désolé, reprend Liam, je sais que c'est pas cool à entendre, mais c'est ton père plus par le sang que par le rôle. Tu es son pantin pour le trafic, ok. Mais ne va pas me faire croire qu'il n'est pas assez influent pour trouver quelqu'un d'autre pour reprendre le business.

     - Il veut que ça reste dans la famille. Il me détruirait. Il ne fait confiance à personne.

     - Toi non plus tu ne faisais confiance à personne, avant que Louis n'arrive.

Suite aux mots de Liam, je baisse les yeux vers la pelouse, grise de par le manque de luminosité.

     - Tu n'es absolument pas comme lui, poursuit mon ami. Tu ne touches pas à cette merde, tu pleures encore le soir la mort de Zayn. Tu as une chance de t'échapper, une seule, il faut que tu la saisisses.

Je relève les yeux vers le joueur, parce que je sais pertinemment où il veut en venir.

J'ai une issue possible, oui. Une seule.

Me livrer à la police, tout raconter avant que mon père ne me devance. Promettre de témoigner contre lui, apporter des preuves. Espérer que cela suffise, en vain.

     - Je ne peux pas témoigner contre lui, j'assure. Je ne fais confiance à personne - les flics, tu penses vraiment qu'ils veulent la justice ?

     - C'est censé être leur métier...

     - Et regarde notre belle Amérique, comment elle entraine merveilleusement bien sa police. Non, Li, je ne peux pas faire confiance à l'Etat. Mon père c'est l'Etat, le sommet de la pyramide de l'Etat du pays entier. Je pense que ça montre à quel point mes chances sont élevées dans tout ça.

De nouveau, je me baisse pour saisir une nouvelle balle et effectuer un lancer énervé. Liam parvient à contrer celui-ci - il tape la balle à une telle force que je me demande si nous allons la retrouver entière.

Je soupire et fais quelques pas afin d'arriver à ma veste, posée en boule sur l'herbe. Je me penche afin d'y attraper mon téléphone, et le consulte. Je ne prête pas attention aux autres notifications : la première qui me saute aux yeux en est une de Louis, à l'instant. Le hasard du timing parfait me met le sourire aux lèvres.

Est-ce que tu vas bien ?

Son attention me touche, inévitablement. J'ai fait exprès de lui donner de l'espace, mais cela m'a fait du bien de le croiser plus tôt aujourd'hui - et encore plus de voir qu'il revient vers moi. Je ne suis peut-être pas si stupide que ça, à m'attacher à lui sans préavis.

Est-ce que tu vas mieux ?

J'envoie aussitôt. C'est ça, la vraie question.

Tu sais que répondre à une question par une autre est un signe qu'on est déstabilisé ?

Je me pince les lèvres en lisant sa réponse. Je n'ai pas à réfléchir pour la mienne :

Et je suis supposé le cacher ?

J'aime sa présence, me dépasse pour lui, et j'aime penser qu'il se dépasse également pour moi. Je n'ai pas envie de cacher cela, cette faculté qu'il a à me faire tourner la tête. Il pense que je mène la danse ; mais je ne pense pas, pas du tout.

Mon téléphone vibre de nouveau entre mes mains.

Alors, est-ce que tu vas bien ?

Je lis le message, puis verrouille à nouveau mon téléphone avant de le jeter de nouveau sur ma veste. Je retourne au niveau de Liam et lui demande d'échanger les rôles, afin que je puisse taper dans quelques balles.

Le brun s'exécute, et nous échangeons de matériel. Il me fait un premier lancer, que je réussis à merveille ; en match, cela vaudrait surement un hors limite. Les sentiments peuvent aider dans le sport, de toute évidence. La rage donne une énergie sans pareille sur le terrain.

C'est peut-être pour cela que je suis si bon.

     - Tu aurais toujours une autre solution, reprend Liam.

Je fronce légèrement les sourcils, et le brun n'attend pas mon aval pour poursuivre sa phrase :

     - Tu pourrais leur dire ce que tu as vu ce soir-là, avant de rejoindre Xander.

Inutile de préciser qu'il parle du soir où Zayn a trouvé la mort.

Je soupire.

     - Je veux juste que tu t'en sortes H, souffle Liam. Je ne pense pas à mal en insistant autant pour que tu partes.

     - Je sais Li. Je sais.

     - Et je veux avant tout que si tu choisis de ne pas aller à la fac, de te sortir de tout ça, c'est parce que tu le veux. Pas parce que tu restes par contrainte. Il y a Louis, ok, il est super... mais il te suivrait à Harvard, si tu y allais. Il est dingue de toi.

     - Il ne l'est pas.

     - Il l'est, et tu es dingue de lui aussi. Vous êtes juste deux idiots maladroits trop torturés par des passés que vous ne partagez pas, sûrement parce que c'est trop délicat. Prends juste ton temps, et cette fois, au lieu de me dire d'y réfléchir alors que c'est tout vu, réfléchis-y vraiment. Sors de ta zone de confort. Tu te souviens la métaphore que tu m'as appris, sur la caverne ? J'acquiesce. Cesse de retourner dans cette stupide caverne. Sors une bonne fois pour toute, construis toi ta propre maison. Je serai ton voisin, Louis aussi.

D'un mouvement de tête, je me fais craquer la nuque, et regarde de nouveau le ciel étoilé ; ces millions de possibilités intouchables.

C'est bien tout ce que je peux faire sans être constamment controlé et repris : penser, imaginer, rêver.

Oui, je pourrais peut-être commencer à envisager de dire ce que j'ai vu ce soir-là. Ou plutôt, qui j'ai vu.




*

PARTIE 3 : Au détour du couloir

LOUIS



     - On a quel cours ce matin ? Je demande à Judith, éternellement appuyée contre mon casier.

     - On commence par physique, dit-elle. Mais j'ai emmené mon ordinateur pour continuer de me renseigner sur les facs pendant le cours. Je veux un programme en béton.

     - L'élève modèle se laisserait-elle aller ? Je mime le choc.

     - J'ai mon diplôme maintenant. Je ne suis qu'ici par... charité, elle hausse les épaules.

Je ne peux m'empêcher de rire, et Judith partage un sourire avant de se plonger dans son téléphone. Je la devine sur les réseaux sociaux, là où elle a tellement d'influence. Cela ne m'a jamais étonné, même avant que l'on devienne amis - son nombre de followers grimpant tous les jours n'est que logique. C'est une belle fille, qui sait s'exprimer, sait ce qu'elle veut sur le monde, et même fera pour lui.

Je me charge de prendre le livre de physique, pour garder la forme. Je sais pertinemment que je ne vais pas suivre le cours non plus, maintenant que c'est terminé.

Je referme le casier et sursaute en voyant Harry adossé juste à côté.

     - Salut, je souffle. Je ne t'ai pas entendu arriver, tu m'as fait peur.

     - Un vrai serpent qui se faufile, répond le bouclé.

     - Les serpents ça a du venin, intervient Judith en levant les yeux de son écran.

     - Pas tous, corrige le brun.

La blonde hausse les épaules. Je sais que c'est sa manière de taquiner les gens, et qu'elle n'a pas une haine prononcée contre Harry. Même si, je ne peux pas non plus dire qu'elle le porte dans son coeur. Et me retrouvant au milieu des deux, je me sentirais presque mal à l'aise.

     - Je ne m'attendais pas à te voir ici, je dis au bouclé, tout bas, comme si Judith ne pouvait pas nous entendre. L'année est finie, le tutorat aussi, tu n'as aucune raison de venir.

     - Ma raison de venir est juste devant mes yeux.

Je sens le rouge me monter aux joues alors que son regard ne quitte pas le mien. Je me permets de baisser les yeux afin de le détailler ; il est différent, aujourd'hui. Il porte un t-shirt blanc, à courtes manches, qui permet de révéler les tatouages sur ses bras. Le vêtement est rentré dans son pantalon, qui n'est pas son éternel jean - mais une sorte de pantalon de costume beige. Serré à la taille, plus large après.

     - Vu comment tu regardes longtemps, reprend le bouclé, soit tu aimes beaucoup ce que tu vois, soit tu détestes.

     - Je ne déteste pas, je réponds.

     - Alors j'ai de la chance, sourit-il.

Il a l'air de bonne humeur, léger, flottant. Et j'ai juste envie de souffler, de lui dire qu'il est incroyable d'être si compréhensif avec moi malgré les choses qu'il a à gérer de son côté. Mais j'ai aussi un peu envie de me cacher dans un trou de souris car Judith est juste à côté.

     - Tu es juste venu pour me voir alors ? Je demande.

     - Oui. Tu m'as posé une question hier, je voulais y répondre en face.

     - Et donc ?

     - Oui, je vais bien.

Je ne peux m'empêcher de me pincer les lèvres, échouant lamentablement à ne pas sourire.

     - Tu es venu de chez toi, à ici, pour me parler quinze secondes et me dire que tu vas bien ?

     - C'est fou ce que les gens feraient pour toi, non ?

     - « Les gens »... Je dis en haussant les épaules. Personne d'autre que toi ne fait ça.

     - Remplace ce mot par « je », alors.

Mes yeux s'attardent une seconde sur ses lèvres que j'ai envie d'embrasser.

J'entends Judith se racler la gorge et je réalise que oui, elle est là, juste à côté, et que oui, elle entend tout. Je sens alors une petite vague de panique en moi, et de gêne, aussi.

Harry semble le remarquer et reprends directement :

     - Viens à la fête foraine avec moi demain soir.

     - Oh, je... je commence.

     - Il y va déjà avec moi, parle la blonde.

     - Ah oui ? Demande Harry, un sourcil arqué.

Son regard passe de Judith, à moi, et je me sens vraiment entre deux chaises.

     - Tu y vas avec ton ex ?

     - Elle m'a proposé l'autre soir, après... tu sais. Le match.

Ma performance nulle, notre espèce de dispute étrange, qui aura été un véritable fiasco, au passage. Rester loin de lui, je ne le peux pas, ne le veux pas.

     - On est en bons termes, reprend mon amie. Je ne vois pas le mal.

     - Oh, non, bien-sûr, moi non plus...

Les mots d'Harry sont lents, bourrés d'ironie que Judith ne peut pas saisir, car pas au courant de la situation. Je soupire et me tourne vers la jeune femme.

     - Judith, est-ce que tu peux aller devant la salle ? Je te rejoins dans deux minutes.

     - Tu es sûr que tu ne veux pas que je t'attende ?

     - Persuadé. À tout de suite.

La blonde détaille mon visage, puis celui d'Harry, et finit par hocher la tête. Elle tourne les talons en direction de la salle de physique, et je la regarde s'éloigner jusqu'à ne plus la voir. Ma tête se tourne de nouveau vers Harry.

     - Tu y vas vraiment avec elle ? Demande t-il doucement.

     - Euh... oui ?

Un petit rire quitte ses lèvres.

     - Tu vas à une fête foraine nocturne avec ton ex, avec qui tu vis encore ? Et à qui, au passage, tu caches ce qu'il y a entre nous ?

     - Elle n'est pas au courant que j'ai des penchants...

Je désigne Harry du doigt.

     - Des penchants comme ça, je termine.

     - Je sais, et c'est ok. Tu n'as pas à lui dire de qui il s'agit, mais au moins que tu es avec quelqu'un d'autre. Elle n'a pas à savoir qui ni pourquoi.

     - Je suis avec toi ? Je m'étonne. On n'a jamais dit ça.

De nouveau, il rigole - faussement.

     - D'accord. Je peux y aller avec Xander alors.

     - Quoi ? Je m'étonne. Non, non non non - Xander est à fond sur moi, et un peu con sur les bords. Judith ne l'est pas.

     - Tu as raison, elle a l'air géniale, mais c'est ton ex Louis. Et au moins, moi, je ne cache pas à mon ex que j'ai tourné la page.

J'acquiesce, parce que je sais pertinemment qu'il a raison sur le propos. Le fait est, Judith n'est pas mon ex, mais ça, le bouclé ne le sait pas, et cela complique tout.

     - Tu es jaloux ? Je demande en me mordant la lèvre.

     - Bien-sûr qu'une partie de moi l'est. Comme tu le serais, si j'allais à la fête avec Xander.

     - Oui... je grogne.

     - Si je passe tout mon temps avec toi, c'est parce que je me sens bien avec toi.

     - Moi aussi je me sens bien avec toi, je parle aussitôt.

     - Alors c'est parfait. Mais ce n'est pas très rassurant de savoir que tu passes même plus de temps avec ton ex sans mettre les choses au clair.

J'hoche la tête, lui donnant ainsi raison. Prudent, je regarde autour de moi - les couloirs sont vides, étant donné que 75% des étudiants ne viennent plus, que 20% sont dehors et que les 5% restants sont déjà dans les salles de cours.

Je m'approche alors et vole un bécot à Harry. Je me sens rouge directement après. Je ne suis jamais celui qui initie les baisers, trop novice, timide, pour cela. Cette action fait battre mon coeur très vite.

     - Tu as raison, je parle. Il faut que je lui dise. Je vais lui dire.

Et même si cela me terrifie, je le pense sincèrement.

     - Et je viendrai à la fête avec toi, je termine. Je vais lui dire - elle comprendra.

Un sourire, sincère cette fois, se dessine sur le visage du bouclé.

     - Ok, dit-il doucement.

     - Je ne veux pas que tu penses que je ne suis pas sincère avec toi. Je le suis... j'ai eu assez d'espace, et je suis sincère.

     - Ok, répète t-il tout aussi tendrement.

J'hoche la tête et ose lui voler un autre bécot. En me reculant, je me mords la lèvre, me disant que putain, je ne réalise pas que je suis ce mec, qui embrasse Harry Styles - ce mec qu'Harry Styles a envie d'embrasser, d'emmener à la fête foraine de la fête nationale.

Je commence à marcher à reculons pour m'enfoncer dans le couloir sans briser le contact visuel avec le capitaine de l'équipe, toujours au niveau de mon casier.

     - Tu as intérêt à me gagner un gros ours en peluche à la fête, je lance.

Son rire résonne jusqu'à mon niveau.

     - Je peux t'en acheter mille si tu veux.

     - Frimeur, je roule des yeux.

     - Tu es sûr que tu ne veux pas louper cette heure et venir m'embrasser dans les toilettes ?

Je ne peux m'empêcher de rigoler.

     - Bonne journée H.

Il me fait un signe de main, et je me retourne pour me mettre à courir en direction de la salle. Je me sens beaucoup plus léger, désormais. A ma place. Comme si, tout était rentré dans l'ordre.

J'arrive devant la bonne salle, où Judith m'attend toujours. Le cours n'a pas encore commencé, alors nous entrons pour venir nous installer.

     - Laisse-moi deviner, me dit la blonde. Tu ne viens plus à la fête foraine avec nous.

     - Désolé, je dis en me mordant la lèvre.

     - C'était prévisible, rigole t-elle.

Je sais que ça la déçoit, mais pas au point d'être énervée ou de me le reprocher. Et c'est déjà ça.

Nous nous installons à deux places, au fond. Judith sort son ordinateur, resté allumé avec les pages internet des facs ouvertes.

     - J'ai entendu. Il flirtait avec toi, parle t-elle.

     - .... Oui.

     - Si ça te met mal à l'aise, on peut en parler et faire en sorte que tu restes assez loin de lui. Il ne faut pas que tu te forces, te mettes mal à l'aise... pour ça.

     - Non Judith, non. Ça ne me met pas mal à l'aise. J'ai... envie d'aller à la fête avec lui. Ça va, je vais bien, je gère. D'accord ?

Mon amie me regarde, afin de jauger ma sincérité. Je suppose qu'elle y lit qu'elle est au maximum, car elle se résigne à hocher la tête, même si c'est sans me comprendre.

     - D'accord, capitule t-elle.

Au moins, elle semble essayer. Et c'est tout ce dont je vais avoir besoin, pour lui annoncer qu'il y a quelque chose entre Harry et moi.

Je ne peux plus garder ça secret pour mes proches, j'en souffre trop, intériorise trop. Et je ne sais pas si c'est une bonne idée - si Judith va bien réagir. Si Nick, va bien réagir.

C'est un risque à prendre.

Car je ne sais pas, je n'ai aucune idée.

Mais je vais prendre le risque tout de même. Faire le pas en avant.

Encore un risque de plus, pour lui, pour Harry.

///
Réagissez avec #BornTDieFic
///











Bonjour ! Comment allez-vous ?

Chapitre assez tendre et calme, qui amène quelques sujets en douceur, ça fait du bien.
Quelle partie vous avez préféré ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top