CHAPITRE 23

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PARTIE 1 : La lettre

HARRY


Je me réveille en douceur, naturellement. Mes paupières s'ouvrent juste dans le plus grand calme, et mes muscles sont détendus.

Les réveils ressemblent souvent à ça désormais. Et il est bien trop tôt pour m'y habituer, et cela ne fait pas tout mais, qu'est-ce que cela fait du bien.

Sauf qu'habituellement, Louis se trouve à mes côtés. Alors que je tends le bras, je remarque qu'il n'est pas allongé là. Il y a encore son odeur dans le lit alors je devine qu'il a dû se lever plus tôt que moi, peut-être même a t-il rejoint Lucia.

Je lâche un soupir, serein.

La pensée que je ne mérite pas tout cela me frappe, bien-sûr. Que je ne mérite pas de croire que les choses peuvent si bien se passer dans la vie, dans une vie, dans ma vie.
Il me fait entrevoir des possibilités inespérées.
Quelle folie.

Je me redresse et prends mon téléphone, qui indique 9h15. Le réveil était initialement prévu dans quinze minutes. Sans tarder, je me lève et quitte la chambre pour rejoindre la cuisine, où se trouve Lucia. J'arrive en baillant et viens lui embrasser la joue.

- Bonjour chéri, dit-elle. Tu as bien dormi ?

- Oui, très bien.

Elle m'offre un sourire alors que je viens me servir un petit verre d'eau. Il devient rare que je lui raconte mes cauchemars nocturnes, car ils se font eux-mêmes rares. Et je sais que ça lui fait presque autant de bien qu'à moi.

- Tu as vu Louis ? Je demande.

- Oui, il s'est levé il y a une trentaine de minutes je pense. Je lui ai préparé des fruits frais et il est allé se poser dehors, au soleil.

- Oh, je me prends à sourire légèrement. Il a bien dormi ?

- Je pense oui. Là est tout l'avantage d'avoir une si grande propriété.

C'est vrai. Au moins, il ne risque pas d'entendre un trafic trop rapproché ou je ne sais quoi. Ah, « trafic ». Quelle ironie.

Je viens m'asseoir sur une chaise haute collée contre le bar, et croise les bras contre le marbre sur celui-ci. Mon seul vêtement est un jogging gris, mais je n'ai ni trop chaud, ni trop froid.

- Il y a match aujourd'hui alors ? S'intéresse Lucia.

- Oui. Le match retour des Yankees, je réponds.

- Celui que Louis a perdu, c'est ça ?

- Que nous avons perdus, je la corrige. Il n'a pas été très bon à ce moment, oui. Ça arrive.

- Bien-sûr. On ne peut pas être bons partout, ni tout le temps.

J'acquiesce.

- Je suis sûr que tout ira bien. Que tout ira mieux. Il a l'air bon, enfin, il avait marqué le public. Je vous regarderais de la télé.

- C'est à lui que tu devrais dire ça, je rigole.

- Oui, tout à fait. Et je lui ai dit tout à l'heure. Le pauvre garçon avait l'air tout gêné, il mérite de recevoir plus de soutien.

Un petit sourire prend place sur mon visage. Lucia et Louis semblent si bien s'entendre, et pourtant si peu se connaitre. Il est ce genre de personnes, qui arrive sans crier gare, et qui laisse une empreinte assez marquée.

Je sais qu'il pense la même chose de moi - me pense intimidant, marquant, indélébile. C'est impressionnant, à quel point nous pouvons voir une personne totalement différemment de comment elle-même se voit. Mon reflet n'est pas la chose dont je suis le plus fier, de toute évidence. Il est mon armure, que seuls les plus vaillants peuvent percer.

Et c'est ça qui rend Louis encore plus fort, encore plus flou. Il pourrait ressembler à monsieur tout le monde, avec ses airs de beau mec banal et moyen, mais il dégage quelque chose qui déstabilise, lorsque l'on s'y attend le moins.

Mais je ne suis probablement plus très objectif, de toute manière. Il suffit de ses lèvres sur les miennes pour que ma vue se brouille, mes pensées avec. Et ce genre de détails sur moi, c'est le genre de choses que personne ne soupçonne en me rencontrant, se heurtant à ce que je dégage.

C'est dangereux, comme marcher sur un tapis posé sur un trou. Et j'avance, à l'aveugle. Mais au moins, j'avance.

Je lève les yeux vers la brune en face de moi, qui est encore en train de préparer des plats, de toutes sortes. Lucia adore préparer à manger, faire plaisir aux gens qu'elle aime - qui se comptent sur les doigts d'une seule main.

Peut-être que désormais, elle y compte Louis. Elle n'est pas au courant de tout ce qu'il se passe derrière le grand rideau théâtral, mais elle n'a jamais eu besoin de grand décorticage de synopsis. Lucia observe, comprend, sait.

Et c'est sûrement le cas - ou peut-être pas. Ce que j'aime avec elle, c'est qu'à travers ses yeux, elle m'aime, m'aide, m'encourage, peu importe l'épreuve, et avec ce châtain, c'est le cas.

De toute manière, je crois que personne n'aurait su m'arrêter. Et là est toute la folie de cette situation.

- J'espère que tu viendras nous voir jouer un jour, je dis après un moment.

Lucia lève les yeux vers moi, plutôt triste. Elle maintient tout de même ce petit sourire qui se veut réconfortant, et je lui réponds dans le mien que ce n'est rien, que ce n'est pas grave.

- Promis, dit-elle. Je vais venir bientôt.

- Quand tu peux. Et veux.

- Peux. Parce que je veux, de toute évidence.

Suite à sa maladie à un stade avancée, Lucia a passé beaucoup de temps en hôpitaux, et a développé une grande difficulté à se retrouver dans des situations avec beaucoup de foules, avec tant de personnes, et leurs jugements avec.

Quand j'étais plus jeune, ma mère et elle venaient m'encourager aux entrainements. Les choses se sont compliquées et je l'ai toujours compris, bien qu'à regret.

Par la suite, j'ai juste dû apprendre à être seul sur le terrain. À ne devoir rendre fier que moi, mon équipe, les supporters. Je n'ai jamais eu de père pour venir crier mon nom avec fierté, et je ne voudrais pas de son soutien.

- Je viendrais avec Chiara, ajoute t-elle. Je ne serais pas toute seule.

- Oui, bien-sûr. Super. C'est bientôt son anniversaire d'ailleurs, non ?

- Oui. Mon seul et unique enfant va avoir 30 ans, c'est fou. Enfin... Enfant de sang. Parce que j'ai un fils aussi, un magnifique garçon.

Je souris alors qu'elle apporte une main à ma joue, l'air fière. Le contact ne dure qu'une seconde mais il réchauffe le coeur.

- On pourrait organiser quelque chose ici, je propose. Pour son anniversaire.

- Oh non, non non Harry, c'est trop.

- Tu vis ici la plupart du temps, et avec elle le reste, je la connais depuis aussi longtemps que je me rappelle, et comme tu dis, on partage un peu la même figure maternelle alors... Non, ce n'est pas trop.

- Tu fais déjà tant pour moi mon garçon.

- Et ça, ce n'est vraiment pas grand chose. J'adore faire des fêtes tu sais. Fêter les 30 ans de Chiara ici me ferait très plaisir. Il y a plus de place que dans votre petite maison.

Lucia refuse encore quelques fois la proposition, gênée par la générosité dont je fais preuve. À mon sens, c'est juste normal. Cela permet de donner de la vie à la maison, en plus.

- Allez, j'encourage.

- On en reparlera, capitule t-elle.

J'affiche un sourire radieux alors que la femme roule des yeux.

- J'ai dit qu'on verra Harry. Pas que c'était oui.

- C'est ce que toutes les mamans disent ça. Et puis, je suis sûre que Chiara adorera l'idée.

- On verra, rigole Lucia.

J'accompagne légèrement son rire et finis mon verre d'eau alors qu'elle termine la préparation de son plat. Elle met celui-ci au four tandis que je m'étire, puis semble soudainement se souvenir de quelque chose :

- Oh, au fait, tu as reçu du courrier ce matin.

- Je n'ai pas envie de l'ouvrir, je rétorque directement.

- Non, ce n'est pas une lettre.

J'ai commencé à prendre l'habitude de recevoir des menaces de mort par les gens qui me pensent coupable et meurtrier.

La seule chose dont je suis coupable c'est d'être né dans la mauvaise famille - ou plutôt, du mauvais père.

Je n'aurais échangé ma mère pour rien au monde. Ni mon chat Albert. Ni Lucia, sa fille Chiara, et Liam, en fait.

La brune va chercher une seule et unique enveloppe blanche, proprement fermée. De l'autre côté de la feuille se trouve un logo imprimée, rouge, avec le mot « veritas ». Je reconnais instantanément.

- C'est une lettre d'Harvard, je m'étonne.

Je fronce les sourcils en la gardant ainsi en mains. Je reste comme cela quelques instants et lève les yeux vers Lucia.

- Oui, dit cette dernière. J'ai été surprise aussi. Je ne savais pas que tu avais postulé dans des facultés cette année. Tu comptes quitter l'équipe ?

- Non, non... C'était juste histoire de, pour avoir le choix. Je ne pensais pas avoir de retour, et encore moins d'eux.

Avec tout ce qu'il se passe en ce moment, les choses graves dont on m'accuse, je ne me fais pas de plan sur la comète. Tout ne finira pas bien - et si oui, pas à tous les niveaux. J'ai du mal à croire que ma carrière de sportif ne sera pas impactée. L'opinion publique est contre moi, les preuves aussi.

- Je ne sais pas si je devrais l'ouvrir, je souffle.

- Tu devrais. Ils répondent de toute évidence à ta candidature.

- Vu ce qui se raconte sur moi, je ne pense pas qu'ils prennent le risque de me prendre. Je n'ai pas envie de me faire du mal pour rien, je finis en posant l'enveloppe intacte sur le plan de travail.

- Et comment tu sais si tu n'essaies pas Harry ?

J'hausse les épaules sans réelle motivation.

- Je l'ouvrirais plus tard. Je l'ai fait juste comme ça, ça n'a pas tant d'importance. Et le contenu ne changera pas de toute manière. Et puis, il y a match important aujourd'hui. Je ne dois penser qu'à ça.

- Comme tu veux, soupire la femme.

Pour appuyer mes mots, j'hoche la tête et me lève du tabouret. Je contourne l'ilot central de cette cuisine typiquement américaine pour venir à côté de Lucia. J'embrasse tendrement sa joue.

- Je vais aller voir Louis et me préparer. Il faut toujours que j'y sois plus tôt.

- Parfait, j'ai presque fini de préparer le petit-déjeuner.

- Tu es la meilleure.

- Il faut bien que quelqu'un prenne soin de toi. Et je ne suis pas encore prête à passer le flambeau.

Je souris et viens poser ma tête sur son épaule un instant. Je la sais souriante, mais le silence nous enveloppe et c'est parfait ainsi.

- Lu ? Je parle doucement.

- Oui mon chéri ?

Nerveusement, je viens me mordiller la lèvre alors que mes yeux se perdent sur l'habilité de ces mains avec la nourriture. Ma bouche s'ouvre, se referme, puis finalement, je fais vibrer mes cordes vocales :

- Tu sais que je n'ai pas tué ce garçon, hein ?

Nous n'en parlons jamais, car en parler, c'est faire exister le problème. En le passant sous silence, cela offre la voie libre pour tenter d'avoir une vie presque normale.

Sauf que j'ai envie, besoin, d'en parler. Il y a des semaines, je n'aurais pas ressenti ce besoin - j'aurais fui à la moindre évocation de ce sujet si sensible, si... actuel. Mais beaucoup de changements et nouveautés débarquent dans ma vie - beaucoup de choses, pensées, personnes, que je n'aurais jamais pensé pouvoir ne serait-ce qu'entrevoir.

Lucia s'arrête dans son activité pour tourner très légèrement la tête vers la mienne, toujours posée sur son épaule. Son menton vient alors toucher mon front, et je peux presque sentir sa respiration.

- Je ne me suis jamais posé la question, Harry. Évidemment que tu es innocent.

- Tu aurais pu penser le contraire.

- Tu ne ferais pas de mal à une mouche. Tu es beaucoup trop gentil pour ça.

- Les gens ne me connaissent pas comme toi tu me connais.

- Et ils ne savent pas ce qu'ils ratent.

Un sourire léger se trace sur mes lèvres, sans que je ne puisse contrôler. Ça fait du bien à entendre.

- Tu es accusé à tort, et c'est injuste. Tu n'as pas tué ce garçon. La seule chose dont tu es coupable c'est... être le fils de ton père. Je respecte cet homme, mais -

Lucia lâche un soupir qui veut tout dire.

- On sait tous les deux quel genre d'homme il est. Tu n'as pas tué ce garçon, tu es probablement une victime dans cette histoire. Et il y a de la justice quelque part. C'est sûr. Parfois bien plus proche qu'on ne le pense.

Je me redresse, et ne réponds pas à cela. Cela fait son chemin dans ma tête, ce qui est un progrès. Avant, j'aurais simplement rigolé, et j'aurais oublié l'idée que je puisse un jour me sortir de cette emprise.

Cela arrivera, peut-être. Je l'espère, du moins. C'est tout ce que je peux avoir, sentir, espérer toucher - de l'espoir. Mais c'est un début.

- Merci, je dis doucement. Je vais voir Louis.

Avant que je ne parte dans le jardin, Lucia m'embrasse le front et cela me donne tout le courage nécessaire pour affronter la journée.

Cette dose de force augmente encore un peu plus quand je passe par la baie vitrée et vois Louis assis dans l'herbe, les cheveux encore ébouriffés et les yeux à moitié ouverts à cause du soleil qui tape. Instantanément, un sourire se dessine sur mon visage.

- Tu es là, je parle.

Assis dos à moi, les pieds nus trainant dans l'herbe, il acquiesce. Je marche jusqu'à lui et m'installe à ses côtés, en tailleur.

- Tu as bien dormi ? Il demande.

La voix de Louis fait partie des rares voix que l'on peut entendre dans notre vie - une voix aiguë, et pourtant très piquante, exceptionnelle. Lorsqu'il s'est réveillé il y a peu, elle devient encore plus intéressante.

- Oui, je réponds. J'ai bien dormi.

Encore une fois.

- C'est super, rétorque le châtain.

- Oui, j'avoue doucement.

Toujours aussi surprenant, mais doucement, je m'y fais. Je m'y fais peut-être un peu trop, en réalité. J'apprécie peut-être un peu trop sa présence à mes côtés, le jour comme la nuit.

- Tu vas bien ? Je parle. Tu as l'air pensif.

- Non, ça va.

Je détaille son visage luisant au soleil, alors qu'il fixe droit devant lui. Il est clairement ailleurs, mais je laisse le silence faire son travail. Ce qui fonctionne :

- J'ai un peu peur pour aujourd'hui, avoue t-il en un soupir. De me ridiculiser, encore une fois.

- Il ne faut pas que tu t'enfermes dans cette peur, tu ne la surmonteras jamais sinon.

- Je sais. Tu as raison. Mais c'est juste... que je n'y arrive pas.

Tellement, tellement plus facile à dire qu'à faire, oui.

- Il n'y a rien à faire d'autre de toute manière, continue le châtain. Il y aura bien un moment où je vais faire un meilleur match. Il arrivera bien un moment où je ne pourrais plus faire pire de toute façon.

J'acquiesce, sachant pertinemment que même en lui servant tous les beaux discours du monde, son ressenti ne changerait pas. Parfois, peu importe à quel point les gens nous complimentent et essaient, cela ne suffit pas à changer notre propre estime de nous-mêmes. Certains combats sont des combats personnels et solitaires.

Même si cela aide toujours d'avoir une petite présence, derrière. C'est pour ça que je pose ma main sur la sienne. Je remarque que Louis se fige l'espace d'une seconde, avant de serrer ses doigts. J'ai déjà remarqué qu'il semble très novice avec certains contacts, comme s'il découvrait encore. Je suppose simplement que son ex copine n'était pas tactile, ni très intime avec lui, vu comment il devient écarlate quand je lui caresse simplement la hanche.

- Tu es sûr qu'il n'y a rien d'autre ? J'insiste.

- Oui, il n'y a rien d'autre, je t'assure.

Mais face à ses yeux bleus, je vois qu'il ne me montre que la rivière et que derrière se cache un océan remué par une tempête. Je me dis qu'il doit voir cela parfois aussi, dans mes yeux, sans parvenir à comprendre ce qu'il y a de plus profond. Je n'ai pas tous les éléments pour comprendre ce qu'il ressent à cet instant précis, mais je ne lui reprocherai jamais.

- D'accord, je capitule. Tiens, j'ajoute en tendant mon autre main, tenant la lettre fermée. J'ai reçu une lettre d'Harvard.

- Vraiment ? Ses yeux s'illuminent un tant soit peu. Tu as été pris là-bas ?

- Je ne sais pas. Je n'ai pas ouvert l'enveloppe.

Louis fronce les sourcils. Il a l'air très éveillé, d'un coup.

- Pourquoi ?

- Je crois que je n'ai pas envie de lire un refus, ou je ne sais quoi. Je n'ai pas envie d'être hanté par ça aujourd'hui.

- D'accord. Oui, je comprends.

J'acquiesce alors qu'un petit silence prend place. Pendant celui-ci, le châtain prend le temps de consulter brièvement son téléphone, qu'il repose assez vite.

- Et toi ? Je reprends. Tu as bien dormi ?

- Oui. Ça a été.

- Pas de cauchemar ?

- Non. Je t'aurais réveillé, sinon.

- J'espère bien.

Louis se penche un peu vers moi, l'air timide, de manière à placer sa tête entre mon épaule et mon cou et tel un réflexe, je passe mes bras sur son dos. Il ne semble définitivement pas habitué au fait de passer du temps avec quelqu'un, comme ça, dans un contexte plus qu'amical. Il semble même s'interdire des choses avec moi, je le vois bien.

Je laisse le silence régner et la chaleur prendre place, trop occupé à dessiner des petites formes abstraites sur la peau de son dos, sous son t-shirt. Son corps n'est pas très musclé, pour un sportif de haut niveau, et pourtant, il est beau.

Je ne connais pas encore totalement chaque partie, les choses se passent les unes après les autres, sans réelle limite de temps. Mais j'ai déjà mémorisé beaucoup de choses chez lui.

- Moi aussi j'appréhende le match, j'avoue. Peu importe mon poste et mon expérience, j'appréhende. Mais ce match sera mieux que le premier, je le rassure.

- Pas sûr.

- Jamais sûr non. Mais en partant défaitiste, tu n'irais pas loin Lou.

Le châtain se recule de manière à ce que je vois son visage portant une expression étonnée.

- « Lou ? »

- Excuse-moi, c'est sorti tout seul. Je suis habitué à donner des surnoms à Liam et Lucia. Qui finalement... a le même que toi, en fait, je grimace. C'est bizarre.

Il rigole et cela me procure le même effet. Mon téléphone sonne finalement, annonçant l'heure prévue de réveil. Je me redresse afin de le désactiver.

- Tu as déjà mangé ? Je demande à Louis.

- Seulement quelques morceaux de fruits, donc pas vraiment. Je suis sorti directement. J'avais besoin de prendre un peu l'air.

- On devrait peut-être rentrer à l'intérieur alors. On a un petit-déjeuner prêt et on ne peut pas y aller le ventre vide.

- C'est gentil de la part de Lucia, répond le châtain en se redressant à son tour.

- Elle t'apprécie beaucoup, je crois.

- Moi aussi. Elle est vraiment... hors du temps.

Je ne peux qu'hocher la tête pour apporter confirmation à ses mots.

Louis se lève et je fais de même.

- Avec le ventre plein, je serai peut-être meilleur sur le terrain.

- Louis, tu vas être très bon. C'est le match retour contre les Yankees en plus - tu as la possibilité de te rattraper par rapport au premier. Un match mauvais de temps en temps, ça arrive. Ça ne veut pas dire que tu es mauvais. Si tu es dans cette équipe de haut niveau, c'est que tu as le niveau, mais comme tous les humains, tu n'es pas une machine. Tu n'es pas arrivé là par hasard.

Un rayon étrange semble traverser ses yeux, mais je n'y prête pas attention.

- Je devrais te rassurer plus souvent si ça te donne une poussée d'assurance comme ça, je rigole doucement.

- Ouais... ouais.

Les petites zones rouges sur ses joues me font sourire, puis enfin, nous retournons dans la maison en direction de la pièce de vie.

- Si je fais un bon match, on ouvrira ensemble l'enveloppe d'Harvard ? Demande t-il alors que nous nous enfonçons dans le long couloir.

Je ne peux m'empêcher de tourner la tête vers le garçon, un léger sourire fier aux lèvres. Je sais qu'il fait cela pour se motiver, me motiver - offrir cette entraide mutuelle, cette présence.

- D'accord, je rétorque. Deal. Garde la en attendant.

Il acquiesce et la prend. Je sais qu'il la rangera dans son sac après. Puis son sourire conclut ce petit pacte.

Alors que nous nous installons avec Lucia qui demande immédiatement à Louis s'il a bien pris le soleil et apprécié les fruits, je me dis que c'est pour ce genre de matin que je m'accroche.

À quoi, qui, jusqu'aujourd'hui, je n'en ai aucune idée - aux petites choses, probablement à l'attente qu'un jour, la situation se retournerait.

Être tactile avec ce garçon qui me plait, avec qui les choses semblent si simples - avec qui tout devient si simple alors qu'à l'extérieur de ma chambre, tout est en bordel total.

Même si j'en suis encore loin, même si la route est longue et abrupte, emplie de brouillard, elle est au moins présente, se dessine sous mes yeux.

Et à ce moment précis, dans la cuisine avec ces deux êtres, je me fous de savoir que mon père va finir par revenir un jour ici, passer sûrement plus que 24h, me replongeant dans un monde obscur, bien plus vite que je ne le pense.

Je ne pense pas à l'enfer qu'est ma vie ; ou du moins, l'enfer que je pense qu'elle l'est.

Car contrairement à ce qui arrive doucement et que j'ignore, je suis au paradis. Et la descente vers les flammes, elle, arrive à grands pas, sans que je n'y pense un seul instant.

Pour une fois, mon père et ses problèmes n'obsèdent pas mes pensées, remplacé par de beaux yeux bleus clairs.

Qui me donneront l'espoir de m'en sortir ;

Avant de me conduire tout droit à ma perte.

× × ×

J'hoche la tête à l'entente des consignes données par le coach Cox et l'arbitre, concernant l'alignement des joueurs, l'ordre des joueurs et de l'entraînement.

J'ai beau être capitaine, ce titre est surtout honorifique, pour reconnaitre le leadership d'un des joueurs. Autrement, je suis au même niveau que les autres - et heureusement. Beaucoup d'équipes n'ont même pas de capitaine du tout, à vrai dire.

Je prends juste plus de places lors des matchs officiels, ainsi que pendant les conférences de presse. J'écoute les consignes, je vais les rééxpliquer aux autres, je leur annonce comment cela va se passer, et fais passer le message si jamais quelque chose ne va pas. J'encourage, aussi. Au maximum. Cela donne un sens à la vie et à tout ça, quand même.

     - Cela te va ? Me demande Cox.

     - Oui, c'est très bien. Mais je pense que le plus judicieux pour l'entrainement est quand même de mettre Tomlinson et Ritz en premiers pour l'entrainement. Ils sont bons, mais facilement dissipés. S'ils sont mis directement dans l'ambiance, sans attendre, ils risquent d'être meilleurs.

     - Très bien, dit l'arbitre. Ils passeront à l'entrainement en premier.

En jeu, je fais totale abstraction des problèmes personnels. C'est le baseball, uniquement.

Une fiche de jeu nous est soumise, que nous devons signer. Encore une fois, ma signature est plus symbolique qu'autre chose - mais je la donne quand même.

     - Très bien, termine le coach. Va rejoindre les joueurs, Harry.

J'acquiesce, leur souhaite bonne chance avec un « fist bump », et quitte la petite salle pour m'enfoncer dans les grands couloirs du stade Coors Field. Je connais cet endroit par coeur, et jouer à domicile est quand même un avantage.

Je passe les coins de couloirs, en direction de vestiaire, et je croise Xander, qui s'arrête à ma hauteur.

     - Je te cherchais, annonce t-il automatiquement.

Comme moi, il est en tenue, prêt à affronter nos adversaires, qui sont de taille. Cela va commencer d'une minute à l'autre, de toute manière. J'arque un sourcil à l'entente de ses mots.

     - Pourquoi ? Il y a un problème avec l'équipe ?

     - Non, pas du tout. Tout le monde se prépare, et tout va bien. Je voulais juste te parler.

Je ne réponds pas, attendant qu'il poursuive. Xander a l'air déstabilisé l'espace d'un instant face à mon visage si fermé. J'ai cette faculté de totalement me refermer avec les personnes avec qui je me suis pourtant déjà ouvert auparavant.

Même si, c'est resté très superficiel, avec lui. Il a pensé découvrir tant de choses - alors que je n'arrivais pas à lui ouvrir mon coeur.

Comme s'il n'était pas la personne à qui je le devais.

     - Je voulais te parler de Louis, répond-il finalement.

     - Il y a un problème avec Louis ?

     - Non - pas dans le baseball en tout cas.

Tout en affrontant mon regard, Xander soupire avant d'oser ajouter :

     - Je ne le sens pas du tout, Harry.

Aussitôt, mes sourcils se froncent.

     - Qu'est-ce que tu me racontes, là ?

     - La vérité. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans toute cette histoire, H.

     - Pour toi, c'est Harry.

Mon ton est dur, sec. Le brun face à moi souffle.

     - Oui, si tu veux. Mais il faut que tu m'écoutes.

     - Xander, j'ai autre chose à faire là.

     - Oui, moi aussi, on a un match à jouer, je sais.

     - Pas maintenant Xander.

Je me décale afin de le dépasser et continuer ma route vers les coulisses, mais celui-ci ne se décourage et me rattrape rapidement. Il vient me barrer la route en se remettant devant moi. Il a l'air déterminé, alors que je suis totalement détaché. Mes yeux ne sont même pas posés sur lui.

     - Harry, je te demande cinq minutes. Il faut que tu m'écoutes.

     - Tu veux absolument me détourner de lui.

     - Non - j'ai vu, entendu des choses -

Je baisse le regard vers lui, faisant rencontrer nos yeux. Les miens envoient des éclairs, un orage entier.

     - Quand tu as tenté d'entrer chez lui par effraction peut-être ? Je parle.

Mon ton n'est pas haussé, mais la violence de ma voix est suffisante. Xander ne se laisse pas démonter, il me connait, malgré tout. Il ne bouge pas d'un millimètre.

     - Ça ne s'est pas passé comme ça, dit-il.

     - Il m'a raconté.

     - Comment est-ce qu'il aurait pu te raconter ? Il était chez toi, de ce qu'il m'a dit. Oh, mais - Xander prend un air étonné - si, c'est sûrement son ex qui te l'a dit, parce qu'il vit littéralement avec elle apparemment. Sérieusement, comment tu peux lui faire confiance

     - Je sais tout ça. On communique beaucoup, tu sais. Il habite avec elle parce que -

     - Oui, il a emménagé avec son cousin, un blond, et avec elle parce que c'était plus pratique, peu importe. Ouvre les yeux, Harry. Il débarque du jour au lendemain, il devient proche de toi, très proche, il en sait plus que toute l'équipe réunie -

Sans même le laisser finir, sans même considérer ses mots, leur sens, je secoue la tête quelques secondes.

     - Arrête Xander.

     - Il faut que tu m'écoutes.

     - Non, je ne te dois rien. Ce qui te rend malade, dans toute cette histoire, c'est que je me sente bien avec lui. Que j'ai envie de passer tout mon temps avec lui, peu importe ce que ça implique.

Mon doigt tape le haut de son pectoral à mesure que je parle, sachant des mots tranchants comme des lames de rasoir. J'appuie où ça fait mal, et je le sais. Ainsi, je me défends. Et à ce moment précis, nos regards s'affrontent bien plus que n'importe quelle compétition de sport.

     - C'est de la folie Harry. Tu vas le regretter.

     - Non. Tu es totalement aveuglé par une jalousie. Tu ne le connais pas.

     - Toi non plus, Harry ! Tu ne le connais pas !

Le ton est désormais élevé, résonnant dans les couloirs.

     - Évidemment que je suis jaloux, continue t-il. Et c'est normal quand on tient à quelqu'un, qu'on a ouvert son coeur à quelqu'un. J'ai fait tout ça avec toi. Évidemment j'ai des sentiments pour toi, et évidemment je suis jaloux.

     - Je n'en ai pas, moi.

Je lâche ça si rapidement, avec un ton si banal, sans avoir même besoin de réfléchir, que Xander a un léger mouvement de recul. Encore une fois, il ne se laisse pas démonter.

     - Je n'en ai jamais eu, je termine. Ce qu'il s'est passé entre nous, ça s'est passé parce que tu étais là, et que dans ma tête il n'y avait personne d'autre à ce moment. Tu le savais très bien, que c'était juste pour un temps.

     - On s'est mis ensemble après.

     - Et tu as vu le temps que ça a duré ? Très rapidement, tu t'es mis à harceler le nouveau et ça m'a très vite montré la couleur.

     - Le nouveau qui a pris mon mec !

     - Il n'a rien fait, Xander. Tu as très bien fait ton compte tout seul. Tu n'as rien à voir avec Louis, peu importe à quel point tu essaies, tu ne prendras pas sa place dans ma vie.

Dans le regard du brun, je lis qu'il est blessé, presque déstabilisé. Et je ne veux pas ça, je n'aime pas ça. Pourtant, il ne veut pas comprendre.

     - Tu t'imagines que ça va durer ? Dit-il.

     - Je ne sais pas, que peut-être ce sera la première chose dans ma vie qui durera oui.

Xander fait un pas en avant.

     - Je te connais mieux que lui, que tu le veuilles ou non. Il me dépassera sûrement un jour, je sais - mais pour l'instant, c'est le cas. Je sais des choses qu'il ne sait pas, j'ai vu des choses et entendu des choses que toi, tu ne sais pas. Et je veux que tu m'écoutes - je veux que tu me fasses confiance ,sur ça. Ce mec est louche.

     - Sérieusement ? Tu as fini ?

     - Harry, réfléchis. Tu vis des choses difficiles et par conséquent tu te méfies de tout le monde. Comme par hasard, tu refuses de m'écouter et de te méfier de lui. Il parait que ça rend aveugle, mais, là... le brun secoue la tête, comme exaspéré. Reste toi-même, et juste, méfie-toi de lui l'espace d'un instant. Ça te fera ouvrir les yeux.

Un rire nerveux quitte mes lèvres alors que je me recule.

     - Je suis épaté par les moyens que tu mets en oeuvre, dis-je.

Terminant ma phrase, je fais à mon tour un pas en avant afin d'être très proche de lui. Ainsi, j'envahis son espace personnel, ce qui a pour effet de le déstabiliser. Mon visage est neutre, presque dur, tiré par l'agacement.

     - Tu te souviens quand tu m'as dit que j'étais toxique ? Je me suis répété ça dans ma tête, jour et nuit. Je me suis dit que tu avais sûrement raison, que je ne méritais personne. Et je ne sais pas pourquoi, comment, les choses se sont passées avec Louis, et elles se passent merveilleusement bien. Ça m'échappe aussi - parce que ça se rapproche du bonheur. J'ai l'impression que je vais pouvoir m'en sortir, et ce qui te rend fou, c'est qu'avec toi, je n'ai jamais raisonné comme ça.

Xander ouvre la bouche, la referme, et ainsi, se tait.

     - Lâche l'affaire Xander, je conclus. Je n'ai pas envie de me méfier de lui, parce que je ne devrais pas avoir ce réflexe tout le temps. Pense ce que tu veux de lui, mais ne viens pas inventer des histoires pour servir ton intérêt. Je ne veux pas t'entendre en dehors du baseball.

Le brun lâche un long soupir, et malgré tout, je sais au fond qu'il ne s'avoue pas vaincu. Xander est le genre de personnes déterminées, qui lorsqu'elles ont une idée, vont au bout des choses.

Mais ce n'est pas très grave ; il ne m'atteindra pas avec ses idées farfelues.

Dans les hauts-parleurs est annoncé le début de l'entrainement, et je lance un regard à mon joueur. Sans mots, je suis très clair : sois professionnel. Sois bon. Et ne pense qu'au baseball. Car il a l'air de penser à tout sauf à ça, là.

Je ne cherche pas à comprendre davantage. Je le dépasse, et accélère le pas pour rejoindre le terrain de terre battue.


× × ×


     - Au jeu !

L'arbitre annonce le début du match et nous sommes en position pour cette première manche, en tant qu'attaquants. Xander est d'abord placé pour contrer la balle ; tâche qu'il réussit sans trop d'efforts. Il va jusqu'à la première case, et Tommy fait de même. Liam atteint même un double.

Louis ne joue pas lors de la première manche. Nous marquons quelques points, jusqu'à ce que la seconde partie de manche débute. Les Yankees sont terrifiants, et nous rattrape sans aucune difficulté sur le score.

Je connais la plupart de ces joueurs, ces titans du baseball. Ils ne m'impressionnent plus réellement désormais, mais impossible de ne pas reconnaitre leur talent.

À la manche suivante, je donne tout sur le terrain. Ma batte est comme un troisième bras, et j'envoie valser les balles sans problème.

Dans ces moments-là, rien n'a d'importance. J'oublie tous mes problèmes, toutes les choses, négatives, positives - mon corps, mon esprit, ne semblent vivre que pour ce sport, pour cette balle qui arrive à toute vitesse sur moi.

Une équation mathématique défile à une vitesse folle, afin de savoir quand, et sous quel angle, je dois frapper. Je vois des choses que personne ne voit et ai le temps de lâcher un petit souffle.

D'un grand coup assuré, j'amène ma batte pour venir frapper de toutes mes forces la balle, qui s'envole dans les airs. Les joueurs en défense commencent leur course pour la rattraper, attendant sa retombée, et je cours.

À m'en bruler les poumons, à courir si vite que l'air autour de moi me parait glacial malgré la chaleur torride, à ne penser à rien d'autre. En quelques secondes seulement, je fais le tour du carré, essoufflé.

Ma balle n'est toujours pas retombé et ainsi, le verdict est annoncé :

     - Hors limite !

Cela m'impressionne toujours, d'être capable de faire cela - d'envoyer une balle hors des limites du stade. Ce n'est pas la première fois, probablement pas la dernière, mais l'espace d'un instant, j'ai l'impression d'être spécial.

D'être quelqu'un.

Les joueurs de mon équipe foncent sur moi pour me féliciter, pour savourer notre avance sur les chiffres. Même les adversaires me saluent, et mon coeur flotte.

Même si les yeux bleus de Louis et les félicitations qu'ils émanent m'importent un peu plus que les autres.

Deux autres attaquants de notre équipe passent, faisant encore légèrement monter le score.

     - Changement de position, parle l'arbitre. Les Yankees en attaque, les Rockies en défense.

Tandis que la rotation s'effectue, je m'approche du châtain qui de toute évidence, contient son stress. Assis sur le banc, je vois sa jambe légèrement bouger, et ses dents s'attaquent à sa petite lèvre inférieure. Je vais à sa hauteur, en profitant aussi pour boire quelques gorgées d'eau fraiche.

     - Ne sois pas si stressé, tu vas abimer ces belles lèvres. Tu passes après ? Je parle brièvement à Louis.

     - Ça fout la pression, souffle t-il. De passer après toi. T'es vraiment incroyable.

     - Toi aussi, et tu vas assurer.

En plus de le rassurer, je crois à ces mots.

Parfois, dans ces moments interdits, j'ai envie de l'embrasser - pas forcément ses lèvres, mais son front, ou même le bout de son nez.

Cette forme de tendresse que je ressens, est inédite. Je n'ai jamais ressenti l'envie, le besoin, de montrer cela lors de moments si importants. Avant, le baseball, mon père, prenaient toute la place dans mon esprit - Xander et mon affection pour lui étant, j'avoue, le cadet de mes soucis.

Et peut-être que cela faisait de moi un mauvais amant, un mauvais petit-ami avec lui, oui. Et je n'en suis pas très fier.

Mais cela me permet probablement d'être une meilleure version de moi-même avec Louis.

Il me permet probablement cela.

Louis se lève alors et m'offre un petit sourire qui veut tout dire. Alors qu'il me dépasse pour rejoindre le terrain, il effleure ma main de ses doigts. Instantanément, mes lèvres se forment en un petit sourire et je me retourne pour le regarder s'éloigner. Il se met à trottiner et je trouve ce détail mignon.

Je tourne la tête vers Xander qui me regarde. Je maintiens ce contact visuel, faisant simplement passer un message très clair : le base-ball. Rien d'autre.

Le feu vert est lancé pour que la manche continue, et se termine. Nous faisons un bon travail de défense, jusqu'à ce que la manche change encore. Et cette fois, nous repassons en attaque et Louis se doit d'aller avec sa batte sur la fameuse case.

Tel le capitaine que je suis, mais aussi le... - oui, qu'est-ce que je suis, d'ailleurs ? - j'observe Louis et ses mouvements. En tant que tête de l'équipe, lorsque je ne suis pas sur le terrain, je reste aux côtés du coach pour jauger les comportements et performances.

     - J'espère qu'il sera meilleur que la dernière fois, parle Coach Cox.

     - Coach, il va assurer.

     - Je sais que vous êtes devenus proches, là n'est pas la question. Juge le sur le baseball et uniquement le baseball, Harry.

     - Alors juge-moi sur le baseball et uniquement le baseball.

Nos yeux se croisent et il ne répond pas. Il finit par tourner la tête afin de regarder à nouveau le terrain.

Louis rate le premier lancé et je saisis ma lèvre entre mes dents, par réflexe.

Le deuxième lancé est pareil. Manqué, même si de justesse. Malheureusement le résultat est le même.

Et le troisième est effectué : un simple, mais c'est déjà ça et le public le félicite tandis qu'il court sur les cases. Je crie avec eux pour l'encourager.

La suite du match est assez laborieuse pour Louis. Toujours, du coin de l'oeil, je l'observe. En attaque, il est mauvais, ailleurs - et en défense, il semble mou, trop préoccupé par je ne sais quoi.

C'est perturbant, car à le voir, l'on pourrait venir à certaines conclusions :

Qu'il a quelque chose qui ne va pas, que quelque chose ne tourne pas rond dans sa vie, comme moi ces derniers temps,

Ou alors, qu'il n'est pas joueur professionnel, du tout.

De toute évidence, je me dis que la première option est la concernée. Et je me mets cette idée en tête, jusqu'à presque m'inquiéter.

Nous gagnons malgré tout, et le public crie nos noms à tous - le mien ressort beaucoup, mais celui de Louis se fait entendre aussi, ce qui semble donner chaud au coeur du garçon.

Auprès du coach, je vais saluer l'équipe adverse, leur capitaine et leurs entraineurs. Tandis que je leur serre la main à tous, et qu'ils entament une conversation, je ne peux m'empêcher de me retourner pour observer Louis.

Celui-ci quitte le terrain, bien à la traine des autres.

Je me mords la lèvre et essaie de me reconcentrer sur mes échanges professionnels.


× × ×


Les flashs des appareils photos viennent m'éblouir alors que des dizaines de micros sont tendus vers moi. Je ne suis pas le seul dans ce cas - différents joueurs, de l'équipe ou celle adverse, sont aussi soumis aux conférences de presse d'après-match.

Ça, cela fait partie des choses auxquelles on ne s'habitue jamais vraiment. Malgré le fait que cela puisse devenir moins impressionnant, plus « banal », cela reste toujours particulier à vivre.

Des heures entières perdues à devoir faire attention au moindre mot, au moindre geste. Mais cela fait partie du métier - partie que je n'aime pas trop, en réalité.

Être en contact direct avec la presse est toujours un peu dangereux. C'est pourtant mon meilleur allié, parfois, pour faire passer une image parfaite. Et pourtant, plus les jours passent, plus je suis fatigué de ce masque.

Il devient lourd à porter, et j'ai l'impression de devoir le recoller, de plus en plus.

Mais je le fais. Car il le faut.

     - Harry, parle une femme en tailleur avec son micro tendu, vous avez encore effectué un hors-limite, quelle sensation cela fait face aux Yankees ?

     - Eh bien... C'est toujours aussi génial, d'accomplir ça, peu importe face à qui. C'est génial.

Lorsque je réponds à une question, tout est silencieux, et au moment où je finis ma phrase, les journalistes se remettent à parler fort, essayant tous de se surpasser les uns les autres afin que j'entende leur question.

Un homme parvient à caler sa question :

     - Comment s'annonce la fin de saison selon vous ?

     - Pour le moment, il est trop tôt pour s'exprimer sur le sujet. Cela va dépendre aussi des matchs entre les autres ligues. Mais j'essaie d'être optimiste.

     - Qui sont vos adversaires préférés ? Demande un homme.

     - Oh, bonne question. Je pense que les Yankees restent les rois du domaine, ce qui fait que c'est un plaisir de les affronter.

     - Et les collègues avec qui vous avez le plus d'affinités ? Continue ce même journaliste.

Je ravale au maximum le sourire qui veut posséder mon visage.

     - Je m'entends très bien avec toute l'équipe. C'est le rôle d'un capitaine.

     - Ce rôle n'est pas difficile à endosser ? Reprend un autre.

     - Non, je rétorque. Ça a ses avantages, ses inconvénients. Mais j'aime mon poste et ce qu'il implique.

La plupart du temps, du moins.

Puis une autre question, et encore une, puis de nouveau. Je réponds bien à une dizaine de questions avant que le sujet de celles-ci commence à dériver.

     - L'élection présidentielle approche et le dirigeant actuel se représente avec votre père à ses côtés. Qu'est-ce que cela vous fait ?

     - C'est génial, je mens parfaitement. Je ne suis probablement pas très objectif mais je sais qu'ils sont favoris dans les sondages et espérons qu'ils aient raison.

Les journalistes n'y voient que du feu, même si intérieurement, dire cela me serre le coeur.

Et ainsi, suite à cette question dérangeante, cela monte crescendo. La prochaine question venant m'achever :

     - Harry, qu'est-ce que cela fait d'être une vedette qui ne paie pas pour ses crimes ?

Malgré le brouhaha incessant, j'ai l'impression qu'aussitôt, tout devient silencieux. Trop silencieux, jusqu'à déclencher un sifflement dans mon tympan. Cela me fait mal, physiquement, mentalement, et j'ai l'impression de flotter dans le vide.

Je tourne lentement la tête vers le coach Cox. Je ne sais pas pourquoi je me tourne vers lui en ce moment précis ; mon esprit semble vouloir chercher un regard familier et réconfortant.

     - Je suis innocent, je parviens finalement à répondre.

C'est la première fois que je m'exprime publiquement sur le sujet, et je sais que cela va faire parler. Je sais que cela va faire du bruit, que cela va remonter auprès de mon père, comme un moustique gênant près d'une oreille.

D'un coup de main violent, comme avec un moustique qu'on écrase, il résoudrait le problème.

     - Les questions sont terminés, crie mon coach dans la salle.

Sans attendre une seconde de plus, je suis sorti de l'endroit pour me retrouver dans les couloirs silencieux du grand stade. De loin, je peux toujours entendre les bruits agaçants des photos, et les voix insistantes des journalistes.

J'ai l'impression d'encore entendre sa question, en boucle. Ses yeux perçants, son bras plus que tendu pour approcher au maximum le micro de ma bouche, ne voulant manquer

Putain de vautour.

     - On t'évitera d'assister aux prochaines conférences de presse, soupire coach Cox.

     - Je suis la tête de l'équipe. Je ne peux pas manquer ça.

     - Vu les circonstances, c'est mieux Harry. Dès demain la presse entière parlera de cette interview.

     - Les circonstances étaient les mêmes à tous les matchs avant celui-ci. On savait que ça arriverait, on savait que ça me tomberait dessus à une plus grande échelle encore, que ça impacterait le baseball.

Même si stupidement, j'avais envie de croire que cette bulle dans laquelle je me trouve ne serait jamais brisée. Que personne n'oserait trop m'en parler, que personne ne me jetterait contre ce mur d'épines, afin que je réalise.

Je ne peux pas dire que je suis très chanceux d'être dans une telle position, c'est évident - mais au sein de celle-ci, je me retrouve entourée de certaines bonnes personnes, qui rendent la douleur plus supportable.

Qui font le maximum pour que l'espace d'un instant, des secondes, minutes, parfois heures, je me sente comme quelqu'un de lambda. Que je pense que cet immense problème n'existe plus.

Il est réel, plus que réel.

Et je ne pourrais pas ignorer tout ça très longtemps.

Je devrais soit mener un combat long et fatiguant pour quitter l'emprise de mon père, démonter sa position et le poids de sa parole ;

Soit croupir derrière des barreaux.

Une issue me semble plus réalisable que l'autre, malheureusement. Et je ne sais pas si ignorer tout est réellement la chose à faire. Se préparer à la chute la rend moins effrayante, pas vrai ?

     - Tu n'as rien fait, statue le coach. Je le sais.

     - Et si c'était le cas ? Je parle plus rapidement que ma pensée. Si ce qu'ils disaient était vrai ?

Face à la peur dans mes yeux et la précipitation dans ma voix, le coach comprend immédiatement que je parle sans réel sens. Il ne doute pas une seule seconde de moi

     - Ils ont le mauvais suspect, c'est tout. Tu seras vite innocenté mon garçon.

     - Les jours passent, et rien ne fait.

     - Ne t'en fais pas. Même s'ils restent têtus sur toi, ton père te protègera.

Je serre la mâchoire à l'entente de ces mots. Il se protègera lui-même en m'utilisant à sa guise.

Comme un automatisme, je me mets à faire les cents pas dans ce petit couloir du stade que je connais par coeur. Des milliers de choses se bousculent dans ma tête, et je n'aime pas l'explosion finale que cela donne.

J'essaie de calculer toutes les possibilités, d'être aussi efficace que sur un terrain, mais j'ai l'impression d'à chaque fois manquer la balle qui arrive.

     - Harry, calme-toi.

     - Je suis très calme.

     - Comme d'habitude, tu l'es. Mais à l'intérieur, tu deviens fou. Il faut que tu te calmes.

     - Je suis calme ! Je parle fort.

Directement, je passe mes mains sur mon visage. Celles-ci sont moites, et je le sens. Cela me fait aussitôt soupirer.

Je n'aime pas les états dans lesquels tout cela peut me mettre. Cela n'a rien d'agréable, de positif.

Je préfère, de loin, le sentiment chaud que j'ai lorsque Louis touche ma main, ou me regarde d'une certaine manière.

Et d'une façon, penser à lui présentement semble aider un peu mon coeur à se calmer. Ou peut-être est-ce juste une coïncidence.

     - Calme-toi mon garçon, ajoute Cox. Ils peuvent penser ce qu'ils veulent, comme l'opinion publique. Tu n'es pas le premier, ni le dernier, à être accusé à tort en Amérique. Estime toi au moins heureux d'être blanc et donc d'avoir le bénéfice du doute dans ce pays biaisé.

Je baisse les yeux.

     - Ils se rendront compte de leur erreur.

     - Tu n'es pas objectif avec moi. Tu me protèges constamment, sans réellement savoir - comme cette fois en interrogatoire.

     - Manquer d'objectivité n'est pas une mauvaise chose. Quand on connait quelqu'un, et que donc notre objectivité en prend un coup, on a au moins tous les éléments pour juger la personne et la situation. Je te connais, je sais ce que tu as fait.

     - Peut-être pas.

     - Très bien, s'agace t-il face à mon système de défense stupide. Regarde moi dans les yeux et dis moi que tu l'as fait dans ce cas. Que tu as tué ce gamin dont ils parlent tous.

Toujours prêt à affronter un défi, j'établis un contact visuel solide avec mon supérieur. Mon visage est fermé, comme à mon habitude, et je ne bouge pas d'un cil.

Provocateur comme je suis, j'aimerais pouvoir le dire, pour lui montrer que des mots, ça ne veut rien dire. Pourtant, j'en suis incapable.

Même en ouvrant les lèvres, rien ne sort. Et face à moi, le coach Théodore Cox ne se démonte pas.

     - Voilà, dit-il doucement. Tu n'as rien fait. Et arrête de jouer à ce petit dur à cuire qui pense qu'il ne mérite rien. Tu es innocent, Harry. Tu es en vie. Tu es excellent. Je me fiche que tu sois moins bon en ce moment, ou que parfois tu sois tête en l'air ou je ne sais quoi de péjoratif. Tu es accusé de choses graves, et c'est infondé. Je ne sais pas pourquoi, comment, mais je te connais. Sous tes airs de gamin têtu, tu ne ferais pas de mal à une mouche. Tu es un bon capitaine, un bon joueur, et un bon gamin. Cesse donc d'être si dur avec toi-même - tu es accusé de meurtre, bon sang ! Évidemment que tu vas mal. Arrête d'être si dur avec toi-même, juste, arrête ça !

Face à la familiarité dont il fait preuve, face aux mots qui viennent directement me bousculer

Je crois que j'en avais besoin. Je crois que, je ne suis encore moins seul que ce que je pensais.

Je baisse les yeux. Et à l'intérieur, cela fait un bien fou. J'abandonne le combat, cette fois. J'accepte le fait que des gens puissent penser du bien de moi, qu'enfin, l'on puisse me défendre, me croire.

Il me faut quelques secondes pour reprendre mes esprits, et le coach me les laisse. Lorsque finalement, je relève la tête vers lui, nous retrouvons tous deux nos esprits professionnels. Mais je suis peut-être un peu plus léger qu'il y a quelques minutes.

     - Viens, parle t-il calmement. On a encore beaucoup de paperasses à faire.

Après chaque match, c'est ce qu'il faut faire. Et outre cela, nous en profitons pour débrifer sur l'équipe.

Je me résigne à hocher la tête et alors que nous marchons, Cox me tapote le dos, juste deux fois. Sans mots, cela veut tout dire.

« Ça va aller, petit. »

Et mon hochement de tête cordial répond aussi silencieusement.

« Merci. »


× × ×


Je mets ma main devant ma bouche alors qu'un bâillement incontrôlé me saisit. J'essuie brièvement les petites larmes que cela forme aux coins de mes yeux.

En tournant la tête vers la fenêtre du bureau, je vois que la nuit est presque totalement tombée, signant un bon 20h30. Je retourne la tête vers le coach.

     - On a tout vu ? Je lui demande. Il se fait tard.

     - Oui. Je pense qu'on a tout vu. Tout est signé, et on a vu tout ce qu'il fallait voir.

     - Je vais y aller alors. J'ai besoin de me reposer.

L'homme hoche la tête et me remercie, avant de me souhaiter une bonne nuit. Je me lève et enfile ma veste. En quittant son bureau, je me retrouve dans un énième couloir de Coors Field, désert. De nuit, seul ici dans un silence total, avec des éclairages usés, un coté très macabre ressort.

Je n'ai pas vraiment peur. Je me suis retrouvé des centaines de fois ici, seul, en pleine nuit - parfois plongé dans le noir complet à cause de coupures d'électricité. Je n'ai jamais ressenti de frayeur quelconque.

Depuis quelques années, les phobies, peurs infondées, ou craintes, même petites, ne m'habitent pas réellement. Je me suis demandé pourquoi longtemps, cela m'a déjà tenu éveillé en pleine nuit, et j'ai réalisé.

Si je n'ai pas peur, je crois que c'est simplement parce que je n'ai pas peur de mourir.

J'arrive dans nos vestiaires habituels et souffle en allant m'installer sur un banc. Je ne prends même pas la peine d'allumer la lumière, et laisse mon visage tomber entre mes mains. Le calme total dans cet endroit qui m'est si important m'apaise l'espace d'un instant.

J'ouvre les yeux et à travers mes doigts, vois une ombre silencieuse s'approcher. Aussitôt, je me redresse en sursautant - mais je découvre Louis, droit devant moi. Il a l'air penaud- mais surtout, il est là.

À chaque fois que j'ai besoin, il semble être présent.

     - Oh, tu m'as fait peur, je souffle en mettant instinctivement ma main sur mon coeur. Qu'est-ce que tu fais là ?

Louis hausse les épaules et viens s'asseoir à coté de moi.

     - Je t'ai attendu.

     - Tu as attendu des heures ! Tout seul, ici.

     - Je n'avais pas trop envie de rentrer, et j'avais besoin d'être seul.

Je le regarde, tandis que lui fixe ses pieds. Il sent bon, et je devine qu'il est passé sous la douche, qu'il a probablement pris le temps dont il avait besoin.

     - Est-ce que tu veux que je te raccompagne ? Je demande.

     - Je ne sais pas. Je crois que j'ai envie de marcher.

     - Je peux te raccompagner en marchant.

Je parle doucement, ne voulant pas le brusquer. Par moment, j'ai l'impression que Louis est plus fragile que du cristal.

     - Ta voiture est garée là, dit-il.

     - Je viendrais la récupérer un autre jour. Viens - on y va.

Il a l'air loin, pensif. Il hoche la tête après un temps de réaction et se lève, délicatement. Nous fermons la porte du grand stade derrière nous.





*

PARTIE 2 : Born To Die

NDA : partie à lire en écoutant « Born To Die » de Lana Del Rey

LOUIS


Silencieusement, je marche, les mains enfoncées dans les poches de ma veste. En réalité, tout n'est pas totalement sans bruit ; la pluie vient frapper le sol et ajoute donc une ambiance de nostalgie difficile au moment. La nuit est bien présente, mais je n'y prête pas attention particulière.

Sur un trottoir, je continue ma route en regardant mes pieds et le goudron mouillé. Je rase les murs, étant ainsi protégé par les devantures des magasins.

Harry marche sur celui d'en face - également sans rien dire, fixant droit devant lui.

Je suis trop préoccupé par mes performances terribles, par le bordel total qu'est ma tête ;

Et lui est trop préoccupé par l'indiscrétion des journalistes, par tout ce que cela implique ;

Également, je n'ose pas le déranger, et je suppose que lui non plus.

Pourtant, je l'ai attendu. Car sa présence m'apaise. Et la pluie dans la nuit chaude grâce au premier jour du mois de juillet, a un côté apaisant aussi.

De temps à autre, j'ose tourner la tête vers lui, une seconde seulement. À chaque fois, il regarde devant lui sans bouger d'un centimètre, continuant sa marche. Parfois, je sens son regard sur moi, un très court moment. Mais à aucun moment nos regards se croisent.

Cela dure de longues minutes. Je suis incapable de donner une estimation, à vrai dire.

     - On aurait pu rentrer en Uber ou quelque chose, parle finalement Harry.

Le bouclé tourne la tête vers moi, en prenant d'abord la parole. J'hausse simplement les épaules, et ainsi, le faux silence retombe.

     - Louis, ce n'est pas grave.

Sa voix se montre douce, rassurante, et je ressens cela tout de suite. Mais encore une fois, je ne sourcille pas. Car si, c'est grave. Cela devient grave - tout, devient grave.

     - Louis, insiste Harry.

J'enfonce encore un peu plus mes mains dans mes poches et soupire.

     - Ça va, ne t'inquiète pas, je dis finalement.

     - Tu es silencieux.

     - Ça fait du bien.

     - Ça ne me fait pas du bien, à moi.

Je baisse les yeux alors que mon allure ralentit légèrement. Il me faut quelques instants pour répondre. Pendant ceux-là, Harry semble comprendre, respecter ; attendre.

     - Tu sais ce qu'il se passe, je souffle.

     - Oui, probablement. Mais tu devrais l'extérioriser. Sinon tu vas accumuler ta frustration. Et sûrement la répercuter sur les autres.

Ce que je fais déjà probablement, je pense. Encore plusieurs secondes sans parler, en continuant à enchainer les pas me rapprochant petit à petit de la maison. Même s'il y a encore du chemin, et encore des gouttes s'échouant sur le sol.

     - C'est remuer le couteau dans la plaie, je dis.

     - C'est remuer la merde pour mieux la sortir, me corrige le bouclé. C'est important, de parler.

     - Tu n'es pas très bavard non plus quand ça va pas.

     - Fais ce que je dis, pas ce que je fais.

Dans sa voix je peux entendre un sourire, et lorsque je tourne la tête vers lui, je remarque que c'est bien le cas. Ce sourire béant, fier, charmeur. Cela m'en décroche un à mon tour, que j'ai du mal à chasser.

     - Je suis juste mauvais en ce moment. Très mauvais sur le terrain.

     - Quelque chose ne va pas, qui engendre ça ?

     - Je n'en sais rien.

Si, évidemment, je sais. La liste se rallonge de jour en jour. Du positif débarque ; mais cela provoque des cotés négatifs aussi, pour chaque « pour », un « contre » se créé et cela n'en sera que plus douloureux à la fin.

     - Louis.

Sa voix est désormais très proche de moi, et je sursaute presque en le voyant désormais à deux mètres de moi, marchant sur la route.

     - Tu es sous la pluie, je note.

     - Au moins comme ça je capte ton attention.

     - Tu as toujours mon attention, je marmonne.

De nouveau, il sourit bêtement. Harry a des côtés niais, presque agaçants parfois, et c'est encore plus difficile d'avouer que j'adore ces côtés mielleux.

J'ai l'impression de me découvrir, avec lui. De découvrir beaucoup de choses sur la vie, l'amour - sur moi-même, tout simplement.

De belles choses, contre toute attente.

Des magnifiques, même.

Et des plus difficiles. Comme des humiliations à la chaine en étant un vrai navet sur un terrain de baseball.

     - C'est juste que j'adore ça. Et c'est terriblement frustrant d'adorer quelque chose, de presque vivre pour ça, et de faire de telles performances. C'est comme quand... on s'imagine un super beau moment dans notre tête, et que la réalité est juste super décevante.

Je marque une pause.

     - Je suis super décevant, je conclus.

     - Louis, non.

Son ton est tendre et cela me fait tourner la tête vers lui, alors que nous ne nous arrêtons à aucun moment de marcher. Harry me regarde, ses boucles trempées tombant sur son front et son visage. Sa veste en daim marron et son jean lui collent tellement à la peau qu'on pourrait presque croire que cela fait partie de lui.

Il ressemble à ces personnes tout droits sorties de films romantiques clichés, ou je ne sais quoi. Je n'aime pas trop ce genre de films, à vrai dire. Pourtant j'ai l'impression d'en vivre un, là.

Le genre qui finit mal, qui fait pleurer les yeux des spectateurs et gonfler leurs gorges.

Harry s'arrête, d'un coup. Et se tient là, sur la route, stagnant dans quelques millimètres d'eau. Ses bottines sont trempées, peut-être même fichues. Et je ne sais par quelle force, je m'arrête aussi pour le regarder, la bouche entrouverte.

C'est peut-être ça, la force de ces « moments clichés de film romantique ». Quelque chose d'intense, qu'on ne peut pas expliquer, à moins de le vivre. Le genre de scène qui donnent l'impression que pendant un moment, la vie frappe différemment.

     - Viens là, dit le bouclé.

     - Je dois rentrer Harry, je souffle.

     - Viens je te dis.

Il n'a pas besoin d'énormément insister pour que je quitte le trottoir, me mettant ainsi sous la pluie pour venir à sa hauteur. Je sens de l'eau dans mes chaussures en tissu, et le bruit semble encore plus amplifié au milieu de cette route déserte.

Harry se tient devant moi et je recoiffe ma mèche mouillée afin d'y voir quelque chose. Ses grands yeux me regardent, des gouttes perlant sur sa peau et chaque partie de lui, et je ne sais pas ce que je ressens.

Surement trop de choses pour mettre le doigt dessus.

     - Parle-moi, murmure-t-il.

     - C'est ce que je fais.

     - Non. Tu ouvres la bouche, tu lâches des mots. Mais tu ne parles pas.

     - Toi non plus, je me défends. Je vois bien que tu es pensif aussi.

     - Je te l'ai dit -

     - Oui. Fais ce que je dis, pas ce que je fais, j'ai compris.

Il acquiesce lentement, un petit sourire insolent au coin des lèvres. Je ne prends même pas la peine de lever les yeux au ciel ; trop occupé à détailler son visage stoïque.

     - Je sais gérer mes émotions, rétorque Harry calmement. Chaque obstacle que je rencontre, ils sont calculés, et je peux les contrer. Toi, tu es face à une muraille et tu as du mal à gérer. Tu as l'impression d'être au-dessus du vide, et je le vois. Alors, désormais sa voix est un chuchotement, parle-moi.

Ses doigts viennent chatouiller les miens, jusqu'à mêler les nôtres ensemble. Il me faut quelques secondes mais je finis par serrer sa main.

Pendant un court moment, alors que je regarde droit dans les yeux d'Harry, le temps semble s'arrêter. La pluie se suspend dans les airs, plus rien ne touche le sol - peut-être même pas nos pieds, peut-être qu'on flotte aussi. Autour rien n'a d'importance, et c'est aussi intense que terrifiant.

Car j'ai envie de parler ; j'ai envie d'ouvrir mon coeur, j'ai envie d'être transparent comme ces gouttes s'échouant sur nous, j'ai envie de tout livrer ;

D'être totalement ouvert, offert à lui. Que cela dépasse le baseball, mon état actuel et tout ce que cela implique. Car j'ai une confiance aveugle en sa personne.

Putain.

J'ouvre la bouche, la referme. Cela semble coincer dans ma gorge, dans mes poumons, dans mon coeur. Mon être entier ressent un blocage.

Ma raison et mon coeur se battent en duel effréné, et c'est difficile. De légères larmes se calent dans le coin de mes yeux, mais avec la météo, cela ne se remarque pas réellement.

Ou peut-être qu'Harry le remarque. Il voit tout, tout le temps. Même avant moi, parfois.

     - Je ne peux pas, je murmure.

Le dire me fait mal, mais c'est vrai. Le bouclé hoche lentement la tête - si lentement, que je pourrais presque manquer le geste.

     - D'accord, répond-il sur le même ton.

Et d'une certaine façon, sa compréhension est encore plus douloureuse.

Harry sort son téléphone de sa poche et fais quelques manoeuvres dessus, avant de le ranger de nouveau. J'entends très rapidement une mélodie

Une chanson de Lana Del Rey. « Born To Die ». Nés pour mourir.

L'instrumental douce du début vient résonner dans cette rue, et je fixe le bouclé, ne pouvant m'empêcher d'écouter les paroles.

Pieds, ne me lâchez pas maintenant
Emmenez-moi jusqu'à la ligne d'arrivée
Mon coeur entier se brise à chaque pas que je fais
Mais j'espère que les portes,
Me diront que tu m'appartiens

     - Mais j'espère que tu sais que tu peux, ajoute t-il dans une tendresse totale, me sortant de mon écoute de la chanson.

     - Je sais, je déglutis. Et c'est bien ça le problème.

Je pense à haute voix, mais ça ne vient pas ébranler son assurance. Au contraire, Harry hoche même la tête, jusqu'à répéter :

     - Oui, dit-il en retour. C'est bien ça le problème.

Tous deux, nous nous identifions à cette phrase, laissons doucement tomber nos barrières. S'attacher l'un à l'autre comme nous le faisons est un problème. Un obstacle. Un mur. Dans lequel nous fonçons main dans la main.

Et c'est bien, d'être à deux pour ce genre de choses. Mais cela ne fera pas pour autant diminuer la douleur ressentie une fois que nous mangerons les briques en pleine face.

Faisant le tour des rues de la ville,
Est-ce une erreur ou un dessein ?
Je me sens si seul en ce vendredi soir,
Peux-tu faire de cela notre chez nous, si je te dis que tu es mien ?

Doucement, Harry monte sa main jusqu'à mon visage ; il ne la pose pas à proprement parler sur ma joue, mais aussi à moitié sur mon cou. Sa peau est froide, humide, mais à aucun moment je ne cesse de regarder ses yeux.

     - Il y a beaucoup de choses qu'on ne peut pas, et on les fait quand même, pas vrai ? Souffle t-il.

     - On dirait bien.

     - Ce n'est pas grave. Ce n'est pas grave de ne pas faire ce que nous avions prévu de base. Ce n'est pas grave parfois de s'égarer, de faire les choses un peu plus mal, ou d'avoir l'impression de les faire mal - comment savoir que c'est bien si on n'essaie pas ? Les choses qu'on nous met en tête ne sont pas forcément la vérité. Ou du moins, j'espère.

Et il ne sait pas à quel point ces mots font écho en moi, entrent parfaitement dans le moule de la situation. Ou peut-être que moi, je ne sais pas à quel point ses propres mots font écho dans son esprit tourmenté.

     - Je ne croyais pas à ces mots non plus avant, ajoute t-il. Et je ne sais pas trop si j'y crois maintenant. Mais je pense que tu dois y croire. Tu peux y croire pour moi, si tu veux.

     - Je ne peux pas, je le regarde droit dans les yeux. Je ne peux pas y croire.

     - Alors on est coincés avec notre double pessimisme, s'amuse t-il.

Mais je n'ai pas l'énergie pour ne serait-ce que pouffer. Car sous cette pluie battante et bruyante et ce ciel sombre, je ne vois que les choses en noir. Je ne vois que les éventuelles fins tristes à cette histoire.

Comment est-ce qu'elle pourrait bien se terminer de toute façon ?

Il devait bien y avoir un moment où j'allais exploser, où mon corps servant de récipient à tout ça allait déborder. Ressentait chaque émotion et son contraire, je me dis que ce moment est arrivé.

Harry voit qu'une lueur négative passe dans mes iris et il fronce légèrement les sourcils.

     - Tu devrais me parler, vraiment. Je ne suis pas réputé pour dévoiler les secrets des autres tu sais.

     - Je...

J'ai envie d'expirer tout l'air présent dans mes poumons, et à la fois j'ai l'impression d'en manquer. Je répète ce mot plusieurs fois, de plus en plus doucement - jusqu'à secouer très légèrement la tête et finalement faire un pas en arrière. Mes yeux se plantent de nouveau dans ceux d'Harry.

     - Tu devrais rester loin de moi Harry.

Mes mots sont lâchés comme une bombe en plein blitz. J'ai la sensation que tout Denver prend les dégâts, que ma peine et celle d'Harry combinées peuvent décimer un monde entier. Le bouclé fronce les sourcils, perdu ; trempé. Je commence à avoir du mal à lire ses expressions, à cause de ses cheveux mouillés tombant sur son visage.

     - Louis, commence t-il en refaisant un pas.

Mais j'en refais un en arrière. Et je remarque alors que son visage se ferme à nouveau, et c'est retour à la case départ.

     - Qu'est-ce qui te prend, souffle t-il. Ce n'est pas grave si tu te sens mal pour le match mais ne me repousse pas.

     - On ne peut pas faire ça Harry. On ne peut pas.

     - On peut faire ce qu'on veut. Tu as peur parce que je suis un garçon c'est ça ?

     - Non - non.

J'ai peur parce que tu es Harry Styles, j'ai peur parce que mes intentions deviennent beaucoup trop pures à ton égard - j'ai peur parce que je devrais être ce connard qui me force à tenir à toi alors que j'ai juste envie que tu me serres dans tes bras, que tu m'embrasses, que tout aille bien. Je suis perdu, je ne comprends pas pourquoi je me sens si seul et j'ai envie d'une seule personne : toi, je ne comprends pas pourquoi je suis si incapable, pourquoi il a fallu que je me mette à ressentir quelque chose pour la seule personne interdite. Et peut-être que c'est juste ça, après tout ? L'attirance pour l'impossible, pour le compliqué. Beaucoup me diraient que oui, et j'en sais rien, je suis juste paumé, complètement paumé, et en chute libre. Il n'y a qu'une seule issue possible : la douleur, si je continue sur ma lancée. Et je m'interdis cela. Je prendrais sur moi. Mais je limiterais la casse pour lui.

J'ouvre la bouche, la referme. Des milliers de mots se bousculent dans ma tête et je suis tétanisé. Harry semble blessé, face à moi, mais il prend sur lui et reste là pour moi. Il semble prêt à encaisser énormément, juste pour moi.

Et ça nous fait un point commun.

Lui faire mal maintenant, pour l'empêcher de vivre un véritable enfer après. Tomber d'une maisonnette, plutôt que d'un gratte-ciel. C'est mieux, non ?

Mes lèvres s'ouvrent à nouveau mais Harry parle avant :

     - Ne dis rien que tu vas regretter Louis. Je sais que tu as peur, je sais que tu es énervé contre toi-même et probablement le monde entier parce que tu fais des choses mal en ce moment.

     - Tu n'as pas idée d'à quel point.

     - C'est juste du baseball.

Si seulement.

     - Et ne te mets pas la pression sur notre relation, c'est... on laisse les choses faire.

     - Quelle relation ? Je peste.

Mes émotions négatives prennent le dessus.

     - On se voit, on s'embrasse, on passe du temps ensemble. Je sais pas ce que c'est, toi non plus.

     - On peut avoir cette conversation si tu veux, oui.

     - Non - non, je soupire. On ne peut pas avoir cette conversation.

Me voilà de nouveau face à ce Harry Styles droit, intimidant, avec une expression faciale illisible. Et l'espace d'un instant j'hésite à faire un pas en avant pour l'embrasser, pour lui dire d'oublier cela et juste d'aller chez lui.

Cela me semble tellement plus simple, et pourtant ça ne l'est tellement pas sur le long terme.

Le silence me fait me concentrer sur les paroles de la chanson, plus vraies que jamais :

Ne me fais pas souffrir,
Ne me fais pas pleurer,
Parfois l'amour ne suffit pas lorsque le chemin devient rude
Je ne sais pas pourquoi
Continue de me faire rire,
On a qu'à se défoncer,
La route est longue, on continue,
En essayant de s'éclater en attendant

     - On ne peut pas être plus que ce qu'on est là, je parviens à dire, buttant sur un mot sur deux. On ne peut pas se le permettre.

     - Pourquoi ? À cause de ma réputation ?

     - Non, ce n'est pas ça -

     - Tu as peur d'un coming-out ? T'as même pas à réfléchir à ça, Louis. Ce n'est pas -

     - On ne peut pas Harry, je dis clairement. N'insiste pas.

Il fronce les sourcils.

     - Bien-sûr que j'insiste. Tout allait bien ce matin. Tu étais juste inquiet pour le match- c'est pour ça ? Tu me repousses parce que tu es déçu de toi-même ?

     - Harry... je soupire.

     - Tu peux me le dire.

     - Non, ce n'est pas ça.

C'est si dur de ne pas craquer. D'avoir l'impression d'être cette bombe à retardement constante, d'essayer de lui donner de la matière pour s'éloigner, d'essayer de m'auto convaincre qu'il y a encore un mur en briques entre lui et mon coeur.

     - Dis-moi ce qu'il y a Louis, il parle ses yeux droits dans les miens, sa présence droit dans mon âme. Donne-moi une raison.

Je me mords la lèvre, et j'ai si mal à la tête, tellement mal.

Je lève les yeux vers lui, et reste ainsi, sans parler, quelques instants. Je dois le protéger.

De toutes mes forces, j'essaierai.

De toute mes forces, je ferai tout ce qui est mon pouvoir, pour que cela finisse bien pour lui.

Peu importe à quel point je souffre derrière.

Il doit s'en sortir.

     - Donne-moi juste une raison, il murmure désormais, tellement que je manque presque de l'entendre.

     - Juste... je souffle.

Une seconde, j'ai envie de le serrer dans mes bras, ou de l'embrasser. L'autre, de partir, de tout arrêter - cette mission, tout ce que cela implique.

Et en réussissant toutes mes forces, je parviens à me reculer d'un pas. Harry n'essaie même pas de me tendre la main ou de se rapprocher à nouveau.

Viens et promène toi dans le côté sauvage,
Laisse moi t'embrasser sous la pluie battante

Et la seconde où cette phrase se termine n'est pas la plus raisonnable. J'avais une chance sur deux. Ou peut-être aucune.

     - Fais ce qu'elle dit, je souffle.

     - Ici ?

     - N'importe où.

Le bouclé essuie son petit sourire en coin, et acquiesce lentement. Mes vêtements sont trempés, collent à ma peau, et j'ai froid ; mais cela n'a aucune importance car Harry s'approche de moi, pose sa seconde main sur ma peau et rapidement, ses lèvres sont contre les miennes.

Je suis celui qui fait un mouvement afin de donner une vraie ténacité au baiser. Et il n'en faut pas plus au bouclé pour aller dans mon sens. Je ne crois pas qu'on se soit déjà embrassés comme ça avant.

Une chose est sûre, je n'ai jamais embrassé quelqu'un comme ça avant ;

Je n'avais jamais ressenti ça.

Notre baiser s'intensifie alors que j'ai l'impression d'entendre encore plus fort la musique - comme si mon corps faisait abstraction du reste pour se concentrer sur les paroles

Choisis tes derniers mots,
C'est la dernière fois,
Car toi et moi,
Nous étions nés pour mourir

Je serre encore un peu plus l'étreinte avec Harry, et la fraicheur que je ressentais à cause de la pluie disparait totalement pour être remplacée par une chaleur dans mon être entier.

Mon coeur se gonfle alors d'une joie que je n'aurais jamais soupçonnée.

Dans chaque malheur étrange, il existe une part de joie qu'on ne peut pas visualiser ni même imaginer avant de la toucher.

     - Maintenant, je dis en me reculant. J'ai besoin d'être un peu seul. D'avoir un peu d'espace. Je ne sais pas combien de temps. Désolé - il faut.

     - Non, c'est ok, rétorque directement Harry. Fais-moi signe quand ça va mieux. C'est juste un passage à vide, Louis. Dis-moi quand tu es prêt à revenir.

J'hoche lentement et me recule, encore, jusqu'à atteindre le trottoir couvert, ainsi protégé de la pluie.

     - Et si ça n'arrive pas ?

     - Ça arrivera, il affirme.

     - Comment tu peux en être si sûr ?

Harry met quelques secondes avant de me répondre.

     - Parce que tu es un garçon non out, qui vient de demander à un mec connu et suspecté d'atrocité de l'embrasser n'importe où, n'importe quand.

Il hausse ensuite les épaules et s'avance jusqu'à être pile face à moi.

     - Fais-moi juste signe, d'accord ? Prends ton temps. Ça n'impactera rien d'autre.

Sans me laisser répondre, Harry dépose un très bref baiser sur mon front. J'hoche alors lentement, très lentement, la tête. Je ne suis même pas sûr qu'il le voit, car il tourne les talons et s'enfonce dans les rues, probablement direction chez lui.

Dans ma tête résonne de nouveau les paroles de la musique que nous venons d'entendre, et particulièrement le refrain.

Choisis tes derniers mots,
C'est la dernière fois,
Car toi et moi,
Nous étions nés pour mourir

Et c'est vrai, peut-être que notre histoire d'amour est simplement née pour mourir. De toute évidence, même.

Mais à cet instant précis, sa silhouette s'éloignant, je n'en ai rien à faire. Car il y a cette balance, pesant d'un côté l'enquête, le fait de rester éloigné de lui, d'abandonner cette direction - et d'un autre côté il y a lui, nous, cette incertitude totale et pourtant tellement, tellement bonne. Tous les sentiments que je lui attribue. Et cette seconde partie emporte largement le poids.

À chaque instant, je n'en ai rien à faire.


× × ×


Je ferme discrètement la porte de la maison derrière moi, et n'ai à peine le temps de faire ce geste qu'Andrea me saute presque dessus.

     - Tu es rentré, souffle la jeune femme. On était inquiets. Tu n'as pas trop froid ?

     - Non, ça va.

     - Tu es rentré à pieds ?

     - Oui.

     - Mais il pleut, s'inquiète Judith.

     - Harry m'a raccompagné un peu.

     - Harry est là ? S'inquiète Mike, un peu plus loin.

Je retire mes baskets trempés et mes chaussettes par la même occasion. Également, ma veste est posée afin qu'elle sèche et je rejoins rapidement le salon.

     - Non, il m'a juste raccompagné à moitié. Nos chemins se sont séparés.

     - C'est risqué, note juste l'adulte.

     - Je sais ce qui est risqué et ne l'est pas. J'en ai marre d'entendre tout le temps ce discours, comme si je n'avais pas conscience de ce qui est bien et pas bien, je grogne.

Ce qui est sûrement le cas finalement, étant donné que le bouclé m'a raccompagné juste devant et que je l'ai embrassé devant les fenêtres avant de le repousser pour ensuite me dire que je faisais juste ça par acquis de conscience et que dans deux jours je serai de retour dans ses bras, je pense.

Je soupire suite à ma prise de paroles.

     - Toi, tu es de mauvaise humeur, parle Niall.

     - J'ai passé une journée bizarre.

     - Le match ? Reprend Andrea.

     - Oui, je confirme.

     - Tu es bon au baseball, rassure Nick qui apparait de je ne sais où. Tu es très bon, bien meilleur que notre équipe de petite ville. Mais entre notre niveau et celui d'une équipe nationale, il y a un fossé. C'est normal que cela ne suive pas aussi facilement et merveilleusement que dans les films.

     - Je ne veux pas entendre ça. Je ne veux pas entendre tout ça - tout le monde me le dit, et après, je me plante encore, je soupire en m'installant dans le canapé.

     - Oh, non, tu vas tremper les coussins ! S'insurge Ernie.

Aussitôt je me lève et le grand homme se met à essuyer avec un torchon. Il a un tablier sur lui et cette vision me fait brièvement sourire. Mais, cela retombe très vite.

Je les observe, tous, certains assis sur le canapé, deux autres dans les fauteuils, à parler, rire. Il y a un équilibre ici, mais présentement, je ne m'y retrouve pas du tout. Je reste debout, penaud, à observer ce cadre de vie quelques instants. Je ne sais pas réellement dans quel but, mais Niall remarque mon étrange comportement.

     - Qu'est-ce qu'il y a Louis ? Demande t-il, sourcils froncés par l'inquiétude. Tu n'as vraiment pas l'air bien.

     - On va passer à table, parle Andrea. Tu pourras reprendre des forces et changer d'idées.

     - Non, je n'ai pas faim, je suis catégorique.

     - Après une telle journée, il faudrait que tu manges, note Todd.

     - C'est gentil mais, non, je vais juste monter.

     - Louis ? Demande Mike avec un ton sérieux, que j'analyse comme une incompréhension mélangée à de l'inquiétude totale.

Mes yeux passent d'un individu à l'autre. Tous, me regardent, béant. Je me sens presque idiot, tout à coup. Je me sens totalement dépassé par ma vie entière des derniers temps, et j'ai l'impression d'être le seul à mal vivre cela.

Certes, je suis peut-être le seul à qui cela échappe autant - mais ils arrivent vraiment à trouver un équilibre ici ? À se sentir parfaitement bien, sans avoir un brutal retour à la réalité qui leur appelle qu'on est juste en sursis, là ? Qu'un jour cette bulle va éclater, qu'on ne retournera jamais dans cette maison ?

Le blond de la pièce se lève et viens poser sa main sur mon épaule.

     - Viens, on va se mettre à table. T'as pas besoin de parler si t'as pas envie, mais mange un peu.

     - Est-ce que, une fois dans cette histoire, je peux être maitre de ce que je fais ? Est-ce qu'une seule fois je peux dire que je n'ai pas faim sans que tout le monde remette tout en question ? Ou alors j'ai besoin de porter un micro pour que vous l'entendiez et là ce sera recevable ?

Mon ton n'est pas insolent, mais plutôt désespéré. Je suis fatigué, tellement, épuisé. Et je ne sens pas spécialement de jugement de la part de mes amis - ils sont simplement perdus, étonnés. Peinés, peut-être même.

     - Tu nous as dictés une nouvelle façon de fonctionner, parle Mike en se levant du fauteuil pour se rapprocher de moi. Tu as décidé de choses importantes, dans tout ça. On te croit et on te fait confiance.

     - Je ne sais même pas si c'était la chose à faire, je soupire.

     - Comment ça ? Demande Niall, concerné.

     - Je n'en sais rien, je souffle.

     - Non Louis, insiste t-il. S'il y a quelque chose que tu ne nous dis pas, il faut que tu le fasses.

J'affronte les yeux bleus de l'agent, mais rien ne sort de ma bouche. J'ai déjà du mal à accepter ce qu'il m'arrive moi-même - impossible de le sortir à voix haute. Même si j'essayais, rien ne sortirait.

Je tourne les yeux vers mes deux jeunes amis, Nick et Judith, qui eux aussi, semblent étonnés de la scène qui se déroule sous leurs yeux. Mon regard en envoie beaucoup : un mélange d'excuses, d'appel à l'aide.

De nouveau, je me retrouve à regarder Niall, qui n'a pas bougé d'un centimètre. Le salon est très calme désormais.

     - J'ai passé une vraie journée de merde, je conclus. Désolé si j'ai été irrespectueux.

     - Tu ne l'as pas été, assure Mike. J'ai connu bien pire.

     - Tu m'étonnes, souffle Judith avec une pointe d'humour.

Le blond ne parle toujours pas, me fixant avec des yeux durs que je n'arrive pas à lire. Je crois que je ne l'ai jamais vu ainsi. Il ressemble vraiment à un agent des forces de l'ordre comme ça, un étranger que je ne connais pas et qui se retrouve face à un mec suspect.

L'espace d'un instant, cela me fait peur, je le reconnais. Mais je le comprends également car je ressemble probablement à un jeune qu'il ne reconnait pas non plus à cet instant. Cette situation peut nous mettre face à des comportements inédits.

     - Tu n'as pas été irrespectueux, dit-il finalement. Tu es juste fatigué.

      - Oui, voilà, c'est ça.

      - Tu es beaucoup fatigué ces derniers temps, note t-il.

     - Désolé. C'est juste beaucoup à gérer.

     - Ne t'excuses pas, dit alors Niall en me tapotant le bras. Ce n'est pas ta faute.

Il insiste sur le mot, puis semble alors se détendre en se redressant, mais je remarque qu'il tourne la tête vers Mike et son regard devient alors comme auparavant. L'autre agent fronce les sourcils, et leur contact visuel se rompt car le blond sort son téléphone et part s'isoler dans la cuisine.

À la recherche d'un repère, je tourne les yeux vers chaque personne dans la pièce. Tout le monde semble comme déboussolé, alors je marmonne de nouveau un petit « désolé » et emprunte les escaliers afin de rejoindre ma chambre. Sur le pas de porte de celle-ci, je peux toujours entendre les conversations.

     - Le spectacle est fini, dit alors Judith en se levant du canapé, je devine selon les bruits. Nick et moi, on va monter tranquillement rejoindre Louis, et vous allez passer une soirée entre adultes. On est crevés en plus.

     - Moi ça va, rigole Nick en se levant tout de même du canapé. Mais, ouais. On va aller se poser. Louis a sûrement besoin d'une soirée tranquille, on va lui donner.

      - Vous assurez, parle Andrea.

Oui, ils assurent, et je suis persuadé ne pas tellement les mériter. Ils sont tellement de meilleurs amis que moi.

Je n'écoute pas davantage et vais me poser dans ma chambre. Quelques minutes après, j'entends les escaliers craquer et je vois les deux autres adolescents de la maison arriver avec du soda dans les bras, du pop corn et des bonbons. Nick tire même, à bout de bras, un matelas qu'il vient poser sur le parquet de la pièce. Ils ont même du mal à tout porter et viennent tout lâcher sur le matelas.

     - Vous êtes super, je soupire, presque ému. Désolé pour ce qu'il vient de se passer... je suis totalement -

     - À bout, on sait, termine Nick. Et t'as le droit, sérieux. Tu gères déjà super bien, tellement de choses.

Encore plus que c'est imaginable, oui.

     - Tu peux te permettre de craquer, termine la fille du détective. On s'est concertés rapidement, et ouais, ça va être soirée tranquille. Regarder How I Met Your Mother et ne pas penser à autre chose, d'accord ?

     - Ça fait super longtemps qu'on n'a pas passé de temps avec toi en plus, note Nick.

     - On en est à un point où on se manque mutuellement ? Je taquine gentiment le brun.

     - Faut croire que les gens changent. Tu es tout le temps fourré chez le bouclé, tu as bien le droit à une pause avec tes vrais amis.

J'essaie de cacher mon sourire qui se fane et acquiesce lentement. Une pause est bien méritée oui.

Nick se charge de disposer la nourriture tandis que Judith installe son ordinateur sur un tabouret afin que nous soyons bien calés pour regarder la série.

     - Avant de lancer - ça vous dit qu'on aille ensemble à la fête foraine mercredi ? C'est la fête foraine de la fête nationale. On pourrait y aller tous les trois, pour une fois, parle Judith.

     - Je suis genre, carrément partant, rétorque Nick, les yeux pétillants.

     - Ce n'est pas genre... risqué ? Je grimace. Que tu sortes.

     - Je mettrais une capuche au pire, non ? S'il fait nuit, et qu'il y a du monde, ça devrait aller, personne ne me remarquera trop. Il soupire. C'est peut-être con et égoïste de raisonner ainsi, je sais pas. J'en ai marre de rester enfermé pour absolument tout.

     - Non, t'as raison, j'acquiesce. Il n'y a pas de raison que ça se passe mal. Ça fait longtemps qu'on n'a pas passé de moments ensemble, vous avez raison. On ira mercredi soir.

Parce qu'il faut que je me concentre sur eux, également. Parce que ce sont mes amis et qu'ils seront là après tout ça, eux. Je l'espère du moins.

Le générique jovial de la sitcom se lance et je m'installe confortablement dans mon lit. Mes muscles se détendent et je crois que je m'endors à une vitesse éclaire.




*

PARTIE 3 : Confiance ou sabotage ?

MIKE


Mes yeux suivent Louis tandis qu'il monte à l'étage, directement suivi des deux autres adolescents de la maison. Je ne m'attarde pas davantage et me concentre sur ce qu'il se passe dans la cuisine. J'y rejoins directement Niall, que je trouve adossé contre le mur, son téléphone entre les mains.

Lorsque j'entre, il lève les yeux vers moi. Son regard en dit long, et je parviens à tout y lire.

     - Je sais ce que tu vas faire, je dis au blond. Ne le fais pas.

L'homme est prêt à appuyer sur le bouton d'appel, mais je maintiens le contact visuel.

     - On a vu la même chose toi et moi, répond Niall.

     - On a vu un gamin dépassé par son match qui a été mauvais.

     - Un gamin dépassé, par une chose certes, mais pas pour la première fois.

Je secoue la tête et me rapproche un peu plus.

     - Il est jeune, et a peu de repères ici. Tu ne peux pas lui en vouloir de ne pas tout bien gérer tout le temps.

     - Tu ne comprends pas bien Mike. Je ne lui en veux pas - absolument pas. Au contraire. J'ai envie de le protéger.

     - Le protéger en le balançant à Monsieur Tanson ? Je rétorque.

Le contact visuel entre nous est dur, presque tranchant. On sent bien que le premier qui le brisera sera celui qui devra lâcher l'affaire. Nous protégeons chacun notre opinion.

Je sais que Niall pense qu'appeler notre chef est la meilleure option, que tout lui raconter permettra d'être transparent, et peut-être de moins se sentir coupable de ce qui pourrait éventuellement mal tourner à l'avenir.

     - Il n'a pas été entrainé comme un vrai agent envoyé sur le terrain, je poursuis. Il y a probablement énormément de choses que nous n'avons pas pu prendre en compte. Laisse lui du temps. Prévenir la hiérarchie n'aidera en rien. Ils ont été très clairs - si Louis faillit, on rentre tous et on ferme le dossier. Tu ne peux pas faire ça.

     - Mike, il ne sait même pas qu'on a changé les règles en premier lieu. On a fait confiance à Louis, mais s'il n'arrive pas à gérer... Il soupire. Oui, j'aimerais le protéger. Et je préfère avorter cette mission plutôt que de tuer la santé mentale d'un adolescent.

     - Il va bien, j'assure.

     - Parce que tu crois qu'il nous le dirait si non ?

     - À nous, peut-être pas. Mais à Judith et Nick, oui. C'est aussi pour ça qu'on les a amenés ici, tu sais - pour qu'il ait un minimum de repère, des gens de son âge, des affinités.

J'étais contre l'idée d'embarquer ma fille là-dedans au départ, c'est clair. Mais plus le temps passe, et moins je regrette.

     - On est une équipe, dis-je. On se serre les coudes.

     - C'est ce que j'essaie de faire, se défend Niall.

     - Ce n'est pas comme ça qu'il faut faire. Il faut nous faire confiance - lui faire confiance.

     - J'ai confiance en lui Mike. Je place même tous mes espoirs en lui. Je ne suis pas directement touché, comme toi, ou Louis lui-même, et c'est peut-être ça qui fait que je suis plus objectif sur tout ça. Il ne va pas bien actuellement, et ne me dis pas que tu ne l'as pas vu parce que sinon ça veut dire que tu n'as vraiment rien appris des adolescents depuis notre arrivée ici.

Niall est bien plus professionnel dans le domaine que moi, c'est évident. Il a partagé un foyer avec Andrea, été part de la vie de ses frères, qu'elle a éduqué. Je me pince les lèvres, et hoche la tête.

     - Tu as raison, il ne va pas bien. Mais j'ai déjà été mal aussi, depuis que je suis arrivé. Toi aussi, non ?

     - Ce n'est pas pareil.

     - Si - ça l'est. Ce n'est pas parce qu'il est jeune, qu'il n'est pas capable d'assurer.

     - Il ne nous dit pas tout Mike. Je le sens.

     - Alors laisse-lui le temps, et l'opportunité de le faire. Laisse le s'ouvrir tranquillement. On savait dans quoi on s'embarquait, que ça ne serait ni simple, ni rapide. On va peut-être rester ici des mois entiers.

     - Là n'est pas le problème. Louis nous a convaincu de changer toutes les règles - qu'Harry était innocent. Cette mission entière était porté sur lui. À quoi bon maintenant ? À part se foutre en l'air nous-mêmes ? Si ce n'est pas Harry, et que c'est son père, comme Louis le dit, pourquoi perdre notre temps ici alors qu'il est peut-être en train de détruire les preuves ou on ne sait quoi ?

     - Parce que le trafic est ici. Et qu'en touchant Harry, on touche son père.

     - Son père que Louis a vu une minute depuis le temps qu'on est là. Son père est le secrétaire d'Etat, si on veut le toucher, on part en direction de la Maison Blanche pour une autre mission.

Le ton de Niall est désormais haussé. Je sens que lui aussi, cela l'atteint.

     - Ce n'est pas comme ça que ça marche et tu le sais, je rétorque gardant mon calme. On ne bouge pas à chaque fois qu'il y a un petit changement. Un travail de couverture est long, on ne peut pas tout changer au moindre pépin.

     - Louis nous cache des choses, je te le dis, reprend l'agent. Et je ne dis pas que c'est grave. Je dis juste qu'il faut faire attention et qu'il faut savoir si on est vraiment prêts à endosser cette responsabilité.

     - On fera attention. On peut faire en sorte de faire attention. Rien n'arrivera à personne. Nous avons encore les choses en main. Tu ne peux pas tout foutre en l'air avec ce coup de fil juste parce que Louis a passé une mauvaise journée.

Mon ton est assuré, ferme. Je suis prêt à me jeter sous le bus de responsabilités pour protéger ce gosse.

     - Si tu n'arrives pas à lui faire confiance dans la gestion de ses sentiments, ce n'est pas grave, je poursuis. Mais s'il te plait, fais-moi confiance.

Niall me regarde encore, longuement. Puis soupire, et finit par baisser les yeux vers son téléphone. Il hésite quelques secondes supplémentaires, puis se résigne à le verrouiller.

     - Merci, je finis par dire.

     - Ne me remercie pas maintenant, rétorque t-il en quittant son appui contre le mur et en passant à côté de moi.

Il s'arrête à mon niveau, et tourne la tête vers moi.

     - Au moindre problème, au moindre chamboulement, je signalerais. Je ne prendrais pas le risque qu'un de nous se prenne une balle parce qu'il y a eu des non-dits et une mauvaise gestion des choses. J'appellerai s'il le faut.

     - Tu n'en auras pas besoin, j'assure.

Niall finit par acquiescer, et partir de la pièce, en disant :

     - J'espère.

Moi aussi. Je n'ai que ça, de toute façon. Mais puis-je croire à mes propres mots ?

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Bonjour ! Comment allez-vous ?

Un très long chapitre avec beaucoup d'éléments.
Quelle partie avez-vous préféré ?

On en append un peu plus sur comment Harry vit les choses, et son poste de capitaine. C'est important aussi de développer cet aspect là.

Louis, est tellement divisé entre deux opposés, qu'il a du mal à gérer. Il a besoin de ce moment d'éloignement pour bonne conscience. Est-ce que ça va durer ou non..?

Niall a repéré que les choses échappent à Louis qui est totalement lunatique. Il s'inquiète, mais jusqu'où ça peut aller ?

J'espère que ce chapitre vous aura plu. Promis, je publie la suite rapidement. Les 3 prochains chapitres sont dans mes préférés...

Merci infiniment de continuer à donner une chance à cette histoire. J'ai peu de lecteurs ici, je le sais, et je vous suis reconnaissante pour tout.

❤️

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