CHAPITRE 21
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Réagissez avec #BornTDieFic
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PARTIE 1 : Putain de Xander
LOUIS
Il est calme.
À le regarder, comme cela, il est impossible de soupçonner l'ouragan qu'est sa vie actuelle. Cette pression, ces soupçons.
Toujours allongé sur le flanc, je l'ai en face de moi. Je n'ai pas bougé, en réalité. Et c'est peut-être bizarre, de regarder quelqu'un dormir de la sorte - c'est peut-être très bizarre.
Harry se tient là, il n'a pas changé de position non plus. Son torse se soulève doucement à un rythme régulier. Ses paupières ont l'air si légères, et son esprit a l'air loin. Il a même quelques boucles qui tombent sur le front.
Le monde du sommeil a l'air d'être le plus grand temps mort pour lui. Une pause dans le court de sa vie difficile, je suppose.
Pour tout le monde, c'est un univers où tout est possible.
J'aurais presque envie de poser ma main sur sa joue, pour jauger la douceur de sa peau. Je me retiens, évidemment. De le faire, et encore plus d'y penser.
Je soupire et me mets sur le dos. Il m'aura fallu quelques jours, semaines, pour commencer à totalement inverser la situation. À changer les règles, à modifier mes soupçons, mes croyances. À envoyer valser des choses mises en place, à cause de sentiments.
De l'attachement, de toute évidence.
Les mots font peur, mais ils sont réels.
Je n'ai pas sommeil, pour ma part. Je crois que tout cela fait beaucoup pour mon esprit.
Car oui, même si le sommeil peut être une pause dans la vie de quelqu'un, un moment féerique où tout un nouveau espace se créé : il peut aussi être un fardeau. Le berceau d'images noirs, de cauchemars, de mauvais souvenirs ressassés.
Je passe un bon moment, j'ai passé une bonne soirée, malgré ma journée difficile et ma défaite totale - et j'ai trop peur de m'endormir. J'ai trop peur de finir sur une note noire cette journée, de me retrouver seule face à mes mensonges et mes stupides sentiments.
Je ne sais pas combien de temps je vais supporter ça. Je ne sais pas combien de temps je vais parvenir à garder le contrôle, à garder la tête hors de l'eau.
Il le faut, bien-sûr - mais j'ai déjà lâché la corde une fois, je me suis brûlé les paumes en la rattrapant de moitié - il me reste à la tenir encore, éventuellement remonter à bout de bras. Mais si je l'ai déjà lâché une fois, je risque de toute évidence de lâcher de nouveau, et de cette fois, tomber.
Encore une fois, je souffle et me penche pour attraper mon téléphone, posé sur la table de chevet. Je me retrouve aussitôt face à une tonne d'appels manqués de Mike, et mon coeur s'alourdit.
Il y a forcément un problème.
Sans pouvoir le rappeler, mon écran affiche de nouveau un appel de sa part. Je me redresse automatiquement dans le lit en répondant.
- Allô ? Je parle doucement, en veillant à ne pas réveiller le bouclé.
- Louis !
Mike crie presque dans le combiné, et cela ne fait que m'alerter davantage. Dans sa voix se font entendre une sorte de panique, et un ton un peu brouillé par l'alcool.
- Quoi ? Je m'inquiète.
- Il est là, il a essayé d'entrer. Niall et moi essayons de l'empêcher, mais il est déterminé. On essaie de ne pas se faire repérer, parce qu'il sait totalement qui je suis. C'est vraiment la merde Louis -
Un bruit sourd retentit à travers le téléphone et d'un seul coup, l'appel coupe.
- Mike ? Je tente quand même. Qu'est-ce qu'il se passe ?
Je sais que cela n'a rien d'une blague de mauvais goût. Mike n'a pas trop d'humour de toute façon, même si j'ai agréablement été surpris par sa personne ce soir. Je sais que quelque se passe, et je suis loin.
Mon coeur s'alourdit instantanément. L'idée qu'il arrive quoi que ce soit à ces personnes m'est impensable.
Pas eux ;
Et surtout, pas encore.
Ma main se crispe sur mon téléphone alors que je tourne la tête vers le bouclé. Il dort toujours aussi paisiblement qu'il y a une minute.
La suite se passe très vite dans ma tête. Je me lève de son lit et me précipite vers son salon.
Je ne réfléchis pas tellement à demain. Je veux juste rapidement m'assurer que tout le monde à la maison va bien - savoir ce qu'il s'est passé, pourquoi, et régler le problème.
Je me fais mille films en tête. En temps normal, je ne suis pas trop quelqu'un d'apeuré - mais vivre une situation comme celle-ci prépare à toutes les sortes d'horreurs imaginables.
Une fois dans la cuisine de la grande maison, je soupire et cours vers la porte d'entrée. Je sais que l'endroit est si grand que Lucia et Harry ne m'entendront pas.
Et je n'ose même pas imaginer la tête que fera la bouclé en se réveillant seul. Je ne sais pas ce qu'il va penser - et je préfère ne pas y songer moi-même.
Chaque chose en son temps - chaque problème géré à la fois.
En voulant ouvrir la porte, je me rends compte que celle-ci est verrouillée. Je me mets alors à la recherche des clés d'Harry dans tout le grand salon ; que je finis par trouver dans la poche de son manteau. Mes pensées sont tellement éparpillées que je les range dans ma veste sans le vouloir.
Au moment d'enclencher la poignée, je pense à la possibilité qu'une alarme se déclenche, vu l'heure tardive et ma précipitation presque suspecte. Mais je tente le coup ; et rien ne se passe.
Sans réfléchir davantage, je me mets à courir en direction de la maison.
× × ×
- Qu'est-ce qu'il se passe ? J'ouvre la porte, essoufflé. Qu'est-ce qu'il y a ? Vous allez bien ? Tous ?
Je trouve tous les policiers assis sur le canapé et les fauteuils, soit Niall, Mike, Andrea, Todd et Ernie, totalement déconnectés de la réalité. Même le blond a l'air éméché alors que quand je suis parti, c'était celui qui gérait le mieux.
J'apporte mes mains à mes genoux pour reprendre mon souffle, et déglutis. Ma gorge est sèche, et on peut dire que j'ai clairement travaillé mon endurance en courant jusqu'ici.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? Je répète plus doucement. Tout le monde va bien ?
- Tout le monde va bien, m'assure Mike. Il ne fallait pas te presser comme ça.
- Me presser comme ça ? Je m'offusque. Tu avais l'air paniqué au téléphone - puis il y a eu un gros bruit -
- Il a fait tomber son téléphone sur le sol et il n'avait plus de batterie.
Je fronce les sourcils, pas sûr de saisir.
- Vous m'avez vraiment fait une blague ?
- Non, ce n'était pas une blague, parle Andrea. Oh, j'ai mal à la tête.
La femme apporte une main à son front et semble se concentrer pour continuer. Pour une personne qui disait supporter l'alcool, ça promet.
- Xander est venu alors qu'on était que tous les deux, m'explique Niall.
De toute façon, vu l'état de Mike, je comprends qu'il ne va pas m'expliquer grand chose.
- Il est venu et a eu un comportement très bizarre, ajoute le blond.
- Comment ça ? Je fronce les sourcils. Il ne sait pas où j'habite.
- Il sait maintenant. Il t'a suivi, ou t'a vu sortir, qui sait. Si c'est le cas, il a attendu un bon moment et est venu toquer en demandant à te parler.
- Pourquoi ?
- On n'en sait pas plus que toi Louis. On sait juste qu'il sait où tu habites maintenant, et qu'il va falloir être très vigilants parce qu'il sait à quoi ressemblent Mike, Andrea, Todd et Ernie.
Les quatre concernés acquiescent, mais j'ai l'impression qu'ils ne mesurent pas bien l'ampleur de la situation. Ils sont probablement trop occupés à lutter contre le fait que la lumière leur fait mal aux yeux, ou qu'il y a trop de bruits.
Pour une fois que les rôles s'inversent.
- Eh bien, au moins on peut dire que l'ambiance de demain sera : gueule de bois à la villa, je dis alors.
- Tu as bu aussi je te rappelle, ajoute Ernie.
- Oui, en buvant beaucoup d'eau entre chaque verre. Et j'ai mangé du gâteau chez Harry aussi, ça m'a fait du bien.
Je soupire et viens m'asseoir sur le dernier fauteuil inoccupé.
Je pense au bouclé, qui doit encore dormir tranquillement. Je pense à lui, à ce moment - et aux autres auparavant. Je ne les vois pas comme des mauvais, à vrai dire, ni comme quelque chose à éviter, à oublier. J'apprécie sa compagnie, j'apprécie cette attention qu'il semble me porter, j'apprécie qu'il m'ait embrassé plusieurs fois.
Même si j'omets de dire la vérité aux personnes autour de moi, je me retrouve dans la délicate situation de ne pas regretter ce choix.
Et c'est mal.
- Est-ce que quelqu'un peut clairement m'expliquer ce qu'il s'est passé ? Je demande. J'ai couru jusqu'ici et je comprends pas tout.
- Je te l'ai dit, Xander est venu.
- Il a dit ce qu'il voulait me dire ?
- Non, rien, souffle Niall. Et puis on n'a pas trop fait la causette avec lui. Il a juste insisté, essayait d'ouvrir la porte, toquait aux fenêtres, regardais à travers. C'était très intrusif.
- Il est malade, je m'offusque.
Nous avons des différends, c'est évident - mais venir regarder chez moi comme cela ?
- Il a sûrement des soupçons, soupire Andrea.
- De toute évidence, reprend Niall.
- Tu ne l'as pas vu, toi ? Je demande à la seule femme qualifiée.
- Non, j'étais partie dormir.
Vu la très longue chemise qu'elle porte, j'aurais pu deviner, oui. Je suis d'ailleurs presque sûr que la chemise est à Mike d'ailleurs mais, je ne fais pas de remarque.
Ils font ce qu'ils veulent. Et je n'ai probablement pas du tout le profil pour juger...
- Je me demande ce qu'il veut, je parle.
- Espérons qu'il voulait juste te dire qu'il est désolé de t'avoir volé la vedette aujourd'hui, suggère Ernie.
- Ce mec est un connard. Je suis plus que sûr qu'il voulait autre chose...
Et quand bien même, peu importe ce qu'il voulait - venir chez quelqu'un dans de telles circonstances est très suspect également. Putain, la nuit va être longue.
- Judith et Nick dorment ? Je demande.
- Ça ne les a pas réveillés, répond Niall. Quand je suis allé les voir, j'entendais juste Judith marmonner dans son sommeil.
- Donc demain les Carter vont être ravagés, je note.
- Eh, tout est sous contrôle, m'affirme Mike.
Ses yeux vitreux et son manque d'articulation me font rire légèrement. En tournant la tête vers Todd et Ernie, je les vois presque endormis sur leurs fauteuils respectifs. Et c'est marrant, en soit.
Mais pour changer, des dizaines de questions tournent en rond dans mon esprit : et elles sont nouvelles. Elles concernent Xander, mais je me refuse de me prendre la tête sur quoi que ce soit en rapport avec lui.
Je regarde tous mes collègues, qui eux-mêmes fixent le vide.
- Vous n'allez pas l'air très alarmés, je note.
- J'essaie de rester éveillé déjà, parle Todd.
- C'est alarmant, mais ils ne sont juste pas en état, reprend le seul blond. On va devoir garder ça en tête et être vigilant. En attendant, il va vite falloir que tu t'assures qu'il n'a rien vu, et que tu lui demandes pourquoi il est venu comme ça.
- Je le ferai dès lundi.
Le policier acquiesce et le silence s'abat à nouveau sur la maison.
- Qu'est-ce qu'il va se passer si Xander nous a repéré ? Je demande.
Je connais déjà la réponse et les conséquences. Mais j'ai besoin de les entendre à nouveau. Niall soupire et Mike me répond, dans un élan de sobriété total :
- La mission s'arrêtera là.
La mission s'arrêtera là.
Ces mots tournent en boucle dans ma tête alors que je me perds dans mes pensées.
Cela signifierait que nos efforts auront été vain, que nous n'avons pas énormément avancé, que tout s'arrêterait alors, sans possibilité de retour.
Je suis si proche du but, et je le sais. Il me reste encore tellement de choses à comprendre, il me manque la preuve qui viendra innocenter Harry ; mais il faut que tout continue ainsi. Il faut que le bouclé comprenne qu'il n'est pas comme son père.
Et je ne veux pas le lâcher. Pas maintenant. Et peut-être pas plus tard non plus, en réalité.
Je vais déjà tellement le décevoir le jour où il apprendra la vérité. Je ne me pardonnerais jamais de le laisser nager dans cet océan dans lequel il est clairement en train de se noyer. Si près du but...
Non, je ne laisserai pas Xander ruiner quelque chose de plus.
× × ×
Comme prédit, la nuit est longue. Je me mets en tête que dès le jour levé, je vais aller voir Harry, que je le dois. Lui expliquer au détour d'un arrangement de la vérité pourquoi je suis parti en pleine nuit sans rien dire.
Ce qu'il va penser, imaginer, me met hors de moi. L'incompréhension qu'il pourrait ressentir, peut-être même le sentiment d'être délaissé, abandonné.
Et j'en fais peut-être trop, mais peut-être pas. Il est vrai qu'il est très important de se foutre du jugement des autres tant qu'ils ne savent pas.
Mais pas le sien.
Pas le sien.
Seulement, mon dimanche est plus animé que prévu ; Judith et Nick me rejoignent dans ma chambre à l'aube, et leur état est si préoccupant que je les aide toute la journée. Je leur tiens les cheveux pour vomir, leur fais chauffer des soupes, leur apporte de l'eau.
Je m'occupe aussi des adultes, à vrai dire. Niall et moi jouons aux parents, et nous finissons le soir à tous regarder un film dans le salon, sous plein de couvertures - veillant bien à fermer la porte à clés et à tirer les rideaux.
Tout le monde s'endort rapidement devant l'écran, mais je reste éveillé. De nouveau, la nuit est longue, jusqu'à arriver le lendemain au lycée, et passer la matinée.
À midi, le bruit produit par le monde abondant dans le réfectoire fait bourdonner mes oreilles.
Je regarde Judith, assise en face de moi, et rigole un peu. La blonde a les yeux fermés, les coudes sur la table
- Tu sais, c'est marrant, dis-je. Quand on a commencé à se parler, c'était aussi dans une cantine. Et j'étais à peu près dans le même état que toi, mais sans l'alcool.
- Tu parles fort, grogne t-elle.
- Et je réagissais à peu près pareil aussi.
J'accompagne mes paroles d'un petit rire même si Judith ne réagit pas.
- Tu devrais tout de même manger un peu, je reprends. Ta gueule de bois était censé être hier, Judith. Tu n'y es pas allée de main morte pour que ça te suive autant.
- Je vais bien, souffle t-elle.
Elle se redresse un peu et rouvre les yeux. Elle veille à bien réarranger sa queue de cheval haute et soupire.
- C'est juste un début de semaine un peu violent.
J'acquiesce et continue à manger tranquillement. Je ne prête pas attention aux dizaines de jeunes qui passent à côté de nous pour se diriger vers les tables. Il y a énormément de bruit, mais c'est probablement donc les meilleurs endroits pour échanger de sujets délicats.
Quand il y a peu de gens, les regards se braquent facilement. Plus il y a foule, plus une personne, ou un petit groupe, peut devenir invisible.
- Quand on y pense, je reprends, c'est récent.
- Hm ?
- La première fois qu'on s'est vraiment parlés dans la cantine, à Boulder.
- On se connaissait déjà avant Louis.
- La première fois qu'on s'est parlés vraiment, pour devenir comme ça.
Judith hausse nonchalamment les épaules. Je la vois saisir sa fourchette et commencer à toucher aux aliments avec celle-ci, malgré sa moue dégoutée. Le contenu de nos assiettes n'a pas l'air très appétissant, je lui accorde ça.
- Les choses se sont passées vite ces derniers temps, répond-elle.
- Un peu trop même, je soupire.
- Tu penses qu'on va réussir à finir cette mission ?
Ses yeux sont désormais levés vers moi, et plongés dans les miens. Je peux y lire un réel questionnement, profond. Elle semble inquiète, songeuse.
- J'en suis sûr Judith. On ne fait pas ça pour rien. Il faut y croire, tout finira bien pour tout le monde.
Je ne sais pas si je peux croire à mes propres mots, mais du plus profond de mon coeur, j'essaie. La blonde acquiesce, peu convaincue.
Liam arrive soudainement et s'assoit au bout de notre table. Il affiche un grand sourire et cela me fait instantanément penser à Harry.
- Est-ce qu'Harry est là ? Je demande de suite.
- Oulah, salut Louis, rigole le brun. Je vais bien, et toi ?
- Excuse-moi. Comment tu vas ?
- Super. Oui, Harry est là.
- Il ne mange pas avec toi ? Je m'étonne.
- Eh bien...
Le garçon se tourne afin d'essayer de trouver son ami ; en vain. Il se retourne vers nous.
- Je ne sais pas, je pensais qu'il allait me suivre. Il a tendance à disparaître comme ça, je ne supporte pas son côté mystérieux.
- À qui le dis-tu, je souffle.
- Et tu viens juste de commencer, s'amuse t-il.
Liam rigole brièvement et pose son regard sur Judith. Face à son état préoccupant, il arque un sourcil.
- Tu vas bien ?
- Gueule de bois, explique la jeune femme. Qui date de samedi soir, à vrai dire.
- C'est difficile à croire, mais elle était dans un pire état hier, j'explique. J'ai dû m'en occuper toute la journée.
- Vous vous êtes remis ensemble ? S'étonne Liam.
- Oh, non - non, non. On est juste amis.
Le brun me regarde, sceptique - et le regard appuyé de Judith n'aide pas. Xander s'est déjà approché trop près du soleil qu'est la mission, je ne vais pas supporter que Liam commence à trouver étrange des choses si basiques.
- C'est récent quand même, note t-il. C'est très... récent, Louis.
Tout s'est passé vite, et si tout était vrai, cela paraîtrait plus que suspect. Face à son regard appuyé, je comprends qu'il fait totalement référence à cette histoire de baisers avec Harry.
Évidemment qu'il est au courant. Évidemment.
- On est amis, j'assure. Il n'y a vraiment plus rien entre nous - il n'y avait plus grand chose depuis un moment, à vrai dire. On était plus des meilleurs amis qu'un couple, de base.
Sentant le regard assassin que Judith me lance, je lui adresse un petit coup de pied sous la table afin de la faire réagir. Son expression change aussitôt pour afficher un sourire tendre à Liam. Voilà, parfait.
- Ok, très bien, cède l'adolescent. C'est super si vous pouvez si facilement passer au dessus.
- Oui, très facilement, joue Judith. J'ai un peu un coeur de pierre de toute façon, c'est utile dans ce genre de situation.
J'ignore le pincement dans ma poitrine que cela me procure. La blonde maintient son faux sourire et cela semble conquérir Liam, alors que je sais lire la signification derrière ça.
Je m'en veux, bien-sûr - je m'en voudrais éternellement je crois. Nous aurions fait un beau couple, une belle paire - et j'aurais terriblement
Mais c'est un fait. Je ne l'aime pas. Je ne suis pas attiré par elle. Je n'ai pas envie de l'embrasser, la câliner avec une quelconque autre pensée.
Judith est peut-être ma moitié à sa manière - mais amicalement. Et j'ai été très clair sur ce sujet.
- Sinon, reprend Liam, tu sais dans quel fac tu vas aller ? Demande t-il à Judith.
- C'est ton sujet préféré ces derniers temps, je m'amuse.
- Ça approche pour moi, en même temps. On va avoir les résultats dans quelques jours, et même si je n'ai raté que deux matières, c'est stressant. Puis la cérémonie de remise est dans deux semaines et après, ça sera l'été et tout va s'enchaîner très vite, surtout pour ceux qui partent à la fac loin, et ça sera peut-être mon cas.
Cela ne fait que me rappeler à quel point je vais être en retard dans tout cela - mais encore une fois, c'est le cadet de mes soucis.
- Je n'y prête pas attention, je réponds.
- J'aimerais viser haut, parle Judith. Je n'ai plus vraiment d'attacher maintenant de toute façon alors...
Elle m'adresse un faux sourire qui me fait rouler des yeux.
- Harvard ? Demande Liam.
- Qui sait. Elle hausse les épaules. J'ai envoyé des demandes un peu partout, à vrai dire.
- Tu es brillante, je réponds vaguement. Tu auras des oui partout, de la part de tout le monde.
- Ah bon ? Rigole t-elle. Des oui partout ?
Je ne peux que penser à ma maladresse dans mon choix de mots, faisant écho à la fois où je l'ai repoussée. J'hausse les épaules l'air innocent.
J'écoute d'une oreille la suite de leur échange et tourne la tête pour regarder dans la cantine. De loin, j'aperçois Harry. Mon coeur fait un bond.
- Je reviens, j'informe mes amis.
Ceux-ci ne se posent pas de questions et me laissent filer. Je cours pour rattraper le bouclé, qui est à bonne distance. A mi-chemin, je repère que Xander est de l'autre côté, dans un couloir.
Je fronce les sourcils. Qu'est-ce qu'il fait là ? Il n'est pas scolarisé ici, ne fait pas non plus de tutorat.
À ce moment précis, je dois choisir entre rattraper le bouclé qui ne m'a pas vu, ou me diriger
Je choisis la seconde option. Avec une démarche assurée, je rejoins le garçon.
- Qu'est-ce que tu fais là Xander ? Je demande presque agressivement.
- Bonjour Louis. Et après c'est moi qui te manque de respect.
- Tu as fait bien pire que de venir me parler un peu méchamment.
L'évènement des douches repasse dans mon esprit et je ressens instantanément de la honte. Cela m'a bien plus marqué que prévu, que voulu. Tous les actes ont des conséquences.
- Je suis là pour parler à Harry, répond-il. Il n'utilise jamais son téléphone pour me parler et j'ai autre chose à faire que d'aller chez lui, alors...
Même si cette idée me déplait et que je n'aime pas qu'il s'acharne autant sur le bouclé, je ne dis rien, car je n'ai tout simplement rien à dire.
- Je sais que tu es venu chez moi hier soir.
- Oh, tu sais mais n'est pas venu m'ouvrir ?
- Je n'étais pas chez moi, Xander.
- Tu étais chez Harry je suppose ? Il t'a proposé de dormir chez lui ? Il le fait à chaque fois, à tous les garçons qu'il ramène.
Je maintiens le regard visuel avec l'adolescent, sentant que je m'énerve intérieurement. C'est presque ridicule - il fait une tête de plus que moi, a des épaules bien plus carrées et d'extérieur, est plus intimidant.
Je ne laisse pas ses mots m'atteindre. Peu importe s'ils sont vrais ou non - je sais qu'il veut juste m'énerver, me toucher. Je ne lui accorde pas ce plaisir.
- Il y avait de la lumière chez toi, reprend-il.
- Je n'habite pas seul en même temps.
- J'ai entendu beaucoup de bruits à l'intérieur.
- Oui, je viens de te dire que je n'habite pas seul. J'habite avec mon cousin d'Irlande. Et Judith.
Il arque un sourcil et je me dis que je vais devoir être efficace là-dessus, car beaucoup de choses reposent sur ma crédibilité.
Bordel.
- Tu vis avec ton ex ? Demande t-il. C'est spécial, ça.
- C'est peu commun, je sais. On était ensemble depuis un moment, et comme elle voulait se rapprocher de Denver pour l'année suivante, on s'est dit que ça serait une bonne idée d'habiter ensemble avant l'heure. On n'avait pas prévu de se séparer mais c'est comme ça, et on ne s'entendait plus de toute manière.
Sans attendre une quelconque approbation de sa part sur mon mensonge bancal, je poursuis :
- Et puis merde, Xander, ça ne te regarde pas. Quelle putain d'idée tu as eu de venir chez moi en pleine nuit ?
- Je faisais mon jogging au moment où tu es sorti. J'ai longtemps hésité, j'ai continué à courir, puis en repassant, j'ai vu qu'il y avait toujours de la lumière alors j'ai sonné.
- Tu as essayé de rentrer, je le corrige durement. Tu trouves ça normal ?
- Oh, donc quelqu'un t'a tout raconté.
- Je viens de te dire que j'habite aussi avec mon cousin - t'es sourd ou quoi ?
Je m'énerve presque dans le couloir désert à cause de l'heure de pause. Xander, lui, se contente de rire. Ce bruit résonne dans la longue allée, et ça me donne presque froid dans le dos.
Ses yeux sont profonds, presque noirs. Nous nous méprisons mutuellement, je le sais - mais cette fois, cela va plus loin que ça.
Et c'est terrifiant.
C'est un acharné, à sa manière.
- Je ne suis pas fan de toi Louis, dit-il.
- J'ai remarqué oui.
- Non, pas comme ça. Je n'ai pas confiance en toi.
Je maintiens le contact visuel, garde la face. Mais ce n'est pas simple.
- Tu débarques comme ça du jour au lendemain, ok. Tu vas dans le même lycée où Harry travaille, tu passes énormément de temps avec lui, jusqu'à susciter un certain intérêt chez lui.
- Tu es jaloux peut-être ?
- Bien-sûr que je le suis, Louis. Arrête de me voir comme le méchant - je tiens à Harry. À sa manière, il est exceptionnel, et on a eu quelque chose avant que tu arrives. Alors, certes c'est la vie, c'est le jeu, il tombe amoureux de qui il veut.
- Harry n'est pas amoureux de moi, je le corrige aussitôt. Il n'y a rien entre nous.
- Tu veux vraiment jouer à ça avec moi ? Rigole faussement le brun. Peut-être qu'il n'y a pas encore quelque chose de physique, de réel, mais il y a clairement quelque chose dans sa tête, sûrement dans la tienne. Et peu m'importe ça dans la finalité. Ce qui m'importe c'est que je n'ai aucune confiance en toi. Tu débarques du jour au lendemain, alors qu'il est soupçonné de choses graves - et tu veux absolument l'approcher ?
Il fait un pas vers moi, envahissant ainsi mon espace personnel. Aussitôt, cela me déstabilise, comme son discours. Mais ce qu'il lâche ensuite vient provoquer une secousse immense dans mon être :
- Je t'ai entendu parler, face à ton casier, au dernier entraînement après le match. Comme quoi tu revenais, ou je ne sais quoi. Tu parlais de toute évidence à quelque chose, à quelqu'un. Ça ne m'a pas échappé.
Puis, il recule. Face à lui, je garde la tête haute et ne laisse rien paraître dans mes pupilles.
À l'intérieur, je crie.
- Je ne suis pas méchant, Louis. J'ai été con avec toi, et je te l'accorde. Je serai peut-être même prêt à m'excuser pour ça si tu rendais Harry heureux un jour - mais je pense que tu n'es pas là pour ça. Je pense qu'au contraire, tu es là pour l'inverse.
Oui, à l'intérieur, j'hurle jusqu'à m'en brûler la gorge.
- Et je vais lui dire, Louis. Peut-être pas aujourd'hui, mais je compte lui dire. Et surtout, le prouver.
- Tu te bases sur des suppositions, je me défends. Je ne ferai jamais de mal à Harry. Je parlais seul - sérieusement, de quoi est-ce que tu m'accuses ?
Je ne le veux pas, en tout cas. Je ne le veux tellement pas, putain.
Tellement que cela me fait mal. Tellement que je m'en veux - que je commence à placer son éventuel bonheur au-dessus de la grande pyramide des priorités actuelles. Il est à peu près au même niveau que le ciel, l'espace, maintenant.
Et à côté de ce seuil il y a aussi marqué « FOLIE », en rouge. En énorme.
Mais quelle mouche m'a piquée ?
- Je ne resterais pas sans rien faire. Je tiens à lui, et je préfère être un con parano, qu'un con qui ne bouge pas.
- Ironique venant d'un mec qui en a humilié publiquement un autre, je peste.
- Et je suis désolé pour ça. J'ai été jaloux, au point d'en être méchant. Et tu penses peut-être qu'en ayant ces soupçons sur toi, je réagis comme ça aussi - mais au contraire. Je veux le protéger. Tu ferais la même chose si tu étais dans ma position.
Sa voix est posée, ses mots violents. Le contraste vient me frapper en pleine face, et je reste là, sans rien dire, ni faire.
Mon poing est serré - et au début j'avais envie de frapper Xander, et maintenant, je crois que j'aurais envie de me l'adresser personnellement.
Car ses mots ont du sens, et alignent quelque chose d'évident : il n'est pas le méchant de l'histoire, non,
Ses soupçons sont réels, légitimes,
Et cela me positionne donc à la mauvaise place.
Dans cette histoire, je suis le méchant.
Peu importe à quel point j'ai envie de dire à Harry à quel point tout ira bien,
Je suis la représentation même de cette mission, de base destinée à le faire tomber.
À ma manière, je suis le méchant.
Xander commence à partir, me laissant béant dans ce couloir. Beaucoup de choses se bousculent dans ma tête, dans mon corps. Mon coeur pulse à un rythme étrange, à la fois rapide et beaucoup trop lent pour être viable. Mes poumons semblent coupés, et ma vue est troublée par mon manque d'attention.
C'est la merde, c'est évident. C'est clairement la merde - quelqu'un commence à avoir des croyances.
Mais moi, j'ai une certitude.
- Xander, je l'appelle.
Le brun se retourne.
- Tu as raison, j'assure.
À l'entente de mes mots, son expression commence à se décomposer, mais je poursuis :
- Il y a bien quelque chose Harry et moi, je crois... Je ne sais pas quoi - je n'ai aucune idée de pourquoi, de comment, et surtout de ce que ça pourrait donner. Je n'en ai aucune idée, je n'ai jamais pensé à un garçon avant.
Je n'ai jamais pensé à qui que ce soit de la sorte avant.
- Et... je souffle, même si je débarque de nul part, je suis sincère avec lui sur les moments qu'on passe ensemble. J'ai peut-être l'air d'un total débutant louche - parce que j'en suis un. Je lutte intérieurement pour essayer de comprendre ce qui m'arrive, toutes ces choses qui n'étaient clairement pas prévues. Les gens comme toi n'ont jamais trop aimés les gens comme moi, mais Harry semble s'intéresser à moi, et moi à lui. Sur ça tu as raison, oui - mais sur tout le reste, tu as tort. Je ne suis pas là pour lui faire mauvaise réputation, ou croire les conneries que racontent les gens qui pensent le connaitre et le cerner. Je ne suis pas de ceux-là.
Plus, du moins. Je n'y suis plus, et m'en veux terriblement d'y avoir été.
Je débite mes mots rapidement, mais ils sont sincères, provenant tout droit de mes entrailles. J'ai besoin de les sortir.
- Alors oui, je conclus. Tu as tort.
Lentement, le garçon hoche la tête. Je sais que mon discours ne suffira pas à le dissuader de ses doutes, mais je lui au moins dit la vérité - ma vérité. Je ne veux que l'aider. Finalement, il parle :
- Je ne demande qu'à avoir tort, Louis.
Sur ces mots, il quitte définitivement l'allée. Mais je ne me sens pas soulagé pour autant.
× × ×
Je n'attends que la fin de la journée, qui arrive terriblement doucement. Ma jambe bouge frénétiquement alors qu'il ne reste que quelques secondes avant la sonnerie, et bondis presque lorsque j'entends le fameux son.
Je fonce en dehors de l'établissement, disant à Judith de rentrer en bus sans moi, et cours jusqu'à chez Harry.
Une seule chose m'obsède à ce moment-là : lui expliquer. Régler ce sujet. Parce que ce qu'il pense, ressent, importe.
Une fois devant la propriété, je toque et Lucia ouvre tranquillement. Sans chercher à comprendre, elle me salue et se décale afin de me laisser entrer. Comme si elle comprenait, savait. Je la remercie en un souffle et fonce dans la chambre du bouclé.
Il s'y tient, toujours avec cette prestance hors du temps. Il a juste l'air totalement serein. Je me sens presque ridicule de m'être pressé jusqu'ici, et reprends mon souffle discrètement.
- Hey, j'ai essayé de te trouver aujourd'hui mais je n'ai pas réussi, je parle.
- Je suis passé rapidement au lycée. Un élève du tutorat n'arrivait pas à comprendre quelque chose - exceptionnellement, j'y suis allé.
- Oh, c'est gentil de ta part.
Harry hoche la tête et un silence retombe sur sa chambre. Le manque de bruit n'est pas complet - très doucement, un fond de musique classique peut se faire entendre.
- Je suis venu te rendre tes clés, j'ajoute. Je les ai pris cette nuit sans faire exprès.
- Tu peux les poser sur la commode à côté de toi.
J'acquiesce, m'exécute, puis rien d'autre ne se passe. Harry demeure silencieux.
Je me pince les lèvres alors que mon rythme respiratoire se calme. Je tourne la tête vers le lit. La couette vers mon côté n'a absolument pas bougée depuis mon départ nocturne. Je baisse les yeux, peu fier.
- Écoute Harry... Je reprends.
- Ne t'inquiète pas, me coupe t-il. Ce n'est rien.
- Si, c'est important.
- Ce n'est pas important, répond-il.
Ses mots claquent dans l'air, mais je ne me laisse pas dégonfler.
- Bien-sûr, j'insiste, sourcils froncés.
Ce détachement éternel qu'il affiche m'énerverait presque. Il hausse nonchalamment les épaules.
- Ce n'est pas grave. Tu n'étais même pas supposé dormir là, tu ne me dois rien Louis. Arrête de croire que tu me dois quelque chose - tu ne me dois rien. Personne ne me doit rien, peu importe à quel point mon nom est gonflé ou je ne sais quoi. Tu ne me dois rien.
Son discours pourrait paraître normal et rassurant, mais je crois l'avoir suffisamment cerné pour deviner qu'il ressent tout le contraire. Je m'approche un peu de lui, décidé.
- Ne fais pas ça, je soupire.
- Pardon ? Il arque un sourcil.
Sa voix n'est pas haussée ni mauvaise, mais cela a étonnement plus d'impact ainsi.
- Tu te pointes devant chez moi tard, reprend Harry, je t'invite à dormir par charité, tu pars au milieu de la nuit sans un mot, et reviens le lendemain dans ma chambre pour me dire ce que je dois faire ou non ? Un petit rire faux quitte ses lèvres. Excuse-moi Louis, mais là, tu abuses.
- Ce n'est pas ce que je voulais dire, je souffle. Encore.
- Non, mais c'est ce que tu as dit. Et tu vas probablement me dire que tu ne voulais pas partir sans rien dire hier, mais c'est ce que tu as fait.
Après avoir placé ses mots dans l'air, Harry se retourne pour faire face à son bureau. Il semble ranger des choses dans des boîtes. Je n'arrive pas à voir quoi. Une brève pensée me traverse, à base de « peut-être des preuves ? ».
Je n'oublie pas le rôle, je choisis juste de le faire passer au second plan, et là est tout le problème. Je ne cesserai jamais de me le répéter.
- Par... charité ? Je bloque sur ses mots.
- Tu m'as bien entendu.
J'hésite un temps sur ma réponse, à regarder sa silhouette de dos, ses muscles dorsaux qui se dessinent à travers le fin tissu de son t-shirt hors de prix. Il y a un petit grain de beauté dans sa nuque, tout près de ses cheveux bruns bouclés parfaitement coupés. Intérieurement, je soupire à nouveau. Comme si cela me permettait d'extraire la négativité de mon esprit.
J'avance d'un petit pas et reprends la parole :
- Je suis désolé, ça va t'énerver mais... je me répète, ne fais pas ça.
Il s'apprête à répondre, mais je le coupe.
- Je sais ce que tu vas dire, et je sais ce que tu fais là - tu as un sourcil haussé et tu as préparé une réplique tranchante pour me vexer parce que c'est ton mécanisme de défense quand tu l'es toi-même. Tu en as déjà sorti une pas mal d'ailleurs, à me dire que t'as pitié de moi et tout ça - et c'est pas grave. Tu sais quoi, ta pitié je la prends. Si ça me fait dormir avec toi, ok, vas-y, ai pitié de moi.
Lentement, le jeune garçon se tourne afin de me faire face à nouveau. Comme prédit, il a un sourcil arqué, mais son expression devient rapidement différente. Encore quelque chose d'inédit. Surpris que j'ai pu prédire sa réaction, stupéfait que je ne sois pas encore parti en courant.
- Je te l'ai dit Louis, il parle lentement. Tu ne me dois rien.
Je fais un pas vers lui.
- Et si j'ai envie de te devoir quelque chose ?
Son expression change légèrement en quelque chose de plus confus, et oui, cela m'énerve définitivement.
Car un jour j'ai l'impression que cela l'atteint, et le suivant, qu'il est une personne totalement différente, qui vient à peine de me rencontrer.
- Je ne vais pas te laisser faire ça, dis-je. Je ne vais pas te laisser dire que ça n'a aucune importance. Peut-être que ça n'en a aucune, et dans ce cas-là je suis bien bête, mais peut-être que ça en a une et que tu veux juste pas le reconnaitre parce que ça te rend vulnérable et que ça fait peur.
L'assurance dans ma voix semble le prendre de cours. Il faut dire que je suis plutôt le genre à vouter les épaules et me dégonfler. J'affronte son regard vif, qui semble un peu se démonter au fur et à mesure que je parle. Un flottement apparaît dans l'air une fois que je termine, et Harry ouvre la bouche, puis la referme. Il faut quinze bonnes secondes avant qu'il réponde :
- J'ai bien dormi.
- Tu as bien dormi ? Je répète, confus.
- Oui. J'ai bien dormi.
- Eh bien... Tant mieux pour toi - c'est vrai que tu avais l'air de bien dormir -
- Non, tu ne comprends pas Louis. Je ne dors jamais bien d'habitude, je fais toujours des cauchemars ou des insomnies. Et là, il marque chaque mot, j'ai bien dormi.
Soudainement, sa voix est basse, lente, et cela me va droit au coeur. Je me sens presque transpercé par la douleur que dégagent ses paroles.
- Et au réveil, tu n'étais pas là. Tu m'as fait le coup de partir le lendemain sans dire au revoir, mais sans le sexe.
Je rougis presque à l'entente du mot et j'ignore au maximum le fait qu'Harry le remarque définitivement.
- J'ai eu une urgence chez moi. Je suis désolé - j'ai reçu un appel en pleine nuit, et j'ai eu peur.
- Tu aurais pu me réveiller.
- Je n'ai pas réfléchi, je suis désolé. Je ne voulais pas partir comme un voleur.
- Mais tu l'as fait.
Beaucoup de personnes ne comprendraient pas sa réaction, la jugeant trop forte, trop attachée.
Moi, je comprends. Je comprends que les ressentis de chacun sont différents - je comprends qu'Harry ait réagi ainsi, je comprends qu'il soit perdu.
À sa place, j'aurais vécu la chose de la même manière - une sorte de peur, d'abandon, d'ouverture à mille et une questions.
De toute évidence, nous avons des attentes l'un de l'autre. Sans même le contrôler, nous en attendons de l'autre. Et même si cela me rassure d'un côté - cela me terrifie également.
- Je ne voulais pas, je réponds calmement. Je voulais me réveiller à côté de toi. J'ai vraiment eu une urgence.
Harry se contente d'hocher lentement la tête. Un silence d'une dizaine de secondes suit.
- Tu as vraiment bien dormi ? Je demande, doucement.
- D'une traite. Je n'avais pas eu une nuit comme ça depuis des années.
Le bouclé baisse les yeux. Son ton est calme, tout comme le mien. Je comprends qu'en disant cela, il est lui-même étonné, presque blessé par ce fait. C'est nouveau, et terrifiant, pour lui aussi.
Il s'affiche vulnérable en face de moi, et je me sens déstabilisé.
Harry finit par relever les yeux vers moi. J'y lis une certaine tristesse, et un défilé de questionnements. Il a peur, ne comprend pas pourquoi il se sent apaisé en ma présence.
Moi aussi, ça m'échappe. Moi non plus, je n'ai pas envie d'y réfléchir pour l'instant. Je vis le moment présent, et en tire chaque point positif.
Car contre toute attente... il y en a tellement.
- Tu devrais rentrer chez toi Louis, dit-il.
Et il y a un moment de ça, j'aurais simplement hoché la tête - ou même juste quitté la maison sans protester. L'espace d'un instant, je reste stoïque, perturbé - mais très rapidement, je me ressaisis.
Je fais un pas vers Harry et parle, déterminé :
- Non.
- Non ? S'étonne t-il.
- Non, je ne partirais pas.
Le vert de ses yeux me transpercent alors qu'une certaine lueur semble apparaître.
- Hier, j'étais exactement là où je devais être. J'ai eu une urgence, Xander est venu foutre le bordel chez moi, je suis rentré un peu en urgence.
- Xander ? Il fronce les sourcils.
- Oui - peu importe, je n'ai pas envie de parler de lui maintenant.
Cela montre à quel point je suis déraisonnable en la présence d'Harry, pas vrai ? Les soupçons qu'a Xander sur moi devraient être la seule chose occupant mon esprit ; je devrais tout mettre en oeuvre pour contourner ce problème.
Pourtant je n'aborde rien de plus. Je veux juste que ce moment soit à propos de nous deux, uniquement.
Le bouclé n'insiste pas et continue à m'écouter. Je sais que nous en parlerons plus tard.
- J'étais bien, allongé à côté de toi, je continue. J'ai du mal à comprendre pourquoi, je n'ai jamais voulu être proche d'un garçon comme ça avant...
Ni de quiconque, d'ailleurs,
- ... Mais toi, oui.
Alors que je parle, j'essaie de continuer à le regarder, mais ce n'est pas simple. Par moment, mes yeux fixent un autre point, afin de me redonner un peu de courage. Je sais que mes rouges sont parsemées de rose, et c'est normal.
Mes paroles sont inédites, l'allure à laquelle mon coeur bat est nouvelle aussi. Et le regard parfait du bouclé n'aide pas à garder les idées claires.
Je m'ouvre à lui, définitivement. Les portes de mon coeur viennent se cogner contre les parois, désormais grandes ouvertes.
- Je ne sais pas ce que tu as pensé en te réveillant, mais je ne veux pas que tu le penses, je termine. Alors ce soir, je reste. Je passe la soirée ici, je travaille mes cours ici, je dors ici, et demain matin, je partirais seulement pour aller au lycée.
Je parle avec détermination, assurance ; pourtant, dans ma tête, je marche sur un pont en bois au dessus du vide.
- Enfin... si c'est ok pour toi, je termine avec moins d'assurance.
Parce que ce n'est pas chez moi quand même.
Harry me fixe sans bouger, puis finis par hocher très lentement la tête.
- D'accord, dit-il, la voix flottante.
C'est comme s'il ne voulait pas me croire, comme s'il attendait de voir pour accepter l'idée.
Je viens ensuite le serrer dans mes bras, fort, si fort, comme si j'essayais de recoller les morceaux cassés. Le bouclé semble surpris au début, ne me rendant pas mon étreinte. Harry a parfois l'air si massif et impressionnant dans tellement de choses - et parfois, il ressemble juste à ce jeune garçon qui manque cruellement de positivité.
- Je reste, je dis.
Et je n'ai pas envie parler uniquement de cette nuit.
Au bout de quelques secondes, Harry me serre en retour.
× × ×
- Ça, c'est la vie que je veux mener, je dis en souriant.
Assis sur le rebord de la piscine, mon jean remonté de manière ce que mes pieds et mollets nus trempent dans l'eau chaude, je pique une part de pizza dans le carton se trouvant entre Harry et moi.
- Manger des pizzas dans une pièce avec une piscine chauffée, c'est le rêve, je dis. C'est à ça que ressemble ta vie au quotidien ?
- Pas du tout, rigole Harry.
À son tour, il prend une part de pizza. En croquant, il se met de la sauce tomate partout, ce qui me fait rire. Tous ces petits détails le rendent tellement humain. Tellement attendrissant.
- C'est ce à quoi ma vie pourrait ressembler, il ajoute. Mais je ne profite pas de tout ça. Je t'ai dit, à part inviter les gens pour des pool-party, et nager de temps en temps, je ne fais pas grand chose dans cette pièce.
- Tu voudras en faire une cette année ? J'ai toujours rêvé de participer à ça. C'est un peu une fête de populaire.
- Ce n'est jamais comme dans les films. Déjà, boire de l'alcool et accéder à ma piscine, c'est interdit.
- Oh, tu es tellement bienveillant, je lance avec un ton ironique exagéré.
Cela fait rire Harry, levant alors les yeux au ciel. À cet instant, l'atmosphère est plus qu'apaisante. Peut-être est-ce la lumière bleue foncée si tamisée, ou les reflets de l'eau dansant sur les murs et nos visages. Peut-être est-ce cette délicieuse pizza, l'eau chaude agréable, ou tout simplement le bouclé à mes côtés.
Je ne sais pas, je crois que je ne veux pas savoir. Je profite de cette légèreté dont ma vie manquait cruellement ces derniers temps.
Je reprends une part de pizza, et ajoute :
- J'ai vu Xander aujourd'hui. Il a été... particulier. J'ai fini par lui dire qu'il y avait quelque chose entre nous. C'est le cas ?
- Tu lui as confié quelque chose de si délicat ?
- C'est délicat pour toi ?
Harry hausse les épaules.
- Pas vraiment. Je fais partie de ces gens qui s'assument totalement en dehors, sans non plus le crier sur tous les toits, et qui ont cette assurance, mais qui pourtant ne veulent pas mettre leur famille au courant, ou pire, la presse. C'est un peu comme les secrets d'Hollywood - tout le showbizz le sait, mais le public, non, et l'info ne sort pas.
- C'est vrai que je n'avais jamais entendu cette information auparavant, je note. Pourtant, j'avais des posters de toi dans ma chambre, j'ajoute plus doucement, une petite gêne dans la voix.
- Oh, je suis un peu ton fantasme devenu réalité alors ? S'amuse le garçon.
Mes joues se teignent en rouge alors que j'hausse les épaules. Pour garder la face, je lève les yeux au ciel, ce qui amuse le bouclé.
- Je t'avoue que je les ai déchirés un jour, alors... ancien fantasme, peut-être.
- Déchiré ? Wow, rigole le bouclé. Mon cœur n'a qu'à bien se tenir.
Je ne peux m'empêcher de lâcher un petit rire, tout en me pinçant les lèvres.
- Il pense que je veux te faire du mal. Xander. C'est ce qu'il m'a dit.
- Il est jaloux.
- Peut-être, oui... Je laisse planer un petit silence en terminant ma part. Je le comprends, en fait.
Pour des raisons évidentes, je le comprends. Et même d'un oeil extérieur, par amour, par jalousie, il est compréhensible.
- Il est compréhensible, confirme Harry. Mais il y a des manières de faire, et de dire.
- C'est clair, je pouffe. Venir toquer chez moi en pleine nuit pour essayer de me tenir un discours moralisateur n'est pas une manière de faire.
- Quoi ? C'est pour ça que tu es parti ?
Le ton d'Harry est foncièrement inquiet et je me mords la lèvre.
- Oui, mais... Peu importe. Il n'est pas venu essayer de te dissuader de me parler ?
- Non. Je suis passé en coup de vent au lycée. Mais il n'a pas à faire ça, Louis. T'harceler à ce point.
J'hoche lentement la tête. Ce n'est qu'une question de temps avant qu'il parle au bouclé, et je le sais.
- Je sais. Mais je n'ai vraiment pas envie de parler de lui en fait, je souris.
- Non, moi non plus.
Ce soir, c'est à propos de nous - de notre bulle. Je sais l'importance que Xander va prendre par la suite, je sais l'importance que je dois accorder à tout à-ça -
Mais pas ce soir.
Quelques heures de perdues, ce n'est rien, pas vrai ?
Je prends une dernière part de pizzas, que je termine en quelques bouchées. Le silence me fait du bien, en réalité. Il apaise mon coeur, vide mon esprit.
- Je vais aller me baigner, je dis alors en me redressant, me trouvant alors debout près du bord.
Harry, d'en bas, me regarde de ses grands yeux verts. Malgré l'ambiance totalement bleue, la vivacité de sa couleur est présente.
- Tu viens ? Je propose en souriant.
Sans attendre une seconde de plus, il se lève, me surplombant alors de quasiment une tête. Il saisit avec ses mains chaque extrémité de son t-shirt noir, et le passe en une seconde au dessus de sa tête. Le voilà alors torse nu, sans être déstabilisé le moins du monde.
Je m'empêche de déglutir et m'autorise à regarder son torse. Son cou, ses clavicules visibles ; ces deux oiseaux ancrés sur son torse, ainsi que cette immense papillon et ces feuilles de laurier. Il a beaucoup de tatouages, pour quelqu'un de 19 ans. Mais il parait que c'est une addiction, et quand on a l'argent, cela doit certainement aller vite.
Je relève les yeux vers lui et à mon tour, quitte mon t-shirt. Mon corps n'est clairement pas aussi sculpté et beau que le sien, je le sais. J'en aurais presque honte, à côté de lui, sa prestance et ses yeux transperçants. Mais il y a quand même quelque chose de rassurant dans son regard. Tandis que celui-ci descend sur ma peau pâle et vierge, je ne me sens pas mal jugé.
Rapidement, les yeux d'Harry reviennent dans les miens.
Il enlève son jean beaucoup trop serré, et se retrouve alors en caleçon. Sans hésiter, je l'imite. Ce n'est rien que nous n'avons jamais vus l'un chez l'autre - mais le contexte était totalement différent. Ici, nous sommes seuls, dans une ambiance très intime ; et même si je sais que rien ne se passera, car je ne veux pas, peux pas, ne suis pas prêt - je savoure et découvre les petites joies d'une relation, quelle qu'elle soit. Et la chaleur que je ressens dans mon être me confirme que j'apprécie la vue et le moment.
- Après toi, sourit le bouclé.
Je m'approche de lui et avec la force de mes bras, l'envoie valser dans l'eau. Alors qu'il remonte à la surface, son rire envahit la pièce. Je le rejoins en sautant, et ris à mon tour.
- J'avais une vengeance à effectuer.
- Je sais, je m'y attendais. Tu es prévisible, Louis.
- Tu serais étonné.
Le bouclé hausse les épaules et je nage jusqu'au bord, afin de m'accouder. Harry me rejoint et s'installe à côté de moi.
Mes bras croisés, je repose ma tête dessus, tournée vers le garçon. Celui-ci fait de même, et je sais que je pourrais rester comme ça des heures. L'eau est chaude, la pièce est apaisante ; il y a de la pizza, des transats.
- Parle-moi d'elle.
Ma voix est douce, calme, comme une fleur qui viendrait juste d'éclore.
- Ta mère, j'ajoute. Cette pièce était pour elle, tu m'as dit ?
- Oui.
- Parle-moi d'elle.
Harry ne bouge pas d'un centimètre, maintenant sa position et le contact visuel. Je pourrais presque y voir défiler des milliers de souvenirs joyeux d'enfance.
Nous avons parlés de son père, plusieurs fois, mais il n'est pas l'homme à retenir. Dans le discours d'Harry, j'ai cru comprendre que sa mère avait un rôle important dans sa vie.
Même si ma mission est clairement de parler de l'homme d'état, je ne le ferai pas.
Ce soir,
Encore,
Je m'en égare.
- Elle était très douce.
- Comme cette pièce ?
- Oui. Mon père a eu moins le mérite d'avoir construit une pièce adaptée à la personne qu'elle était. C'était quelqu'un qui m'a protégé toute sa vie - à se demander comment elle a pu tomber amoureuse de mon père.
Nous ne choisissons pas notre famille, et je crois donc qu'il est donc inévitable de parfois tomber sur des personnes que, pour rien au monde, nous n'aurions choisi.
Harry fait partie de ces gens-là.
- J'aimerais pouvoir dire qu'il n'a pas toujours été comme ça, reprend-il. Parce que généralement, c'est ce que les gens disent pour se rassurer, pour expliquer, parfois excuser. Mais moi, je ne peux pas. Il a toujours été comme ça. Moins occupé par le travail avant, certes, mais pareil.
- Ne parle pas de lui, je dis doucement, avec un petit sourire.
- Tu as raison.
Ne pas l'avoir dans la tête, ne pas l'amener sur le tapis, semble quelque chose dont il n'a pas l'habitude. Pourtant, cette simple idée basique, semble beaucoup lui plaire. Je pourrais presque voir ses épaules se décontracter, comme enlevant un poids de son esprit l'espace de quelques instants.
- Je suis sûr que tu as plus à dire sur elle que juste le fait qu'elle était très calme.
- Je ne suis pas trop habitué à parler d'elle, en réalité. Je ne sais même pas comment j'arrive à en dire autant, avoue t-il, les sourcils froncés par la confusion.
Il semblerait que je ne sois pas le seul à être dépassé par mes ressentis et mon laisser-aller. Cela a un côté rassurant.
- J'ai juste arrêté d'en parler, quand elle a disparue. J'ai accepté le fait que j'étais tout seul.
- Il faut en parler. Peu importe à qui - même si c'est juste en face d'un miroir. Dans un deuil, il faut se lâcher.
J'ai été concerné par un deuil terrible aussi, quand je pleurais ma mère.
Et me revoilà dans une épreuve longue et difficile, concernant mon meilleur ami.
Une pointe de douleur semble traverser Harry, comme si ce sujet était également trop récent pour lui. Je ne suis pas sûr de saisir, comme la disparition de sa mère a quelques années maintenant.
Mais je ne juge pas, et avec mon regard, le soutiens.
- On passait beaucoup de temps ensemble, finit par dire Harry. J'adorais les moments avec elle, les promenades, toutes les leçons de vie qu'elle m'a appris. Je prenais chaque seconde qu'elle m'offrait, et en grandissant, je me suis juste dit que peut-être, elle était si exemplaire pour se faire pardonner d'avoir un père pareil.
- Ou peut-être simplement parce que c'était une bonne personne.
- Oui, aussi. Bien-sûr. De toute évidence.
Je pourrais presque voir quelques étincelles dans ses yeux, alors qu'il semble se concentrer sur le positif, et le positif seulement. Un petit sourire tire mes lèvres. J'aime voir ça.
- Elle savait, pour ma sexualité. Je l'ai su très vite, en réalité. J'en ai eu si peur, mais elle m'a tellement éduqué à être ouvert sur le monde, la vie, qu'elle a rapidement su pour moi. Évidemment, c'était la seule, et on n'en parlait pas énormément - j'étais jeune, gêné de ces choses-là. Mais je me sentais accepté. Elle venait à chaque entraînement de basket que j'avais, aussi, toujours avec des choses saines à manger, à boire. Elle en prenait assez pour toute l'équipe. Je jouais en petit club à l'époque, puis après j'ai commencé à monter. Mais elle ne m'a jamais connu dans l'équipe des Rockies.
- Elle avait l'air géniale, je souffle.
Cette fois, ce sont mes yeux, qui sont illuminés. Cela fait rire le bouclé.
- Ma mère était super aussi, je dis. À tous niveaux. On était très proches. Mon père biologique est parti à ma naissance, et elle a rencontré mon beau-père quand j'étais déjà assez grand, alors j'ai passé la plupart de ma vie seul avec elle.
- On a eu de la chance de les avoir, conclut Harry.
- On a eu beaucoup de chance de les avoir, je confirme.
Le silence qui suit n'est pas désagréable, mais je comprends rapidement qu'il signifie la fin de ce sujet de conversation. Harry ouvre la bouche, la referme - il n'est de toute évidence pas prêt à en dire plus, à parler de ce sujet qu'il a apparement trop tu ces dernières années.
Sa gorge a l'air obstruée, son coeur a l'air alourdi par tous ces mots qu'il veut crier. Mais ce n'est pas pour tout de suite. Un pas après l'autre. Je lui souris tendrement et me décolle du bord pour aller nager un peu.
En regardant autour de moi, je dis :
- Tu as emmené combien de gens ici ?
- Oh, si tu comptes toutes les personnes qui sont venues pendant les soirées, eh bien...
- Non, je veux dire, les gens que tu as amenés ici et mis dans ton lit.
- Tu penses vraiment que je suis un mec sans coeur, pas vrai ? Il rigole.
J'hausse les épaules. Harry se détache à son tour du bord, et avec trois coups de bras, se retrouve à ma hauteur.
Je l'ai pensé pendant un temps oui, j'avoue. Maintenant je ne suis pas sûr de quoi penser.
À tous niveaux.
Harry reste là sans rien dire pendant de nombreuses secondes. Je me sens sondé par ses yeux.
- Deux, dit-il finalement. Xander, et toi.
- Évidemment, il a conquéri les terres avant moi, je pouffe.
Harry arque un sourcil et je me sens aussitôt gêné.
- Non, je ne parlais pas de... je montre son corps déshabillé. Ça.
- Je ne l'ai pas amené ici dans l'optique de faire quoi que ce soit. C'était mon équipier - j'avais organisé une grosse pool party, et il était là. Donc théoriquement, comme plus tard il a fini dans mon lit, il compte. Mais je ne l'ai pas fait tomber dans l'eau pour l'embrasser en pleine soirée.
Alors qu'il en parle, les images de notre moment dans la piscine défilent dans ma tête, et je nous revois flotter dans cette eau chaude. L'ambiance n'est pas la même, mais l'attention, le ressenti, oui.
- Ça fait un peu de moi une personne privilégiée, je pouffe.
- Oui. Tu l'es.
Mon coeur rate un battement à l'entente de sa réponse rapide, de la voix lente utilisée.
- C'est peut-être bête de le dire, de le penser, mais tu n'as rien à envier à Xander. Ça ne fait aucune doute. J'ai passé du temps avec lui, et je ne pourrais pas changer ça - je ne regrette pas tant que ça. Mais toi, tu...
Malgré les mouvements effectués par ses bras pour rester à la surface, il trouve le moyen d'hausser les épaules.
- Je ne sais pas, ça me paraît totalement débile de dire ça, parce que je ne te connais pas non plus tellement bien - mais tu as l'air de faire partie de ceux qui restent. Je n'y ai jamais trop cru, à ces conneries-là. Mais j'avais peut-être tort.
- Ce n'est pas débile. Oui, tu avais tort. Je fais partie de ceux qui restent.
Cela sonnerait presque comme une promesse trop rapide, mais elle semble pourtant avoir tellement de sens. Je fais partie des gens qui restent, oui.
Et cela pourrait sembler totalement illogique, vu la folie qu'est ma vie actuelle. Pourtant, ces mots semblent être mélodieux à dire, et à entendre.
Je regarde les yeux d'Harry, enveloppé dans un moment chaud que nous venons de créer. J'aurais presque l'impression qu'ici, maintenant, rien ne peut m'arriver. Je me laisse regarder une seconde les lèvres roses du bouclé. Comme son être, elles sont attrayantes.
- Je vais t'embrasser, je murmure.
Faisant écho à notre premier baiser, j'avance vers lui, le faisant ainsi reculer - et ainsi de suite, jusqu'à ce que son dos atteigne le bord de pierre, et que je sois devant lui.
Ses prunelles sont là, intimidantes, presque surplombantes alors qu'ici, dans l'eau, nous n'avons pas de différence de taille - et mon coeur est emballé, car de moi-même, en premier, je n'ai jamais embrassé quelqu'un.
Je m'approche et pose mes lèvres sur les siennes, ni trop doucement, ni trop fort. J'effectue un léger mouvement, faisant mouvoir nos bouches ensemble pendant un court instant.
Harry finit par passer ses bras sur mon dos, me mettant tout de suite plus à l'aise, comme si j'étais habitué à faire ça, à faire ça avec lui. Que c'était ainsi dans une autre vie.
Ce baiser n'a rien à voir avec nos deux premiers. Il n'a pas la folie et l'ardeur du premier, ni la précipitation et la peur du second.
Il a un goût de tendre, de bulle, d'après.
Cette fois, je ne fuis pas.
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Réagissez avec #BornTDieFic
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Un chapitre plutôt doux et calme, spécial Louis, mais de quand même 10 000 mots ! Je voulais vraiment me concentrer sur Louis et Harry là-dessus.
Harry qui est dépassé par la place que prend Louis et l'effet qu'il a sur lui,
Louis qui fait de plus en plus de pas vers l'inconnu et se dépasse sur ce qu'il veut,
Xander qui est peut-être un peu trop sur la bonne voie...
Je sais que l'enquête met un peu de temps, parce que j'essaie vraiment de développer les autres intrigues à côté, et qu'en soit, en réalité, les enquêtes sous couverture peuvent prendre des années et stagner... J'espère que vous appréciez quand même. Ne vous en faites pas, on en saura plus bientôt ❤️
Merci pour votre lecture et votre fidélité.🤍
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