CHAPITRE 15


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PARTIE 1 : Entrer dans le rôle

LOUIS


     - Tu es nerveux ? Me demande Judith, à côté de moi.

     - Non, pas vraiment je crois. C'est juste - inhabituel. Mais je commence à m'habituer au fait de fréquenter des mecs riches et de traîner avec eux.

     - Attends d'avoir ton premier salaire de joueur dans l'équipe, elle rigole.

J'acquiesce. C'est vrai que ça va me faire tout drôle. Je n'arrive pas à croire que j'en sois là, et je ne suis évidemment pas méritant. Je ne suis pas arrivé à jouer dans cette équipe de par mon talent, mais malgré tout j'y suis, et je m'y épanouis, je crois.

Je sonne à la grande porte d'entrée vitrée. A travers celle-ci, nous pouvons déjà voir les lumières, la foule, et quasiment entendre la musique. Liam vient tout de même nous ouvrir, une bière à la main.

     - Hey Louis ! Et tu es venu en charmante compagnie, il sourit.

Il a l'air vachement agité. Il met de la bière partout.

     - Oui, salut Liam, je rigole timidement. Je suis venu avec Judith.

     - Oui, je vois ça.

     - Bonjour, on peut me parler directement, je suis plus qu'une paire de fesses et de seins, elle sourit.

     - En effet, dit Harry en arrivant à côté de son ami derrière la porte.

Je le regarde, et il est très simple. Un jean qui m'a l'air très slim tout de même, et un t-shirt sombre et uni. Il aborde un sourire radieux, accueillant. Typiquement celui qu'il pourrait faire à un journaliste, ou à quelqu'un pour le draguer.

C'est l'effet que ça me fait, du moins. Je m'enlève cette étrange pensée de la tête. Dire que je viens seulement d'arriver... ça commence bien.

     - Merci d'être venus, tous les deux, ajoute t-il. Venez.

Il nous fait signe d'entrer et alors, on s'exécute. Je suis déjà venu là, évidemment, mais Judith, non. Elle s'émerveille brièvement du cadre dans lequel nous nous trouvons. C'est vrai que la maison que nous avons est super, mais rien à voir avec cette villa malgré tout.

Nous nous mettons à l'écart, tandis que je vais poser la bouteille que j'ai apporté sur la table. C'était la moindre des choses, je crois. je n'ai jamais trop été un mec qui allait aux soirées, aux fêtes - Zayn et moi étions plutôt réservés.

     - Il y a du monde, note Judith, parlant suffisamment fort pour que je puisse l'entendre. Je m'attendais à quelque chose de plus... petit. À tous niveaux.

     - Moi aussi, j'avoue, en regardant tout autour de moi.

Plus loin se trouvent différents groupes de personnes, certaines que je connais, d'autres pas. Je reconnais des joueurs, par-ci, par-là. Mais il est vrai qu'avec les lumières changeantes tous les quarts de seconde, ce n'est pas évident.

Je ne suis pas très à l'aise. Judith, beaucoup plus. Je me tourne vers elle, déjà en train de se servir un mélange d'alcool et de diluant dans un grand gobelet en plastique. Elle n'a pas de mal à s'intégrer à la collectivité, j'avais déjà pu noter ça auparavant.

Elle revient vers moi, et je ne peux m'empêcher de la regarder. Son pantalon en cuir noir moulant la met en valeur, ainsi que son petit chemisier blanc. Cela lui vaut quelques regards, mais Judith se fiche de ça. Elle est belle, et le sait.

     - Tu vas boire ? Je lui demande.

     - J'ai juste pris un petit verre de vodka avec une boisson énergisante. J'ai envie de me détendre un peu, même s'il n'y a pas obligatoirement besoin d'alcool pour ça.

J'hoche la tête et regarde encore une fois autour de moi. Il y a des groupes de partout, et je reconnais peu de visages.

     - Relax Louis. On ne joue pas notre vie ce soir.

     - Non, bien-sûr.

     - Il y a des gars de ton équipe ?

     - Oui, un peu partout.

Un à un, je les indique à Judith qui acquiesce. Certains d'entre eux me saluent alors qu'ils passent à côté de nous pour venir se resservir à boire, ou à manger.

C'est une soirée type en réalité - enfin, une soirée typique dans une villa, avec beaucoup de gens fortunés présents. Mais malgré ce statut, je les trouve plutôt simples.

Liam surgit de nouveau près de nous, affichant un sourire radieux. Il a un peu bu, mais cela ne fait pas tout. De base, j'ai remarqué que ce garçon est très souriant.

Je crois que je l'apprécie. Bien plus que les autres joueurs et ce connard de Xander, en tout cas.

     - Ça me fait plaisir de te voir ici ce soir Louis, dit-il. Et toi aussi Judith, évidemment.

     - Évidemment, rigole la jeune femme.

     - Excuse-moi si j'ai pu être offensant quand j'ai dit ces compliments sur toi. Je ne suis pas un garçon qui manque de respects aux filles.

     - Oh, ce n'est pas grave. J'ai déjà entendu bien pire, je te le confirme. Et puis Louis n'est pas un petit-ami jaloux de toute manière.

À l'entente de ces mots, je n'ai aucune réaction. Judith me lance un regard discret très explicite pour me faire comprendre qu'il faut que je sois plus convaincant. Alors je joue un sourire, et hoche la tête en regardant le brun.

     - Vous êtes très beaux ensemble, en tout cas. Vous vous êtes rencontrés comment ?

La blonde affiche un grand sourire et vient se coller contre moi. Je passe un bras autour de ses hanches marquées et j'ai l'impression de la sentir se rapprocher encore davantage.

Oui, c'est ce que les vrais couples font aux soirées. Et peu importe si je ne suis pas à l'aise. Peu importe.

     - On était ensemble en cours l'année dernière, en cours de chimie. C'était un garçon très réservé et j'avais un copain de toute manière, mais je sais pas, quelque chose m'a attiré chez lui. Puis au fil du temps les choses ont fait qu'on s'est rapprochés. Et ça s'est juste fait naturellement. On a développé des sentiments, de l'attirance, et nous y voilà.

Le début de l'histoire est vraie, mais mon amie raconte le reste avec tellement d'aisance, que je ne peux m'empêcher de lever les yeux vers elle, sans trop cacher mon étonnement. Et une énième fois, je réalise.

Elle n'invente pas. Elle décrit son ressenti personnel, en gardant la face comme la fameuse Judith Carter le fait toujours.

Mais l'histoire est vraie, pour elle.

Pour elle seulement.

Tandis que je passe mes journées des derniers jours à lutter contre l'image agréable que cela me fait de penser à des mecs, Judith développe des sentiments pour moi.

Je serre un peu ma main sur sa hanche, sans le vouloir, signe que je suis moins à l'aise. Judith y pose sa main pour me faire comprendre de relâcher la pression.

     - C'est mignon, sourit Liam. Ne la laisse pas filer, car je ne serai jamais loin pour la couvrir de fleurs.

     - T'en fais pas, je rigole doucement à mon tour.

Même si la vérité, c'est que ça ne me dérangerait pas, de les voir ensemble. En les regardant une seconde, je me dis même qu'ils feraient un beau couple.

Je remets mes esprits en place pour me concentrer sur la mission, sur mon - faux - couple. De loin, j'essaie de repérer quelques gobelets abandonnés, portant le nom de joueurs dans mon équipe.

     - C'est sympa que tu sois venu en tout cas, ajoute mon équipier. On n'a pas arrêté de parler de tes performances avec les autres.

     - Merci. Mais ce n'était pas grand chose.

     - Tu as fait un home-run pour ton premier match, Louis. J'ai été sur le banc de touche pendant les cinq premiers matchs officiels que j'ai fait. Tu as assuré, range cette modestie. Qu'est-ce que ça va être au prochain ? Un hors limite ?

Il me prend amicalement par les épaules et je rigole, gêné. Cela met la pression, mais j'essaie de ne pas trop y penser.

     - Tu sens la bière Liam, je souris.

     - Oui, confirme Judith. C'est fou.

     - Je n'en ai bu qu'une, je vous promets. C'était ma deuxième - et, oh, elle est finie d'ailleurs.

Je ne suis pas très fort en maths mais je suis presque sûr que suivant cette logique, il en a bu deux. Judith et moi échangeons un regard et rigolons.

     - Je vais aller me resservir, ajoute t-il. Je reviens.

Sans attendre un moment de plus, Liam part quelques mètres plus loin pour reprendre un verre et piquer quelques chips. Je lâche Judith et me mets face à elle.

     - Je suis à l'aise, ça y est, dit la blonde. Et il est sympa ce mec en fin de compte.

     - Oui, c'est un bon gars.

     - Enfin, si on ne perd pas de vue qu'il a possiblement des choses à voir dans toute cette affaire aussi.

Je me pince les lèvres et me retiens d'hausser les épaules.

D'un coup, je regarde autour de moi et me mets à chercher le bouclé, que je n'ai plus aperçu depuis que nous sommes arrivés à la fête. Cela ne fait que quelques minutes et il y a du monde, certes, mais je trouve ça bien étrange tout de même.

Je m'approche de la blonde et murmure dans son oreille :

     - Je vais aller parler à Harry.

     - Pourquoi ?

     - Pour lui parler. Je ne le vois pas, je trouve ça bizarre que dans sa propre maison, il disparaisse. Et puis je pense que ça sera bizarre si tu veux - tu sais, si on reste collés tout le temps.

Elle arque un sourcil.

     - Non Louis, au contraire. C'est si on s'évite alors qu'on est censés être un couple que ça sera bizarre.

Je grimace, prenant conscience qu'elle a raison, et je n'ai pas besoin d'avoir de l'expérience dans les relations pour le deviner. Si on était vraiment en couple, je resterai probablement collés à ses basques dans une soirée où je suis perdu - logique.

     - Tu as raison, je reconnais. Mais nous on sait pourquoi on est là - c'est pour l'enquête. Laisse moi aller lui gratter quelques informations, avec un peu de chance il a un peu bu.

     - Louis, il t'a lui-même dit qu'il ne boit jamais de bière, elle rigole. Je ne vois pas pourquoi il irait se bourrer la gueule derrière.

Évidemment, toutes mes conversations avec lui sont écoutées. Je ne peux rien utiliser pour mentir.

Et puis merde, en effet - pourquoi je cherche une excuse pour absolument aller lui parler ? Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ?

Pour la deuxième fois depuis que je suis arrivé - soit, dix minutes - je me remets les idées en place et pense normalement.

     - Fais-moi confiance, je lui dis. Si on veut que je gagne au maximum sa confiance, il va falloir que j'essaie de passer le plus de temps possible avec lui. Il a l'air d'avoir un feeling avec moi, il faut l'exploiter.

     - Ok, elle se résigne. Je vais attendre, eh bien... que Liam revienne. Je suis sûre qu'il va m'accueillir à bras ouverts et continuer à me parler.

     - Fais attention à ce qu'il ne mette pas sa langue dans ta bouche surtout, je m'amuse.

     - Tu serais jaloux ?

Je tourne la tête vers elle et note qu'elle a un vrai petit sourire. Elle ne joue pas à la petite-amie là, comme personne ne peut l'entendre. Elle est simplement - elle-même.

Et elle flirte avec moi, attendant que je fasse de même.

     - Évidemment que je le serai, je réponds. Devant les autres. Pour le rôle qu'on joue.

Trop lâche pour voir son visage déçu et devoir affronter le fait de décevoir une amie, j'ajoute :

     - Je reviens, je te trouverai t'en fais pas. Je vais juste essayer de gratter quelques infos en plus.

Je n'ai aucune raison importante ou du moins liée à l'enquête d'aller le voir. Et pourtant, je le fais.

Sur ces mots, je pars trouver Harry, qui après une courte minute de recherche, se trouve dans son immense cuisine. Comme celle-ci est ouverte sur le salon de par le bar, Judith peut « garder un oeil sur moi », si telle est son envie. Mais au moins, elle ne peut pas nous entendre.

Il est assis sur un plan de travail, pouvant ainsi observer tout ce qu'il se passe. Et il a son fameux verre d'eau à la main. Je me prends à rire.

     - Je te cherchais, et ne te trouvais pas.

     - J'étais dans l'autre partie de la maison. Je viens juste de revenir.

     - Oh, d'accord.

Je viens m'appuyer contre le plan de travail à côté de lui. Tous deux, nous observons les dizaines de groupe bouger au rythme de la musique.

     - Je ne pensais pas qu'il y aurait autant de personnes, je dis.

     - Moi non plus, il m'avoue dans un rire. Des personnes sont venues - accompagnées de personnes qui elles-mêmes, étaient accompagnées. Bout à bout, ça commence à faire une sacrée équipe.

Encore, un petit rire m'échappe. Je ris beaucoup plus, ces derniers temps. Qui l'eut cru.

Tout en regardant les différents gens plus loin, la musique tambourinant, je parle :

     - Je n'ai toujours pas croisé Xander.

     - Et tu ne le croiseras pas. Il n'est pas là. Je lui ai dit de ne pas venir.

D'un geste vif, je tourne la tête vers Harry. Je ne sais pas réellement ce qui habite mon visage - de l'incompréhension ?

De la gratitude ?

Des milliers de questions cachées sous ma peau - envers moi-même ? Lui ?

     - Pourquoi tu as fait ça ?

Il a à nouveau ce regard sombre, terne - non pas par sa couleur, mais par son intention. C'est difficile de savoir ce qu'il veut transmettre - c'est illisible. Il a ce regard si profond que l'on a l'impression de tomber dedans, au fond d'un puit. Je le répète constamment, mais suis toujours étonné par ce fait. Et les mots qu'il ajoute ne font qu'empirer les choses dans mon esprit :

     - Pour toi. Je savais que tu n'avais pas envie de l'y voir. Alors je lui ai demandé de ne pas venir.

Pendant plusieurs secondes, j'ai l'impression de me perdre dans ses prunelles vertes, essayant d'y lire quelque chose. Je n'y parviens pas et cela me frustre, tellement.

Je reprends le contrôle en me mettant à rire un peu, jouant le mec détaché. Parce que c'est ce que je suis, hein ? Un mec totalement détaché.

     - C'est gentil, je rétorque. Mais il va se faire des idées à notre sujet.

     - Les croyances des gens sur les autres n'ont pas vraiment d'importance, tant que nous on connaît la vérité.

Instantanément, je baisse légèrement les yeux. Je me dois de penser à l'enquête, à toute cette recherche de vérité qui part si loin. Cela me fait réfléchir sur la situation, sur ses implications.

Bordel, je suis vraiment en train de douter à cause d'une phrase à fond quasi philosophique ? Reprends-toi, Louis !

Mais, et si... Je m'étais trompé...

Je relève le regard pour maintenant le contact visuel avec Harry. Je ne me dégonfle pas. Je ne suis pas comme ça.

     - Tu as raison, je parle enfin. Tant que les gens savent leur vérité, c'est sûrement le plus important.

Un silence entre nous deux s'installe. Il n'y a aucune gêne, étant donné que la musique possède la maison entière, et que mes songes m'occupent suffisamment l'esprit. Harry reprend la parole après une minute :

     - Il aurait raison ?

Je tourne la tête vers lui.

     - Qui ?

     - Xander, sur ses idées sur toi et moi.

À l'entente de sa voix particulièrement grave et surtout du sens de ses mots, c'est comme si mon coeur s'alourdissait. Jamais aucun garçon ne m'a fait du rentre dedans auparavant et là, même si je ne suis pas pro, je suis sûr que c'en est.

Et cela me conforte dans l'idée que j'ai raison de me poser des questions sur mon identité, parce que, je suis troublé. Et je ne sais pas si j'aime ou déteste l'idée d'être troublé par Harry Styles.

Je ne sais pas si j'aime ça, ou si je pense aimer - et je ne sais pas si je déteste, ou si je me force à détester car c'est juste ce que je dois faire. Pu-tain.

Je me reprends, et hausse nonchalamment les épaules, l'air détaché. Ce n'est qu'un rôle - ça va aller. Cela ira.

     - Je ne sais pas, je parle alors.

Je sens le regard d'Harry sur moi et je devine qu'il a un sourcil arqué, étonné de ma réponse. Il ne devait pas s'attendre à ce que j'aille dans son sens.

Et moi non plus.

Mais ça va, je contrôle. Il y a le micro, on m'écoute. Peut-être qu'en allant dans son sens, je mets les choses de mon côté.

     - Je ne pensais pas que tu me répondrais ça.

     - Tu ne devrais pas me dire ça de base. Pourtant, tu le fais.

     - Est-ce que je fais quelque chose de mal cependant ? C'est qui je suis. Je suis ce mec intimidant, célibataire, qui flirte en soirée.

     - Alors c'est quelque chose que tu fais avec tout le monde ? Je parle, vite.

Un petit rire quitte ses lèvres alors qu'il baisse la tête, et je le vois sourire d'une manière inédite - le genre de sourire qui fait creuser sa joue dans une fossette que je n'avais vue. Ou que je n'avais jamais remarquée, peut-être. Son visage semble lumineux, alors que les différentes couleurs des éclairages changent toutes les trois secondes.

     - Je ne fais pas avec tout le monde, dit-il en relevant ses yeux.

     - Peu m'importe de toute façon, je me défends, sentant que ça quitte mon contrôle.

     - Je crois que ça t'importe, oui. Pourtant tu vas dans mon sens, alors que ta copine se tient juste là-bas.

Il insiste sur la présence de Judith, allant même jusqu'à lancer un petit signe en sa direction. Je vois qu'elle est bel et bien en train de discuter avec Liam. Je surveille, comme un ami veillerait sur une autre. Il n'a pas l'air lourd avec elle.

Je baisse les yeux un instant, et tourne à nouveau mon visage vers Harry.

     - Tu as raison. Je ne sais pas ce que je devrais dire, ou faire, et pourtant je le dis quand même.

Là, pour moi, cela va plus loin que mon rôle - je parle justement du fait de le dépasser. Je ne sais pas si ce que je dis est bon - je ne sais pas si ce que je fais l'est également, je n'en sais rien. Je me laisse porter par le vent et il s'annonce être une sacrée tempête incontrôlable.

Je ne me saisis pas moi-même. Je suis quelqu'un de tellement accroché à mes principes - de tellement déterminé dans cette affaire. Et là, face au regard insistant d'Harry, je ne sais plus ce en quoi je dois croire ou non.

Quelle merde.

Son regard reste fixé sur moi un long moment, et je ne brise pas le contact visuel. Je ne le fuis pas - peu importe ce que cela implique.

Surtout vu ce que cela implique.

Finalement, il parle :

     - C'est vrai. Tu m'as l'air perdu, Louis.

Je soupire et inconsciemment, viens me mordiller la lèvre. Oh Harry, tu n'as pas idée d'à quel point.





*

PARTIE 2 : Quitter le rôle

MIKE



Concentré sur les images affichées sur les écrans et sur ce que j'entends dans mon casque, j'écoute. J'enlève tout de même une oreille afin de m'adresser à Andrea :

     - Ils flirtent ou je rêve ?

     - Je crois aussi, dit-elle en faisant la même chose que moi. Louis est très bon, il va loin dans son rôle.

     - Juste un rôle ?

     - Évidemment.

     - Tu as raison, je me raisonne. Il est encore plus bon acteur que ce que l'on pensait. Aller dans ce sens-là... C'est plus que prometteur.

Nous n'avons pas tant eu de mauvaises surprises pour le moment. Les retours prennent du temps, c'est normal, on stagne un peu - mais Louis se débrouille bien. Très bien. Il sait jouer, et faire en sorte de gagner la confiance du bouclé.

     - Oui, confirme mon équipière. Mais je ne pense pas que les grandes révélations, ça sera pour ce soir. Ils ne disent rien d'important.

     - Et en plus, on entend un mot sur trois à cause du volume de la musique.

Nos micros ont beau être performants, le système d'écoute a ses limites. Et le fait que la chaine hi-fi de qualité d'Harry passe de la musique que nous pouvons entendre de la camionnette n'aide pas le matériel.

Andrea acquiesce et remet son casque, se concentrant à nouveau sur les écrans, sur tout ce qu'on peut éplucher. Je me prends à regarder son profil. Elle a les cheveux attachés en cet espèce de chignon brouillon, qui délimite parfaitement son visage fin.

Nous sommes uniquement tous les deux dans la voiture garée non loin de la résidence du garçon riche. Nous nous relayons, avec Todd, Ernie et Niall, vu que le but est de travailler tout le temps, le plus possible tandis que les autres se reposent à la maison, ou travaillent de là-bas. Et évidemment, Andrea et moi sommes seuls.

Mais je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. Je ne voulais pas qu'elle soit avec Niall, et voici le résultat : me retrouver seul face à mes pensées.

Je baisse les yeux, repensant à la conversation que j'ai eu avec Niall, la dernière fois. J'y ai pensé, longuement.

Je retrouve mes mains moites d'adolescent, ce petit stress du rejet, que je n'ai pas connu depuis des années. J'ouvre la bouche, puis la referme. Oh, ça va pas ou quoi ? J'ai 40 ans, pas 15. C'est bon.

     - Moi ce n'en est pas un.

     - Quoi ? Rétorque Andrea en enlevant son casque. Je ne t'entends pas - c'est une vraie discothèque là-dedans.

     - Je disais... Je reprends, sentant malgré moi cette appréhension. Moi, ce n'est pas un rôle.

Ses yeux sont dans les miens, déstabilisants, et je ne sais pas où je puise le courage de compléter mon idée en la fixant, mais je le fais :

     - Vis à vis du fait de flirter et tout ça, tu sais... Moi - je ne joue pas.

     - J'ai cru comprendre, oui...

     - J'ai beaucoup pensé à notre conversation de la dernière fois. Et je sais que ça peut paraître bizarre, stupide ou je ne sais quoi - mais j'y pense peut-être trop.

Le fait qu'elle ne réponde pas, qu'elle me regarde juste, ses grands yeux lumineux, est encore plus difficile. J'ai peur d'y voir quelque chose que je n'ai pas envie de voir - mais pour le moment, tout va bien. Elle ne se braque pas.

     - Je ne comprends pas où tu veux en venir, reprend-elle.

     - Que je ne pense plus à Abigail. Enfin - si, bien-sûr, c'était ma femme et ça le restera toujours. Mais je ne suis plus retenu par... l'amour pour elle. Je suis seulement retenu par l'envie de lui rendre justice, après tout ce qu'on a vécu. Par le devoir, parce que je me sentirais toujours un peu coupable. Mais je suis prêt à passer à autre chose. Je veux, passer à autre chose. J'en ai parlé avec Niall et -

     - Tu en as parlé avec Niall ? Elle s'étonne.

     - Oui, dans le sens - il a été cool, t'inquiète pas. Ça m'a permis d'ouvrir les yeux, en soit. Je suis un peu perdu comme mec mais, en même temps, je suis sûr.

     - Je ne veux pas être cette personne simplement là pour passer à autre chose, pour espérer aller mieux ou je ne sais quoi...

     - Tu ne l'es pas ! Je me reprends aussitôt. Tu ne l'es pas, tu es...

Je me passe les mains sur le visage.

     - Merde, je suis nul avec les vivants moi, c'est pour ça que je bosse à la criminelle. Les morts, ils parlent pas - c'est juste des mystères, c'est tout. Ce que j'essaie de te dire Andrea c'est que, enfin... C'est toi, qui m'a fait penser pour la première fois depuis tout ce temps, que je pouvais éventuellement faire autre chose. Que j'étais plus que le mec paumé et veuf, père d'une fille qu'il n'arrivait pas à comprendre parce qu'il ne le voulait pas. Je suis plus que ça et - j'ai pu apercevoir ça, grâce à toi.

Elle n'a pas de réaction, et ça me fait encore plus stresser.

Est-ce que j'ai bien fait, d'ouvrir mon coeur ?

Est-ce que ce n'était pas... trop ?

Est-ce que je vais me manger un râteau ?

Impossible - elle m'a avoué craquer sur moi.

Mais alors qu'est-ce qui cloche ?

Et là, ça me frappe. Ce qui la fait rester immobile, c'est mon inertie. Elle a bien trop peur que je me précipite, que je ne pense pas mes mots pour dire ou faire quoi que ce soit. Je l'ai repoussée une fois - elle ne veut pas prendre le risque de se dévoiler pour que cela se reproduise.

Alors, je refuse de le faire à nouveau. J'enlève mon casque et viens envelopper son visage de mes grandes mains pour venir l'embrasser. Tout simplement.

C'est un simple baiser, mes lèvres posées sur les siennes deux longues secondes, avant que je me recule pour la regarder dans les yeux. Ils sont encore plus beaux, à cette minuscule distance.

     - Je ne joue pas un rôle, je murmure alors.

Andrea a un petit temps de réaction, n'en revenant probablement pas que j'ai pu faire ça - que je me sois, enfin, bougé. Mais finalement, elle se rapproche pour à nouveau combler la distance et m'embrasser.

Cela devient plus ardent, d'un coup. Nos lèvres bougent, et c'est très sensuel. Je m'enflamme, et elle aussi. Je la sens me pousser sur mon siège, continuant à m'embrasser. Elle pose son casque, et alors, nous ne prêtons plus aucune attention à ce qu'il se passe à la fête. C'est juste elle, et moi, nous dirigeant vers un terrain plus que glissant.

     - On ne devrait peut-être pas, elle chuchote. Ils comptent sur nous.

     - Tu as raison. C'est comme tu préfères.

Elle me regarde dans les yeux, puis mes lèvres qui appellent les siennes, puis mes yeux. Et elle se rue à nouveau sur ma bouche, de manière à rompre toute distance.

Sans trop de gêne, je laisse mes mains se balader sur son dos. Nous sentons tous deux que la chaleur monte, dans ce petit véhicule aménagé. Je prends les choses en main et la soulève, de manière à ce que nous finissions sur le sol.

     - Ça fait longtemps que je n'ai rien fait, je souffle.

     - Moi aussi, elle dit en amenant sa main à ma joue. Et ce n'est pas grave.

À sa voix, je sens qu'elle est plus que sincère. Alors je reviens l'embrasser.

Plus loin, dans les casques, se coupe le micro de Louis, définitivement. Mais nous ne l'entendons pas.






*

PARTIE 3 : Poison sur les lèvres

LOUIS



Je retourne auprès de Judith, qui discute avec Liam, et je passe mon bras autour de sa taille fine, pour que nous jouions le couple parfait et surtout crédible devant tout le monde.

Et peut-être un peu pour me rassurer, aussi. Je n'ai pas grandi dans l'idée qu'aimer les mecs c'est mal et tout ça, pas du tout - mais cela reste déstabilisant et j'essaie de me rassurer au maximum, de m'éviter ces questions incessants.

Judith est magnifique, merveilleuse, drôle, et je suis sûr, je sais, que je ne la laisse pas indifférente. Alors ça devrait suffire, pas vrai ?

Évidemment, je sais que non. Je sais que ça ne suffit pas. Je le sens.

     - Alors Judith tu te laisses charmer par Liam, je rigole. Il n'a pas été trop lourd ?

     - Franchement, non, répond ma - fausse - copine.

     - Non mec, ajoute le joueur. Je ne pique pas les copines des potes.

     - Tu es bien trop aimable, je souris.

     - Au début, lorsque je l'ai vu dans le lycée, j'étais obligé de tenter ma chance. Mais je me suis excusée toute à l'heure. Maintenant, c'est chasse gardée, j'ai compris. Elle est juste cool.

Encore une fois, ça ne me dérangerait pas qu'il tente sa chance, mais je me retiens de le dire. À la place, nous rions brièvement ensemble, et je me tourne vers mon amie.

Avec mes yeux, j'essaie d'envoyer un regard à Judith qui voudrait genre dire, je vais filer en douce fouiller un peu la maison, visiter, tandis que tout le monde boit et danse. Je ne suis pas sûr qu'elle saisisse l'idée mais je me contente du fait qu'elle ne veuille pas me suivre.

Je lui fais un bisou sur la joue, toujours dans le rôle. Je le gère sans trop de difficultés, avec elle, même si cela va à l'encontre de certaines choses. Avec quelqu'un d'autre, c'est plus complexe apparemment.

Je laisse les deux continuer à discuter tranquillement alors que je me faufile entre les personnes, qui ne semblent même pas prêter attention à moi. Harry n'est pas ici, alors je profite de cette occasion pour pouvoir éventuellement partir trouver quelque chose.

Une fois une porte passée, je me retrouve dans un couloir, et je me rends compte que la musique est quasiment inaudible. Wow, c'est très bien isolé, ici. Ça ne m'étonne même pas - et de plus, je n'ose pas imaginer le prix de cet endroit. Chaque détail semble avoir été pensé.

     - Ok, je sais pas si vous m'entendez... Je dis à l'intention des enquêteurs, mais je cherche quelque chose, éventuellement. En restant discrets.

Je ne peux pas entendre leur retour, mais je sais qu'ils m'entendent. Ils n'ont rien d'autre à faire de toute façon.

J'ouvre quelques portes, marchant à pas de loup, comme si cela faisait la différence. Je suis seul dans ce couloir, c'est évident - mais j'ai le stress qui monte, mine de rien. Je recherche la chambre d'Harry, je pense que c'est l'endroit le plus sûr où je peux trouver quelque chose d'intéressant ou simplement quelque chose me permettant d'avoir son ADN. Un cheveu, quelque chose.

Mais je ne tombe pas sur sa chambre.

     - Oh putain, je dis, époustouflé.

Derrière cette simple porte se trouve la plus grande piscine intérieur que j'ai vu de ma vie. Enfin - je crois que c'est la seule, en fait. Je sais très bien que le secrétaire d'Etat est riche à ne plus en pouvoir, mais de là à avoir une piscine creusée en intérieur.

Je comprends mieux comment Harry garde la forme hors du baseball. Je suis sûr que quelque part se trouve une immense salle de sport, aussi. Cette maison pourrait être un village à elle seule, sérieux.

Timidement, car impressionné, je m'approche du bord de l'eau. Il fait sombre dans l'endroit, la lumière est éteinte - mais l'eau est éclairée et les reflets des remous de l'eau se dessinent sur les murs de pierres taillées, et créent une ambiance très tendre, très apaisante.

Je m'avance, jusqu'à regarder le reflet de mon visage dans l'eau. Je ne suis pas sûr de ce que je vois - de qui je vois.

Ce garçon de Boulder, réservé, passionné mais effacé ?

Ce rôle que je joue, de grand joueur de l'équipe nationale ?

Ou cette espèce de personne sous couverture ?

L'image est trouble, de par les mouvements de l'eau. Et cela correspond bien à ce qu'il y a derrière, selon moi. Un trouble total, un mélange. Je me penche, comme si ainsi, je pouvais davantage lire, davantage atteindre. M'atteindre.

     - C'est beau, pas vrai ?

Je sursaute à l'entente de la voix grave et, maladroit comme je suis, trop près du bord, je manque de tomber. Mais un bras avec une emprise forte me retient.

Je me crispe de tout mon être et retiens mon souffle - d'avoir manqué une chute, et d'être retenu si près d'Harry Styles. Je pourrais presque sentir la chaleur dégagée par son corps taillé.

Il reste ainsi, sans reculer, quelques secondes. Je ne peux pas le faire non plus, au risque d'atterrir dans l'eau. Les reflets de la piscine lumineuse passent sur son visage, lui donnant un aspect très cinématographique. C'est clair, ce mec semble sorti tout droit d'une série.

Il finit par relâcher doucement la pression exercée sur mes bras, par lesquels il m'a empêché de plonger. Et, il fait un pas en arrière, pour me redonner l'espace de respirer.

     - Excuse-moi, tu m'as fait peur, je souffle finalement.

     - J'ai cru comprendre. Ce n'était pas mon intention.

J'acquiesce. Je réalise à ce moment-là que nous sommes seuls, dans une salle plutôt sombre - même si très éclairée grâce à la piscine - et surtout, isolée. S'il me veut du mal, c'est le meilleur moment, le meilleur endroit. Il serait dans son élément.

Mais bizarrement, stupidement, je n'ai pas peur.

     - Tu t'es éclipsé de la fête, je note. Encore une fois.

Ma voix est calme, posée. J'ai l'impression qu'avec toute l'eau, cela résonne, vient flotter et faire écho. Oui, le cadre est apaisant. C'est sûrement pour cela, que je me sentirais presque en sécurité.

     - La musique me donnait mal à la tête, rétorque Harry. Je me suis un peu éloigné.

     - Désolé de m'être baladé, ce n'est pas chez moi. Simplement, j'étais... intrigué.

     - C'est pas grave. Je n'ai rien à cacher.

Argh, bien-sûr. Comme toujours, je ne sais pas si je dois le croire ou non - évidemment, je ne dois pas le croire, mais une infime partie de moi se pose la question. Et cette partie commence à prendre de plus en plus de place.

     - Qui a une piscine intérieure dans sa maison ? Je demande.

     - Moi.

     - Oui, toi. Evidemment, toi.

Son rire résonne quelques secondes dans la longue pièce.

     - Elle n'a pas toujours été là, cette piscine. C'était une partie du jardin avant. Mon père l'a fait construire il y a quatre ans, juste avant la mort de ma mère. Avant de devenir trop faible, elle adorait passer du temps ici. Il nous a offert des nouvelles pièces au fil des années, comme pour faire pardonner son absence.

     - Ce n'est pas normal qu'il agisse comme ça, mais c'est quand même la classe.

     - Bien-sûr. Dans la période de l'année actuelle, en été, je suis l'ami préféré de tout le monde.

À ça, je rigole, sans répondre. Harry avance un petit peu vers moi, et je ne peux évidemment pas reculer, sinon je tombe dans l'eau. Mais il respecte une certaine distance entre nous, malgré tout. Même si nous n'avons jamais été aussi proches, je crois.

     - Tu étais proche de ta copine toute à l'heure, il parle.

     - Je croyais que tu t'étais éloigné de la fête ? J'arque un sourcil.

     - Oui, je me suis éloigné. J'ai juste brièvement vu ça.

     - Tu es... Je marque une pause, peu sûr. Jaloux ?

Ses yeux dans les miens, il ne montre aucune réaction. Je ne peux pas croire qu'à l'intérieur, il reste de marbre. Mais il sait parfaitement gérer son apparence - il excède dans ce domaine. Il est impressionnant.

Harry lève sa main, et je la suis du regard, sans rien dire. Celle-ci arrive sur mon torse. Il aborde ce petit sourire en coin, le fameux. Une minuscule pression suffit à ce que je perde totalement l'équilibre - mes bras essaient de m'aider, mais impossible.

La seconde d'après, je suis sous l'eau, et la suivante, à la surface. D'un mouvement de tête j'envoie mes cheveux pour me dégager la vue.

     - Oh putain Harry, je lâche, mais je ne peux pas m'empêcher de rigoler.

     - Elle est bonne, hein ?

     - Ouais, elle l'est, mais mes vêtements...

Heureusement que je n'ai pas mon téléphone sur moi.

Je regarde Harry, debout sur le bord. Il fait quelques pas en arrière et je comprends vite qu'il prend son élan. Bientôt, il est avec moi dans l'eau, riant également. Grâce à l'écho de l'endroit, son rire résonne et cela me fait sourire.

Avec lui, tout semble toujours amplifié. Lorsqu'il se passe quelque chose, ce n'est jamais si... basique. Je ne peux que tout retenir, que vivre les choses à fond.

     - Merci de m'avoir rejoint, je rigole. L'eau est chauffée en plus.

     - Mon père ne fait pas les choses à moitié pour rassurer son égo.

Il nage jusqu'à être à un mètre de moi, et nous sourions tous deux. Son sourire tombe petit à petit et à cette vue, c'est de même pour le mien.

Je détourne le regard.

     - Oui j'étais proche de ma copine toute à l'heure, je relance le sujet. Parce que c'est normal.

Ainsi, je me rassure moi-même.

Harry n'a simplement aucune réaction - visible du moins. J'aimerais savoir ce qu'il se passe dans sa tête parfois.

     - Je repensais à notre conversation, avoue le bouclé. C'est pour ça que je me suis éloigné.

     - Celle dans la cuisine ?

Harry hoche la tête pour répondre à ma question et nage un peu vers moi. Par automatisme, je me recule de la même distance qu'il a avancé.

     - Et pourquoi tu y repensais ? Je demande.

À nouveau, il avance, et je recule. Je ne ressens pas l'envie de fuir - mais je ne repousse pas ce réflexe de défense. Je ne dois pas le perdre de vue.

     - Tu as sûrement des choses à redire, lâche Harry.

Pour la dernière fois, il avance, et je recule - mais je suis stoppé par la paroi de la piscine qui vient bloquer mon dos. Et Harry est devant moi, maintenant. Il passe ses bras de part et d'autre de moi, venant poser ses mains sur le bord. Ses yeux sont dans les miens et je me retiens de déglutir.

     - Non ? Il ajoute.

Mais je prends mon courage à deux mains, et maintiens le contact visuel.

     - J'aurais mille et une choses à ajouter, je parle enfin.

     - Alors ajoute-les.

J'ouvre la bouche, la referme.

     - Non, je dis finalement.

     - Nous sommes dans l'eau. Nous ne sommes pas sur la terre ferme. Considère que c'est une sorte de monde à part.

     - On sait tous les deux que ça ne l'est pas, je rigole faussement.

     - Faisons en sorte que ça le soit. Que dans l'eau, rien ne compte. Que dans l'eau, rien ne nous arrête.

     - Je croyais que même sur la terre ferme, rien ne t'arrêtait ?

Mes mots quittent ma bouche bien plus vite qu'ils n'arrivent dans mon cerveau et je ne comprends pas ce qu'il m'arrive - putain, il m'arrive quoi?

Je me prends à furtivement dériver mon regard sur ses lèvres mais je me reprends immédiatement et remonte à ses yeux. Il me fixe encore ; éternellement. Rien ne vient le perturber.

     - Rien ne m'arrête non, il répond.

J'ai l'impression que les secondes suivantes durent des heures. Malgré la chaleur de l'eau, j'ai des frissons dans le corps, et mon coeur semble lourd.

Là, cela me frappe. Je m'aperçois que mon micro est mort, comme je suis tombé dans la piscine. Ce n'est qu'Harry, et moi. Ce moment n'appartient à personne d'autre. Ce moment est hors du temps. Hors de toute l'histoire.

C'est donc moins grave, que j'en meurs d'envie, pas vrai ?

Car cela ne peut impacter rien ni personne ?

Qu'est-ce qu'il va se passer, maintenant ?

Je ne m'entends plus penser - de toute manière, je n'ai plus besoin. Parce qu'Harry s'approche, encore, beaucoup trop - jusqu'à ce que je sente son souffle sur le petit espace entre mon nez et mes lèvres.

Oh, je sens mes jambes faillir, même si je me sens déjà flottant car dans l'eau. Je n'ose rien faire - pour ne pas être « responsable » de cette folie. Je ferme les yeux, comme attendant la sentence qui pourtant m'attire tellement. Alors, il prend la responsabilité.

Et c'est stupide, cette histoire de monde différent, sous prétexte que nous sommes dans l'eau - que nos pieds ne touchent pas le sol sur lequel nous marchons au quotidien. Mais cela semble être l'excuse parfaite pour mon esprit qui se répète que ce n'est pas grave.

Il m'embrasse.

C'est la première personne de ma vie, qui m'embrasse.

Le premier garçon, évidemment. Et vu l'effet que cela me fait - bordel, je dois me reconnaître fixé.

Ses lèvres sont sur les miennes, ses paumes sur mes joues. Il n'y a pas d'action dans le baiser, nos lèvres ne bougent pas - mais on reste bien quelques secondes comme ça avant qu'il ne se recule. Ou que je ne le repousse, je ne sais pas trop.

Je pourrais mettre ça sur le dos de l'alcool, mais je n'en ai pas bu une seule goutte. Bordel, je suis vraiment foutu.

Une fois reculé, il me regarde, de ses grandes prunelles vertes, qui pourraient presque me faire mal aux rétines.

Ne recommence plus jamais ça, tu ne peux pas, me crie mon esprit.

Je le veux, veulent exprimer mes lèvres.

     - Je vais recommencer, il me prévient, la voix lente.

Même dans un moment pareil, il ne se laisse pas dégonfler. Il est imposant, intimidant ; il est quelqu'un. Réellement.

Je peux reprocher des milliers de choses à Harry Styles, je pourrais en faire une liste complète, et le numéro 1 serait "a peut-être, apparemment, tué mon meilleur ami". Mais je ne peux pas lui retirer le fait qu'il tient parole.

Car il comble à nouveau l'espace entre nous et il m'embrasse, encore. Je ne sais pas où donner de la tête, je ne sais pas sur quoi me concentrer.

Pourquoi il m'embrasse, pourquoi je réponds au baiser, je ne peux pas, pourquoi il fait ça, pourquoi c'est lui, pourquoi ça me fait des sensations comme ça.

Le pire, c'est que je ne suis pas celui qui recule. Je suis trop déstabilisé pour ça. Je ne sens même plus mes jambes. Ses yeux verts me fixent alors que ses mains enveloppent toujours mon visage.

Il est mon premier baiser. Harry Styles est mon premier baiser. L'hypothétique meurtrier de mon meilleur ami est mon premier baiser.

Et mes idées commencent à partir dans tous les sens, doutant totalement de son implication alors qu'on a des preuves.

Mais le baiser... J'ai aimé ça. Putain.

J'aime ça.

Je baisse les yeux vers ses lèvres, que je trouve fascinantes. Je n'avais jamais remarqué qu'elles étaient pulpeuses comme ça. Et dans un acte de courage inattendu, je relève les yeux pour rencontrer les siens. Ce fameux regard.

     - Tu m'as embrassé, je souffle.

Le dire à haute voix m'aide à réaliser. Lentement, il hoche la tête.

     - Deux fois en plus, je précise.

     - Je t'ai embrassé. Deux fois.

Un petit silence vient nous envelopper, alors que j'observe sa bouche. Et l'expression jamais deux sans trois se réalise. Je me jette sur ses lèvres comme je ne l'ai évidemment jamais fait - je bouge mes lèvres, je l'invite à faire de même et bordel, il le fait ! Je sens sa langue chatouiller l'ouverture de ma bouche, je sens même ses dents venir rencontrer cette zone.

Je suis sûrement un terrible mec à embrasser - mais lui, ne l'est pas du tout. Il embrasse tellement bien, à tel point que même si je n'ai pas d'expérience, je peux simplement le dire. DEs milliers de jurons me traversent la tête.

Il y a des bruits de baisers mélangés aux bruits de l'eau s'entrechoquant contre le bord que nous malmenons. Je me laisse totalement aller - mes jambes viennent chercher les siennes, ramenant son corps au mien.

     - Putain, il soupire une fois que nous sommes collés.

Mais alors que je le sens contre moi, que je sens ses muscles rencontrer mon corps, que je sens son emprise - que je me sens, écrasé, je panique. J'ouvre les yeux dans le baiser passionné et je me rends compte.

J'embrasse Harry styles.

Putain, à quoi je joue ?

     - Arrête - arrête, je lâche alors.

Je n'ai même pas à le repousser, il le fait à la seconde où je lui demande d'arrêter. Il ne fait rien que je ne veux pas. Et ce mec aurait tué Zayn ?

Peu importe. Mon rôle n'est pas de remettre en question. Mon rôle n'est pas de lui rouler des pelles dans sa piscine incroyable. Mon rôle est de gagner sa confiance sans laisser les choses m'échapper. Mon rôle est de le faire tomber, parce que c'est ce qu'on m'a chargé de faire, sans que je pose trop de questions.

Les choses m'échappent totalement, là.

Il me regarde, et cette fois, il y a quelque chose dans ses yeux. Lui-même a l'air de réaliser qu'il a déconné - que nous avons fait une énorme connerie, alors qu'on ne se connaît pas tant que ça. Comme moi, il n'est pas sûr de ce qu'il vient de se passer. Pas sûr du tout.

Je m'aide de mes bras pour sortir de l'eau. Mes vêtements sont lourds, mais c'est le cadet de mes soucis. Je dois partir d'ici - et vite.

     - Louis, attends, dit Harry en sortant de l'eau à son tour. Laisse-moi au moins te prêter des vêtements, quelque chose -

     - Non, c'est bon.

     - Je ne voulais pas te gêner -

     - Je vais rentrer chez moi maintenant, je rétorque, commençant à partir.

     - Excuse-moi si j'ai fait quelque chose que tu ne voulais pas !

J'entends sa voix de loin, car j'ai déjà quitté la pièce. Je galère un peu à retrouver le salon, je reconnais. Je me sens penaud, je me sens con - de par ce qu'il vient de se passer et de par le fait que j'ai adoré l'embrasser.

Que j'ai adoré sentir un corps d'homme contre le mien, que j'ai adoré sentir les quelques poils de sa mâchoire frotter la mienne, sentant que ce n'est pas la douceur d'une femme. Et, c'est Harry Styles.

Ça fait beaucoup, beaucoup trop d'informations à assimiler.

Finalement, je parviens à trouver la pièce principale. Je me dirige automatiquement vers Judith, plutôt paniqué. J'ai beaucoup de mal à le cacher, j'avoue.

     - On rentre, je dis.

     - Oh, Louis - attends, pourquoi t'es trempé ?

     - Je te raconterai.

Je ne le ferai pas.

     - J'ai eu un appel de mon cousin, on doit rentrer.

Je lâche un mensonge devant Liam, lui-même sceptique quant à mon apparence. Il doit connaître la maison - il doit deviner que j'étais dans la fichue piscine. Et ma théorie se confirme quand je le vois partir dans la direction de la fameuse pièce, à la recherche d'Harry.

     - Ok, cède Judith, m'examinant de haut en bas. On rentre alors.

Il ne m'en faut pas beaucoup plus pour être en dehors de la villa, courant presque en direction de la camionnette. Oh, bordel.

Ma respiration est saccadée, et je ne prête pas attention au froid que mon corps peut ressentir.

Car présentement, mon esprit bouillonne.

     - Louis ! Tente Judith, mais je l'ignore.

Je continue ma course vers le véhicule, tenant le poignet de la jeune fille dans la main. Et je ne pense à rien d'autre que l'effroyable scène que je viens de vivre -

De créer.

J'ai dépassé les bornes.







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Hello ! J'espère que vous allez bien. Comment se passe le reconfinement pour vous ?

Voilà un chapitre chargé en émotions. Harry est toujours aussi mystérieux, et c'est très important dans sa personnalité. Malgré tout, les deux se laissent aller à cette soirée, et c'est le début des gros problèmes et questionnements...

Merci de lire cette histoire. Je sais que je n'ai pas beaucoup de lecteurs sur celle-ci, mais je savoure chacun de vos avis et commentaires. Merci ❤️

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