6 - Ma salle d'attente
Il panique, et ne sait pas quoi faire. Ses yeux font la navette entre mes veines ouvertes et mon regard vide. Je me redresse et me tiens debout devant lui, il fait un mouvement pour dévaler les escaliers. Par réflexe, j'utilise mon alter qui l'emprisonne dans un muret de glace, il sert les dents et m'offre un visage enragé.
« À quoi tu joues, Shouto ?! Pose cette lame tout de suite ! C'est dangereux et loin d'être drôle ! »
Tiens, il vient de m'appeler par mon prénom. Il y a quelques heures, j'aurais probablement rougis par ce fait. J'ai l'impression d'être spectateur de la dernière scène de mon existence. Je ne ressens pas la détresse que je devrais ressentir. Je ne ressens ni le stress, ni l'angoisse, ni la joie d'être délivré de la vie. Je pense qu'à cet instant, je pourrais lui avouer tout ce que je trouvais inavouable – tant mon cœur se noie dans l'indifférence.
« Je ne joue pas, Izuku. Quand elle te dira, elle aussi, qu'elle t'aime, tu me laisseras. Je n'ai aucune chance contre elle.. »
Je me force à lui faire un petit sourire. J'observe ses larmes qui dévalent lentement ses pommettes rougies, son regard devient un mélange de colère, de tristesse, et d'incompréhension. Mon sourire se fane rapidement, à présent je me concentre sur mon poignet. Il ne faudrait pas que mes plaies se referment, alors je lui tourne le dos pour pouvoir faire une énième incisure le long de mes veines.
« Shouto ! Regarde-moi ! Je ne sais pas de quoi tu parles, mais pose ce truc ! »
Maintenant, il hurle. Je le regarde, de dos, alors que la lame découvre l'intérieur de mon corps. Je sens un petit pincement au niveau du cœur, quand je le vois. Alors je décide de ne plus le regarder. Il ne faut pas qu'il me fasse revenir. Il ne faut pas qu'il me fasse revenir.
Il ne faut pas qu'il me fasse revenir.
« Tu ne te rends pas compte, Izuku Midoriya, d'à quel point tu étais le rebord grâce auquel je ne tombais pas. Mais ce rebord s'est résorbé. C'est le prix que j'ai à payer pour avoir pu t'observer et être avec toi ces derniers jours. Merci beaucoup de m'avoir fait découvrir la chaleur agréable qui a pu dégeler mon cœur. »
Je l'entends sangloter. Je retire la lame de mon poignet, le sang gicle. J'observe ce liquide rougeâtre en tentant de contrôler ma respiration qui défaille. Il faut que je reste concentré. Sinon, je vais revenir, je vais craquer, je vais pleurer et je vais arrêter. Il ne faut pas que j'arrête. Il faut que je tue ce monstre et que je cesse de l'importuner, et d'importuner le monde.
Mais je sens que je reviens. Si je le regarde, c'est fini. Je vais encore échouer.
« Ne t'en fais pas pour la personne que tu aimes. Vu à quel point tu es adorable, je suis persuadé qu'elle t'aime presque autant que je ne le fais. Et si seulement tu savais à quel point je t'aime.. »
Pourquoi je parle ? Je l'entends couper sa respiration, et je sens son regard insistant dans mon dos. Pourquoi faut-il que j'en dise trop ? Je sens une larme qui coule le long de ma joue.
J'espère que ce ne sera plus très long. Si je suis encore conscient, la suite va être terrible.
« Tu vois ? Je t'aime tant que tes mots m'anéantissent. Je t'aime tellement que je ne peux pas vivre dans un monde où tu n'es pas mien. Mais c'est normal, ne culpabilise pas. Tu ne m'aimes pas. Personne ne l'a jamais fait, alors pourquoi ça devrait arriver maintenant ? C'est dans l'ordre des choses. Merci de m'avoir libéré. Merci de m'avoir fait espérer, un court instant, que j'y avais droit. C'était les trois jours les plus beaux de toute ma vie. »
J'entends comme un souffle, et le bruit de la glace qui se brise. Je me retourne brusquement – ma tête commence à tourner, je le vois se ruer sur moi. Avec mes dernières forces, je me crée une prison, un mur de glace nous sépare. Si je ne peux le retenir, alors je me protégerai.
« Shouto.. Tu n'as pas compris ce que je voulais te dire... Tu as tort. Moi, je le ferai. Moi, je t'aimerai. Laisse-moi passer, je t'en prie.. »
Il pose son poing sur la glace. Je le regarde en fronçant les sourcils. Il ne veut juste pas que je meurs, il dit ça pour m'amadouer et me faire revenir... Même si je sais ça, une partie naïve de moi veut le croire. Merde, je commence à revenir. Non, non, non, tout sauf ça.. Son visage déformé par ses larmes translucides qui inondent ses joues commence à torturer mon cœur qui ne sait plus quoi faire entre dormir et mourir. Pendant un instant, je songe à ce que l'on doit ressembler dans ce couloir désert : un gamin aux cheveux bicolores, le poignet en sang, par terre enfermé dans une prison de glace, le visage déformé à la fois par la volonté de ne plus rien ressentir et par un tsunami de peine qui ne veut pas s'arrêter. De l'autre côté, un autre gamin qui pleure, le poing contre la glace, les membres tremblotants de peur et de froid. Tous deux mouillés par la pluie et par leurs larmes.
Au fur et à mesure que mon sang coule, je sens que le contrôle m'échappe. Je n'arrive plus à retenir ces foutues larmes, je n'arrive plus à rester détaché et indifférent, je n'arrive plus à ne pas le regarder. Mais il faut qu'il reste de l'autre côté de ce mur froid. Sinon, tout cela n'aurait servi à rien. Son regard me torture, j'ai l'impression de subir la punition de Prométhée en plus moderne : il déchire mon cœur en mille morceaux, celui-ci se régénère, et il revient dès qu'il est reconstitué pour me le déchirer à nouveau. J'ai mal. J'en ai assez d'avoir mal. Je ne me contrôle pas assez. Un sourire déforme mon visage baignant dans mes larmes, un sourire désespéré, cynique, enragé qui se rit de moi-même et de ma situation.
Midoriya ne sait pas quoi faire, ça se voit dans ses yeux. Il panique, je pense qu'il attendait une réponse mais il comprend qu'il n'en obtiendra pas. Il observe mon sang couler avec terreur. Ça m'a fait ça, la première fois aussi. On finit par s'y habituer. Ma tête fait mal, je ne contrôle absolument plus mes expressions faciales et je passe du rire à l'ignoble grimace du désespoir, de la terreur au rictus fou. Et le sang coule toujours. Moins rapidement, mais la chaleur du liquide garance caresse encore mes cicatrices d'une cruauté latente.
Faites que tout s'arrête, je vous en supplie.
Je le vois glisser et s'affaler au sol sur ses genoux. Ses jambes sont peut-être trop tremblantes pour pouvoir supporter le poids de son petit corps ? Je l'observe, incrédule, avec les dernières forces qu'il me reste. Il donne un faible coup de poing dans le mur. Sa voix s'élève, faiblement, désespérément.
Et ça me déchire le cœur. Une fois encore.
« Shouto.. Je t'en supplie, laisse-moi une chance de te le prouver.. Laisse-moi une chance de te rendre heureux, de te faire voir la vie d'une manière plus chatoyante, de te prouver que tu es digne d'être aimé.. Laisse-moi passer.. »
Je lui lance un sourire triste. Lentement, je glisse ma main sur la glace, y laissant une longue trace rougeâtre. Je n'ai pas le temps de répondre que je sombre déjà. Je me sens vaciller. Mon corps a pris son entière liberté et a décidé de partir vivre sa vie avec le sol froid et jaunâtre de l'académie Yuei.
Je ne vois plus que du noir.
J'ai souvent fantasmé sur ce que pouvait être la mort. Est-ce comparable à un long sommeil sans rêves ? Si c'est le cas, ça doit être reposant : on ne pense plus. Sans cauchemars, l'enfer ne nous poursuit plus. Ce doit être ça, le paradis : ne plus percevoir les râles et les cris de ceux qui nous pourchassent, ne plus entendre le silence qui nous transperce. La liberté.
Tout est noir. Pourquoi est-ce que je pense toujours ? Je me sens bien. Je n'aurai plus jamais à revoir l'autre enflure. Je n'aurai plus jamais à devoir feindre un sourire, ou à poursuivre un objectif qui n'est pas le mien. Je n'aurai plus jamais mal. Depuis combien de temps suis-je ici ? Aucune idée, si ce n'est que cela fait un petit moment. Si ça se trouve, avant de mourir, on se retrouve dans une salle d'attente. Que devrions-nous attendre ? Les gens que l'on aime ? Qui nous ont aimé, ou détesté ? On attend que le film de notre vie se développe afin de le regarder une dernière fois ? Le mien ne devrait pas être long vu mon âge. Ou alors, on attend qu'un vieux monsieur à la barbe blanche (Dieu, ou Gandalf, ça dépend des croyances je suppose) ne vienne nous ouvrir pour nous dire où l'on va ? Paradis, enfer, Mordor ? Je pense que je préférerais être dans les bras de Midoriya, quitte à choisir.
Ah bah non, impossible. Je suis mort.
Est-ce qu'il m'aimait ? Maintenant que je suis mort, dans une salle d'attente toute noire, j'ai tout mon temps pour y songer. Il pleurait, beaucoup. La dernière image que j'ai de son petit visage rouge me fend le cœur. Enfin, ce qui était à la place de mon cœur. Enfin bref, ça me fait mal. Merde, je suis pas sensé ne plus ressentir de douleur en étant mort ? Parce que si c'est pas le cas, j'ai pas signé pour ça moi.
Bref. Un instant, je m'imagine la situation inverse. Si Izuku Midoriya mourrait. Ma vie serait une plaie béante, débordante, qui anéantirait tout sur son passage. Je ne sais même pas si je pourrais survivre à cette douleur là. Je serais encore plus détruit qu'auparavant (si cela est possible), j'en serais dévasté.
Si jamais il disait vrai sur ses sentiments, alors j'ai peut-être merdé un peu.
Ah, je sais ! Cette salle d'attente, c'est pour que l'on se rendre compte de nos erreurs. Ça tombe bien : ma première erreur, c'est d'être né. Comment pourrais-je m'en repentir ?
Rah, même mon auto-dérision ne me fait plus rire.
Je me demande ce qu'il s'est passé après ma perte de connaissance. Est-ce qu'Izuku continuait de pleurer ? Pleure-t-il toujours ? La presse va-t-elle saisir ma mort afin de faire de la publicité pour leurs boîtes respectives, vont-elles enquêter sur ma vie ? Comment mon géniteur va-t-il réagir ? Créer un second moi pour atteindre son objectif ? Y aura-t-il des personnes à mon enterrement ? Va-t-on me pleurer longtemps, ou va-t-on m'oublier dès demain ?
J'aimerais bien observer ce qu'il se passe.
J'entends des voix. En plus d'attendre, il faut supporter les autres ? C'est chiant, la mort. Je crois percevoir la voix d'une vieille femme, mais elle semble très lointaine. J'ai l'impression d'être enfoncé profondément dans l'océan, et d'entendre une voix qui vient de la surface. Je devine juste que l'on parle. De quoi ? Sur quel ton ? Aucune idée.
Ma curiosité me démange. Je ne peux même pas écouter ce qu'elle dit. J'avais que ça à faire..
Hein ? Je me sens bizarre.. C'est fou, j'ai l'impression de sentir des picotements le long de mes doigts. C'est pas possible : je suis mort. Cette salle d'attente va me faire devenir fou.. Je m'ennuie, je pense trop, et voilà que je commence à sentir un corps qui n'existe plus..
Les bruits se font de plus en plus distincts. J'ai l'impression d'écouter une grand-mère qui rassure son petit-fils avec des mots doux.
Attendez. Je ne me suis pas suicidé pour écouter une vieille en boucle moi hein. Je voulais la paix. C'est un peu ça le but de la mort, je précise au cas où il y aurait eu un malentendu. Si j'avais su que mourir, c'était subir les réflexions de Jacqueline, 83 ans, à propos des couches lavables à la machine, je pense que je n'aurais pas enfoncé la lame aussi profondément dans mon poignet. Je l'entends de plus en plus clairement. Ah, finalement elle ne parle pas de couches. Elle parle de quelqu'un de très résistant, de chance, et qu'il faudrait surveiller quelqu'un.
Hein ? Comment ça « Mais je te dis qu'il est pas mort » ?
Rah, si seulement je pouvais éteindre mon cerveau, ça m'éviterait ce genre d'interrogations. De qui parle-t-elle ? Hey, la vieille, tout le monde est mort ici. Tais-toi donc.
Puis, j'entends une voix que je ne connais que trop bien. Je me fige dans mon imaginaire, dans cette salle d'attente vide. Me dites pas qu'Izuku s'est suicidé après moi pour me rejoindre dans une salle d'attente où je ne peux même pas le regarder ? Ce serait l'enfer. Savoir qu'il est là mais ne pas pouvoir observer ses beaux yeux. Bref, je divague.
Soudain, je sens quelque chose qui m'arrache la peau. Attendez, quelle peau ? Je suis pas sensé avoir de corps.
Me dites pas que je suis encore vivant.
Je prends conscience de mon corps, de mon environnement. On m'arrache la peau des poignets, ça fait mal, ça pique. J'essaie d'ouvrir mes yeux pour voir qui est le connard qui fait ça – déjà que je suis pas mort, ça me met en rogne, alors si on me réveille comme ça, je risque de faire un iceberg avec son corps. Ou un grand barbecue.
La lumière me brûle les prunelles. Ça fait mal de vivre, je veux retourner dans la salle d'attente. Le silence semble s'être lourdement installé, j'essaie d'ouvrir les yeux pendant au moins deux bonnes minutes. Je perçois un petit chignon gris et le visage de Miss Recovery (argh, désolé pour la remarque sur les couche, je ne savais pas que c'était vous), rassurée de voir que je suis capable d'être conscient. Elle me lance un petit sourire, me déclare qu'elle est heureuse de me voir réveillé, et me laisse. Je me redresse un peu trop précipitamment – ma tête tourne encore un peu. Ce qui arrachait la peau de mes poignets, c'était les bandages adhésifs qu'elle avait mis. Sur ma peau, de longs fils noirs referment mes plaies encore sanglantes, je vois la chair rose dépasser à chaque point. Je grimace face à ce spectacle. C'est moche. Ma peau est jaunie par un produit anesthésiant, ces fils noirs sont beaucoup trop visibles et décorent l'intégralité de l'intérieur de mon avant-bras. J'y suis allé un peu fort...
« C'est moche hein ? Imagine ce que ça a fait à mon cœur, il est dans un état encore plus dégoûtant. »
Surpris pendant ma contemplation, je relève la tête et tombe sur Midoriya, assis sur le lit en face du mien. Je remarque que l'on est à l'infirmerie de Yuei – je reconnais les vieux rideaux un peu flippants. Je voulais à la fois ne jamais être confronté à lui, et être pour toujours avec lui. Compliqué de faire les deux à la fois, visiblement. Ses yeux sont écarlates – ça me brise le cœur. Son visage est fermé, ses sourcils sont froncés, son regard est enragé – ça écrase chaque petit bout palpitant de mon cœur à terre. Je reste bloqué sur lui – je n'arrive pas encore à contrôler mes expressions faciales, et une larme coule.
Je me sens si triste. Si désœuvré. Je m'en veux, terriblement – surtout si c'était pour me rater. Mort, je l'aurais beaucoup moins été. J'ouvre la bouche pour parler, mais rien ne sort – juste un petit sanglot qui passait par là. Je baisse les yeux. Je me sens détruit à sa place.
Il me fixe toujours. On dirait moi il y a quelques heures (ou jours ?) : sans émotions, sans stimuli. Le néant.
L'indifférence ne te va pas, Midoriya..
J'aimerais tant voir son sourire. Il m'en veut, terriblement, mais je donnerais tout pour qu'il me sourisse. Et son regard vide – j'aimerais tant le faire disparaître pour revoir ce regard amusé, gêné, ou lubrique. Voir toute une palette de sentiments à travers ses prunelles vertes, toutes, sauf ce vide. Ce néant que j'ai moi-même trop subi. Alors je décide de briser ce masque. Je plante mon regard atterré dans le sien, mes larmes coulent. Je l'observe. Même désespéré, il est terriblement beau.
« Midoriya... Je ne sais pas par où commencer..
- Peut-être par le moment où t'as décidé de ne pas m'écouter, de m'abandonner sans te préoccuper de ce que je pourrais ressentir ? »
J'ai la douloureuse impression qu'il vient de me planter un couteau dans le thorax. Mon visage se tord de douleur, mes larmes redoublent, mais je ne cesse pas de le regarder. Il est vraiment énervé, et a commencé à hausser le ton vers la fin de sa phrase. Si seulement il pouvait ressentir ma culpabilité.. Si seulement il pouvait comprendre mon besoin de liberté, mon besoin de tuer cette bête sanguinaire en moi avant qu'il ne soit trop tard, mon besoin d'en finir avant que tout en moi n'éclate.
Si seulement tu savais, Izuku..
Il se rapproche de mon lit et se place devant moi, le visage interdit. J'aimerais tant l'enlacer et ne jamais le lâcher.. M'excuser toute ma vie durant de l'avoir fait souffrir, par pur égoïsme, par pure lâcheté..
« Si tu savais à quel point je suis désolé.. Je pouvais pas revenir en arrière dans cet état, je pouvais pas, soit j'explosais, soit...
- Soit tu mourrais, c'est ça ? Et moi dans tout ça ? Tu t'en foutais ? De mes sentiments, de ma vie après ta mort ? Ça ne t'a pas traversé l'esprit que j'étais capable d'avoir des émotions aussi fortes que celles que tu peux ressentir ? »
Je crois que soutenir son regard est la chose la plus difficile que j'ai jamais faite. C'est dur. Vraiment dur. J'ai envie de baisser la tête pour camoufler les larmes qui noient mon visage dans un torrent de culpabilité et de tristesse. J'ai envie de baisser la tête car j'ai mal au cou. J'ai envie de baisser la tête car son regard m'intimide. J'ai une myriade de raisons de le faire.
Alors je ne le ferai pas.
« Tout ce à quoi je pensais, c'était avoir la paix..
- Bah bien sûr, parce que je participe à ta souffrance, parce que moi je ne peux pas te l'offrir, ta paix ? »
Son regard change et prend la teinte d'une triste colère. Je sers les dents. Je ne veux pas le faire plus souffrir. Je ne veux pas. Je ne veux pas. Je commence à élever la voix également. Je me sens ridicule, à me disputer avec lui alors que tout ce que je veux, c'est me blottir contre lui sans jamais le lâcher, sans jamais quitter la chaleur rassurante de ses bras autour de moi.
« Non, tu ne peux pas !
- Ah oui, et pourquoi ça ? Je suis pas assez bien pour toi ? Pas assez grand, pas assez beau, pas assez fort peut-être ?
- N'importe quoi ! Parce que je t'aime, Izuku ! »
Ma réplique le fait taire, alors que je sens que mon visage se déforme sous mes sanglots. Je renifle – il me faudrait un mouchoir pour ne pas laisser ma morve couler dans un tel moment, ce serait un peu ridicule.
« Parce que je t'aime, et que tout ce que je ressens pour toi est tellement fort, que ça m'est insupportable. Quand tu m'as avoué tes sentiments pour une personne, j'étais persuadé que tu parlais d'Ochako. Je suis sûr que si tu avais bien écouté, tu aurais entendu le bruit de mon cœur qui se brise en mille morceaux. Tu étais la seule chose pour laquelle je vivais, la seule raison pour laquelle je continuais. Et tu venais de me prouver que tu n'avais pas besoin de moi. Et tu venais de détruire le peu qu'il restait de moi. Je ne voulais pas m'effondrer devant toi.. Alors j'ai essayé de me dissocier. De détruire ma capacité à ressentir. Ça a marché, jusqu'à ce que tu viennes dans le couloir – tu pourras demander à Ochako, je crois que je lui ai fais un peu peur. J'ai voulu en finir car je ne pouvais pas me faire à l'idée de vivre sans toi.. Parce que si je ne pouvais pas vivre dans tes bras, alors je ne vivrais pas du tout. »
Nos regards s'accrochent et ne veulent pas se décrocher l'un de l'autre. On se fixe, l'air hagard, pendant de longues secondes qui me semblent abominables. Je trouve ridicules les pauvres larmes qui continuent de dévaler mes joues. Je me sens nerveux. Dois-je attendre une réponse, une réaction de sa part, ou continuer sur ma lancée ? Je sens que son regard s'adoucit un peu, mais cet air contrarié et sombre déforme encore et toujours ses adorables traits.
Je commence à bouger et à m'agiter, je veux me lever pour pouvoir le prendre dans mes bras – j'en ai terriblement envie, de le sentir contre moi, de sentir sa chaleur corporelle contre mon cœur martyrisé. Quand il me voit passer une jambe en dehors du drap, il me lance un regard effrayant et enragé.
« Bouge ne serait-ce qu'un doigt de plus, et je n'hésiterai pas à faire en sorte que tu ne puisses plus bouger, cette fois. Pas une seule seconde. »
Je lui lance un regard choqué. Il lève la manche de son haut pour faire apparaître son avant-bras. Probablement une manière de me faire comprendre que cette fois, il usera de son Alter.
« Tu ne peux pas m'empêcher de bouger ! Je suis un être humain merde, je fais ce que je veux !
- Oh si, avec ce que tu viens de me faire, je t'assure que tu ne bougeras pas.
- Et si je veux pisser ? Tu vas pas me la tenir quand même ? »
Ma remarque le déstabilise, et son masque colérique tombe pour dévoiler son petit visage gêné et perdu. Mais il se reprend rapidement, et sans quelques rougeurs, marmonne qu'il n'irait pas juste là. Puis, en m'observant du coin de l'œil, il me déclare que je dois me reposer et qu'il est hors de question que je fasse quoique ce soit. Il aperçoit mon petit sourire, j'entame un autre mouvement de la jambe.
Je regrette déjà mon geste lorsque je le vois s'élancer vers moi. Il me prend par les épaules et avec force, m'allonge sur le lit que je souhaitais quitter. Il bloque tous mes mouvements du haut du corps avec la force de ses bras, et il se retrouve au dessus de moi. Je sens que mes joues surchauffent, mon cœur vient d'exploser dans ma poitrine à cause de l'accélération soudaine de mes battements cardiaques.
Il est au dessus de moi. Sur un lit.
Ma tête va exploser de surchauffe.
Il observe mes expressions faciales comme s'il en était assoiffé, et contrairement à ce que je pensais, il n'est pas devenu aussi rouge et troublé que moi. Au contraire, un petit rictus vient décorer son visage. Il veut me tuer ou quoi ? Son sourire va me rendre fou, mon cœur s'emballe encore plus, ses prunelles vertes m'obsèdent et m'enivrent, je ne peux pas me détacher de son regard amusé – Midoriya, es-tu devenu magicien pendant que j'étais dans la salle d'attente sombre ? Cesse cette hypnose et libère-moi de tes beaux yeux..
En ai-je seulement envie ?
Ses cheveux tombent le long de ses joues, je peux sentir son souffle sur ma peau, et ses mains sur mes épaules semblent me brûler tant j'ai conscience qu'il me touche. Je me sens de plus en plus troublé. Finalement, c'est pas si mal d'être vivant, si je peux vivre ceci encore et encore.. Quand je le vois rire de ma gêne comme ça, j'ai envie de le gêner aussi, de l'embêter, de le taquiner, de le surprendre et de rire de son trouble également.
J'ai envie d'être joueur.
Je lui lance le même sourire mesquin, et je vois que son regard se fait moins assuré. Déjà, il semble légèrement troublé.
« Et si je continue de bouger malgré tout, tu vas me faire quoi ? »
Pendant deux secondes il ne réagit pas, puis il devient aussi rouge que mes cheveux. Il balbutie, ne sait que répondre, et je suis fier de l'effet que je viens de provoquer chez lui. Mon sourire victorieux semble empirer sa gêne, il se redresse et s'éloigne à mon grand regret, prétextant qu'il devait aller dire à Miss Recovery si j'étais pas émotionnellement instable.
Comment ne pas l'être lorsqu'il me fait ça ?
Il me laisse seul dans la pièce, avec mes songes et mes doutes. Finalement, la journée n'est pas si horrible. Ou les deux jours, je ne sais pas trop combien de temps je suis resté dans la salle d'attente. Bref, ce n'est pas désastreux. J'ai craqué, j'ai essayé – j'ai d'ailleurs encore échoué. Je suppose que la mort ne m'apprécie guère, si elle me rejette aussi souvent. Elle n'aime peut-être pas les gamins détruits ? Dommage, on voudrait bien la connaître parfois, elle n'a pas l'air si méchante.
Il me laisse dans l'infirmerie pendant un temps indéterminé – je ne saurais dire combien, mes pensées occupent tant d'espace dans mon esprit que je n'ai pas vu les minutes passer. Enfin, il revient dans la pièce, et m'annonce qu'il se fait suffisamment tard pour qu'on puisse partir sans croiser personne. Je me sens soulagé, puis une pensée traverse mon esprit et me trouble, me gêne, et me perturbe. Midoriya le remarque et me lance un regard interrogateur.
« Ehm.. Pour ce soir.. ? Tu restes toujours avec moi ? »
Il me lance un grand sourire (rah, est-ce seulement possible d'être si adorable ?) et s'approche de moi avec toute la joie du monde. Il m'ébouriffe les cheveux, et me répond que ça tient toujours de son côté. Je me sens si heureux de le voir sourire. Son visage fermé et enragé me revient en mémoire – je peux vous dire que je ressens une immense reconnaissance envers le monde entier, car j'ai pu revoir ce sourire là.
Est-ce un cadeau de bienvenue de la vie, signifiant « bon retour » ?
« Tu penses que tu peux te lever, ou tu es encore un peu dans les vapes ? Sinon je peux te porter jusqu'à chez toi.. »
Je viens de m'imaginer rester dans ses bras tout le long du trajet – et même si cela me semble terriblement tentant, je refuse de ne pas essayer. Je sens bien que mes muscles tentent de faire la grève, et que ma force semble être restée seule dans la salle d'attente. Je pose mes pieds sur le sol, et je me mets assis sur le lit, en observant le sol avec appréhension. Vais-je m'étaler lamentablement sur le sol ? Très probablement, et c'est ce que pense Midoriya vu qu'il s'est énormément rapproché de moi. Je pousse sur mes jambes – je sens mes quadriceps se contracter douloureusement, et ça me fait grimacer. Je finis debout, mais mon genoux droit lâche, et mes fesses retombent sur le matelas. Je lance un regard désolé à Midoriya, qui me sourit en guise de réponse.
« Je vais te prendre sur mon dos, ce sera plus pratique pour marcher. »
Il s'accroupit devant moi, et je peux admirer la peau diaphane de sa nuque. J'ai très envie de poser mes lèvres dessus et de l'embrasser tendrement – mais il attend que je vienne sur son dos, alors je m'exécute, le cœur battant et l'esprit focalisé sur sa peau que j'aimerais autant découvrir que couvrir de baisers. Je colle mon buste contre son dos. J'ai si peur qu'il ne perçoive les battements incessants de mon cœur à travers nos vêtements.. Je passe mes bras autour de lui pour m'accrocher, il se redresse et me dit que l'on va y aller.
Je suis si bien, contre lui. Je peux sentir son odeur autant que je veux, et elle m'apaise. Je l'adore, cette odeur. Je me blottis dans le creux de son cou, ses cheveux aux reflets opalins me chatouillent. Ils sentent bon l'amande. La chaleur de son dos se propage contre mon torse. Je n'imaginais pas qu'être contre lui était si agréable.
S'il suffisait de mourir pour pouvoir être contre toi, alors redonnez-moi une lame, au cas où.
On quitte l'établissement, les rues sont désertes. J'ai l'impression que plus rien n'existe. Il n'y a que lui et moi. Lui, et sa délicieuse odeur, et la chaleur agréable de son corps, et sa voix rassurante.
Je m'entends lui murmurer quelque chose, alors que je ferme les yeux, bercé par ses pas et son odeur enivrante.
Je t'aime, Izuku.
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