16 - L'organisation
« Cela fait dix ans, jour pour jour, que l'apprenti héros Midoriya Izuku est décédé et que son ami, Todoroki Shouto, a disparu. Rappelons-nous de ces deux jeunes qui, à eux seuls, ont permis au monde de se débarrasser de l'alliance des vilains et à des centaines de citoyens de retrouver leur alter. »
J'éteins la télévision, tandis qu'un soupir s'échappe d'entre mes lèvres. La pièce est plongée dans les ténèbres, mais quelques lueurs venant du plafond se reflètent sur les fauteuils en cuir. Mon bureau, taillé dans un bois sombre, est parfaitement rangé. Je feuillette le dossier d'une cinquantaine de pages devant moi, mais je le connais déjà par cœur. Encore deux minutes, et je pourrai exposer le plan à mes partenaires.
Je passe ma main dans mes cheveux, tirés en arrière à l'aide de gel, ce qui fait ressortir la brûlure qui contraste avec ma peau si blanche. Dix ans. Dix ans qu'Izuku est mort.
Il y a dix ans, je n'avais que lui. Izuku était mon quotidien. Il était mes rêves et mes cauchemars, mes jours et mes nuits. Il était le centre de mon monde, de mon univers et, de ce fait, était mon guide dans ma vie tumultueuse. Il était la seule main tendue que je n'ai jamais attrapée, le seul sourire auquel je me suis attaché. Il faisait battre mon cœur, me faisait sourire, me rendait heureux.
Dorénavant, il n'est plus que mes larmes et ma détresse.
Je prends appui sur mon siège et étire le haut de mon dos. Dix ans que je traque, recrute, tue. Un fin sourire étire mes lèvres gercées. Il est l'heure. J'entends quelques coups contre la porte faite en bois.
« Monsieur, il est l'heure.
- J'arrive mon garçon. »
L'enfant me lance un grand sourire et part en courant. Cela ne fait qu'un an que nous l'avons recueilli, et il a déjà retrouvé le sourire. Ce fait me réchauffe un peu mon cœur froid. Depuis dix ans, ma principale préoccupation, après la traque des assassins de mon amant, a été de recueillir les enfants battus, abandonnés, violés. Pour la plupart, je n'avais qu'à tuer les têtes pensantes de trafic d'êtres humains au Japon. Cependant, d'autres étaient dans mon cas. Des parents héros, aucune échappatoire, aucun moyen de hurler la vérité. Alors, on leur proposait une autre vie, à la sortie des écoles.
L'organisation a vite ressemblé à une garderie plutôt qu'à une alliance de personnes marginales.
Je sors de mon bureau et m'avance dans le couloir. Sur ma droite, je prends la première porte que je vois et arrive dans une pièce remplie d'une foule dense. À mon arrivée, tous se turent. Dabi s'approche de moi, et me murmure quelques mots à l'oreille.
« Je crains que Jinco ne puisse pas faire partie du plan. Il a eu quelques soucis avec des héros, il récupère de ses blessures dans la popotte.
- Je vois. Combien de pertes de l'autre côté ?
- Deux des trois héros sont morts, le dernier est gravement blessé. C'était Eraser Head. On ne l'aura pas dans nos pattes pour l'opération.
- Super. J'irai le voir pour le féliciter avant d'y aller. »
Je monte sur l'estrade que l'on a installée précédemment et regarde la foule, attentive à chacun de mes mouvements. Les enfants ont grandi. Tout comme nous tous.
« Bonsoir à tous. Tout d'abord, je vous remercie d'être présents aujourd'hui. Comme vous le savez tous, cela fait deux ans que l'on prépare cette opération. Tout le monde participera à sa manière. Ainsi, la première section s'occupera de l'appui et de la gestion de celle-ci. Le groupe A sera aux transmissions. Le groupe B restera à la base pour s'occuper des potentiels blessés. Le groupe C fera le lien entre le lieu de l'opération et la base en ramenant les blessés. Des questions pour la première section ? »
Les concernés, bien que grimaçant, acceptent leur mission. Je peux comprendre qu'être à la radio et s'occuper des blessés peut être lourd, surtout lorsque l'on aime être sur le terrain.
« Bien. La deuxième section s'occupera de préparer le terrain. Je veux que vous évacuiez les civils aux alentours du bâtiment. Faites sonner les alarmes incendies des bâtiments aux alentours et dégagez les lieux. Par conséquent, vous devrez être à minuit sur les lieux. Une fois cela réalisé, vous nous donnerez le signal pour attaquer. Vous vous occuperez également du ravitaillement des armes. Je ne veux pas qu'un seul homme ou qu'une seule femme soit à court de munition durant l'opération. C'est clair ? »
Le responsable de la section m'affirme que tout était clair.
« Enfin, la troisième section sera en charge de l'assaut. Le groupe A s'occupera du rez-de-chaussée et du premier étage. Le groupe B, lui, nettoiera le deuxième étage. Le groupe C s'occupera du troisième et dernier étage. Des questions ?
- Vous venez avec nous ? »
La question de la jeune fille aux yeux rouges, notre spécialiste dans les armes légères depuis neuf ans, me fait sourire.
« Je serai le chef du groupe C. Dabi s'occupe du groupe B, et Stain du groupe A. Lorsque l'un des groupes aura terminé le nettoyage, qu'il rejoigne ceux qui ont encore du mal. Rappel : je veux que vous mettiez un réveil à deux heures cinquante, pour quitter les lieux à trois heures pétantes. Après cela, les renforts seront prévenus car le système de sécurité se redéclenchera. »
Un silence pesant s'abat sur la pièce. Chaque camarade me regarde, et je regarde chacun et chacune de mes camarades.
« La section 1 sera aux ordres de Elohim, et la deuxième section, aux ordres de Layto. Des questions ? »
Elohim est une jeune fille de mon âge. De longs cheveux noirs décorent son visage, et ses yeux bleus, malgré leur douceur, terrifie chaque adversaire lorsqu'elle se bat. Je sais qu'avec son sang froid et sa capacité à diriger les troupes, elle sera efficace à la base, surtout si on se fait attaquer ici ou s'ils remontent à nous. Layto, lui, est un homme d'une trentaine d'année. Doux comme un ours, mais tranchant comme une lame. Sa spécialité, lui, c'est de repérer les pièges, les mines et les équipements dangereux chez les ennemis. Enfin, c'est son alter, je veux dire.
« Bien. Rendez-vous au sous-sol pour s'équiper. Section 1, les radios sont au deuxième étage. Je veux qu'à une heure du matin, l'opération ait débuté. Notre objectif est d'éliminer les héros écrits sur la liste que je vous ai envoyée hier. Si d'autres s'interposent, mettez-les hors d'état de nuire. S'ils persistent, vous avez l'autorisation de tuer. »
La foule s'agite. Elohim emmène sa section au deuxième étage, tandis que la seconde et la troisième section se dirigent vers le sous-sol pour s'équiper en munitions, en armes, et en équipements. Dabi se rapproche de moi.
« Cela aura été compliqué, de les repérer. Mais on a réussi.
- Oui.
- Que vas-tu faire, après les avoir tués ?
- Je n'y ai jamais vraiment songé. J'ai l'impression que je ne reviendrai pas de là-bas.
- Dis pas de bêtises. Les gosses t'aiment bien, ils te prennent comme modèle. Alors reviens, imbécile. »
Il m'ébouriffe les cheveux, et je rage face à cela. Lui, il ne met pas vingt minutes à ranger chaque mèche de ses cheveux. Face à ma réaction, il pouffe de rire et Stain en remet une couche.
« Ne te prends pas la tête, gamin. Fais ce que tu as à faire. Tu es né pour purifier ce monde, j'en suis persuadé. »
J'ignore la raison pour laquelle ils me considèrent encore comme un enfant, même dix ans plus tard. Je soupire et essaie de réparer les dégâts que ces deux monstres ont causés à mes cheveux, et je pars m'équiper dans mon bureau. De mon armoire, je sors mon uniforme imperméable aux flammes et à la glace, ressemblant au costard que je porte actuellement. Je mets un gilet pare-balle dessous et l'enfile rapidement. Je mets mes gants amplificateurs d'alter, qui me servent à créer des flammes plus véhémentes et de la glace plus destructrice. Notre manager à la section de soutien fait des merveilles. Ensuite, j'accroche à ma ceinture mon couteau et deux pistolets automatiques non-chargés. Je glisse les chargeurs dans des poches à l'avant de mon torse, ainsi que quelques grenades à main offensives.
Puis, je me regarde longuement dans la glace, et mes pensées s'envolent.
Depuis Izuku, je n'ai jamais vraiment aimé quelqu'un d'autre. J'ai fait l'amour à quelques personnes que je connaissais bien. Mais contrairement à Izuku, jamais mon cœur n'a explosé quand j'ai vu leurs visages déformés par le plaisir. Il n'y avait rien. J'ai essayé, pourtant. De tourner la page. De trouver quelqu'un pour qui vivre. Mais plus j'avais de sang sur les mains, et plus je me convainquais que je ne le méritais plus.
Mon père est mort il y a trois ans, à la suite d'une de nos attaques visant des milliardaires proxénètes. Cela ne m'étonnait même pas, qu'il soit installé près de ces sales types. Lors de ses derniers instants, je l'ai fixé et lui ai souris. Je me suis délecté de son agonie pendant de longues minutes. Ses râles de souffrance, ses larmes. J'ai aimé voir tout cela. Cela m'a même fait rire. Peut-être que la souffrance m'a rendu mauvais. Ou peut-être est-ce seulement humain ? Ses derniers mots furent « je t'ai conçu pour être le plus grand des héros, et voilà que tu es devenu un monstre ». Quel culot, quand même. Pendant sept ans, j'ai disparu. Il ne m'a jamais cherché. Il n'a même pas demandé ce que j'avais fait, si j'allais bien. Non. Il a seulement constaté l'échec de la mission qu'il s'était fixé. Et j'ai adoré voir cela.
Je baisse les yeux sur mes mains gantées. Quand je les retire, je les vois rouges. Rouges à cause du sang qui a coulé par ma faute. Parfois, je regrette. D'avoir tué tous ces gens. Il m'arrive de refaire des crises d'angoisse et d'imaginer le visage colérique de Izuku, s'il apprenait tout ce que j'ai fait. Tous ceux que j'ai tués. Mais je n'ai jamais ôté une vie qui méritait de vivre. Certes, cela n'excuse pas le meurtre. Mais cela me permet de garder la conscience tranquille, tout du moins durant mes missions. S'il faut que je me sacrifie pour rendre le monde meilleur, alors j'accepte de descendre aux enfers pour que plus personne n'y aille. Je me recoiffe et pense à tous ces enfants qui m'admirent. Je pense à eux et ne peux m'empêcher de me dire qu'ils ont tort de m'observer comme cela. Si je peux les sauver des ténèbres desquelles je ne peux échapper, alors ça me va. Je suis prêt à devenir le monstre que je suis sensé devenir.
Je quitte mon bureau et me dirige vers une certaine pièce du premier étage. Je ne croise personne, puisque tous mes camarades sont sensés s'équiper au sous-sol. J'entre dans la popotte et aperçois Jinco allongé sur un canapé, en face du baby-foot. Il est mal en point. Le bras en écharpe, la cheville plâtrée ; j'aperçois ses vêtements trempés de sang sur la table.
« Jinco, mets tes fringues sales ailleurs, ça va être une calamité à nettoyer après. »
Mon camarade explose de rire, mais tousse juste après face à ce rire soudain. Je me pose devant lui et le détaille. Ce fut mon premier amant, après Izuku. Et le premier à avoir embrassé chacune de mes cicatrices pour me prouver qu'elles n'étaient pas laides.
« C'est comme ça que tu accueilles le guerrier, de retour au foyer ?
- Mais oui. Tu veux une bière ?
- Tu sais bien que je ne peux rien te refuser, chef. »
Je sors deux bouteilles de bière blonde du frigo et lui en tends une. Puis, je m'assoie à côté de lui, alors qu'il se redresse.
« Ils m'ont donné du fil à retordre. J'ai un poumon qui a failli être perforé, et je ne sais pas si je pourrai bouger mon bras à nouveau. J'ai eu Uravity, Air Jet, mais je n'ai pas pu achever Eraser Head.
- Le principal, c'est que tu sois vivant et que Eraser Head ne nous gêne pas cette nuit.
- Oh, Todoroki Shouto s'inquiète de mon état ? »
D'un regard entendu, il me lance un de ses sourires ravageurs alors que je lève les yeux au ciel. Je bois ma bouteille d'un trait.
« Je vais te laisser te reposer, il faut que j'aille me préparer.
- Je suis déçu de ne pas pouvoir y participer. Je sais que ça te tient à cœur.
- Tu es fort Jinco, mais pas indestructible. Tu seras plus utile ici, à te soigner et à aider les jeunes à utiliser les radios, que sur le terrain. Tu serais un poids mort.
- Argh je sais bien, pas la peine de me blesser comme ça !»
Sa longue chevelure de jais est encore gorgée de sang, car je vois quelques gouttes couler le long du canapé.
« Va te laver, t'as encore du sang plein les cheveux.
- J'aimerais bien, mais j'ai besoin d'aide... »
Un petit rire s'échappe d'entre mes lèvres, alors que ses yeux gris me fixent d'une lueur perverse.
« Demande à quelqu'un d'autre, je dois y aller.
- Dommage... »
Je lance la bouteille vide dans la poubelle à quelques mètres de là, et me lève pour quitter la pièce. Soudain, mon ami m'interpelle et je me retourne vers lui.
« Si tu y meurs, je descends aux enfers pour te ramener ici par la peau de ton joli petit cul.
- Tu n'auras pas à faire tant de chemin, tu sais que je reviens toujours. »
Je lui lance un sourire et passe le pas de la porte, en lui souhaitant de se remettre rapidement de ses blessures. Je descends avec hâte au sous-sol. Il est vingt-deux heures trente-quatre. La première section semble avoir fini de s'approvisionner, la deuxième est presque complète. Certains équipent leurs radios portatives dans leur dos, d'autres ajustent leurs protections. Peu de temps après, ma section perçoit les radios portatives, les kits de soin d'urgence et une grenade à main défensive, dans le cas où les ennemis seraient sur le point de nous achever. Dans ce cas, on a juste à l'activer et tout part. Tous les ennemis dans un rayon de maximum deux-cents mètres disparaissent. Notre corps également.
J'équipe ma radio portative dans mon dos. Ce petit bijou ne nécessite que d'un émetteur, que l'on met dans notre dos pour ne pas être gêné, et l'on est directement connecté au canal que la radio centrale sélectionne. Ainsi, on est connectés avec tous ceux en possédant une. De plus, si l'ennemi l'obtient, elle se détruit automatiquement. Elle ne fonctionne qu'au contact de la personne pour laquelle elle a été programmée. Si elle ne sent plus de rythme cardiaque, elle se désactive également. Un petit bijou créé encore par notre section de soutien.
J'aperçois la deuxième section qui commence à partir, groupe par groupe, pour préparer le terrain. La première section, de son côté, part au rez-de-chaussée ; d'une part pour préparer l'infirmerie et le matériel de soin, mais également pour préparer la radio centrale. Il n'y a plus que nous, la troisième section. Un par un, je regarde les hommes et les femmes qui sont avec moi. La plupart d'entre eux ont un alter offensif et des qualités exceptionnelles dans le combat rapproché et à distance. Je mets la montre sensée régler précisément chaque étape de l'opération à mon poignet. Plus qu'une heure, et nous nous mettrons en route.
Ceux qui vont pour la première fois sur le terrain semblent un peu nerveux. Les habitués trépignent d'excitation. Cela me rappelle cette diablesse d'Himiko Toga. Elle fut la première personne que j'eusse assassinée, il y a neuf ans. Elle était si étonnée de me voir vivant qu'elle n'a pas vu le coup venir. J'aurais voulu la faire autant souffrir que j'ai souffert, à la suite de la perte d'Izuku. Mais à l'époque, j'avais le cœur trop tendre. Par conséquent, elle est morte rapidement, presque sans douleur. Il m'arrive de le regretter. Pas de l'avoir tuée, au contraire. Parfois, je regrette de ne pas l'avoir tuée plus lentement.
Pendant l'heure qui suit, je réunis mon groupe autour d'une carte du troisième étage que nous allons attaquer, pour positionner chacun et chacune dans l'étage. Je leur indique également les issues de secours qui seront dégagées par la deuxième section. Notre organisation étant séparée en trois sections d'une cinquantaine de membres, le groupe C est composé de 17 personnes. Je connais chaque prénom, chaque anniversaire, chaque passé, chaque motivation. Je les connais comme s'ils étaient ma propre famille. Ces jeunes et ces moins jeunes, ces assassins et sauveurs du peu d'humanité qui subsiste dans ce monde, ces anges aux mains tâchées de sang.
Parfois, je regrette de n'avoir à leur offrir qu'un futur si pourpre.
Le temps passe. J'essaie de rassurer ceux qui angoissent, et essaie de calmer les ardeurs de ceux qui veulent déjà foncer tête baissée. J'intercepte également les messages de Layto, le chef de la section 2, qui me tient au courant de l'avancée de sa mission. Pour l'instant, il a évacué trois bâtiments sur cinq et a mis les civils à l'abris, non sans interrogations ni protestations.
Le pire, dans ces moments-là, c'est l'attente. Je ne suis qu'à quelques heures d'avoir ces connards en face de moi. Ceux ayant commandité le meurtre de l'amour de ma vie. Je ne suis qu'à deux doigts de pouvoir les tuer comme les pauvres chiens qu'ils sont, mais je dois attendre le moment venu. L'adrénaline coule déjà dans mes veines, alors que j'explique plus précisément le plan à ceux et celles ayant moins compris que d'autres. Mes doigts tremblotent d'impatience, mais après quelques respirations contrôlées, j'arrive à effacer ce signe de hâte.
Soudain, j'entends la voix de Layto dans la radio qui m'annonce que la zone a été sécurisée et vidée de civils. C'est un sourire aux lèvres que je me tourne vers ma section, qui semble impatiente, elle aussi, d'engager les hostilités.
« On a le feu vert. Mettons-nous en route. »
Nous passons par l'un des souterrains menant au centre-ville. Le groupe A ouvre la marche. Stain marche devant, seul, alors que son groupe le suit en deux colonnes. Les deux autres groupes ont imité le premier et, pour ma part, je ferme la marche à l'arrière. Le souterrain est humide, froid et sombre. Le silence appuie chaque bruit de pas que l'on fait collectivement, comme une armée marchant au pas. Pour ma part, je mets un masque sur mon visage pour ne pas être reconnu. Je suis sensé avoir disparu de la circulation, alors avec mon physique atypique, on pourrait me reconnaître facilement.
Une vingtaine de minutes plus tard, nous sortons du souterrain en face de notre cible. C'est le bâtiment où les héros professionnels font leurs réunions. Pourquoi l'attaquer de nuit ? Il y a un an, un de nos hommes a infiltré le groupe des salauds qui ont fait tuer Izuku. Les nuits, ils se réunissent ici pour parler de leurs affaires, sans que les autres héros ne soient au courant. Le groupe A entre par la porte principale, devant s'occuper du rez-de-chaussée et du premier étage. Mon groupe et celui de Dabi passent par les voies de secours qui mènent au deuxième et au troisième étage.
« Section 3, ici groupe A. Tout le monde est en position. Parlez.
- Section 3, ici groupe B. Tout le monde est prêt. Parlez.
- Section 3, ici groupe C. Lancez l'attaque. Terminé. »
Chacun et chacune de mes camarades sont postés où il faut. J'ai pris le troisième étage car c'est l'endroit où les réunions ont lieu. Je peux voir de la lumière émaner de la pièce principale. Je prends la moitié de mon groupe avec moi, tandis que l'autre moitié fait le tour pour empêcher toute fuite. J'ouvre silencieusement la porte, de manière à pouvoir y glisser une grenade fumigène. Pas incapacitante, mais j'aurais pu. J'aimerais qu'ils puissent voir mon visage quand ils vont mourir. J'aimerais qu'ils puissent me reconnaître et regretter leur existence. Au bout de quelques secondes, j'entends la grenade relâcher le gaz, et quelques voix surprises émanent de la pièce. Je fais un compte à rebours avec mes doigts pour mon groupe. Une fois celui-ci atteint, je défonce la porte et sors un couteau cranté de ma poche, le sourire aux lèvres.
Ils sont tous bien là. On a de la chance, aujourd'hui. Habituellement, il en manque toujours un ou deux. Je me jette sur le premier gros que je vois, alors que mes camarades prennent la pièce d'assaut. Il hurle et, rapidement, je plante mon arme dans son ventre volumineux. L'avantage, avec les couteaux comme ça, c'est lorsque l'on retire la lame. Avec les crans, tout le contenu de l'abdomen sort d'un coup, ce qui provoque une mort lente et douloureuse. Il crie dans mes oreilles comme un porc que l'on égorge, si fort que je crois que je vais devenir sourd. Je le laisse tomber au sol, et aperçois chacun de mes camarades s'occuper de ces héros déchus. Mais ils ne sont pas aussi cruels que moi. Certains les assomment avant de les tuer, d'autres se contentent de les assassiner d'une balle dans la tête.
C'est dans ce ballet ensanglanté que je me sens pleinement moi. Je danse au-dessus des cadavres, plante, saigne, esquive les attaques désespérées. Le meilleur, c'est lorsque certains pensent avoir réussi à s'en sortir, en se cachant ou en faisant le mort. Il me suffit de brûler les corps pour rattraper ces idiots et m'amuser encore un peu.
« Section 3, ici groupe A. À couvert, un idiot vient de lancer une grenade ! »
À l'entente de ces mots, je me dépêche de créer une barrière de glace entre nous et le sol, et juste après avoir couvert mes oreilles avec mes mains, une explosion retentit. Le bâtiment s'effondre avec nous dedans. Les cadavres tombent et glissent le long du sol, et ma glace amortit notre chute. Les murs sont tombés. À présent, nous tuons au clair de lune. Des bras désarticulés sortent des ruines du bâtiment.
« Section 3, ici groupe C. Mon groupe est indemne. Demande rapport. Parlez.
- Ici groupe A. On a réussi à tous sortir avant que cela n'explose. Il y a un élément perturbateur, trop fort pour nous. Il avance vers vous. Parlez.
- Section 2, on arrive pour évacuer les blessés. On arrive à retenir la police pour le moment. Parlez.
- Ici groupe B. Trois de mes hommes sont sous les décombres, probablement morts. Terminé. »
Je regarde ma montre. Cela fait déjà une heure trente que l'opération a débuté. Le temps passe beaucoup trop vite, lorsque l'on s'amuse. Mais la mission est accomplie, bien plus rapidement que je ne l'avais prévu.
« Ici groupe C. Commencez à rapatrier les blessés. Mission terminée. Ceux qui sont en forme peuvent rester pour s'occuper des indésirables, achever les potentiels survivants ou récupérer les corps de nos camarades. Partez dès que vous avez fini. Terminé. »
Les légers blessés de mon groupe, sous mes ordres, prennent ce qu'il reste de l'issue de secours et aident les blessés plus graves à marcher vers le souterrain, celui-ci étant protégé par la section 2.
« Section 1. On accueille les premiers blessés. Terminé. »
J'avance prudemment sur ces ruines, achevant les quelques hommes qui gesticulent encore. Peu importe qui essaie de jouer les héros, il finira comme cela également. Soudain, la voix surprise de Dabi fait écho dans mes oreilles, et je fronce les sourcils. Il n'est jamais surpris.
« Dabi, que se passe-t-il ?
- Rien, j'ai cru avoir aperçu un fantôme. L'élément perturbateur est dans ma zone. Quatre personnes de mon groupe sont en train de le battre, mais ils se font balayer. Section 2, on a besoin de vous pour les ramasser.
- Section 2, reçu. »
Curieux, je laisse mon groupe finir le travail et enjambe le semblant de murs qu'il reste. Au loin, je vois mon frère, entouré par ses flammes bleues, combattant un type qui semble très agile avec ses jambes. Je vois tout son groupe à terre, et les quelques-uns ayant encore la force de marcher essaient de fuir la zone en emportant le maximum de blessés avec eux.
« Groupe C, rapatriement d'urgence. Que tout le monde quitte les lieux.
- Shouto, si tu crèves je te tue ! »
La voix de Jinco résonne dans mes oreilles, et je suis étonné de l'entendre. Il doit probablement soutenir Elohim à la radio. Je me sers de ma glace pour glisser jusqu'à la scène de combat et, sous la surprise, j'arrive à entailler l'ischio-jambier de celui qui veut jouer les héros. Il hurle sur le coup de la douleur et se retourne vers moi. Je ne peux pas voir son visage, mais je devine la tête qu'il doit faire. Un mélange de douleur, de colère et d'envie de tuer. Comme tous les êtres humains. Du coin de l'œil, Dabi semble très mal en point. Malgré ses flammes dansantes, son corps tient à peine debout. Ses yeux gonflent à vue d'œil, il a des contusions un peu partout. Du sang coule le long de sa bouche. Je vois Haruka, qui était dans le groupe de Dabi, se relever parmi les décombres.
« Haruka, prends-le avec toi !
- Hors de question, je reste avec toi.
- C'est un ordre, tu pars avec les blessés. »
Haruka le prend sur son épaule et avant que le pseudo-héros ne leur fonce dessus, il utilise son alter et disparaît. Ce n'est pas vraiment le même que Black Mist. Il crée deux portails en même temps, mais sur une courte distance. Je les aperçois devant le souterrain.
« Shouto, je te déteste !
- Je peux le gérer tout seul. Terminé. »
Le type fonce sur moi et essaie de me donner des coups de poing, que j'arrive à parer plutôt facilement. À la suite d'une esquive, je lui assène un coup de pied enflammé dans le dos, et j'entends encore sa voix criarde. Il fait quelques mètres devant moi, essayant de récupérer son souffle.
« Pourquoi vous faites ça ?
- Rien qui te regarde. Pourquoi continuer à vouloir te battre ? Notre mission est terminée.
- Car c'est mon devoir en tant que héros, d'arrêter des monstres comme vous. »
Sa réplique me fait doucement rire, alors que je sors un couteau à double tranchant de ma ceinture. Quand je sors mes deux couteaux, c'est que je veux soit vite finir, soit m'amuser davantage. Là, c'est un mélange des deux.
« Si seulement le monde pouvait être aussi manichéen que tu le décris, je ne serais pas là, devant toi, au-dessus de cette montagne de cadavres. »
Sur ces mots, il s'avance en boitant vers moi. Il lève son poing au-dessus de son épaule pour me frapper, et c'est en soupirant que je me prépare à le bloquer. Cependant, il s'arrête avant de me toucher et un vent surpuissant me fait tituber, et brise le masque que je portais. Je peste et profite de la situation pour lui trancher le ventre, mais il recule juste à temps. Je n'ai pas pu toucher les organes vitaux, mais je vois du sang tâcher son costume ; preuve que je l'ai quand même touché.
Je me débarrasse des débris de mon masque en pestant, alors qu'il s'immobilise devant moi.
« Shouto, tu en es où ? Tout le monde est dans le souterrain.
- J'arrive dès que j'ai une ouverture. »
Je redresse la tête, alors que mon adversaire semble paralysé par mon visage. Je soupire face à cette réaction qui me semble exagérée.
« Shouto... ?
- Tu me connais ? Etonnant, je n'ai pas fait parler de moi pendant dix ans. Tu es quoi, un ancien camarade ? Ce n'est pas pour ça que je ne te tuerai pas. »
Puis, il pose ses mains sur son masque et le retire. Mon cœur loupe un battement.
Des yeux vert émeraude me fixent, larmoyants, soulignés par une myriade de tâches de rousseur. Ses cheveux sombres et bouclés surplombent son front, et quelques mèches rebelles tombent sur son visage fin. Il est devenu plus grand que moi, plus musclé. Plus héroïque dans sa démarche.
Mon cœur s'arrête.
« Izuku ? »
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